Charles-Marie-Gabriel THOMAS Les Procès de sorcellerie et suggestion hypnotique. Cour d’appel de Nancy. Audience solennelle de rentrée du 16 octobre 1885. Discours prononcé par M. G. Thomas, substitut du procureur général. Nancy, Vagner, imprimeur de la Cour d’Appel, 1885. 1 vol. in-8°, 47 p.
[Référence : B. n. F. 8- LF112- 1310 – Robert Yve-Plessis, n°1198.]
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COUR D’APPEL DE NANCY
EXTRAIT
DU REGISTRE DES DÉLIBERATIONS
Ce jourd’hui, Vendredi, seize octobre mil huit cent quatre-vingt cinq, la Cour d’Appel de Nancy, sur la convocation de M. SERRE, Premier Président, s’est réunie en robes rouges, à l’effet de procéder à son audience solennelle de rentrée.
A onze heures du matin, Elle entrait dans la grande salle où se trouvaient déjà réunies les principales autorités militaires, civiles et religieuses de la ville, MM. les Membres du Tribunal [6] de première instance, des diverses Facultés, du
Tribunal de Commerce, les Juges de Paix, le Président du Conseil de Prud’hommes, les Membres du Barreau, de la Compagnie des Avoués, de la Chambre des Notaires, des Bureaux d’Assistance judiciaire, à qui avaient été adressées des invitations au nom de la Cour, et qui avaient été placés par MM. les Maîtres des Cérémonies.
M. le Premier Président a déclaré la séance solennelle ouverte et donné la parole à M. le Procureur général.
M. THOMAS, Substitut désigné pour faire le discours de rentrée, l’a prononcé en ces termes :
Monsieur le Premier Président,
Messieurs,
L’étrangeté apparente de phénomènes pathologiques récemment étudiés et mis en lumière, reportent l’esprit vers des manifestations analogues qui se produisirent au Moyen-Age, pour reprendre au XVIe siècle et au XVIIe [p. 7] siècles une intensité nouvelle. Les hommes de ces temps observèrent et crurent comprendre les effets de la sorcellerie, en s’inspirant des principes qui dirigeaient alors la pensée. Le danger social né de ces accidents bientôt multipliés, provoqua des mesures de défense; ce fut, en réalité, une impitoyable répression. Traqué et réduit, le mal disparut ; quelques procès au commencement du XVIIIe siècle éveillent les derniers échos de ces clameurs de haine soulevées par l’effroi ; puis, le souvenir des générations nouvelles ne se tourna plus sans dédain vers ce délire, où l’on ne vit que le résultat de superstitions surannées.
Aussi, de tous les faits dont le passé nous a laissé la mémoire, s’en trouve-t-il peu dont le renom soit plus populaire que la sorcellerie ; peu, cependant, qui demeurent en réalité moins connus.
Faudrait-il donc admettre, que tant d’hommes, au cours des âges, eussent été dupes d’une pure chimère, et qu’à l’époque même de Descartes et de Pascal, la seule superstition eût égaré les esprits au point d’imprimer un nouvel élan à ces déplorables rigueurs ?
Ou bien, au contraire, les témoins d’un mal réel, abusés sur ses causes et son caractère, cherchèrent-ils à le combattre par des moyens étrangers à sa nature ?
Quel fut le crime, enfin, l’illusion ou le délire de ceux qui succombèrent ?
Sans qu’il me fût permis de prétendre résoudre un tel problème, il m’a paru digne de votre attention, de rechercher dans les trop nombreux procès de sorcellerie les éléments constitutifs de cette accusation, pour les rapprocher des résultats qu’ont donnés certaines observations contemporaines.
L’homme a toujours ressenti une invincible ardeur à [p. 8] pénétrer les secrets de la nature, dont ses sens limités lui interdisent l’accès. L’amour inné du merveilleux et le charme même des choses réputées défendues, un désir curieux ou le besoin de croire, l’orgueil enfin et la pensée de se voir ou seulement de paraître investi de privilèges mystérieux, telles ont été tour à tour les causes psychologiques de l’attrait qu’ont exercé sur les peuples les prestiges de la magie.
Toutefois, ces mobiles eux-mêmes ne suffisent pas à expliquer des faits dignes d’éveiller la surprise, qu’ont attestés cependant des hommes éclairés et dont le témoignage ne saurait être suspecté. Certains mystères des religions antiques, les vœux extravagants des fakirs indous et le pouvoir fascinateur qu’ils s’attribuent, en offriraient peut-être d’intéressants exemples.
Ce serait excéder notre sujet que de nous arrêter à ces questions et d’en rattacher la solution à l’examen de manifestations analogues, constatées autrefois dans nos régions. Depuis son origine, il est vrai, l’homme a subi la séduction des choses et des sciences occultes : partout, il a cru découvrir dans certains symptômes une origine sacrée et des caractères surnaturels.
Mais ces phénomènes universels empruntèrent à chaque époque le trait particulier qui la caractérise. C’est ainsi que la sorcellerie apparut au Moyen-Age, et prit son développement du XIIIe au XVIIe siècles, sous l’empire des misères physiques, des souffrances morales, des préoccupations et des rêves de ces âges si troublés.
De tous les temps de notre histoire, le plus triste, le plus sombre est bien certainement le XIVe siècle. La guerre de Cent-Ans commence, et déchaîne à la fois sur notre malheureux pays tous les fléaux qui peuvent accabler l’humanité. Aux désastres militaires viennent [p. 9] se joindre bientôt les luttes civiles. L’impuissance du pouvoir central favorise une extension inouïe du brigandage : les Grandes Compagnies ravagent le territoire national. Partout où sont passés tour à tour les armées étrangères et les pillards sans patrie, les villes sont dépeuplées, les campagnes transformées en désert : de telles épreuves attirent du fond de l’Asie la peste noire, qui, durant trois années, enlève à l’Europe le tiers de ses habitants. La famine, les privations sans nombre, les exactions qui suivent les premiers revers de la guerre contre les Anglais, frappent de vertige les paysans. L’épidémie frénétique des Flagellants répand la terreur, tandis que les Jacques assouvissent dans le sang et le pillage une ivresse de haines longuement amassées.
C’est au moment où les esprits étaient à ce point ébranlés, que partout, en Allemagne, en France, en Espagne, la débauche, la cruauté, la démence enfin avilissent et paralysent tour à tour les chefs des nations : et quand les peuples, perdus de misère, cherchent au moins un appui dans leurs croyances, et se tournent vers les guides de leur foi, ils les voient s’engager dans les incertitudes du grand Schisme d’Occident, implorer l’appui des lois, et, pour satisfaire des intérêts temporels, se renvoyer l’anathème.
Il semble qu’alors le monde a désespéré.
A l’excès des souffrances qui affaiblissent la race (1) et favorisent l’apparition de maladies inconnues (2), s’ajoute le dissolvant du doute, qui décompose le monde [p. 10] féodal, et détruit les anciennes assises de la pensée.
Dans ce général écroulement, l’esprit des humbles et des faibles chancèle : les angoisses réelles engendrent le rêve des persécutions chimériques : l’imagination pervertie se détourne du ciel qui se ferme, et fait appel aux puissances du mal, dont l’œuvre paraît enfin l’emporter. C’est du sein de ces calamités séculaires que surgit la Sorcière : les misérables se donnent à Satan, qui se révèle et s’incarne : pour la première fois, un procès de Toulouse, en 1353, dénonce les mystères du Sabbat.
Tels sont, Messieurs, les traits rapides du tableau dont l’examen doit expliquer les caractères, particuliers au Moyen-Age, de la sorcellerie : ce fut, à proprement parler, le culte du diable, inspiré par un délire morbide. A peine eût-il pris cette forme déterminée, le mal se répandit avec une effrayante rapidité : l’épidémie démoniaque, qui devait durer trois cents ans, envahit les campagnes, dont la solitude favorisait les troubles de l’imagination : et c’est ainsi que les superstitions antiques, les sortilèges de tous temps consacrés par la crédulité, et, sous l’ombre de ces chimères redoutées, des pratiques parfois criminelles vinrent se grouper et prendre corps.
Là, Messieurs, se trouve sans doute la clé de ces divergences singulières, Soulevées entre les auteurs, historiens, jurisconsultes et médecins, qui de nos jours ont étudié cc problème du passé.
Devons-nous voir dans la sorcière « l’aide et la sœur de la nature (3) » : dirons-nous que son rôle a été tout [p. 11] d’humanité et de généreux dévouement (4) ? Poursuivait-on seulement dans ces répressions trop souvent sanglantes la satisfaction de haines publiques ou privées (4) ? Des crimes furent-ils commis à la faveur de dangereux secrets ? Ou bien enfin la sorcellerie n’est-elle qu’une forme d’aliénation mentale, et ses œuvres n’ont-elles d’autre réalité que celle d’un impuissant
délire ?
Ces différents points de vue ont tour à tour guidé les recherches, et inspiré les appréciations. Peut-être chacun d’eux est-il trop absolu : les aspects si divers de la démonolâtrie semblent d’ailleurs peu compatibles avec une explication simple. S’il ne nous est point permis de suivre dans leurs détails
les innombrables procès qui naissent au XIVe siècle, se multiplient au XVIe, épouvantent même encore les deux siècles suivants, du moins l’examen des faits que ces procès constatent, et des prétendus maléfices qu’ils ont pour but de réprimer, nous permettra-t-il de déterminer les caractères essentiels de la sorcellerie, et de discerner ce qu’il y a de réel dans ces phénomènes.
Aux termes des nombreux traités de démonologie, manuels des exorcistes et des juges, et d’après les procédures même qui nous sont parvenues, l’état de sorcière commence par un pacte diabolique. Le plus souvent, une malheureuse, livrée à l’abandon, affaiblie par les privations, hantée par une idée fixe, curiosité ou vengeance, voit, dit-elle, apparaître Satan, qui lui propose l’alliance. Elle lui rendra hommage, reniera sa foi et délaissera le culte. De son côté, le diable livre à la [p. 12] sorcière certaines graisses et des poudres de couleurs différentes : il lui enseigne des breuvages magiques : à l’aide de ces drogues et de formules mystérieuses, elle aura le pouvoir de faire des maléfices.
Cet engagement revêtait un caractère plus solennel lorsqu’il était conclu pendant les cérémonies du Sabbat. Parfois aussi, le pacte résultait simplement d’un appel aux puissances infernales.
Enfin, on naissait sorcière (6), transmission héréditaire remarquable, et constatée par les commentateurs.
Il n’est pas moins utile d’observer qu’il y eut toujours beaucoup plus de sorcières que de sorciers (7).
L’explication de ce fait serait aujourd’hui facile : mais les auteurs du XVIe siècle se répandaient à ce sujet en considérations singulières qu’il est hors de propos d’indiquer. Cependant Bodin, dans son Traité de la Démonomanie, donne ce motif que, « par son naturel impotent, la femme brûle d’un appétit de vengeance incroyable, et ne peut tenir sa langue si elle a puissance de nuire : et si, ajoute-t-il, après ses menaces, la mort s’ensuit, c’est une présomption très violente en tous crimes, et nécessaire en celui-ci (8). »
La sorcière, se voue donc au démon pour avoir la [p. 13] puissance de nuire ; et non, certes, pour s’enrichir, car les malheureuses n’en tiraient guère profit (9).
L’usage des maléfices était en outre pour elles une stricte et rigoureuse obligation ; si elles s’abstenaient de mal faire, une obsession satanique les y contraignait (10).
Les œuvres de sorcellerie ne sont pas moins curieuses à passer en revue
On discutait encore au XVIIe siècle, si les suppôts du démon pouvaient répandre la stérilité et faire périr les récoltes. Cette superstition, aussi ancienne que les sociétés humaines, et dont s’inspiraient plusieurs dispositions de la loi des XII Tables et des Pandectes (11), trouvait son aliment dans les menaces comme dans les aveux des sorcières. En battant l’eau des mares, elles soulevaient les tempêtes, produisaient les brouillards et la grêle, en répandant leurs poudres dans les champs, elles détruisaient les grains (12). Au moyen de charmes et de conjurations, le bétail était frappé de langueur ou périssait.
Le plus souvent elles cachaient leurs drogues sous le seuil de l’étable : aussi démontre-t-on par là que ce n’est pas la force du poison, trop profondément enterré, mais [p. 14] le vouloir du diable, qui est la vraie cause du mal (13).
Nicolas Remi parle d’incendies allumés par maléfices (14).
Cette action magique s’exerce même sur les hommes, et principalement sur les méchants (15). Le sort se communique par des poudres, par des conjurations (16), ou par le simple contact. Certains animaux étaient recueillis et employés dans l’œuvre satanique Bodin cite, non sans horreur, des sorcières trouvées à Compiègne, à Laon, à Soissons, nanties de crapauds, dont elles usaient ainsi : « ce qui, a-t-il soin d’ajouter, semblerait ridicule, si on ne voyait tous les jours l’expérience de chose semblable (17). » La victime était atteinte de maladies bizarres, ou d’une prostration qui entraînait rapidement la mort.
Satan enjoignait surtout à ses complices de faire faillir les enfants au baptême. « Il n’y a, disent les auteurs, rien plus ordinaire à la sorcière, que de meurtrir les enfants (18). » [p. 15]
Si prise de remords, elle cherchait à guérir ou à réparer le dommage, son maître lui adressait les reproches les plus terribles, ou la maltraitait cruellement (19). « Ainsi confessèrent les sorcières brûlées à Poitiers, l’an 1564, avoir fait mourir plusieurs bêtes et hommes, et disaient pour excuse qu’il n’y avait autre moyen de sauver leur vie, car le propre naturel de Satan, c’est détruire, perdre et ruiner (20). »
Je me borne à rappeler une pratique également immémoriale, pour laquelle certains grands personnages de notre histoire, et jusqu’au cœur du XVIIe siècle même, eurent recours à l’office des sorciers : qui ne connaît le maléfice de l’envoûtement, dont l’usage, il est vrai, ne dut jamais entraîner grand péril (21).
Serait-il possible d’en dire autant des breuvages et onguents auxquels il est aujourd’hui certain que sorciers et sorcières avaient assidûment recours pour opérer leurs charmes ?
C’est là, toute une face, longtemps demeurée obscure, de l’œuvre démoniaque, et dont l’étude peut donner sans doute la solution de questions encore douteuses.
Je veux surtout parler du Sabbat et de ses rites étranges.
Quel attrait terrifiant ne devait pas exercer sur les imaginations, exaltées par la débilité du corps, le récit [p. 16] de ces cérémonies fantastiques, dont la célébration donnait la puissance, et révélait de si redoutables mystères.
Aussi la démonolâtrie parvenait-elle à recruter ses adeptes en grand nombre par l’appât de ces réunions nocturnes, où les initiés, disait-on, contractaient devant leur nouveau maître le pacte solennel.
Présidé par Satan, le Sabbat, obligatoire pour les sorciers, assemblait tour à tour ceux d’une ville, d’un canton, ou ceux d’une nation tout entière.
Je me garderai, Messieurs, de vous reproduire les descriptions fastidieuses qui résument les pièces de procédure ou les narrations des auteurs. D’abord, l’hommage au diable, qui apparaissait sous des figures diverses, mais le plus souvent incertaines (22) et qui, en signe d’investiture, imprimait sa marque sur le corps des néophytes (23) : puis des incantations et des danses bizarres, auxquelles succédait un banquet : la chère infernale en était toujours insipide (24). Satan demandait alors compte à ses adeptes de leurs sortilèges ; il distribuait ses charmes magiques, et donnait ses instructions pour de nouveaux maléfices. Enfin, après une dernière adoration, tous les assistants, en proie à la frénésie, se confondaient dans une ronde inénarrable.
Mais un trait digne de remarque, à peine signalé cependant, domine le Sabbat, et se retrouve profondément imprimé dans tous les aveux recueillis par les juges [p. 17] et les inquisiteurs (25) : la souffrance et l’angoisse étaient l’apanage de ces froides orgies.
Comment devons nous donc interpréter ces déclarations si extraordinaires ; et quels faits véritables en peut-on dégager ? Le Sabbat était-il imposture, rêve ou réalité ? Faut-il rattacher ces assemblées diaboliques du Moyen-Age aux antiques traditions des fêtes de Priape ou de Bacchus, à l’appareil fabuleux des magiciennes de Thessalie, et dire enfin comme Méphistophélès aux Lamies du Pénée : « Je ne soupçonnais ici que des êtres inconnus, et je trouve de proches parents. C’est un vieux livre à feuilleter. Du Hartz à Hellas, toujours des cousins (26) » ?
Aussi dans son livre sur la Sorcière, Michelet n’hésite-t-il pas à considérer le Sabbat à son origine, avant l’an mil, comme un reste léger de paganisme : « c’est, dit-il, un innocent carnaval du serf » (27). Puis vinrent, au XIe siècle, les grandes communions de révolte : enfin, quand tout respect fut perdu, le Sabbat prit la forme terrible de la Messe noire, dont l’historien expose les lugubres séductions avec la magie d’un style peut-être prestigieux lui-même. Il croit enfin à cette chose extraordinaire, une institution sacrilège qui réunissait, et jusqu’au seuil du XVIIe siècle, « des peuples entiers de femmes (28). » [p. 18]
Dégageons-nous, Messieurs, de ces merveilleux récits, pour demander à l’histoire des renseignements plus certains.
Qu’aux premiers temps du Moyen-Age, d’antiques superstitions aient survécu au paganisme ; que des conciliabules nocturnes aient réuni des paysans opprimés et méditant la révolte ; de tels faits, vraisemblables d’ailleurs, ne présentent qu’un rapport lointain avec le Sabbat lui-même, tel qu’il apparaît au XVIe siècle, déterminé dans son objet et dans ses rites.
Si nous en cherchons la trace, si nous demandons la marque de sa réalité même, aux procédures qui le constatent, quel doute ne devons-nous pas concevoir, en observant que le seul élément de preuve consiste dans les affirmations ou dans l’aveu des accusés ? Est-il donc admissible que, durant des siècles, de telles assemblées se soient tenues, à maints carrefours, en pleine campagne, à proximité des villes, sans qu’aucun témoin n’en ait parfois surpris les mystères ? Ne doit-on pas s’étonner que jamais voyageur attardé ou braconnier, troupes en marche ou partisans, n’aient inopinément franchi le seuil ou même entendu les clameurs de ces réunions délirantes ?
Déjà, au XVIe siècle, les magistrats et les démonographes constataient des circonstances qui, sans ébranler une conviction trop ferme (29), contraignaient du moins leur bonne foi à de subtiles distinctions. Ils voyaient, non sans surprise, des sorciers s’endormir d’un profond sommeil joint à une insensibilité complète, demeurer plusieurs beures dans cet état, et raconter, à leur réveil, [p. 19] les plus minutieux détails du Sabbat auquel ils venaient d’assister (30). Aussi juges et inquisiteurs durent-ils admettre que Satan ne transportait parfois ses serviteurs qu’en esprit, el non corporellement, au Sabbat, dont ils ne songeaient point toutefois à mettre en doute l’existence. Bodin trouvait même, avec son imperturbable logique, le ravissement en extase beaucoup plus admirable que le transport corporel : il le tenait pour une démonstration plus éclatante de la puissance qu’ont les démons d’emporter le corps et l’âme à la fois (31).
Mais, en lisant les nombreux exemples que citent tour à tour de tels faits, Sprenger, Boguet, del Rio, on est frappé du rôle important qu’attribuent les sorciers dans leurs cérémonies à l’emploi de breuvages ou à des onctions magiques, préludes habituels du départ pour le Sabbat. Les accusés qui avouent avec le plus d’énergie avoir assisté à ces assemblées, qui en affirment la réalité contre leur juge même, et persistent à y croire au péril de leur vie, révèlent l’usage de ces philtres, dont ils ignoraient le plus souvent la composition (32).
C’est encore là, Messieurs, une de ces traditions dont il serait facile de retrouver la trace dans les enchantements des magiciennes antiques (33), et qui mystérieusement se [p. 20] transmit par les Croisades, du monde oriental, aux populations de l’Occident. Ne suffit-il pas de rappeler ce vertige que procurait à ses fidèles le Vieux de la Montagne ? Ces narcotiques puissants, breuvages de la folie, toutes ces préparations végétales extraites de la belladone, du chanvre et du datura (le népenthès d’Homère), de la mandragore enfin, si chère aux sciences occultes, contribuent sans nul doute à nous donner l’explication de ces troubles physiologiques, de ces égarements de la pensée, qui terrifiaient les peuples et leurs magistrats.
Et comme les mystères du Sabbat hantaient l’esprit des initiés, on comprend que l’action de tels breuvages et de ces onctions devait évoquer ces mêmes visions fantastiques, et, plus tard, dicter les aveux des sorciers.
Là ne se bornait pas l’emploi des drogues magiques. Parmi ceux qui s’adonnaient à ces pratiques redoutées, un certain nombre paraît en avoir usé sur autrui, et exercé par ce moyen, ou par quelqu’autre influence suggestive, les plus surprenantes fascinations. Nicolas Remi et Bodin dénoncent une race de sorciers qu’il n’est pas moins utile de poursuivre et de détruire : « C’est à savoir celui qui éblouit et fascine les yeux, tellement qu’il fait voir souvent ce qui n’est point (34) ». Car par de tels charmes, il acquiert sur ceux qu’il abuse un ascendant invincible. Sprenger dans son « Malleus maleficarum » cite l’exemple extraordinaire, [p. ] rappelé par Michelet, d’une vieille et malicieuse sorcière qui, à la fin du XVIe siècle, exerça son empire sur tout un couvent du Rhin, soumit successivement à son joug trois puissants abbés, et fit périr le quatrième.
Bien plus encore, elle parvint à braver les poursuites de l’inquisiteur, qui ne put réussir à l’atteindre ; lui-même, dans son traité, en fait tristement l’aveu (35).
Ainsi, dans la foule de ces malades abusés, se glissaient les adeptes d’un art ancien, qui savaient, à leur tour, imposer leur science mensongère et duper leurs victimes. Plusieurs furent entraînés sur cette pente glissante. La plupart des philtres se composaient de narcotiques, dont il était facile d’obtenir de véritables poisons. Ce pas dangereux fut souvent franchi ; et bien des crimes ont été commis à l’ombre de la sorcellerie.
De là, cette parenté infamante que le préjugé populaire a longtemps assigné aux sorciers et aux empoisonneurs. Vainement Bodin se livre-t-il à une savante dissertation pour établir que l’on doit distinguer celui qui empoisonne sans magie, du sorcier qui fait mourir par la seule force du pacte (36). Le terme même de vénéfice n’a-t-il pas de tous temps désigné l’une ou l’autre accusation (37) ? [p. 22]
Que de procès dans lesquels on n’a su discerner le sortilège du crime, mais qui révélaient cependant l’emploi de drogues inconnues et meurtrières. Telles étaient ces poudres dites d’amour, ou de succession. Soigneusement cachée, la composition en demeurait le secret de personnages habiles à s’entourer d’un prestige redouté.
C’est là, tout un ordre de faits, tenus en leur temps pour œuvres de sorcellerie, et dans lesquels on ne saurait méconnaître la trace d’actes conscients el criminels, tout au moins dangereux.
Il est possible aussi que, parfois, la sorcière, à l’aide des mêmes préparations mystérieuses, ait soulagé des maux sans remède, procuré le sommeil, par exemple, ou paralysé la souffrance, au grand scandale des hommes de l’art.
Ce rôle d’empirisme qu’on a voulu lui assigner (38), pour transformer en fée bienfaisante celle que des âges trop crédules ont cruellement traitée en criminelle, n’apparaît guère dans l’histoire.
Il me serait difficile de croire davantage à cette action psychique dont on expérimente aujourd’hui les effets. Nous constatons plutôt les vestiges de certaines pratiques superstitieuses (39), qui, de nos jours même, n’ont pas encore entièrement disparu.
En réalité, la sorcière proprement dite n’était pas plus « le Prométhée moderne (40), » que responsable des [p. 23] crimes abrités sous son nom : elle était vraiment la malade, et digne, non pas d’admiration ou de mépris, mais bien de toute notre pitié.
La preuve en éclate surtout dans le dernier caractère qu’il me reste à déterminer parmi les formes diverses et mobiles de cette calamité si longtemps funeste à l’humanité.
Selon nos auteurs, le sorcier ne peut guérir des maladies naturelles, non plus que le médecin des maladies venues par sortilège (41). On tient même que s’il délivre un homme d’un maléfice, il est contraint de donner le sort à un autre. « Cela, dit Bodin, est vulgaire par la confession de plusieurs sorciers (42). » Encore faut-il noter que Satan veut toujours gagner au change (43).
Ce mal d’origine et d’essence diabolique atteint l’initié lui-même, s’il néglige son vœu, ou lorsqu’il succombe au piège d’un pacte imprudent. Les démoniaques sont donc tour à tour victimes ou criminels : ils doivent être protégés par l’exorcisme ou déférés aux tribunaux (44).
C’est ainsi que les siècles passés expliquaient ces troubles de l’intelligence ou de la volonté, ces affections aux symptômes effrayants et d’apparence fantastique, dont aucune lésion appréciable ne donnait la raison : le mal sacré, que déjà Hippocrate défendait de traiter à l’aide de purifications ou d’enchantements (45) ; ces accès [p. 24] frénétiques qui éveillent les hallucinations, ou déterminent, par des contractions de muscles et des tremblements convulsifs, un déploiement de force surhumaine (46) ; enfin cet étrange sommeil, qui, spontané ou provoqué, est souvent accompagné d’actes et de propos inconscients, dictés cependant par l’intelligence avivée (47).
L’une des victimes de cette erreur implacable fut le Lycanthrope, qui, dans son délire, hurlant et furieux, parcourait les campagnes. Répandant l’épouvante qu’il éprouvait lui-même, le loup-garou fut impitoyablement chassé comme une bête fauve. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, une terrible épidémie de ce mal sévissait en Franche-Comté (48) : d’autres se produisirent en Alsace, en Italie, en Allemagne (49). Et les malheureux, dont rarement on reconnaissait la folie, déclaraient avoir déterré les cadavres, déchiré avec leurs griffes et dévoré les jeunes enfants.
A la même époque, on discutait gravement du crime de démonialité, et de l’origine diabolique de ces créatures raisonnables, ayant esprit et corps, et distinctes de l’homme, bien que nées des sorcières c’est-à-dire de malades, dont les tourments spasmodiques et les accès de délire guidaient seuls ces recherches chimériques (50). [p. 25]
Tous ces phénomènes morbides dont on étudie méthodiquement de nos jours le caractère et le développement si l’on n’en peut encore saisir la cause, se retrouvent dans les procès de sorcellerie et servent de base à la poursuite et à la condamnation. La fin du XVIe siècle donne le signal d’une recrudescence inouïe dans le nombre de ces accusations. L’influence alors grandissante de l’esprit espagnol, les superstitions qu’amène Catherine de Médicis (51), les guerres religieuses qui mettent l’Europe en feu, et font renaître les misères et les crimes des plus sombres époques, peuvent, dans une certaine mesure, expliquer ce réveil surprenant de l’épidémie démoniaque, la terreur qu’elle inspire et cette fièvre de répression qui sévit chez tous les peuples de l’Occident. Lancé sur une fausse voie, le sentiment général s’y précipita avec une ardeur que stimulait l’intensité même de ce mal effrayant. La France ne fut point épargnée. La justice civile remplace alors les tribunaux ecclésiastiques dans cette œuvre sanglante ; et la jurisprudence des commissaires royaux succède aux commentaires de l’Inquisition. C’est l’heure des [p. 26] Boguet, dans le Jura, des Nicolas Remi, en Lorraine, des de Lancre dans le pays basque.
L’expérience judiciaire détermine des signes certains, des présomptions non équivoques qui guident les recherches. Le fait notoire et permanent constitue une preuve absolue (52). La commune renommée est elle-même un indice presqu’infaillible (53). N’est-il pas évident qu’elle se portera d’abord sur les infortunées dont les allures suspectes, les courses folles dans la campagne, les menaces et les propos dénués de sens répandront partout l’effroi ? N’a-t-on pas eu souvent à déplorer cette contagion de teneur amenant ceux qu’elle inspire à dénoncer et parfois à lui sacrifier des victimes ? Ces temps de peste ou de choléra sont-ils bien éloignés, où la foule égarée accusait des inconnus d’empoisonner les fontaines, de marquer les maisons, et ceux même qui lui prodiguaient leurs soins, de propager le fléau ? Sous l’emprise de ces craintes superstitieuses et de ces répulsions instinctives, il suffisait que la femme ainsi désignée fût atteinte devant témoins d’un accès convulsif, ou tombât comme morte, plongée dans un sommeil cataleptique, pour que la terrible accusation s’élevât de toutes parts, et qu’une enquête fut ouverte (54). [p. 27]
Dès les premières épreuves auxquelles la prétendue sorcière se trouvait alors soumise, des symptômes extraordinaires frappaient les magistrats d’étonnement et démontraient le crime (55) : c’était l’insensibilité de ce corps endormi que l’on mettait en contact avec le feu, avec des stylets, sans qu’il témoignât la moindre souffrance : l’âme absente assistait au Sabbat : la stupeur et la fatigue du réveil s’expliquaient par ce lointain voyage (56).
Pour certaines accusées, d’autres signes ne sont pas moins effrayants : amenées devant le juge, ou même à l’audience, elles parlent ou semblent parler des langues étrangères (57), elles imitent les cris des animaux, se montrent cyniques dans leurs réponses: adjurées de prier, elles s’y refusent et blasphèment : elles ont des hallucinations, fixent leurs regards sur le démon, dénoncent la présence et les gestes menaçants de leur maître (58) : cause de vive anxiété pour les assistants, dont l’imagination frappée leur fit même quelquefois partager ces folles visions (59). [p. 28]
La preuve du pacte se découvre sur le corps de la sorcière par le stigmate de Satan (60) ; le point en demeure insensible aux explorations du fer ou du feu : cette insensibilité n’est autre qu’un lait d’anesthésie, fréquemment observé dans ces maladies.
Enfin l’attitude de l’accusée n’appelle pas moins notre attention. Souvent il arrive qu’elle ne pleure pas « ce qui est, selon Bodin, une présomption bien grande ; d’autant, ajoute-t-il, que les femmes jettent larmes et soupirs à propos et sans propos (61). » Certains inquisiteurs avouent n’avoir jamais su faire pleurer un seul sorcier : l’un des principaux obstacles de leurs recherches est le maléfice de taciturnité, à l’aide duquel les criminels soumis à la torture sommeillent sans paraître souffrir (62) : d’autres se dédisent de ce qu’ils ont déjà confessé ; et le juge perplexe doit, nous dit l’auteur, leur faire ouverture des prisons, faute de preuve suffisante (63). L’idée du suicide, enfin, n’est pas moins fréquente, et souvent les sorcières surent ainsi, à l’aide du démon, échapper au châtiment (64).
Ce fut cependant, cette expérience si chèrement achetée qui, sans dégager encore la vérité, imprima du moins à ces tristes procès une direction nouvelle.
Quand les plus grossières superstitions s’affaiblirent, que la croyance au Sabbat, aux loups-garous, aux maléfices jetés sur les récoltes et les troupeaux, dut se réfugier dans les régions reculées des provinces, on ajouta [p. 29] moins de confiance aux divagations, aux récits fantastiques des sorcières. Aussi arriva-t-il que les symptômes dont les accusées offraient le terrifiant spectacle, devinrent peu à peu la seule base des poursuites. Mais ces convulsions et ces blasphèmes ne pouvaient-ils pas procéder tout autant d’un sortilège exercé contre ces malheureuse, que du vœu sabbatique qu’elles auraient prononcé ? Certains procès donnent la trace non équivoque de ces incertitudes.
C’est ainsi qu’après avoir autrefois soigneusement distingué la possession du pacte, et l’ensorcelée de la sorcière, on fut ramené, comme par un circuit, à voir en elles, non plus les agents, mais les victimes du maléfice, et à chercher ailleurs le criminel auteur de ce mal, auquel on persistait à attribuer une cause surnaturelle.
De là, cette physionomie nouvelle des procès du XVIIe siècle, dirigés non plus contre des groupes de démoniaques, mais contre celui auquel on imputait l’infernale fascination.
Quels mystères n’a t-on pas voulu pénétrer de nos jours, en interprétant les procédures dont les noms de Gaufridi (1610), d’Urbain Grandier (1634) et de Boullé (1638), évoquent le lamentable souvenir ? Madeleine de la Palud, les Ursulines de Loudun, les Religieuses de Louviers, qui dénoncèrent successivement chacun d’eux, furent certes moins les instruments de vengeances secrètes ou d’un complot organisé contre une pensée trop hardie, qu’inspirées par un délire dont les maladies observées aujourd’hui reproduisent les diverses phases.
Pouvons-nous être surpris de l’erreur où tombaient ceux qui recueillaient leurs récits insensés, quand, récemment encore, d’éminents esprits s’égaraient à la suite de ces hallucinées dont ils prenaient les divagations [p. 30] comme point de départ de leurs convictions historiques ? Contraste étrange ! L’auteur célèbre, qui lui-même déplore les rigueurs d’un siècle aveugle, le dépasse dans cette voie ; après avoir déclaré qu’Urbain Grandier méritait non le bûcher, mais bien la prison perpétuelle (65), il s’élève contre l’arrêt du Parlement de Provence qui, le 11 octobre 1731, acquittait le jésuite Girard de l’accusation de sorcellerie, et renvoyait à sa mère, Louise Cadière la victime dénonciatrice (66).
Les temps étaient passés, Messieurs, où le culte du diable pesait comme un cauchemar sur l’imagination des peuples. Un arrêt du Conseil avait, le 26 avril 1672, rendu la liberté aux personnes détenues dans les prisons de Normandie pour cause de sortilège, et interdit aux Tribunaux d’admettre dorénavant les accusations de ce genre. Cette décision signalait un nouvel état de l’opinion, et consacrait enfin de rares, mais anciennes résistances à cet entraînement général.
Déjà au siècle précédent, une voix s’était élevée pour contester le caractère surnaturel de ces phénomènes. Montaigne déclare avoir vu « dix ou douze prisonniers de ce genre, et une vieille entr’autres, vraiment bien sorcière en laideur et déformité [sic], très-fameuse de longue main en cette profession… Et en conscience, dit-il, après les avoir attentivement interrogés, je leur eusse plutôt ordonné de l’ellébore que de la cigüe (67). » [p. 31]
Rabelais, quelques années auparavant, tournait en ridicule l’art magique de Cornelius Agrippa (68) Mais Bodin releva ce défi du bon sens, en déclarant le fameux astrologue l’un des plus grands sorciers du monde, et le digne maître du médecin Jean Wyer, son contradicteur acharné (69).
Jean Wyer soutient que sorciers et sorcières ne doivent pas être punis, mais seulement ceux qui empoisonnent : « qu’ils s’abusent de penser faire ce qu’ils disent, et que c’est l’affection mélancholique qui les tient (70). » A la même époque, quelques magistrats étaient portés à voir une maladie dans ce prétendu crime. Mais Bodin dénonce ces doutes qu’il blâme vigoureusement: « Et afin, dit-il, que les Juges n’attendent pas qu’on en fasse plainte, ou que les Procureurs du roi se réveillent, ils doivent de leur office faire informer des suspects, qui est la plus secrète voie, et peut-être la plus sûre… Et d’autant que les Procureurs du roi sont bien souvent plus négligens en leur charge que les Juges, il est expédient que chacun soit reçu accusateur en ce crime (71). »
Les Assemblées provinciales font également entendre leurs doléances. Dans le Béarn, les seigneurs de la noblesse, interprètes des vœux populaires, et poussés par leur propre frayeur, se plaignent de l’impunité accordée aux sorciers et réclament du Procureur général [p. 32] près la Cour souveraine des poursuites plus actives et de promptes rigueurs (72).
Tel était enfin le sentiment unanime, que des esprits d’ailleurs éclairés, des médecins illustres, les Ambroise Paré, les Fernel, demeuraient inébranlables dans leur crédulité, admettaient les plus grossiers maléfices de la sorcellerie, et imploraient contre elle la protection de la justice.
Le travail de la raison devait l’emporter, Messieurs, mais au prix de quels sanglants sacrifices ! Est-ce à dire qu’il faille aujourd’hui confondre dans une commune réprobation ces accusateurs et ces juges trop aveuglés par les préjugés de leurs temps ? II nous faut songer que leurs contemporains, loin même de les applaudir, blâmaient souvent leur mollesse et la tendance des Compagnies judiciaires : réagir contre le courant populaire
Le triste spectacle des erreurs de tant de siècles doit plutôt servir d’enseignement pour l’avenir, que de thème aux accents d’une indignation à présent trop facile.
Ces souvenirs que je viens de rappeler sont-ils donc si lointains, que les faits dont ils nous entretiennent nous demeurent étrangers ? Et si nous cherchons brièvement à grouper les traits essentiels de ce tableau aux multiples aspects, que trouvons-nous dans la réalité même de ces procès ?
Je dois d’abord écarter les poursuites dans lesquelles l’accusation de sorcellerie n’était qu’un prétexte livré à la satisfaction de vengeances politiques ou de haines puissantes. A ce titre, un nom héroïque s’imposerait [p. 33] aussitôt à l’esprit. Jeanne d’Arc expia sur le bûcher de Rouen le salut, assuré par ses exploits, de la nationalité française. Encore est-il permis d’admettre que certains de ses juges la crurent sincèrement inspirée du démon.
Il serait facile de citer d’autres victimes moins grandes d’une hypocrite iniquité (73).
Ne nous arrêtons pas davantage à ces accusés qui demandèrent à la magie, dont eux-mêmes étaient dupes, le trompeur appui de leur querelle.
Mais nous ne pouvons douter que des crimes avérés, enlèvements de jeunes enfants, meurtres ou empoisonnements aux circonstances demeurées mystérieuses, furent attribués à la sorcellerie par les contemporains abusés. Le trop fameux Gilles de Laval, maréchal de Retz, fit disparaître des enfants, qu’il fut accusé d’immoler à Satan (1440) (74).
Parfois un imposteur égarait ceux-mêmes auxquels il livrait le poison, et qui, en le donnant à leur tour, pensaient opérer un charme inoffensif. Les chroniques de Froissard nous en offrent un exemple, dans la tragique histoire de Gaston Phoebus (75).
Souvent aussi, la fourberie eut une moindre portée : que d’aventuriers ou de simples empiriques, pour avoir, à l’aide de drogues et de pratiques dangereuses, exercé [p. 34] un coupable ascendant ou exploité la crédulité publique (76), se virent impliqué dans l’accusation de magie ? (77).
Aujourd’hui encore, ne voit-on pas fréquemment des escrocs parcourir les campagnes, et soumettre aux plus étranges traitements des malades victimes de leur ridicule superstition (78). Et dans cette enceinte même, la Cour d’assises n’a-t-elle pas jugé, l’an dernier, une empoisonneuse qui passait dans sa commune pour exercer la magie et pour jeter le mauvais sort ?
La part ainsi faite au crime et à l’imposture, à ces pratiques « qui charment de paroles ou éblouissent les yeux (79) », il faut tenir pour certain que les adeptes de la sorcellerie étaient presque tous les victimes inconscientes d’un trouble dont on ignorait les causes et dont on méconnaissait les manifestations.
Après les œuvres occultes et sabbatiques du Moyen-Age, l’épidémie démoniaque se produisit au XVIIe siècle sous la forme d’accès convulsifs accompagnés de visions, de délire et de chimériques accusations. Ceux que les malades dénoncèrent ainsi, expièrent durement la confiance aveugle accordée à ces révélations, que dictaient le désordre de la pensée et peut-être d’indiscrètes sollicitations. [p. 35]
Aujourd’hui, Messieurs, sans être encore pénétré, le mystère de telles affections est du moins signalé. On apprend à se mettre en garde contre cette apparente franchise, cette spontanéité de certaines prévenues qui se dénoncent, ou de témoins qui accusent, et dont un état pathologique soigneusement observé explique les audacieux mensonges ou les ruses extravagantes.
D’autre part, cette terreur contagieuse qui, au Moyen-Age, s’emparait de la population des campagnes et entraînait l’immolation d’une victime, réagissait souvent sur les dénonciateurs eux-mêmes : sous l’empire de la folle idée que le sorcier les avait frappés, ils succombaient à ce vertige, et se trouvaient atteints réellement d’un mal d’abord imaginaire.
Si la présence du démon, ni la puissance d’un maléfice n’expliquent plus de tels désordres, cette altération des sens n’est cependant point elle-même un simulacre et peut encore sévir. Au commencement de l’année 1880, la Cour d’Appel de Saint-Pétersbourg dut prononcer l’acquittement de malheureuses femmes et d’un paysan du district de Tichwin (80), en proie à des crises nerveuses d’une extrême violence, et condamnés en première instance pour avoir, dans leur délire, accusé une de leurs compatriotes de les tenir ensorcelés (81).
Cette perversion de la pensée humaine, qui intéresse au plus haut degré l’œuvre de la justice en ce qu’elle influe puissamment sur la véracité des témoins et des inculpés, se produit-elle seulement au cours de [p. 36] certaines maladies caractérisées et facilement reconnaissables ? Si J’épidémie démonopathique est rare aujourd’hui, n’arrive-t-il pas qu’une névrose particulière dispose certains sujets à subir inconsciemment une influence étrangère, et va jusqu’à les contraindre à obéir invinciblement aux suggestions qui leur sont imposées ?
Certes, dans un siècle d’ardentes investigations, quand de toutes parts l’homme force la nature à dévoiler ses mystères, dans un temps où le prudent poète de Tibur qui conjurait les foudres de Jupiter, redoublerait ses reproches aux audacieux fils de Japhet ; de nos jours enfin, nous devons nous attendre sans trop de surprise aux plus extraordinaires révélations. Ne pourrait-on pas, d’ailleurs, de l’état d’esprit vraiment sain, exactement équilibré, à l’aliénation mentale caractérisée, reconnaître une insensible gradation des dispositions de l’intelligence, depuis les hallucinations qu’engendrent la frayeur, la solitude et la faim, jusqu’à ces irrésistibles élans qui, tout d’un coup, entraînent une foule électrisée ?
Je ne prétends pas, Messieurs, vous faire le récit des curieuses expériences qui ont ouvert le champ de ces débats. Loin de moi, surtout, la pensée d’en aborder l’examen ou la discussion : ce n’est ici le lieu ni le moment ; la compétence non moins que le temps me ferait défaut.
Mais, supposant acquis à la science le résultat de ces observations, j’en voudrais rapidement examiner les conséquences juridiques et judiciaires. Admettons pour l’instant qu’un homme puisse imposer sa pensée à un sujet dont une disposition nerveuse détruit la volonté. Il ordonne ainsi, soit pendant le sommeil du patient, soit même à l’état de veille, un acte réprimé par la loi, et [p. 37] que l’hypnotisé devra prochainement commettre ; ou bien il lui dicte une déposition que celui-ci sera contraint de produire, et qu’il produira de bonne foi.
Une telle influence, entraînerait pour la sécurité sociale les plus graves conséquences. Ce pouvoir indûment exercé rappellerait assurément les œuvres les plus damnables de la sorcellerie ; et ceux qui en abuseraient n’eussent point été jadis à l’abri d’un véhément soupçon de diaboliques accointances. Il n’est pas dans ma pensée de chercher à amoindrir le résultat de ces études, dont il est difficile aujourd’hui de méconnaître la portée. Est-ce à dire cependant qu’il faille pousser un cri d’alarme, et dénoncer la vie humaine, la propriété ou les transactions civiles comme exposées à un danger inéluctable ?
Gardons-nous, Messieurs, de telles exagérations, qu’expliquerait à peine la divulgation soudaine de faits d’autant moins redoutables qu’ils deviendront mieux connus.
Quelles seraient donc les circonstances jusqu’ici imprévues dans lesquelles l’effet de ces suggestions arriverait à se produire ?
Deux hypothèses nous sont proposées: le témoignage ou le crime suggéré (82). [p. 38]
Par cette toute-puissante transmission de la pensée, on fera voir à l’hypnotisé, dit-on, un personnage déterminé commettant un crime : dès-lors, il suffirait de donner une suggestion identique à quelques somnambules pour organiser tout un concert de dépositions accablantes ; les témoins iraient reproduire devant la justice des récits concordants : ils auront fait serment de dire la vérité et ils la diront, puisqu’ils raconteront sincèrement ce qu’ils auront vu et entendu. Quelle situation faite à un innocent contre lequel de pareilles charges seraient accumulées (83) !
Mais, n’a-t-on pas pensé qu’avant d’être admis à l’audience, ces témoins auraient à déposer devant le magistrat instructeur. Qu’arriverait-il alors ? Ou bien, et le danger signalé existe à peine, le crime sera imaginaire : qui ne voit aussitôt que, dès les premiers pas, le juge s’arrêtera devant cette circonstance déterminante, l’absence de corps de délit ; point de victime disparue, point d’objet dérobé ; il devra penser qu’il a entendu des imposteurs ou des hallucinés ; et les renseignements recueillis sur leurs antécédents, sur leur état physique et intellectuel viendront l’édifier bientôt sur la valeur de leurs déclarations.
Supposons au contraire qu’un crime a réellement été commis : l’auteur de la suggestion a le dessein d’en faire peser la responsabilité sur un innocent. Même en ce cas, n’est-il pas évident qu’une dénonciation isolée [p. 39] demeurerait sans force ? Il faut donc imaginer cette hypothèse véritablement chimérique de tout un système de témoignages savamment combinés : celui qui les inspire aura exactement étudié toutes les circonstances du fait réel, et procédé par conséquent lui-même à une première enquête approfondie : il aura ensuite réussi à exercer une influence absolue sur des sujets suffisamment dociles : il leur aura enfin donné à chacun l’illusion précise du détail dont le témoin devra reproduire le récit dans sa déposition.
Admettons encore cet invraisemblable concert. Que de difficultés surgiront aussitôt ! Je ne parle même pas de la découverte toujours possible du véritable criminel, ni des justifications que l’inculpé prétendu se trouvera sans aucun doute en situation de faire valoir : mais, sans aller jusqu’à lui, le juge d’instruction ne sera-t-il pas averti par ce rapprochement subit et singulier de témoins d’ailleurs étrangers entr’eux : ne pourra-t-il pas constater qu’ils ne se trouvaient réellement point sur le terrain du crime au moment où il a été commis ; que leurs occupations, leurs habitudes, leur situation sociale ne concordent en rien avec leurs dires : qu’un abîme se creuse entre leur récit imaginaire, et celles de leurs dépositions qui auront trait au contraire à la réalité de leur existence ?
Enfin le magistrat entendra nécessairement aussi les véritables témoins du fait sur lequel il informe, et, s’il n’en trouve pas, ceux du moins qui auront retenu les circonstances antérieures, concomitantes ou postérieures à ce fait : ceux aussi qui fréquentaient la victime et l’inculpé, connaissaient leurs habitudes et leurs relations. Il verra aussitôt, non sans étonnement, tout l’échafaudage des premières révélations s’écrouler. Je [p. 40] neveux pas insister davantage, Messieurs, il me serait facile de poursuivre ces considérations ; mais ne puis-je pas le dire dès à présent ; comment donc, à travers ce tissu d’invraisemblances, de contradictions et d’impossibilités, une telle prévention atteindra-t-elle jamais son but ?
La seconde hypothèse est celle du crime que l’on ferait commettre au sujet lui-même, par voie de suggestion hypnotique.
Ici, nous serions incontestablement en présence d’une volonté libre et responsable : je parle de celui qui aurait suggéré. En admettant que l’auteur du crime n’en dût être tenu que pour l’instrument, l’agent véritable serait l’homme qui aurait donné l’ordre et dirigé le bras.
Dès lors, nous trouvons dans cette hypothèse, non pas un mobile d’action inconnu jusqu’ici, mais simplement un déplacement de responsabilité.
Le danger social est-il appréciable ? Tout au plus peut-on présumer que la pensée criminelle serait mieux soutenue par l’espoir d’une impunité plus assurée. Mais ce risque plus grand n’aurait-il pas en quelque sorte sa contre-partie dans la difficulté même de la suggestion ?
Celui qui méditerait l’action délictueuse devrait s’adresser à un sujet docile, et capable à la fois d’accomplir l’œuvre projetée.
Il faudra donc que l’autorité du premier naisse elle-même d’un exercice prolongé de l’influence hypnotique, pour que la suggestion soit vraiment irrésistible. Il y aurait, là encore, avec un élément de preuve, tout un ensemble de faits qui attirerait inévitablement l’attention du juge d’instruction. Ce magistrat ne sera pas moins surpris, en constatant que l’auteur apparent du crime n’avait aucun mobile, qu’il se trouve d’ans l’impuissance [p. 40] d’expliquer l’acte, qu’il en éprouve même cette stupeur caractéristique et qui dénote l’égarement de la pensée.
Nous sera-t-il permis enfin de faire une modeste allusion à la part, si faible soit-elle, du libre arbitre, dont le nom, semble-t-il, résonne étrangement en pareille discussion. A moins de supposer comme soumis à la suggestion un névropathe constamment irresponsable, l’inconscience du sujet présentera des degrés. Celui qui cèderait facilement à l’impulsion reçue pour accomplir un acte indifférent, n’opposerait-il pas une résistance plus ou moins réduite, et cependant appréciable, avant de consommer un crime ? Et n’a-t-on pas vu, au cours de certaines expériences, dans l’hésitation du geste, dans l’expression du regard, la lutte s’établir entre l’influence de la volonté exercée par autrui, et la réaction de la conscience lentement réveillée ?
Enfin il paraît certain que la résistance sera d’autant plus efficace que le moment de la suggestion s’éloignera davantage. Celui qui, se proposant une action illicite, se déterminerait à l’accomplir en prenant possession d’un halluciné, n’aurait pas seulement à trouver un instrument d’une souplesse et, pour ainsi parler, d’un automatisme absolu ; il lui faudrait diriger les circonstances extérieures vers le but à atteindre, et, par conséquent, provoquer l’acte dans un délai nécessairement limité.
De tels obstacles, en s’imposant à ses efforts, auront en même temps pour effet de préparer et d’accumuler autant de charges contré lui : son rôle apparaîtra ; ses démarches le compromettront. L’impunité même de celui dont il a dirigé l’œuvre inconsciente ne le mettra point à l’abri : cet abus d’autorité et de pouvoir, ces artifices coupables par lesquels il a provoqué à l’action, les [p. 42] instructions qu’il a données, font de lui un complice, qui seul, tout au moins, doit supporter le poids d’un crime aggravé par le caractère odieux d’une telle machination.
Voulons-nous enfin, Messieurs, examiner brièvement les conséquences, présentées comme possibles, de ces phénomènes physiologiques au point de vue des transactions civiles?
L’hypnotisé, dit-on, souscrira des quittances, des obligations ; il passera des contrats devant notaire : on le disposera à tester ou à faire des donations, sans que sa volonté intervienne réellement (84).
Les observations mêmes qui servent de base à ces conclusions démontrent que la victime de la captation ne cèderait pas sans résistance. Son étonnement ou son inertie, le défaut d’intérêt et de cause justifiée à l’acte consenti, attireraient sûrement l’attention de l’officier public, ou celle des magistrats appelés plus tard à apprécier la valeur du contrat.
Il y a plus : rien ne démontre, pour la plupart de ces actes, qu’après un certain temps, la volonté du sujet ne reprendrait pas son empire, et ne lui permettrait pas de protester contre la pression à laquelle il aurait cédé. Ses représentants auront le même droit et sauront se prévaloir de manœuvres, que démontrera l’exercice même d’un ascendant trop prolongé.
Dès lors, nous rentrons dans le droit commun ; notre législation permettrait aux tribunaux de reconnaître l’effet des suggestions, d’en rechercher les auteurs ; et les dispositions des articles 504, 901 et 1109 du Code civil seraient le point de départ de la jurisprudence qui en détruirait les œuvres illicites. [p. 43]
Enfin, la portée réelle de tous ces phénomènes ne serait pas moins atténuée par la proportion relativement faible des personnes qui pourraient être soumises à la suggestion vraiment irrésistible.
Parmi les sujets qu’une disposition physiologique et sans doute morbide rendrait accessible à l’état de somnambulisme, nous en trouvons environ 15% seulement (85) chez lesquels, la spontanéité cérébrale ayant disparu, il aurait été possible de provoquer par l’hypnotisme une lucidité automatique, et d’imposer l’hallucination de faits imaginaires ou la suggestion d’actes inconscients qu’ils devraient prochainement commettre.
Et si vous songez, que ces résultats seraient obtenus par des expériences réitérées, par l’action prolongée d’une influence psychique qui ne peut être aisément exercée, vous apercevez les limites exactes dans lesquelles le champ de nos hypothèses se trouverait circonscrit.
Est-ce à dire que ces constatations récentes de faits depuis longtemps pressentis, en partie connus, mais aujourd’hui plus nettement déterminés, ne méritent que défiance et incrédulité ? La justice, Messieurs, doit craindre les appréciations précipitées : et cette lenteur d’allures dont parfois on lui fait grief, est en réalité l’une de ses plus sûres garanties. Elle saura se préserver d’un dédain irréfléchi lorsqu’elle aura à discerner ces confins souvent indécis de l’inconscience et de la responsabilité.
Certes, la distinction sera parfois bien délicate, entre la suggestion, et cet ascendant moral souvent tyrannique de ceux qui ont autorité, ou même le simple et général [p. 44] instinct de crédulité qui porte chacun à accepter ce qu’il entend dire : d’autre part, tout homme qui se laisse entraîner au crime, cède à un mobile qui agit avec plus ou moins de puissance sur la volonté de l’agent. Mais n’est-il pas toujours redoutable d’avoir à déterminer le jeu du libre arbitre ? Lorsqu’il existe, cependant, la spontanéité de l’auteur se révèle: sa conscience s’affirme, et d’avance même, elle reconnaît, en le discutant, le compte qu’elle sent devoir rendre. Tout autre, est assurément le rôle de la Justice, lorsqu’il apparaît que des troubles intellectuels ont détruit, ou seulement altéré le consentement. L’œuvre des magistrats, comme celle des jurisconsultes, se trouve alors suspendue : et les aliénistes ont seuls compétence et sont appelés pour résoudre ces difficiles questions, relatives à l’état mental, à la simulation ou à l’irresponsabilité.
Il n’en sera pas autrement, si quelque doute venait jamais à naître à l’occasion de manœuvres criminelles, par suite desquelles l’auteur présumé semblerait avoir cédé à la suggestion hypnotique : et nous avons montré qu’il ne serait point alors nécessaire pour le législateur d’apporter quelqu’innovation, soit aux principes soit à la procédure du droit civil ou criminel.
Messieurs, si douloureux que paraisse le spectacle des erreurs dont l’humanité s’est trouvée la victime, il donne cependant d’utiles enseignements. Telle est la marche des idées, qu’à la terrible crédulité des hommes du XVIe siècle, a succédé l’indignation excitée par le souvenir de leurs préjugés ; puis, cette émotion elle-même fait place au sentiment d’équité supérieure qui n’inspire plus que la tristesse en aiguisant le scrupule.
La science éclaire aujourd’hui ces redoutables problèmes que tranchait autrefois une aveugle jurisprudence. [p. 45] Il n’en faut pas moins se garder de renverser l’équilibre des intérêts en présence, et, par une impunité trop facile, de méconnaître les légitimes exigences de la sécurité sociale.
Dans cette alternative, c’est une intime conviction, appuyée sur l’affirmation de savants auxiliaires, qui protège le magistrat contre les erreurs et les entraînements, ou contre les exagérations passagères.
MESSIEURS LES AVOCATS,
Dans son ardeur de répression, et pour stimuler le zèle de magistrats selon lui trop timides, Sprenger recommandait instamment une procédure sommaire et rigoureusement secrète. Le juge, dit-il, pourra autoriser la sorcière à chercher un défenseur : mais l’avocat devra veiller à ne pas se compromettre lui-même en plaidant une cause suspecte ; soigneusement éviter, dans son propre intérêt, certains arguments réputés dangereux : et, malgré tant d’entraves, encore en arriva-t-on bientôt à enseigner que le plus sûr était désormais de s’affranchir du vacarme des plaidoieries, a strepitu avocatorum.
Votre tâche est aujourd’hui moins ingrate. Les magistrats apprécient hautement votre concours qui peut et doit contribuer à garantir des surprises vos clients et la justice elle-même,
MESSIEURS LES AVOUÉS,
L’exactitude, le dévouement attentif et l’esprit de scrupule que vous apportez dans l’exercice de vos fonctions, [p. 46] suffiraient déjà, j’en ai la conviction, à prémunir ceux qui s’adressent à votre ministère, contre les conséquences juridiques des Suggestions plus ou moins perfides, auxquelles ils auraient jamais pu succomber.
Au nom de M le Procureur Général, nous requérons qu’il plaise à la Cour nous donner acte de ce qu’il a été par nous satisfait aux prescriptions du décret du 6 juillet 1810, et admettre les Avocats présents à la barre à renouveler le serment professionnel.
La Cour a donné acte à M. le Procureur général de ce qu’il s’est conformé aux dispositions de l’article 34 du décret du 6 juillet 1810 et reçu de Me. LOMBARD, père, LARCHER, GUTTON, RENARD, DOYEN, BOULANGÉ, avocats présents à la barre, membres du Conseil de l’Ordre, le serment professionnel dont la formule a été préalablement lue par M. le Premier Président, en conformité de l’article 35 du décret susdit.
Etaient présents:
MM. SERRE, Premier Président, Officier de la Légion d’honneur et de l’Ordre de Léopold de [p. 47] Belgique, Officier de l’Instruction publique ; – GERARD D’HANNONCELLES, ANGENOUX, Présidents de Chambre ; – COTELLE, (doyen), AUDIAT , PECHEUR , PONTON, Baron DE GAIL, STAINVILLE, SEROT-ALMERAS-LATOUR, TULPAIN, DEPÉRONNE, GALLOIS, STOFFEL, MARTZ, GERMAIN, KRUG-BASSE, NAJEAN, Conseillers.
MM. SADOUL, Procureur général ; – LUXER, VILLARD, Avocats généraux ; – THOMAS, GEGOUT, Substituts du Procureur général.
MM. BILLAUDÉ, Greffier en chef ; – MAXANT, VOISARD, CHAUMONT, Greffiers ; et NOLLET, Greffier auxiliaire.
Et a, M. le Premier Président, signé avec le Greffier en chef.
Signé: ED. SERRE, Premier Président.
BILLAUDÉ, Greffier en chef.
NOTES
(1) Cette débilité est visible sous les costumes du XVe siècle, et se reflète dans la statuaire de cette époque.
(2) Les Convulsionnaires de Trèves (XIVe siècle) ; la danse épileptique dite de Saint-Guy, (1350).
(3) « L’unique médecin du peuple, pendant mille ans. » Voy. Michelet La Sorcière, introduction p. 9 et 10. – Paris, Librairie Internationale, 1867.
(4) La justice et les sorciers au XVIe siècle. Discours prononcé par M. Duboin, avocat général. Nîmes 1880, p. 33.
(5) Ibid., p. 9 et 10.
(6) « Que si la mère est sorcière, aussi est la fille : la règle est presqu’infaillible, comme il s’est trouvé par infinis procès. Bodin, de la Démonomanie des sorciers, 1. IV, chap. 4, p. 356. A. Coninx, Anvers, 1593.
(7) « Qu’on lise les livres de tous ceux qui ont écrit des sorciers, il se trouvera cinquante sorcières, ou bien démoniaques, pour un homme. » Bodin, ibid. Réfutation des opinions de Iean Wier, p. 415.
(8) Bodin, Démonomanie, p. 357. « Est is sexus pravis consiliis magis obnoxius. » Nicolas Hemi. Daemonolatraeiae libri tres. Lugduni,
Vincent, 1595, 1. I, chap. 15, p. 125.
(9) On connait à vue d’œil qu’il n’y a point de plus misérables, de plus bélitres et plus haïs ; de plus ignorants, de plus tourmentés que les sorciers. » Démonomanie, I, Ill, ch. 3, p. 256.
(10) Le diable… disait : « Vengez-vous, ou vous mourrez. » Ibid., I. II, ch. 8, p. 222
(11) « Qui fruges excantasset… qui malum carmen incantasset. » Tabula VIII, § 4 et § 9, 1. XV, pr. D. De injuriis, 1. IV, C. De maleficis et mathematicis. Imper. Leonis Novellae. Constit., LXV. « De Incantatorum paenà. »
(12) Voy. pour les maléfices et les maux répandus par les sorcières. Daemonolatraeiae, 1. II, cap. 7, p. 241. Id. cap. 8, p. 246, cap. 9, p. 252, etc.
(13) Bodin. Démonomanie, 1. Il, chap. 8, p. 225.
(14) Nic. Remi, 1. Il, cap. 13, p. 278.
(15) Demonomanie, 1. Il, chap. 8, p. 222.
(16) Bodin, en faisant allusion à ces formules magiques, se garde d’en citer le texte; « afin, dit-il, que personne ne puisse prendre la moindre occasion de faire son mal profit du sujet que je traite. » 1. III, chap. 4, p. 271. Voy. aussi, 1. I, ch. 3, p. 57, 1. II, ch. 8, p. 225, etc.
(17) Démonomanie, ibid. p. 223.
(18) Bodin, 1. IV, ch. 2, p. 327. Et 1. Il, ch. 8, p. 223. « Un nommé Stadlin. au diocèse de Lausanne, confessa avoir tué sept enfants au ventre de la mère. » Dans le diocèse de Constance, on brûla une sorcière sage-femme, qui avait tué plus de quarante enfants en leur enfonçant une épingle dans la tête. Sprenger cité par Charles Richet. Les démoniaques d’autrefois. Revue des Deux-Mondes,
1er février 1880, p. 566.
(19) « Praesto illi sunt verbera ae adeo tam saeva crudeliaque ut soepe
integrum biduum ex eorum dolore ei, qui sentit, sit decumbendum. » Remi, I. l, cap. 19, p. 142 et cap. 22 p. 148.
(20) Démonomanie, I. Il, ch. 8, p. 222.
(21) Robert d’Artois, en 1334, s’adressa à la magie pour envoûter le roi de France Philippe VI, qui eut grand’peur de cette manœuvre. Voy. de nombreux exemples rapportés par Bodin, l. Il, chap, 8, p. 228, 229.
(22) Parfois il se montrait en figure de bouc. Daemonolatraeiae l. l, cap. XXIII. Sa voix était sourde et mal articulée. Ibid. 1. l, cap. VIII, p. 80. Démonomanie, 1, Il, chap. 8. Sur ses divers aspects. Voy. Nic. Remi, l. l, chap. 7, p. 75 et suiv.
(23) Daemonolatraeiae l. l, cap. 5, p. 46 et seq.
(24) Daemonolatraeiae ibid. l, cap. 16, p. 127.
(25) Daemonolatraeiae ibid., cap. 19, p. 138.
(26) Goethe. Faust. Deuxième partie : Nuit classique de Walpurgis. Traduction de M. H. Blaze. Charpentier, 1866, p. 389.
(27) Michelet. La Sorcière. Librairie Internationale, Paris 1867, 1. 1, chap. 11, p. 141.
(28) Ibid., p. 402. « Cela effraye, que des peuples entiers de femmes se soumissent à ce sacrilège. Je dis : des peuples. Ces sabbats étaient d’immenses assemblées (12,000 âmes dans un petit canton basque ; 6,000 pour une bicoque, La Mirandole). »
(29) Sur le transport réel au Sabbat, que Nicolas Remi admettait de préférence, voir Daemonolatraeiae 1. l, cap. 14, p. 110 et seq.
(30) Voyez de nombreux exemples cités par Bodin, 1. II, chap. 5,
p. 183-4 et suiv.
(31), Démonomanie, 1. II, chap. 5, p. 182, « N’est-il pas plus aisé d’emporter le corps et l’âme sans distraction, que distraire et diviser l’un de l’autre sans mourir »
(32) Lionnois cite la célèbre expérience de Gassendi, qui vit un berger sorcier avaler une certaine graisse, s’endormir, et le lendemain, à son réveil, raconter les circonstances du Sabbat. Histoire de Nancy. Nancy 1811, t. 2, p. 370.
(33) « Circé les fit asseoir, et mélangea pour eux dans du vin de Pramné, du fromage, de la l’urine et du miel nouveau ; à ce mets elle ajouta des charmes funestes pour leur faire oublier la patrie. Elle leur donna ce breuvage; et ils ne l’eurent pas plutôt avalé, qu’elle les frappa de sa baguette et les enferma dans l’étable à porcs. » Homère, Odyssée, chant X.
(34) Démonomanie. Réfutation des opinions de Jean Wyer, p. 444, et Démonomanie, 1. II, chap. 2, p. 132. Daemonolatraeiae l. II, chap. 5, p. 226.
(35) Fr. Jacobi Sprengeri et Fr. Henrici Institoris, inquisitorum
hereticae pravitatis, Malleus maleficarum, – Quoestio VII. – 1595, Lyon.
(36) Réfutation des opinions de Jean Wyer, p. 407, 410 et suiv.
« Quant aux drogues et poisons, dit Montaigne, plaidant la cause des sorcières, je les mets hors de mon compte ; ce sont homicides et de la pire espèce. » Essais, I, III, chap. 11.
(37) Voy. Nic. Remi, 1. l, chap. 15 : « Fabius veneficium in faeminii facilius credi : Plinus faeminarum scientiam in veueficio
praevalere dixerunt. » p. 125.
La Voisin, poursuivie en 1680, pour avoir vendu des poisons, compromit avec elle de grands personnages, qui s’étaient adressés à la magicienne.
(38) Duboin, loc. cit. p. 32, 33.
(39) Bodin en donne quelques exemples, I, III, chap. l, p. 244-5. « Il y avait un savetier sorcier dans Paris qui guérissait de cette sorte, la fièvre quarte, en touchant seulement la main : mais celui qui ne voulait pas croire qu’il peut guérir ne guérissait point. » p.244.
(40) Michelet. La Sorcière. Introduction, p. 9.
(41) Nic. Remi, I, Il, cap. II, p. 217. Bodin, I, III, chap. l, p. 244.
(42) Bodin, I, Ill, chap. 2, p. 251.
(43) Bodin, ibid.
(44) Démonomanie. Voy. I, III, chap. 6.
(45) L’épilepsie. « S’il suffit qu’une chose soit surprenante pour être réputée surnaturelle, il n’y aura pas qu’une seule maladie sacrée, mais un très grand nombre. » Hippocrate. Dans le traité : De morbo sacro.
(46) L’hystérie.
(47) Le somnambulisme. Voy. pour tous ces symptômes, l’article de M. Charles Richet : Les démoniaques d’aujourd·hui. Revue des Deux-Mondes, 15 janvier 1880.
(48) Nombreux arrêts du Parlement de Dôle (1573-1574). Bodin, 1. II, chap. 6, p. 192.
(49) Voy. le chap. 6 du livre II de la Démonomanie, p. 192-3 et suiv. et Réfutation des opinions de Jean Wyer, p. 450-1.
(50) De Daemonialitate et Incubis et Succubis. Traité du P. L. M. Sinistrari d’Ameno. Traduit par J. Liseux. Paris 1875, § 43. – Bodin, 1. Il, chap. 7, p. 206 et suiv. – Contrà, Nic. Remigii. Daemonolatroeioe, lib. I, cap. 6, p. 52 et seq.
Sur la menée d’Hennequin, connue dans les Vosges, voy. Nic. Remi. « Hellequinos ab incubis Daemonibus suam traxisse originem non ignobiles scriptores prodiderunt. » L. I, cap. 7. p. 75.
(51) On pourrait ajouter à ces causes une fabrication plus active des drogues, dont nous avons précédemment parlé. Leloyer, dans son Discours des Spectres. visions et apparitions des Esprits, etc. (Paris 1(05), se plaint que de son temps (16e – 17e siècle,), le mystère qui présidait à ces préparations disparaît en partie. Entraînés par l’esprit de lucre, les apothicaires se livrent au commerce de ces mixtures composées dans leurs officines. Voy. De la Sorcellerie et de la Justice criminelle à Valenciennes (16e et 17e siècles) par Louïse. Valenciennes 1861, p. 59.
(52) Voy. le 1. IV de la Démonomanie des Sorciers, chap. 2, p. 325.
(53) Ibid., chap. 4, p. 351.
(54) Voyez, pour l’ordre d’une information criminelle et pour les formules d’un interrogatoire sur prévention du crime de sortilège et vénéfice : La Praticque civile et criminelle pour les justices inférieures du duché de Lorraine, par Claude Bourgeois, conseiller d’Etat et maître échevin de Nancy. – Nancy, Jacob Garnich, 1614, chap. 8, p. 41 et suiv. Pour la sentence de condamnation, chap. 9,
p. 45.
Ces formules se trouvent exactement suivies dans diverses procédures instruites à Saint-Dié en 1558, 1593, 1606 : pièces inédites communiquées par M. Meaume.
(55) « Tantus in verbis stupor, in vultu horror, in toto denique corpore tremor inerat. » Daemonolatraeiae lib. III, cap. 11, p. 370.
(56) « Quando suos sic per aerem transmittit, longè graviori langore confectos relinquit, quam si incitatissimo cursu viam et asperam pedibus confecissent. » Ibid., I, II, cap 24, p. 157. Et Bodin, Démonomanie, I, III, chap. 4, p. 273.
(57) Bodin, l. III. chap. 6, p. 293-4.
(58) « Respondet ex illius anguli superiore parte videre se Magistellum suum manus sibi ferociter ostentantem, quales habent cancri bifureas ae dentatas….. : eo oculos converto : pergit illa obnixè intento etiam digito demonstrare ; nihil adverto. » Nic. Remi, 1. III, cap. 11, p. 368.
(59) Voir à ce sujet le burlesque incident qui se produisit au Parlement d’Aix, raconté par Papon, Histoire de Provence : le récit en est reproduit par V. Lespy, Les sorcières dans le Béarn. Pau, 1875, p. 31.
(60) Nic. Remi, I, 1, cap. 5, p. 16 et scq.
(61) Bodin, 1. lV, chap. l, p. 321. Voy. aussi, 1. III, chap. 4., p. 271.
(62) Bodin, 1. IV. chap. 1, p 323.
(63) Bodin, p. 322.
(64) Ibid.
(65) Michelet. La Sorcière, p. 251 en note.
(66) Ibid., p. 375 et suiv.
(67) Il ajoute: « Je suis lourd, et me tiens un peu au massif et au vraisemblable… Combien plus naturel que notre entendement soit emporté de sa place par la volubilité de notre esprit détraqué, que cela, qu’un de nous soit envolé sur un balai, au long du tuyau de sa cheminée, en chair et en os, par un esprit étranger. » Essais, 1. III, chap. 11, p. 443-4-5.
(68) Voir la consultation donnée par Her Trippa à Panurge et à ses compagnons, L Ill, du Pantagruel, chap. 25. – « Va, respondit Panurge, fol enragé, au diable ; et te fais lanterner à quelque Albanois, si auras un chapeau pointu. » (tu seras brûlé et mitré).
(69) Bodin, Réfutation des opinions de Jean Wyer, p. 406.
(70) Ibid., p. 416.
(71) De la Démonomanie des sorciers, l. IV, chap. I, p. p. 317-18.
(72) Les sorcières dans le Béarn, par V. Lespy, p. 36-37.
(73) La Lorraine aurait le triste privilège de présenter les noms bien connus d’André des Bordes (l625), et de Melchior de la Vallée (1631). Voy. Histoire de Lorraine de Digot, 1856, T. V, p.157.
(74) Démonomanie, 1. Il, chap. 5, p. 187, 1. IV, chap. 4, p. 351-2. Réfutation des opinions de Jean Wyer, p. 427. – Michelet, La Sorcière, p. 175, en note.
(75) Gaston Phoebus faillit périr aingi de la main de son propre fils
qu’avait trompé son oncle Charles le Mauvais: et l’enfant mourut en
prison, victime de cette odieuse machination.
(76) On en peut trouver un exemple dans : La Justice criminelle des duchés de Lorraine el de Bar, par Dumont. Nancy, 1848, t. II, p. 68-69.
(77) Voir les chap. 1 et 2 du 1. III de la Démonomanie des sorciers. Bodin cite de nombreux exemples : « On voit, dit-il, des sorciers qu’on appelle en Espagne Salutadores, qui font métier de guérir.
(78) En 1884, à la suite de faits de ce genre, un nommé Brault fut traduit devant la Cour d’assises de Loir-et-Cher, et condamné en une année d’emprisonnement pour attentat à la pudeur et escroquerie.
(79) Réfutation des opinions de Jean Wyer, p. 444.
(80) Province de Nowgorod. Voir l’exposé de ce procès dans le journal le Temps, no du 12 février 1880.
(81) La Savoie, le Frioul ont été, à des époques récentes, le théâtre de contagions semblables.
(82) De la suggestion hypnotique dans ses rapports avec le droit civil et le droit criminel, par J. Liégeois. Mémoire lu à l’Académie des sciences morales et politiques. Paris, 1884, pages 46, 47 et suiv.-
Une troisième hypothèse est celle de l’acte délictueux dont l’hypnotisé lui-même peut être rendu victime (ibid. p. 46). Mais elle ne doit pas être considérée comme constituant d’une manière absolue l’un de ces effets de suggestion nouvellement signalés. Le sujet se trouverait placé dans la situation de toute personne que son âge, son état de santé physique ou morale, rendent incapable de se défendre contre un crime. Les conditions de la preuve et de la poursuite ne s’écarteront pas des règles ordinaires. On cite d’ailleurs à ce sujet des décisions judiciaires déjà intervenues. Voy. Mémoire de M. Liégeois, p. 57.
(83) Mémoire, p. 57
(84) Mémoire, p. 44, 45, 46, p. 67, 68.
(85) Mémoire, p. 19 et suiv. p. 66, note 3 et p. 67.
Nancy. – Vagner, imprimeur de la Cour.
Bonjour , monsieurs mesdames , je fait appel avous , pour raison de sorcelerie incurables donc je suis atteinte moiet ma petites familles depuis 2008, et que ce sont mes propres proches qui sont entraient de nous menacer harceller mortelllement de toutes leurs sorceleries mortels qu,ils ellles ont atteintes tous notres corps humains interne externe donc au plus profond de toutes les parties de nos organes internes entraient de nous tuer tous nos organes dans tout notres corps humains, justement c,est le pourquoi je vous contacte pour que vous puissiez nous aider si possible , enfet je possede toutes les preuves ., et je sais que vous pouvez nous aider , actuellement je suis suvir psychologiquement par mes psychologue , et que je peut vous mettre en contact avec sans souci. Je suis contente de vous avoir laisser cette commmentaire de nous , et je compte sur vous , pour de l,aide, ……. Merci d,avance….. monsieurs mesdames , je vous adresses mes salutations distinguees.