Un Flamine. Le rêve et ses causes. Extrait de la « La Nouvelle revue », (Paris), mars 1909, pp. 535-544.

Un Flamine. Le rêve et ses causes. Extrait de la « La Nouvelle revue », (Paris), mars 1909, pp. 535-544.

 

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons corrigé quelques fautes de composition.
 – Par commodité nous avons renvoyé la note originale de bas de page en fin d’article. – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

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Le rêve et ses causes.

Les songes ont joué un rôle énorme dans la vie de nos ancêtres comme dans celle de tous les peuples. On regardait comme un avertissement du ciel les indications que les traducteurs y voyaient clairement, ou celles qu’on croyait y voir soi-même. L’explication des songes formait une des branches principales de la divination antique.

Les Saintes Écritures mentionnent des songes fameux qui sont relatés d’ans l’Ancien et dans le Nouveau Testament. Ils sont du reste bien connus de tous ceux qui ont reçu une instruction religieuse plus étendue que celle qu’on donne’ aujourd’hui dans les centres d’instruction laïcisés.

Le songe du patriarche Jacob figure au chapitre XXVIII, 12, 13, de la Genèse.

  1. « Alors il songea et dans son songe il vit une échelle qui était appuyée sur la terre et dont le haut touchait jusqu’aux cieux et les anges de Dieu montaientet descendaientpar cetteéchelle. »
  2. « Et il vit aussi l’Éternel qui se tenait sur l’échelleet qui lui dit je suis l’Éternel, le Dieu d’Abraham ton père et d’Isaac ; je te donnerai et à ta postérité la terre sur laquelle tu dors. »

Ce songe est un des types les plus frappants des rêves mystiques. Jacob fit encore d’autres songes et Laban le Syrien, son beau-père, qui le poursuivait, en eut un à son sujet (Genèse, XXXI, 24.)

Si Joseph, fils de Jacob, n’eut pas des songes personnels remarquables, il possédait la faculté de traduire couramment en langage humain les avertissements célestes. Son histoire a donné lieu à trop d’interprétations diverses pour que nous nous y étendions aussi longuement ,que fa fait la Bible. Citons simplement les deux passages qui décidèrent de sa destinée si accidentée.

Genèse, chap. XXXVII, 36. « Et les Madianites le vendirent en Égypte à Potiphar, eunuque de Pharaon, prévôt de l’hôtel. »

Genèse, chap. XXXIX, 7. « Il arriva donc après ces choses que [p. 536] la femme de son maître (Potiphar, eunuqne de Pharaon), jeta les yeux sur Joseph et lui dit couche avec moi. »

Jeté en prison, après un pudique refus, sur la dénonciation de Mme Potiphar, il fut amené par suite des circonstances à expliquer au Pharaon le songe fameux dès « sept vaches grasses et des sept vaches maigres, des sept épis beaux et pleins absorbés par les sept épis minces ». La traduction magistrale qu’il donna de ce songe fit que le Pharaon le nomma son premier ministre.

Ce qu’il y a d’étonnant, pour les cerveaux contemporains, dans ce récit biblique, c’est cette circonstance extraordinaire de Mme Potiphar mariée à un eunuque officiel de Pharaon.

Les songes de Nébucadnetsar, roi de Babylone, furent non seulement expliqués par Daniel, le prophète juif, qui était en même temps un mage distingué, mais encore, en ce qui concerne le premier, il le rappela au roi qui l’avait oublié bien qu’il en fut demeuré très impressionné.

Un autre songe qui eut une portée considérable sur le sort de la nation juive, en ce sens qu’il amena la fin, de la captivité de Babylone et la reconstruction de Jérusalem, fut celui de Darius, expliqué par le juif Zorobabel (IIIe livre d’Esdras, réédité par Josèphe).

S’il est un songe important dans le Nouveau Testament, c’est celui qu’eut le bon Joseph. Il est raconté dans l’Évangile de N. S. Jésus-Christ, selon saint Matthieu. Ch. ler, 18 à 25.

  1. « Or la naissance de Jésus-Christ arriva ainsi Marie sa mère ayant été fiancée à Joseph, elle se trouva enceinte par la vertu du Saint-Esprit, avant qu’ils fussent ensemble. »
  2. « Joseph, son époux, étant homme de bien et ne voulant pas la diffamer, voulut la quitter secrètement. »
  3. « Mais comme il pensait à cela, un ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit Joseph, fils de David, ne crains point de prendre Marie pour ta femme, car ce qu’elle a conçu est du Saint-Esprit. »
  4. « Et Joseph donc étant réveillé de son sommeil fit comme l’ange du Seigneur lui avait commandé, et il prit sa femme. »
  5. « Mais il ne la connut point jusqu’à ce qu’elle eut enfanté son fils premier-né, et il lui donna le nom de Jésus. »

Le vénérable saint Matthieu donne plus loin la suiteen mentionnant l’existence des quatre frères et des deux sœurs de Jésus. Saint Matthieu, qui avait sans aucun doute l’âme simple et candide, n’entrevoyait pas, lorsqu’il écrivait son Évangile que viendrait dans les temps futurs le dogme de la Virginité et de [p. 537]  l’Immaculée Conception de Marie que nous devons à l’âme beaucoup moins simpliste de Sa Sainteté Pie IX.

Il y-a-t-il eu deux saint Matthieu, l’évangéliste, et l’apôtre, lequel était publicain, c’est-à-dire douanier, profession tenue fort en mépris par les Juifs, qui ne voulaient pas payer l’impôt nouveau aux Romains vainqueurs ? Les trois Évangiles synoptiques sont d’accord pour le mettre parmi les disciples, tandis que, d’après Origène, d’autres prétendaient que saint Matthieu était double. On va même jusqu’à contester qu’il ait été l’auteur vraide son Évangile. Les mêmes réticences s’appliquent également aux autres évangélistes.

Saint Matthieu, du reste, n’a jamais eu aucune prétention à la logique. Son Évangile commence ainsi Chapitre Ier « La généalogie de N. S. Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham, etc. » Suivent les détails généalogiques des quarante-deux générations d’Abraham à Jésus-Christ qui tendent à prouver la haute et noble antiquité d’origine du Messie chrétien. Elle ne serait pourtant pas supérieure à celle de n’importe quel Juif de l’époque et même du plus humble Juif de nos jours. Il n’y a pas de génération spontanée, dans la race juive pas plus que dans les autres, et tous les Israélites remontent à un père commun qui est Abraham. Il faut cependant reconnaître que l’intention de saint Matthieu était bonne en elle-même ; seulement, alors, pourquoi nous dit-il plus haut, aux paragraphes 18 à 25 de son Évangile que nous venons de citer, que Marie était enceinte du Saint-Esprit lorsqu’elle épousa Joseph ? C’est donc la généalogie de Joseph et non celle de Jésus que l’illogique saint Matthieu nous a donnée. Celle du Divin Maître est beaucoup plus simple à établir; du côté paternel il n’a qu’un ascendant le Saint-Esprit, et c’est tout. Il est vrai que ce qu’elle perd en quantité, sa généalogie le gagne en qualité, il serait difficile de trouver mieux que d’être le Fils de Dieu-Esprit.

Laissons maintenant les songes sacrés pour faire une incursion réaliste au pays bleu des poètes et des mystiques, au pays des rêves que font les profanes.

Le rêveest une étude troublante et obscure pour les médecins et les psychologues qui étudient les matériaux, mais non l’état normal.

C’est au XVIe siècle qu’apparaît l’art de se procurer des songes agréables au moyen de substances compliquées qui donnaient ou ne donnaient pas les résultats attendus. Ces substances [p. 538] compliquées étaient sans nul doute des anesthésiques qui stupéfiaient les organes et donnaient un sommeil factice, mais non un sommeil normal il en est encore de même aujourd’hui. Les pratiques d’hypnotisme et de somnambulisme paralysent la volonté de l’âme en substituant une volonté autre à la sienne. Nous croyons cependant que dans les cas d’hypnotisme, ces pratiques ne peuvent avoir d’entier effet qu’avec le consentement, en quelque sorte tacite, de l’âme directrice ordinaire.

Au commencement du XIXe siècle, et vers 1820, on s’occupa plus sérieusement du rêve. Pendant le XVIIe et le XVIIIe siècle on paraît être resté dans le statu quo.

Mais, de 1850 à 1870, l’attention des psychologues fut particulièrement attirée sur la question des songes par l’apparition du spiritisme avec ses tables tournantes, le somnambulisme et l’extase.

Il est bien entendu que nous ne considérons le véritable rêve qu’en état de sommeil normal.

Quoi qu’en disent certains psychologues et médecins qui pensent le contraire, le sommeil est de nature physiologique et non psychologique. Ce n’est point un affaiblissement de l’organe de la conscience, l’esprit n’a point besoin de repos c’est pour ses associés que ce repos est non seulement nécessaire, mais indispensable. L’apparence indique bien une absence de pensées mais ce n’est qu’une apparence et elle est volontaire dans l’intérêt de l’organisme même dont l’âme à la direction pour l’ensemble.

Les organes surmenés, c’est-à-dire sans repos réparateur, ne tarderaient pas à ne plus être en état de continuer leurs fonctions. L’âme est donc volontairement inactive pendant le repos du corps et sa volonté d’inertie est dictée par la pensée de conservation. Les organes humains ne sont constitués que par des associations temporaires qui commencent, et, pour cette raison, ils ont besoin d’un repos alterné qu’ils prennent pendant le sommeil quotidien du corps. En un mot, le sommeil est le repos régénérateur de l’organisme en détresse, comme la mort est la détresse définitive de l’association humaine qui a besoin, avant de pouvoir se reconstituer sur de nouvelles bases, d’un repos beaucoup plus prolongé et plus réparateur.

L’homme qui respire dix-huit fois par minute à l’état normal et de veille, ne respire plus que dix à douze fois par minute à l’état de sommeil. Le thorax diminue de capacité pendant le sommeil et l’homme éveillé aspire de sept à neuf litres d’air au lieu de ml. à deux litres, endormi. [p. 539]

La marmotte a une différence bien plus grande entre les deux états elle respire vingt-huit fois par minute à l’état de veille et six à huit fois à l’état de sommeil.

La température du corps humain est maxima à 5 heures du soir et minima à 5 heures du matin. Le sommeil abaisse la température humaine de un degré.

La vie persiste donc dans toutes les parties dans le sommeil, mais les actes sont simplement reconstitutifs.

On fait des rêves éveillés, mais ceux-là on les conduit ; ils prennent le nom de rêveries.

Il y a un point qui semble insoluble le rêve est-il l’exception ou rêvons-nous tout le temps sans en avoir conscience ?

Notre état psychologique et notre état physiologique ne sont jamais nuls dans le sommeil véritable et normal, chaque partie de l’être vit de sa vie propre et non de la vie commune active, la liaison intellectuelle supérieure étant momentanément interrompue, le souvenir ne peut en être conservé. Il y a exception dans certains cas de rêve où la liaison est partiellement rétablie d’une manière factice. Après ce que nous appelons la mort physique, la vie persiste plus ou moins longtemps dans les parties associées, ainsi que cela a été constaté par les médecins ; à plus forte raison y-a-t-il activité pendant le sommeil.

Le rêve est un état et en même temps une fonction, mais involontaire et incomplète. Le rêveur a vu, les yeux fermés, des scènes : hallucination de la vue et absence de mouvements.

Dans l’état de veille, il y a liaison entre les divers états du jour et des jours antérieurs, mais les rêves ne sont pas reliés entre eux. Il y a également des exceptions et les médecins considèrent ces cas comme pathologiques, ce qui n’est pas notre avis, pour le rêve en sommeil normal.

Il y a des illusions, des hallucinations et des perceptions normales, il y a également des émotions énormes dans le rêve appelé cauchemar. Souvent même dans le rêve, les interprétations sont en désaccord avec la vision et le rêveur s’en rend bien compte. Nous laissons de côté les états analogues le somnambulisme, le délire alcoolique, l’action des toxiques, l’extase. Il y a des rêves mystiques qui ne sortent pas de la cause ordinaire.

En résumé, s’il est des rêves agréables, ils sont en bien petit nombre. Le plus souvent ce sont des scènes étranges, quelquefois terribles, n’ayant aucun rapport avec les actes vécus par soi-même cependant elles représentent aussi des personnages que [p. 540] l’on a connus dans la vie, mais figurant dans des scènes nouvelles. Il y a même des tableaux se succédant avec rapidité; sans aucun rapport les uns avec les autres et montrant des lieux inconnus, etc. Beaucoup plus exceptionnellement les rêves sont reliés entre eux, quoique interrompus par un réveil, ils reprennent à l’endroit exact où ils se sont brisés. En un mot, la forme du rêve est susceptible d’un grand nombre de modifications et les sujets peuvent varier à l’infini.

Dans le rêve, ce qui est le plus rare et le plus difficile à développer parmi les sens à organes spéciaux, c’est le sens du goût et même celui de l’odorat, quoique cela puisse se produire; mais c’est presque toujours plutôt une impression idéale qu’une sensation organique.

Quelle est donc l’origine du rêve qui est en quelque sorte la vie accidentelle du sommeil ?

Là-dessus notre opinion est bien nettement établie par le raisonnement et confirmée par les cas observés.

Dans le sommeil normal, le rêve n’a pas pour cause l’être qui l’accomplit, il émane, il est le fait, l’œuvre consciente ou inconsciente d’influences extérieures à l’être.

Si le rêve était l’effet direct de l’être complet, il serait toujours agréable et jamais incohérent; le résultat contraire prouve évididemment qu’il ne le dirige pas mais qu’il le subit.

Pendant l’état de veille, le corps humain, dans son activité qui met en jeu toutes les forces réunies de la collectivité, peut échapper, sinon toujours complètement, du moins dans une certaine mesure, aux effets des influences extérieures qui l’environnent et le pénètrent de toutes parts. Il offre par son énergie concentrée une résistance à peu près suffisante à l’action d’une vie énorme, d’une complexité et d’une condensation bien moindres que la sienne, mais d’une intensité extrême. Nous baignons, pour ainsi dire, dans des formes de la vie qui ne font pas partie de notre monde sensible. Comme elles appartiennent à une période bien antérieure à la nôtre, elles échappent à la balance des chimistes comme les rayons cathodiques, mais ‘elles n’en existent pas moins et exercent sur l’être humain, qui vient d’elles, une influence réelle. C’est l’au-delàde la vie.

Mais quand arrive le sommeil, la résistance vitale a en partie disparu et l’action de la vie extérieure devient beaucoup plus sensible. Pendant le sommeil normal, le lien général qui relie toutes les parties du corps s’est relâché, la direction est muette, [p. 541] et les sensations diverses n’étant plus transmises à l’ensemble, restent la propriété particulière de chacun des groupements.

Le rêve n’est pas une fiction, une simple réminiscence de l’être endormi repassant en lui-même les préoccupations de la veille qui ont laissé en lui des traces plus ou moins profondes, pas plus que des préoccupations plus anciennes résultant de faits ou d’actes vécus. Ces préoccupations, ces faits ou actes vécus peuvent bien exister dans ce qui constitue le réservoir de la mémoire de l’être, et ils y existent réellement à l’état clair ou voilé, suivant l’importance que l’être y a attachée, mais il ne dépend pas de lui seul de les faire revivre pendant le sommeil autrement ce ne serait plus le sommeil, mais la vie active qui reprendrait. Il faut pour cela qu’une cause extérieure s’en empare en fouillant à sa place dans ce passé, ou dans ces préoccupations présentes, pour les amener, pendant le sommeil normal, à une sorte d’esquisse rapide et souvent incohérente. Si cette cause extérieure, en effet, ne les possède pas par elle-même, ils ne lui apparaissent plus que d’une manière confuse et il lui est difficile d’en tirer un sujet bien réglé, Le rêve et ses causes ayant de la cohésion, surtout si la cause agissante est incapable de s’en servir avec succès en raison de son insuffisance personnelle.

« L’homme qui rêve, dit Dechambre dans son Dictionnaire des sciences médicales où il cite Moreau de la Sarthe et Maury, n’est pas toujours entièrement dupe de la scène fantastique qui se passe dans sa conscience, il peut avoir le sentiment de l’absurdité même de sa propre pensée, de son propre raisonnement et de ses propres actes. »

C’est donc une preuve qu’il subit une action qu’il ne peut diriger lui-même. Il ne faut pas oublier que si dans ce moment l’âme est passive, elle reste pensante et peut par conséquent porter un jugement.

« Et maintenant que manque-t-il au rêveur pour qu’il soit semblable à l’homme éveillé. Si le rêveur et l’homme éveillé jouissent tous deux de leur volonté puisque tous deux sont attentifs et portés à l’acte, le premier ne dispose plus comme le second de cette activité libre, différant de la propension instinctive ou impulsive en vertu de laquelle nous délibérons et nous déterminons et qui nous rend maîtres de tout notre être spirituel et physique. »

C’est la continuation des preuves fournies par Dechambre lui-même. Si l’être, en état de sommeil normal, a une volonté impuissante à diriger ses actes suivant sa pensée, c’est qu’il s’est [p. 542] évidemment produit un double phénomène, psychologique et physiologique, inconnu l’état de veille une autre volonté asservit momentanément celle particulière à l’être.

Pendant le sommeil normal, le corps humain est un instrument qui peut vibrer sous l’action d’une cause extérieure et étrangère, plusieurs causes peuvent agir conjointement.

Quand l’être qui rêve peut apprécier l’étrangeté et l’incohérence de son rêve, c’est qu’il s’est ressaisi un moment, mais seulement partiellement, autrement il mettrait fin au rêve qui lui est imposé, en provoquant le réveil par la reprise de la direction entière de l’ensemble qui le compose. Ç’est ce qui arrive le plus souvent dans le cauchemar.

L’intrus qui exerce l’influencé de son despotisme accidentel, conscient ou inconscient, se sert souvent, lorsqu’il est conscient, du propre fonds des souvenirs que le rêveur a emmagasinés en lui et qu’il a quelquefois depuis longtemps oubliés à l’état de veille. Il les cherche et les fait ressortir tout comme l’esprit lui-même pourrait le faire.

« Je connais, ajoute Dechambre que nous continuons de citer, un savant illustre qui les regarde (les rêves) comme toujours provoqués par un événement du jour précédent. »

Ceci est une erreur du savant illustre ce ne sont pas les événements des jours précédents qui les provoquent, mais comme ce sont les souvenirs les plus récents, ils sont par conséquent les plus faciles à retrouver et à évoquer par les intrus bien ou mal intentionnés, plus souvent mal.

« Et c’est une question souvent débattue que celle de savoir s’il y a des sommeils absolument dépourvus de rêves. Les psychologues purs le contestent. Il est de l’essence même de l’esprit de penser donc il pense toujours. »

Nous avons connu des personnes qui nous ont affirmé n’avoir jamais eu l’impression ou le souvenir d’aucun rêve, c’est donc comme si elles n’avaient jamais rêvé, quand bien même elles l’eussent fait. Nous devons ajouter que ces personnes étaient plutôt primitives qu’avancées; mais, plus primitives encore, elles sont susceptibles de rêves. Le chien rêve et il est facile de le constater.

Quant à l’opinion des psychologues « que l’esprit pense toujours », il y a cependant des moments pour l’esprit où sa pensée est loin d’être active il a lui-même des états de somnolence qui [p. 543] sont la reminiscence d’un état antérieur. S’il pense, et sa rêverie, même est une pensée, elle n’est point, sous cette forme, transmissible à son composé humain en état de sommeil normal.

Il y a dans notre milieu des causes impondérables constamment à la recherche d’instruments humains susceptibles de produire des effets, ce sont des causesdéjà élevées agissant consciemment. Plus la cause est élevée plus l’effet est saisissant et possède de liaison dans ses développements. Il y a aussi les causes agissant inconsciemment elles nous pénètrent, car nous sommes au milieu d’elles, ou plutôt elles sont au milieu de nous souvent même elles agissent sur nous en nous ignorant et, dans ces cas, les rêves que nous. faisons ne sont que les résultats réflexes de pensées extérieures qui ne se rendent aucun compte des effets qu’elles produisent. Bien plus qu’avec les causes conscientes, les rêves alors sont incohérents, fugitifs, parce qu’ils ne représentent que des séries d’incidents passagers sans aucun lien entre eux, et se succédant souvent avec assez de rapidité pour ressembler à de simples tableaux. Là surtout, nous ne reflétons dans notre rêve que des scènes de la vie d’autrui.

Les rêves lubriques ont toujours une cause consciente.

Parmi les renseignements que nous possédons depuis un certain nombre d’années et que nous considérons comme certains, nous avons trouvé les relations des rêves les plus simples et les plus compliqués, les plus, fugitifs et les plus suivis. Un, entre autres, se poursuivit trois nuits de suite, et celui du lendemain était repris au point exact où s’était terminé celui de la veille; la durée de chaque rêve était assez courte. Ces rêves reportaient le rêveur à une époque déjà éloignée de plusieurs siècles les scènes, d’une netteté remarquable, reproduisaient bien celles de l’époque, les costumes des personnages nombreux qui y figuraient étaient d’un coloris, très brillant; il n’y avait aucune critique à formuler sur la moralité des actes. L’intensité lumineuse était extrême.

Mais à côté de la relation de ce rêve, qu’on pourrait appeler moral, il y en a d’autres d’un réalisme effrayant ; dans ces cas, la netteté était bien moins grande et le cadre beaucoup plus sombre. D’autres fois, et à plusieurs reprises différentes, des scènes furent représentées sans-dessus dessous, puis aux deux tiers de la position verticale qu’elles auraient dû occuper. La causeétait sans doute inexpérimentée, car ce ne fut qu’après des tâtonnements que les objets et les figures prirent la position normale. [p. 544]

Parmi tous ces rêves étranges et impressionnants, nous allons en citer deux seulement, en raison surtout de leur apparence de réalité humaine véritablement stupéfiante, et qui ne se rapportaient en aucune façon aux événements vécus par le rêveur.

Le premier représentait le siège d’une ville inconnue, des obus énormes, partant de la ville assiégée, tombaient et éclataient autour du malheureux spectateur qui se trouvait assez rapproché pour apercevoir la lueur fugitive des, coups que les pièces tiraient sur lui, et il n’y avait absolument rien pour pouvoir s’abriter aucune figure n’était en vue. Ce rêve terrible dura un temps beaucoup trop long au gré de celui qui était obligé de le subir.

Le second était pire encore c’était un tremblement de terre, tout vacillait autour du rêveur. Dans la maison où il se trouvait les vitres se brisaient, les planches s’effondraient, les murs s’écroulaient, c’était le comble de l’horreur. Heureusement qu’un brusque réveil vint mettre un terme à cet effrayant cauchemar.

Tous ces rêves abominables n’émanaient sûrement pas de causesbienveillantes et sympathiques, on le conçoit facilement.

Il en est presque toujours ainsi et les rêves agréables peuvent facilement se compter chez les rêveurs. Nous n’y avons jamais trouvé aucune révélation qui ait pu faire présager de l’avenir. Tous ceux que nous avons interrogés sur le même sujet ont fait des réponses négatives. Si, dans certaines circonstances, les rêves peuvent être considérés comme des avertissements pour les événements futurs ou pour ceux en cours de réalisation, ces cas doivent se présenter bien rarement ; cependant ils ne sont point impossibles. Les songes sacrés de l’Ancien et du Nouveau Testament, s’ils out été réédités, n’ont pas trouvé d’historien pour les porter à notre connaissance. Effets des temps nouveaux où tout change d’aspect et de signification.

Terminons par cette pensée de Voltaire :

« Pourquoi et comment a-t-on des rêves dans le sommeil, si on n’a point d’âme ? et comment ces rêves sont-ils toujours si incohérents, si extravagants, si on en a une ? »

C’est ce que nous avons cherché à déterminer dans ce qui précède.

UN FLAMINE.

 

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