Un cas de possession. Par Arnold Van Gennep. 1911.

Le document que nous reproduisons ici est exceptionnel à plus d’un titre. D’abord les Archives de psychologies sont très difficiles à trouver, même dans les bibliothèque publiques. Leur numérisation n’existe pas encore. Dans les bibliothèques qui possèdent quelques années, le papier est tellement dégradé qu’elles sont interdites à la photocopie. En second lieu le document en lui-même représente une rare curiosité car la possédée en question l’es en fait, par un damné et non par le diable lui-même. Certes il n’est jamais loin, car en fin d’intervention il menace le damné possesseur de le sanctionné pour ses plaintes et dévoilement. Ce document donc, a été publié dans les Archives de Psychologie, (Genève), tome 10, 1911, pp. 88-92, par le très savant Arnold Van Gennep (1873-1957).

Nous remercions  Madame Pascale Beaudon, Université Paul Sabatier SCD/BU Santé Service des périodiques et des ressources électroniques qui nous a permis d’avoir accès à ce document.

RECUEIL DE FAITS DOCUMENTS ET DISCUSSIONS

UN CAS DE POSSESSION

Le document qui suit m’a été donné par un vieillard des environs de Bonneville, neveu de l’abbé Picollet, dont le nom figure à la fin, et qui l’a écrit en faisant dicter le contenu d’une lettre adressée par un correspondant non nommé à un certain abbé Frisier. Je ne suis malheureusement pas en mesure de décider en quelles paroisses et à quelle époque ont vécu ces ecclésiastiques. Il semble que ces paroisses ont dû être situées en Chablais ou en Faucigny et que les lettres doivent dater, au moins, du début du siècle dernier ; il suffirait, d’ailleurs, de déterminer en quelle année un certain abbé Milantin a prêché le carême à Genève. Ce sont là des enquêtes pour lesquelles on est mieux outillé sur place qu’à Paris, ainsi que pour savoir qui était « le malheureux Maury ».
Quant au fait en lui-même, je n’en ai pas trouvé mention dans les ouvrages de L. F. Calmeil, de Otto Stoll, ni de A. Lehmann ; mais peut-être a-t-il été cité ou analysé dans des publications de la Drôme ou de l’Ardèche. En ce cas, je serais fort reconnaissant à des savants locaux de vouloir bien m’en avertir .
Le document original présente, en somme, une orthographe à moitié phonétique, où l’on reconnaît des prononciations particulières au Genevois et au Chablais ; c’est donc aussi comme un document d’un certain intérêt linguistique qu’on le publie ici tel quel, mais suivi d’une transcription nécessaire pour les lecteurs non français des Archives.

Paris.

B. Van Gennep

Documents

e extrai dune letre de monsieur l’abé frisier dans un voyage que j’ai fait dici a vignon toujour pour la meme que j’ai vus à pape-vilage a deux lieu de valance diosaise de vivier. une fille pieuse une fille de 18 ans possedé du démon deux ou trots fois par semaines et ce la pandain deux heures quelque fois plus quelque foi moins j’ai été témoin oculaire te enriculaire de deux crise et je puis vous assurer que je nai rin vu de ma vie de plus affreux ni de plus edifient cett fille et toutafait Simple pieuse naiive de vient ausito que le démon la posede un etre affreus que personne nose regarder· en fas Sa figure naturellement douce prand une expression énergique de férocité Ses yeux Sont continuellment fixe et tré ouvert Ses lévres virginales expriment toutes les fureurs et toutes les malices Satanique Sa bouche ne vomit plus que des blasfaimes et des blasfaimes que l’homme le plus impie ne prononce pas ou quil ne prononce quavec cest entrénement te cette facilité elle répond Sans hésiter a des question qui lui sont faites en latin grec en hébreu en allemant avec une prontitude et a propos et une justesse qui étonne vous aves Sans doute entant du parler de monsieur l’abbé milantin qui a preché le caraime dernier a geneve vous Saves peutaitre que dans le cours de Ses instrctions cest abbé a trété tout les Sage est principaux de contreverce contre les protestants et les calotiques et bien cet abbé milantin passant a Tonnon pour Se randre a marsaille apprand a tonnon la faire qui Se passé apape il Se détermine a y porté Ses pas il y arive au moment méme de la crise il fait des questions en latin Sur genéve et l’hérésie de calvin la la (i) possedée répond non seulement d’une magnére nete té précise Ses questio proposée mai cncor elle donne des destails Sur Sa mision detailie que j’appellerai int…ve te cela avec une vérité et une Solidite qui étonne notre abbé mes racontant des fait raconte une crise que nous avon écrite Séience tantée cet la mélieur maniere dde vous intéressé et de vous faire connétre la possésion cette possession que vous allé voir est tout a fait Singuliere je ne cest méme S’il y enna dexanple il Sagit dune possession non pas un esprit in fernale mes dune possession d’un dané qui nous intéresse baucoup par un dané de geneve mais revenon au fait la possédée fait en tandre au moment méme de la crise les plainte du dané en Ses termes moi étre danné moi si jeune ha je lai bien mérité je les modirai eternellement ceux qui en Sont la cause D quels sont ceux la R mes paran mes mon plaisir cera de les tourmanté éternellement eux et calvin D pour quoi calvin R je sui le malheureux, maury dont il voulai Se Servir pour faire croire quil ferai des miracles je l’ai bien mérité elle auci Sa famme elle je la maudirai eternellement je lui reprocherai éternellement d’aitre la cause de mes affreux Suplices jaurai tant aimé ton diéu et je sui dané et dané Si jeune D quel age avez tu don R vinte trois ans mes pour tant je lai bien méeite car jaitois catholique mai jai tout renié ne faite pas comme moi ne Sui pas mon éxemple une eternité toujour  Souffrir Sans jamai finir et deja dépuis Si longtant et personne pence ainci D il y  a plus de 300 ans que tu Souffre R Si apres 300 mille foi autant javois une  minutes mai non l’eternité les ternité que ce mot et long Si un confesseur été venu peutaitre que jaurai eu quelque re mort mai non oui je le maudirai éternellement ne Sui pas son) exemple moi je laurai béni pendant toute l’eternite ton dieu jaurai un régne de gloire au lieu que jai un régne de malheμr eternelle calvin gardoit des jans catié pour assassiné des catholique qui ne voulait pas changer de réllgion Si tout les 300-000 ja vois une, minute mes non une eternite D comment tes parans on til été !a cause de ta perte R ils ont consenti a cette réligion D de laquel il mon lessé épouser une protestante Si du moins javoi une minute je ne de mandré pas une minute mes une demi minuet D les tourment auguementé til en nafer ou bien Sontils toujour lès meme comment pourai il augmenté puis quil sont infini la voir  vu une fois et ne plus le revoir accuns affreux je Sui uni avec le démon je suis mort avec le démon ct je Serai éternellement avec le démon D tu na pas eu la pansée de revenir a dieu R je ni ai pas pancé et pourtant une minuté une demi minute pouvoi me changer ne prie pas pour les dané car la priére et unsuplice pour lanfer cest tin redoubl!3ment de paine un triplement de paine c’est comme une ame danée que je te parle entantu / ici le dané a parlé seul pandan une heure avec une elocance sombre effrayante triste te cela avec une telle rapidité quil nous a été impossibIe décrire puis a pres ce monologue il a continué ne Sui pas mon example Si apres Sin millions de million et de millions de siecles javois une minute mes non Sest toujour léternite D tes parans Sont il dane auci Rmes parans sont ici :heureusement / ici changement de Saine cest qn démon qui prend la place du dané et le menace de doubler Ses tourments pour avoir voilé les mistaires de lanfer.
les personne qui ont assiste a cette Sene etait en grand nombre loditoire étoit pétrifié chacuns cest ell alIé Sans dire mot. je doi vous dire que Ses Saine repassant dans’ une paroissè composée pour les trois car de protestant quel a fait Sur eux inci que sur nos incredules les plus heureuses impresion deux protestans Se Son converti et Sont devenu des modelle de piété quand a votre Serviteur il n’a pas été converti à la foi il avet déja grace a dieu mai il reméritara a jamai la providence davoir vu diable de Si pret on croit au diable mai quand on la vus cest bien autre chose du moint par la pratique les Spectacle frappent bien plus que les cœur de consiles infaillible cepandan dapres la foi assé sur les crimes diaboliques

Mon vernet vu du diosése par un létre à Monsieur labé picolet confirme la contenance de sttte létrere

 

 

Transcription.

Extrait d’une lettre de M. l’abbé Frisier,
Dans un voyage que j’ai fait d’ici à Avignon, toujours pour la même (raison), j’ai vu à Pape, village à deux lieues de Valence, diocèse de Viviers, une fille pieuse de 18 ans, possédée du démon deux ou trois fois par semaine, et cela pendant deux heures, quelquefois plus, quelquefois moins. J’ai été témoin oculaire et auriculaire de deux crises, et je puis vous assurer que je n’ai rien vu de ma vie de plus affreux ni de plus édifiant. Cette fille est tout à fait simple, pieuse et naïve ; elle devient, aussitôt que le démon la possède, un être affreux que personne n’ose regarder en face. Sa figure naturellement douce prend une « expression énergique de férocité. Ses yeux sont continuellement fixes et grands ouverts. Ses lèvres virginales expriment toutes les fureurs et toutes les malices sataniques. Sa bouche ne vomit plus que des blasphèmes tels que l’homme le plus impie ne les prononce pas ou ne le fait que (sous le coup d’une excitation) du même ordre. (Remarquable aussi) est cette facilité avec laquelle elle répond sans hésiter à des questions qui lui sont posées en latin, en grec, en hébreu, en allemand, et cela avec une promptitude, un à propos et une justesse, qui étonne.
Vous avez sans doute entendu parler de M. L’abbé Milantin qui a prêché le Carême dernier à Genève, et vous savez peut-être que dans le cours de ses instructions cet abbé a traité tous les objets principaux de controverse entre les protestants et les catholiques.
Eh bien, cet abbé Milantin, passant à Thonon pour se rendre à Marseille, apprend à Thonon l’affaire qui s’est passé à Pape. Il se détermine à y porter ses pas ; il arrive au moment même de la crise ; il fait des questions en latin sur Genève et l’hérésie de Calvin.
La possédée répond non seulement d’une manière nette et précise à ses questions, mais encore elle (lui) donne des détails sur sa mission, détails que j’appellerai int… (Intime ?) et cela avec une vérité et une solidité qui étonne. Notre abbé m’a raconté ces faits et m’a décrit une crise. (Cette description), je l’ai écrite séance tenante, pensant que c’est la meilleure manière’ de vous intéresser et vous faire connaître (l’allure de cette) possession laquelle, comme vous allez voir, est tout à fait singulière Je ne sais même s’il y en a eu d’autres exemples.
Il  s’agit de la possession, non pas par un esprit infernal, mais par un damné, et cela nous intéresse beaucoup, car il s’agit d’un damné de Genève. La possédée fait entendre au moment de la crise, les plaintes du damné en termes suivants :

— Moi, être damné ! Moi si jeune! Ha, je l’ai bien mérité! Je les maudirai éternellement ceux qui en sont la cause !

— Demande : Quels sont ceux-là ?

— Réponse : Mes parents ; mais mon plaisir sera de les tourmenter éternellement, eux et Calvin.

— Pourquoi Calvin ?

— Je suis le malheureux Maury dont il voulait se servir pour faire croire qu’il ferait des miracles. Je l’ai bien mérité. Elle aussi, sa femme. Elle, je lui reprocherai éternellement d’être la cause de mes affreux supplices. J’aurais tant aimé ton Dieu, et je suis damné, et damné si jeune.

— Quel âge avais-tu donc ?

— Vingt-trois ans. Mais pourtant je l’ai bien mérité, car j’étais catholique. Mais j’ai tout renié. Ne faites pas comme moi. Ne suis pas mon exemple. Une éternité… Toujours souffrir…  sans jamais finir… et déjà depuis ‘si longtemps… et personne ne pense ainsi !

— Il y a plus de trois cents ans que tu souffres ?

— Si après trois cent mille fois autant j’avais une minute (de repos) … Mais non…  l’éternité… l’éternité … Que ce mot est long…  si un confesseur était venu (me voir avant ma mort) peut-être aurais-je eu quelques remords… Mais non… Oui, je le maudirai éternellement … Ne suis pas mon exemple… Moi je l’aurais béni pendant toute l’éternité, ton dieu… J’aurais un règne de gloire au lieu que j’ai un règne de malheur éternel… Calvin cachait des gens, pour assassiner des catholiques qui ne voulaient pas changer de religion… Si tous les trois cent mille {ans) j’avais une minute (de repos)… Mais non… une éternité …

— Comment tes parents ont-ils été la cause de ta perte ?

— Ils ont consenti à celte religion (ils se sont convertis) et ils m’ont laissé épouser une protestante ….. Si du moins j’avais une minute (de repos). Je ne demande pas même une minute, mais une demi-minute.

— Les tourments augmentent-ils en enfer ou bien sont-ils toujours les  mêmes ?

— Comment pourraient-ils augmenter, puisqu’ils sont infinis ?… Ah !… les avoir vus une fois, et ne plus les revoir… ces (spectacles ?) affreux… Je suis uni au démon, je suis mort avec le démon, et je serai éternellement avec le démon …..
_

— Tu n’as pas eu la pensée de revenir à Dieu ?’

— Je n’y ai pas pensé et pourtant… … une minute… une demi-minute, pouvoir me changer…  Ne prie pas pour les damnés, car la prière est un supplice pour l’enfer… c’est un redoublement de peines, un triplement de peines ….. c’est en tant qu’âme damnée que je te parle, entends-tu ? (Comprends-tu ?)

Ici le damné a parlé seul pendant une heure avec une éloquence sombre, effrayante, triste, et cela avec une telle rapidité qu’il a été impossible d’écrire ce qu’il disait. Puis, après ce monologue, il a continué :

— Ne suis pas mon exemple… Si après cinq millions de millions et de milions de siècles j’avais une minute (de repos)… Mais non… C’est toujours l’éternité…

— Tes parents sont-ils damnés aussi ?

— Mes parents sont ici, heureusement (car je puis les faire souffrir).

Ici changement de scène : c’est un démon qui prend la place du damné et le menace de double ses tourments pour avoir dévoilé les mystères de l’enfer.

Les personnes qui ont assisté cette scène étaient en grand nombre. L’auditoire était pétrifié. Chacun s’en est allé sans dire mot. Je dois vous dire que ces scènes se passant tians une paroisse composée pout les trois quarts de protestants, ont fait sur eux, ainsi que sur nos incrédules, les plus heureuses impressions. Deux protestants se sont convertis et sont devenus des modèles de piété. Quant à votre serviteur, il n’a pas été converti à la foi ; il l’avait déjà, grâce à Die, mais il remerciera à jamais la Providence d’avoir vu le diable de si près. On croit au diable, mais quand on l’a vu, c’est bien autre chose. Du moins, par la pratique, les spectacles frappent bien plus que…

M. Vernet, vicaire du diocèse (de Viviers), par une lettre à M. l’abbé Picollet, confirme le contenu .de cette lettre.

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