Remarques sur la technique de la psychanalyse freudienne. Par Raymond de Saussure. 1925.

SAUSSURETECHNIQUE0004Raymond de Saussure. Remarques sur la technique de la psychanalyse freudienne. Article parut dans la revue « L’Evolution psychiatrique », (Paris), 1925, pp. 37-54.

Raymond de Saussure. Né et mort en Suisse, à Genève (1894-1971). Il est le fils du très célèbre linguiste Ferdinand de Saussure, dont Jacques Lacan reprendra les principaux travaux en les développant dans sa pensée. Après avoir entrepris des études de lettres et de psychologie, il s’oriente vers les études médicales et devient médecin confirmé à Zurich, il poursuit sa formation de psychiatre en France, à Paris, puis à Vienne, et enfin à Berlin. Il est analysé par Freud, puis par Franz Alexander. Elève de Théodore Flournoy, il a été un des fondateurs de la Société Psychanalytique de Paris, et un zélateur efficace pour la psychanalyse en France et en Suisse romande. Ses recherches et ses travaux restent très influencés par ceux de son père, en particulier, ses développements sur le langage, comme celui que nous proposons ici. Quelques unes de ses publications :
— La méthode psychanalytique. Avec une préface de M. le professeur Sigmund Freud. Lausanne et Genève, Payot et Cie, 1922. 1 vol. in-8°.
— Raisonnements par assonances verbales. Article parut dans les « Annales médico-psychologiques », (Paris), douzième série — tome deuxième, quatre-vingt-unième année, 1923, pp. 402-409. [en ligne sur notre site]
— La valeur scientifique de la psychanalyse. Article paru dans la revue « L’Encéphale », (Paris), dix-huitième année, 1924, pp. 509-517. [en ligne sur notre site]
— En collaboration avec Henri Claude . De l’organisation inconsciente des souvenirs. Article paru dans la revue « L’Encéphale », (Paris), dix-neuvième année, 1924, pp. 360-369. [en ligne sur notre site]
— Prophylaxie du crime et de la délinquance dans la jeunesse. In «  l’Encéphale », n°5, mai, 1931, pp.101-116.
— Le miracle grec. Etude psychanalytique sur la Civilisation Hellénique. Paris, Editions Denoël, 1939. 1 vol. in-8°. Dans la « Bibliothèque psychanalytique ».
— Réflexions sur la psychodynamique. In « Revuefrançaise de psychanalyse », (Paris), volume 13, n°3, 1949.
— En collaboration avec Franz Gabriel Alexander, Anna FREUD, & M. Levine M. Evolution et tendances actuelles de la psychanalyse. Tome V. Comptes-rendus du Congrès international de psychiatrie de 1950. Paris, Hermann et Cie, 1950. 1 vol.
— En collaboration avec Léon Chertock (1911-1991). Naissance du psychanalyste, de Mesmer à Freud. Paris, Payot, 1973. 1 vol. 13.5/22.5, 292 p., 2 ffnch. Dans la collection « Science de l’homme ».

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original.
 – Par commodité nous avons renvoyé la note originale de bas de page en fin d’article. – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

[p. 37]

REMARQUES
SUR
TECHNIQUE DE LA PSYCHANALYSE FREUDIENNE

Par R. de SAUSSURE

Je m’excuse de n’apporter ici aucune idée nouvelle ; je crois cependant qu’il est très important de rappeler certains principes de méthodologie, puisqu’aucun des articles consacrés par Freud et ses élèves à la technique psychanalytique n’a été traduit en français. Les auteurs qui ne lisent pas l’allemand sont, par suite, contraints de s’en rapporter à des données fragmentaires. Il en résulte des erreurs d’appréciation qu’il serait facile d’éviter.

SAUSSURETECHNIQUE0003

On a pris l’habitude, en France surtout, de considérer sous le nom de psychanalyse, non seulement la méthode des associations libres telle qu’elle est décrite par Freud, mais encore une méthode beaucoup plus simple où le médecin se contente d’un entretien avec son malade en lui expliquant son cas selon certaines données de la psychanalyse. On parle du complexe d’Œdipe, du complexe de castration, du refoulement, des tendances inconscientes, de la sublimation, de la résistance, etc., et, parce que l’on a traduit dans ce langage l’état psychopathologique du malade, on croit avoir fait de la psychanalyse. C’est là une grosse erreur qui fit dire à Hesnard (Rapport au congrès de Besançon) qu’après tout la psychanalyse ne différait pas de l’ancienne méthode psychiâtrique classique, que, seuls, des termes de psychologie nouveaux [p. 38] avaient été introduits. Parler de refoulements, de complexes, etc., c’est faire de l’analyse psychologique, puisque c’est employer des faits psychologiques, découverts par la psychanalyse, mais ce n’est pas encore faire de la psychanalyse, au sens freudien du mot. La méthode du médecin viennois est originale ; elle diffère, par plus d’un point, de l’analyse psychologique classique.

Remarquons tout d’abord que nous pouvons grouper les méthodes de psychothérapie en trois grandes classes :

1er la Méthodes d’éducation, ou synthétiques.

2° Méthodes analytiques.

3° Méthode mixtes.

Dans la première classe rentrent l’hypnose, la suggestion, la persuasion, les traitements moraux et religieux, etc. La psychanalyse freudienne rentre dans la seconde classe. Elle prétend pouvoir se passer de la rééducation, car, dit-elle, si le malade devient conscient de toutes les tendances qui sont en lui, il fera de lui-même la synthèse de son être, et n’aura pas besoin d’être rééduqué.

Dans la troisième classe rentre l’analyse psychologique. Cette méthode, après l’exploration du psychisme du malade, explique au névrosé l’origine de ses troubles, contrairement 
à la psychanalyse classique où le malade· doit trouver de lui- même cette origine. Dans la même classe rentre la psychologie analytique de Jung et Maeder, qui joint à l’analyse freudienne des tentatives de moralisation.

La cure psychanalytique comprend un traitement d’une heure par jour, et ceci pendant des semaines, souvent des mois. Il faut avertir à l’avance le malade qu’il s’agit d’un traitement long, et il faut lui faire promettre persévérance et régularité.

Pendant les séances, le malade est couché en decubitus dorsal sur une chaise longue, et le médecin se tient derrière lui. Le patient doit se laisser aller à dire tout ce qui lui vient à l’esprit, même si cela lui paraît insignifiant, obscène ou désagréable, même si ses pensées sautent du coq à l’âne. Le malade peut alors réagir de diverses manières ; parfois [p. 39] aussi, il parle d’une préoccupation qui le tracasse ; le plus souvent, il commence par se taire.

Quelle que soit la manière dont il débute, il en arrive presque toujours au silence après quelques instants ; et c’est alors qu’intervient vraiment la technique psychanalytique. Tandis que dans une autre méthode on viendrait au secours du patient en l’encourageant par un regard, ou en lui posant quelque question, dans la méthode qui nous occupe, le médecin se tait. Ce silence peut facilement durer dix minutes sans qu’il soit nécessaire de l’interrompre, car il a sa valeur thérapeutique, en provoquant chez le malade l’une ou l’autre des réactions suivantes. En général, il commence par s’excuser, disant que rien ne lui passe par la tête, ou par déclarer que cette méthode n’est pas faite pour lui. Puis, il lui arrive de penser à quelque chose qu’il ne veut pas dire, et ce quelque chose l’obsède sans qu’il puisse l’écarter. Le silence absolu du médecin énerve Je malade, qui est tenté de prendre en grippe son interlocuteur impassible. Pour se distraire, le patient cherche à s’évader dans le monde extérieur, il parlera d’un objet qui lui tombe sous les yeux, ou de la pluie et du beau temps. Mais ses phrases sont courtes et entrecoupées de silences, car l’idée qu’il voudrait taire le ronge toujours ; il lui arrive alors de dire des choses désagréables, et même malhonnêtes, croyant faire preuve de franchise, et heureux de s’évader ainsi pour un moment de l’idée qui le harcèle, et qu’il veut cacher. Mais le médecin reste plus impassible que jamais, et le malade accablé, sentant qu’il n’échappera pas, se jette enfin dans l’aveu avec ardeur, pour se soulager. Autant il mettait de fermeté à garder pour lui son secret, autant maintenant il mettra de complaisance à en livrer tous les détails. Celte confession terminée, le médecin continue de se taire…

Laissons de côté pour quelques instants, ce pénible entretien, pour comparer la technique psychanalytique à l’entretien psychiâtrique ordinaire, et pour examiner si réellement ces deux méthodes ne présentent pas de différences.

Je n’irai jusqu’à prétendre que la psychiâtrie classique méconnaisse la valeur du silence ; certes, tous les médecins [p. 40] sagaces savent ce que ce genre d’entretiens ·demande de patience ; cependant, je crois qu’il serait faux de dire qu’on avait, avant Freud, érigé en principe, d’une part le monologue décousu du patient, d’autre part, le silence presque absolu du médecin. Ce dernier, en témoignant sa sympathie ou son intérêt, cherchait à gagner la confiance de son patient, pour provoquer par là de nouvelles confidences. Toute autre est la méthode psychanalytique. L’aveu du névropathe peut durer quelques minutes ou quelques séances. Mais, une fois terminé, et surtout si l’aveu a été bref, le médecin doit se garder de parler ; pour rien au monde il ne doit essayer d’interpréter ce premier discours. Les silences reprennent, le malade s’exaspère à nouveau, et il n’est pas rare qu’à ce moment, il corrige plusieurs détails racontés dans sa première narration. Il avait atténué certaines choses, ou les avait déformées, mais le silence obstiné du psychiâtre lui devient tellement odieux qu’il veut à tout prix le faire réagir ; il veut montrer toute sa souffrance, et la sincérité lui devient un besoin. Il s’était tout d’abord mis à raconter une aventure ou un souvenir pénible, et s’était dit : « Le médecin va interpréter ceci, et je n’aurai pas besoin de raconter le reste. » Erreur ! le psychiâtre s’est tû, et, pour le faire parler, il a bien fallu se lancer dans d’autres aveux.

SAUSSURETECHNIQUE0002 2

Il arrive cependant un moment où le mutisme du médecin devient étouffant pour le malade, et ce dernier en arrive à se dire : « Comment ! Voilà un homme que je ne connais pas et auquel je livre mes secrets les plus intimes, et jamais il n’a pour moi la moindre parole de sympathie ! C’est donc un monstre, un animal ! » C’est alors que le patient manifeste clairement le désir d’interrompre la cure, point culminant de la résistance. La grande adresse du médecin sera d’intervenir au moment psychologique pour réconforter son patient, et pour lui expliquer que sa révolte est naturelle et classique et qu’elle se produit normalement chez tous les analysés. « Voyez, lui dira-t-il, si je ne m’étais pas tu, vous vous seriez probablement arrêté au milieu de vos aveux. Nous en serions venus à une simple conversation, et toutes ces rêveries, ces fantaisies que vous m’avez livrées, et qui [p. 41] jettent sur votre cas une lumière si intéressante ne seraient pas venues au jour. Rassurez-vous, nous sommes sur le bon chemin, il faut seulement que vous continuiez à parler et nous finirons par arriver à un résultat ».

Cet entretien, le premier que le médecin accorde à son malade, — et il a lieu parfois après plusieurs séances —, ne manque pas, sinon de rassurer d’emblée le malade, du moins d’éveiller grandement sa curiosité. Pour la première fois, le médecin se livre un peu, il avoue avoir trouvé la conversation de son patient intéressante, et par cela même se rend sympathique à lui. Le malade se mettra donc à poser des questions, et une des premières sera naturellement : « Que pensez-vous de mon cas ? » Une fois de plus, le médecin doit se montrer très prudent. S’il donnait son avis, toute la curiosité de l’analysé se porterait sur son verdict, qu’il se mettrait à critiquer, et, loin de penser à se livrer davantage, tout son effort se porterait vers la discussion. Le médecin répondra donc : « L’analyse à laquelle vous vous soumettez, prétend aller très profond dans les tendances inconscientes de votre être, elle doit porter sur l’évolution de tous vos instincts, faire ressortir toutes les fausses voies dans lesquelles vous vous êtes engagé, et je ne puis, dès à présent, vous dire ce qui en est. » Malgré l’insistance et l’impatience du malade, le médecin doit tenir bon, et ne rien dire de plus.

Nous avons donné une description très schématique de ce qui se passe en général dans une analyse, mais il peut exister d’autres cas. Il arrive souvent que, dès l’abord, une pensée inconsciente du patient l’inhibe complètement, et que le silence des premières heures soit très difficile à vaincre.

Ces cas sont embarrassants, surtout pour de jeunes psychanalystes et particulièrement pour ceux qui ne se sont jamais fait analyser eux-mêmes auparavant. Le silence risque de les oppresser autant, sinon plus, que le patient lui-même. Ils se mettent alors à parler, et à parler toujours plus, et finisent sans le vouloir par renverser les rôles, en devenant eux-mêmes l’analysé. Leur psychanalyse dévie en une psychothérapie de moralisation.

Pour éviter ce danger, le médecin doit connaître quelques stratagèmes à employer éventuellement. [p. 42]

On peut, par exemple, entreprendre l’analyse des rêves. Cependant, la chose est risquée. car l’analyse des rêves conduit souvent à des points très intimes et délicats qui effarouchent le malade. Aussi, pour commencer, avec un patient qui a tendance à se taire, vaut-il mieux l’encourager en lui demandant de raconter sa vie. Les autoanamnèses que font ces personnes sont toujours très brèves, mais il faut dévider l’écheveau, interrompant le récit chronologique, pour encourager le patient à suivre les pensées de toutes sortes qui lui traversent l’esprit. Grâce à ces détours. on parvient au but.

Reprenons maintenant la description de la cure psychanalytique au moment où nous l’avions laissée. Lorsqu’on est arrivé à avoir un matériel déjà assez abondant, qui permette de voir, derrière les préoccupations conscientes du malade, des tendances qui lui sont inconnues, mais paraissent avoir une influence sur sa vie sans qu’il s’en rende compte, on peut intervenir, et proposer au patient une sorte de tableau psychologique. C’est là une des tâches les plus difficiles du psychanalyste, que de brosser une esquisse caractérologique qui ne tienne compte que du matériel apporté par le malade, et qui pourtant fasse découvrir à celui-ci des particularités de son caractère, des tendances inconscientes qui lui avaient échappé. Pour pouvoir y parvenir, il faut être sans cesse en éveil, et ne rien laisser échapper à l’attention. Il ne faut pas que ce premier discours soit fait à la fin d’un séance. Il faut éviter de lui donner l’apparence de conclusions fermes, mais en faire de simples propositions. Surtout, il est important de noter les premières réactions du patient à ce sujet. De façon schématique, trois cas peuvent se présenter:

1er Le malade rectifie de suite avec véhémence.

2° Le malade acquiesce brièvement, puis apporte une foule de matériaux nouveaux pour consolider les hypothèses du médecin.

3° Le malade reste indifférent et part sur d’autres idées. Dans ce dernier cas, on sera probablement tombé à faux. Dans le premier cas, il s’agit souvent d’une simple résistance du malade, due au fait que le médecin aura aventuré son esquisse trop loin à un moment ou le patient n’était pas [p. 43] encore apte à la reconnaître. Il arrive alors que le malade, après un silence plus ou moins long, apporte un nouveau matériel qui ne fait que confirmer le point de vue donné, à moins qu’il n’essaie de combattre ce dit point de vue, dans un discours qui ne prouvera rien du tout.

Jusqu’à ce moment l’analyse était purement cathartique, c’est-à-dire que le malade n’avait fait qu’une sorte de confession, mais une confession d’un ordre spécial il faut le dire puisque le patient y livrait non seulement des faits de son existence, mais encore une foule de fantaisies et de rêveries. Dès maintenant l’analyse prend aussi un tour déductif. Si le portrait psychologique a été bien brossé. le malade comprendra tout d’un coup une foule de choses de son existence qu’il ne s’expliquait pas. À mesure qu’il apportera du matériel, il essaiera de lui-même de l’analyser, de le rattacher à une tendance. Ce sera pour lui une véritable libération.

Comme toute bonne chose. ce sentiment de libération a une fin. C’est alors que le médecin peut s’engager dans une voie nouvelle, l’analyse des rêves. La confiance du malade ayant été acquise depuis le moment de sa première libération, les sujets trop intimes ne sont plus à craindre. Le malade est prêt à tout dire.

Avant de décrire la technique de l’analyse des rêves, il convient de s’arrêter à quelques considérations théoriques. L’intervention du médecin semble donner raison à ceux qui prétendent qu’il n’y a pas de différence entre la psychanalyse et l’entretien psychiâtrique traditionnel. Remarquons cependant que la nature de l’intervention est bien spéciale. On a souvent reproché à la psychanalyse de suggérer des complexes au malade ; cela peut être vrai lorsque la méthode est appliquée par des personnes inexpérimentées, mais Freud et ses élèves prennent leurs précautions pour réduire cette suggestion au minimum. Il va sans dire que toute parole a son influence, mais, à ce titre, l’entretien psychiâtrique classique présente plus de danger que la psychanalyse. Poser des questions au patient, c’est l’orienter dans une certaine direction, et ne discuter que des problèmes que le malade aborde sur commande au cours de la conversation, c’est laisser dans [p. 44] l’ombre une foule de questions qui pourraient surgir plus aisément si le patient était rigoureusement abandonné à sa fantaisie.

Il existe dans la littérature française concernant la psychanalyse un grand nombre d’erreurs. Il serait trop long de les relever toutes. Contentons-nous d’analyser l’article que le Docteur Laumonier a publié dans le Monde Médical du 1er décembre 1923 sous ce titre : Les incertitudes de la psychanalyse. Les lignes du Docteur Laumonier ont l’avantage d’être très sincères, et d’être écrites sans haine.

L’article commence par un commentaire de cette citation empruntée à Freud : (Introd. à la Psy. Trad. franc. 1922,
p. 1.) « Le médecin s’applique à diriger la marche des idées du patient, éveille ses souvenirs, oriente son attention dans certaines directions, lui donne des explications et observe les réactions de compréhension ou d’incompréhension qu’il provoque ainsi chez le malade »

SAUSSURETECHNIQUE0001

(En note : Ce passage de l’Introduction à la Psy. trop bref pour être livré sans commentaire, a induit en erreur bien des gens. C’est ainsi que Charles Blondel écrit tout un ouvrage sur la psy. (Alcan, 1923, 249 p.), et que la simple lecture de la phrase suivante prouve qu’il n’a rien compris à l’essentiel de cette délicate technique : « Dans le domaine psychologique, après toutes les directions, orientations, interprétations, suggestions et explications que multiplie la psychanalyse, il n’y a rien d’étonnant si le malade ou le sujet retrouvent dans leur conscience ce que précisément le psychanalyste y a introduit. » (op. cit. p. 143.) Cette interprétation erronée est d’autant plus regrettable que Blondel en déduit des critiques qui portent à faux pour tous ceux qui connaissent pratiquement la psychanalyse.

Laumonier conclut assez naturellement de cette citation que « le médecin est un écouteur d’abord, mais ensuite un directeur qui, sans cesse, guide le malade, ramène sa pensée dans une certaine direction, qui peut être préconçue, et attire de ce côté son attention, c’est-à-dire oriente volontairement le flux des associations d’idées. » Pour nous le prouver, l’auteur de cet article nous montre l’influence qu’ont eues, [p. 45] sur les associations d’un malade, des mots jetés au milieu de sa conversation.

L’Introduction à la Psychaanalyse est un ouvrage dans lequel la technique de la méthode n’est exposée que très brièvement, et c’est ce qui a amené Laumonier à une compréhension fausse de la méthode. Ayant été analysé journellement par Freud, pendant plus de trois mois, je puis affirmer que le psychanalyste n’est nullement un « directeur qui, sans cesse guide son malade. Etc. ». Il suffit de s’entendre sur ce que Freud veut dire par « diriger la marche des idées et orienter l’attention », pour dissiper tout malentendu. Il ne s’agit nullement d’imposer des idées, ou de pousser un interrogatoire dans un sens précis, mais d’intervenir parfois par des remarques anodines. Si, par exemple, le patient parle d’un de ses amis en le nommant, puis d’un autre anonymement, on peut intervenir et faire remarquer la chose. Ce malade répond parfois que c’est par hasard, parfois aussi, il se souvient brusquement d’un incident plus ou moins intime ou pénible, relatif à cet ami. De même le patient peut parler, par exemple, de deux séjours faits au même endroit. Il glisse sur le premier et s’attarde à raconter mille choses insignifiantes sur le deuxième. Qu’on le rende attentif à ce fait, et il lui reviendra peut-être à l’esprit des événements plus importants de son premier séjour, que, par une sorte de défense inconsciente, il avait laissé de côté. Le psychanalyste peut intervenir dans une foule de cas analogues.

En dirigeant ainsi l’entretien, le médecin ne suggère nullement son malade, dans le sens péjoratif du mot, il ne fait que rendre attentif à des éliminations que le patient est tenté de faire inconsiemment dans la conversation. L’analyste coupe ainsi le fil logique et chronologique du récit.

De même, le médecin fera observer à son malade quelques coq-à-l’âne. Il arrive souvent que l’analysé parle d’un sujet qui lui tient à cœur, puis, arrivant à un point trop intime pour qu’il veille se livrer, il se tait brusquement et repart peu après dans des remarques qui ne le touchent pas directement, et que lui suggère son entourage immédiat. Il dira par exemple : « J’aime la couleur de votre tapis ? » ou bien : [p. 46] Ce vase vient-il de Perse ? » Il importe de faire noter ces évasions au malade, et lorsqu’elles arrivent toujours avant ou après un même sujet, on peut conclure presqu’à coup sûr que là se trouve encore du matériel refoulé.

Pour suivre pas à pas la critique de Laumonier, j’intercale ici une remarque qui aurait trouvé plus naturellement sa place ailleurs. Dans son effort de vouloir ramener la psychanalyse à l’ancienne analyse psychologique, Laumonier considère comme parfaitement inutile de se tenir derrière le malade pendant l’analyse. Il s’appuie pour cela sur l’utilité qu’il y a à pouvoir observer les gestes, les yeux, la physionomie du malade.

Remarquons que si le patient est couché en decubitus dorsal, et que le médecin soit assis derrière lui, ce dernier pourra parfaitement voir les gestes et une partie de la physionomie du patient. Seuls les yeux ne se rencontrent pas, et ceci est un grand avantage. Si le malade regarde son interlocuteur,
il aura beaucoup de peine à suivre un langage dissocié, il posera beaucoup de questions, il observera son médecin et cherchera à deviner sa pensée, alors que s’il ne le voit pas, son seul moyen de le faire réagir sera de se lancer dans des confidences.

D’autre part, si le psychiâtre regarde son patient dans les yeux, il aura beaucoup de peine à ne pas montrer son visage, et sera tenté de s’arrêter à un premier aveu, ou de parler autrement qu’il ne le ferait s’il était livré à lui-même.

Abordons maintenant la technique du rêve. Freud en découvrit l’intérêt tout-à-fait par hasard, en remarquant que ses patients lui racontaient souvent spontanément des bribes de rêves qu’ils interprétaient eux-mêmes. C’est de là, et non d’une idée préconçue, qu’est née cette méthode.

Freud ne demande pas aux personnes qu’il analyse de lui raconter leurs rêves ; ce n’est que lorsqu’elles y viennent spontanément, ou sinon après quelques séances infructueuses, qu’il exploite ce filon. Voici la technique à suivre : Le médecin prie son malade de raconter son rêve. Ceci fait, il lui demande de dire à nouveau la première phrase du dit rêve, en y ajoutant toutes les associations qu’il peut trouver à cette [p. 47] image onirique. On fait de même pour les phrases suivantes. Il est important de vérifier si le malade raconte son rêve de la même façon les deux fois. Souvent, certaines parties du rêve sont omises dans le deuxième récit ou au contraire, il arrive que le patient retrouve de nouvelles images oniriques qu’il avait temporairement refoulées. Ces représentations qui tendent à disparaître sont généralement les plus importantes, celles qui sont le plus vivement associées aux complexes refoulés. Les associations étant terminées, on demande au malade si ce rêve a un sens pour lui. Sa réponse est souvent négative ; on peut alors lui demander d’associer une fois de plus ses pensées aux images du rêve. Il va sans dire que l’examen d’un seul rêve peut prendre un grand nombre de séances. Il n’est nullement nécessaire de reprendre chaque jour le rêve où on l’avait laissé. Il faut que le patient, comme à l’ordinaire, parle dans ses associations sans souci de ce qui a été dit la veille. Si des préoccupations vraiment profondes étaient rattachées au rêve, celles-ci surgiront de nouveau par une autre voie. Il arrive souvent du reste que le malado se mette d’un jour à l’autre à parler de choses qu’il ne rattache nullement au contenu de son rêve, mais qui s’y rapportent
à son insu. Si l’on fait remarquer ce rapprochement au malade, c’est souvent une révélation pour lui. Mais là encore, il ne s’agit nullement d’imposer sa manière de voir au malade, mais seulement de la lui proposer, et juger de sa vraisemblance d’après le critère exposé plus haut (à propos du tableau psychologique.). Il arrive que le malade apporte un nouveau rêve, avant que l’analyse du premier soit terminée. En ce cas, il convient de passer directement à l’étude du plus récent. On remarquera qu’un rêve explique souvent quantité de points restés obscurs dans le rêve précédent.

Il est rare d’arriver rapidement à une interprétation complète du sens symbolique d’un rêve. Mais il ne faut pas se décourager pour cela. Il faut avant tout être très et ne pas avancer des suppositions qui ne s’appuient solidement sur les associations de l’analysé.

Si par exemple, le patient, dans un de ses premiers rêves, laissait percevoir un complexe d’Œdipe, mais qu’il n’ait encore [p. 48] dévoilé dans ses associations aucun attachement anormal à sa mère, si net que soit ce complexe, ce serait une faute grossière que de le dévoiler au malade. Notre conscient, en effet, n’est pas juge de notre inconscient. Les expériences de Félix Deutsch sont, à ce sujet, aussi instructives que précises : (Deutsch, Experimentelle studien zur Psa. Internat. Zschr. f. Psa. 1923, p. 484-496.) Deutsch hypnotise un sujet et lui fait croire sous hypnose qu’il a assisté à tine scène terrifiante. Toujours sous hypnose, il lui dit que chaque fois que le médecin sortira son mouchoir, il éprouvera la même sensation qu’en ce moment. Il réveille ensuite le sujet, et sort son mouchoir. Suivant
les sujets, les uns éprouvent de l’angoisse, d’autres hallucinent
la scène qui leur a été racontée, etc. Le médecin essaie ensuite
de persuader à l’un des patients que son angoisse provient uniquement du fait qu’il a dû assister à la scène racontée sous hypnose, mais le sujet nie l’avoir vécue. Deutsch entreprend alors une psychanalyse et la scène revient par petites bribes
à la mémoire du sujet. Le jour où elle est entièrement revenue à la conscience du patient, le médecin a beau sortir son mouchoir, il ne provoque plus aucune angoisse chez son malade. Ces expériences décisives confirment les constatations journalières des psychanalystes, savoir qu’il est inutile, voire nuisible, de révéler au malade ce qu’il n’est pas encore en état de pouvoir comprendre. Elles sont aussi une justification
de la méthode psychanalytique qui porte le principal intérêt
de ses recherches sur l’inconscient. Il est évident que dans
un entretien psychiâtrique ordinaire, qui se fait par questions
et réponses, le matériel inconscient n’apparaît pas ; et que tous les complexes dont l’existence pourrait être prouvée expérimentalement restent cachés.

Laumonier (op. cit.) fait deux objections à l’analyse des rêves : 1° Les résultats sont trop vagues. Il en veut pour preuve un rêve qu’il donna à interpréter à trois médecins, et qui tous trois aboutirent à des résultats différents. Cette expérience est-elle vraiment concluante ? Je me permets d’en douter. M. Laumonier a-t-il vraiment appliqué la méthode psychanalytique classique, c’est-à-dire celle que pratique Freud ? A lire son article, on a peine à le croire. Ses [p. 49] confrères étaient-ils plus que lui au courant de cette technique si délicate? En fait, la même expérience fut faite par un Suisse, le Docteur de Muralt, lequel arrive à des conclusions opposées : Des psychanalystes, pris dans diverses écoles sont arrivés à des résultats semblables entre eux ; 2° Laumonier reproche à l’analyse des rêves de n’amener au jour que des souvenirs plus ou moins oubliés, au lieu de complexes refoulés. Trop de cas prouvent le contraire. J’en puis citer un dont la valeur est d’autant plus grande que je l’emprunte à un médecin qui tient à garder une attitude critique à l’égard de la psychanalyse. (Voir Naville, Hystérie et Pythiatisme, Revue médicale de Suisse Romande, 1919, n°1) Il s’agit d’une jeune fille guérie de crises violentes nées à la suite d’un événement refoulé qui put être reconstitué uniquement par les rêves de la malade. Monsieur Laumonier a le tort de baser son jugement surtout sur des rêves autoanalysés ; or l’autoanalyse est fort peu probante à l’égard de la découverte des complexes.

SAUSSURETECHNIQUE0005

On peut se demander si les associations mènent bien aux idées psychogénétiques du rêve, ou si elles ne sont pas simplement des souvenirs quelconques. Au point de vue pratique cette objection n’a pas d’importance, puisque le rêve permet de découvrir du matériel intéressant et souvent inconscient, et que par là il éclaire le cas psychologique du malade. Au point de vue théorique, l’objection est importante s’il s’agit de fonder une psychologie du rêve, mais on peut l’écarter en partie. Les associations amènent souvent des événements récents qui ont tant d’analogie avec l’image onirique que l’hypothèse la plus probable est bien celle qui rattache les deux faits par un lien de causalité. Pour les complexes mointains et plus refoulés, l’hypothèse est plus discutable, mais on ne saurait la rejeter à priori. On ne doit pas non plus rejeter comme trop fantaisistes certaines associations qui semblent tirées par les cheveux. Notre inconscient travaille souvent d’une façon très compliquée (1).

J’ai décrit jusqu’ici la cure psychanalytique sans me servir du jargon de cette méthode. Je n’ai parlé ni de transfert, ni de résistance, ni du rôle de l’affectivité.· Un des avantages de la méthode freudienne est de faire revivre au malade ses émotions originelles mieux qu’au moyen du dialogue. Si lon questionne le patient, l’attention intellectuelle tue l’émotion ; si au contraire le malade se laisse librement aller vers son passé, il revit ses souvenirs, dans toute leur force. On constate le fait que, en règle générale, l’affectivité dans laquelle baigne le souvenir, précède le souvenir lui-même. Le malade commence par se taire, puis le souvenir l’envahit de façon confuse ; l’analysé devient alors anxieux, inquiet, et parfois se lève et mime toute une scène, puis, dans une explosion affective, (angoisse, colère, détresse, etc.) le souvenir refoulé vient au jour. Cette décharge affective délivre le malade d’un grand poids, et le met dans un état de bien-être, qui se traduit par un besoin d’expansion. Tout naturellement, ce transport affectif se concentre sur le médecin qui seul est présent. C’est le phénomène du transfert. Il aide à la guérison en ce sens que le malade, pris de sympathie pour son médecin, se livre de plus en plus à lui. Il peut arriver que cette sympathie dégénère en véritable sentiment amoureux du malade à l’égard du psychiâtre, sentiment plus ou moins inconscient et dont le médecin devra libérer le patient, avant d’arrêter la cure. On a prétendu qu’en dernière analyse la méthode psychanalytique ne guérissait pas les individus au moyen de sa technique si spéciale, mais par ce processus de transfert qui existe dans toutes les psychothérapies. Nous ne saurions souscrire à ce point de vue. Il convient d’abord de remarquer que l’intensité du transfert est justement due à la technique particulière qui nous occupe. Dans d’autres psychothérapies le transfert vient de ce que le médecin montre sa personnalité, et par là attire le malade, alors que, dans la psychanalyse, l’effort porte à faire jaillir spontanément le transfert par la simple libération de l’affect refoulé. C’est cette libération elle-même qui est cause de guérison, et non le transfert. Il y a bien là un processus sui generis qui est à distinguer des sentiments affectifs plus ou [p.51] moins bienfaisants qui peuvent se manifester dans toute psychothérapie non cathartique.

La résistance est la force qui cherche à entraver le retour aux associations refoulées. Elle peut se manifester de façons très diverses. Le mode le plus commun en est le silence. C’est pourquoi le psychanalyste prêtera une attention toute spéciale aux conversations précédées ou suivies de silences. Certains malades écartent les irruptions de leur inconscient par un verbiage fatigant, toujours plus ou moins coordonné, et par des redites incessantes qui occupent leur esprit. La résistance peut encore se manifester par des voies plus subtiles. Ainsi, il arrive que le malade ne porte plus aucun intérêt à sa maladie, et concentre toute son attention sur le côté scientifique de la méthode. Puis, il cherche à s’évader en critiquant la technique à laquelle il ne veut plus se soumettre. Abraham a trouvé chez certains littérateurs une résistance bien spéciale ; ils se mettaient à envisager leur cure comme un lieu où puiser un sujet de roman, et perdaient entièrement de vue le but de se guérir. Certains malades prétendent n’avoir que des mélodies en tête, et échappent ainsi à la nécessité de causer.

L’aversion que l’analysé manifeste à l’égard de la méthode psychanalytique cache souvent un simple dégoût à l’endroit de tel ou tel acte de sa vie qu’il avouera plus tard. Il s’agit là encore d’un phénomène de transfert. Le sentiment précède le souvenir lui-même, se porte, par une sorte de défense inconsciente sur la cure elle-même.

S’il est relativement facile de marquer le début et le cours d’une psychanalyse, il est beaucoup plus difficile d’en préciser la fin. Théoriquement on peut dire qu’une telle cure ne finit jamais, car le malade a toujours encore de nouvelles associations à livrer. Pratiquement ta question est plus simple, lorsque le malade ne présente plus de symptômes morbides, lorsqu’il a trouvé les traumatismes qui firent dévier dans son enfance le cours normal de son développement, et lorsqu’il interprète facilement ses rêves, on peut considérer la cure comme achevée.

Il reste à examiner à qui s’adresse la psychanalyse. Il est [p. 52] évident que tout le monde peut l’essayer, si l’on n’attend pas d’elle un résultat pratique, thérapeutique, mais seulement un résultat psychologique, un mode d’étude pour des phénomènes inconscients. Au point de vue médical, elle ne s’adresse qu’aux hystériques, aux anxieux, aux obsédés, aux psychopathes qui ont des tics, des phobies, ou des manies. Dans ces cas seulement on pourra s’attendre à une guérison.
Certains disciples de Freud, dont le zèle a nui à la cause de leur maître plus qu’il ne l’a servie, ont prétendu guérir des déments précoces ou des maniaques, ou encore d’autres psychoses de ce genre, mais Freud n’est pas dupe des résultats auxquels ils affirment être arrivés.

Il est certain qu’en libérant un conflit qui a provoqué une poussée d’agitation chez l’un de ces malades, on améliore son état ; mais de là à prétendre qu’on a arrêté un processus morbide dont la cause, jusqu’à preuve du contraire, semble avant tout organique, il y a un pas que tous les psychiâtres ne se sentent pas prêts à franchir. Pour l’hystérie même, Freud s’est exprimé avec une prudence que bien des médecins n’ont pas su lui reconnaître. « Il est évident, dit-il, que nous ne guérissons pas l’hystérie pour autant qu’elle est constitutionnelle. Nous ne pouvons rien faire pour empêcher le retour d’états hypnoïdes. De même nous ne pouvons empêcher une hystérie en pleine période de développement, de remplacer par des phénomènes nouveaux les symptômes déjà écartés laborieusement. Mais, si le stade actif de la maladie est terminé, et qu’il reste des symptômes chroniques, notre méthode arrive, le plus souvent, à les supprimer et même pour toujours. C’est une méthode radicale qui nous semble dépasser de beaucoup la plupart des méthodes thérapeutiques contemporaines qui consistent à faire de la suggestion directe. » (Freud, Studien über Hysterie, p. 14). Tant de médecins s’en vont répétant que Freud prétend guérir la constitution hystérique, qu’il est bon de rappeler cette citation.

Pour que la psychanalyse puisse avoir quelque chance de succès, il faut encore qu’elle s’adresse à des personnes ayant [p. 53] un certain niveau de culture, capables d’aider le médecin par leur aptitude à l’autoanalyse. Il faut que les malades aient le désir de guérir. Il faut qu’ils soient jeunes ; passé cinquante ans, le succès devient peu probable, les complexes étant alors trop enracinés dans l’individu.

Les subtilités de langage jouant un grand rôle dans la formation de l’image onirique, et souvent aussi dans celle des symptômes morbides, il importe que psychanalyste et psychanalysé connaissent très bien la langue dans laquelle se poursuit l’analyse. J’ai pris la défense de la méthode freudienne ; est-ce à dire qu’à mon avis, ce soit une panacée universelle ? Non pas, Freud lui-même ne la considère pas comme telle et je suis tout prêt à en signaler les inconvénients.

Ce qui, avant tout, rend la psychanalyse impratique, c’est qu’elle est toujours un traitement de longue durée. Elle oblige le praticien à consacrer une heure par jour au même malade, et ceci pendant des semaines, parfois des mois. Il s’ensuit que c’est forcément un traitement coûteux pour le patient. D’autre part la psychanalyse ne s’adresse qu’à un nombre de gens restreint, car elle exige du malade des qualités spéciales que j’ai nommées plus haut. En outre, comme l’a particulièrement souligné H. Flournoy, elle est mal connue du public qui nourrit des préventions à son égard. Les gens s’offusquent d’être mis en demeure de raconter des détails de leur vie souvent très intimes, et s’impatientent à l’idée d’un traitement qu’on leur assure devoir être de longue durée, Néanmoins, la psychanalyse reste, à notre avis, une médication de choix pour certains cas complexes qui ne cèdent pas à des traitements plus simples.

Bibliographie.

La plupart des articles que Freud a consacré à la technique de sa méthode se trouvent dans le tome IV des Sammlung kleiner Scgriften zur Neurosenlehre, Vienne, Deuticke, 1918. On trouvera une bibiographie assez complète des mémoires [p. 54] consacrés à ce sujet dans l’article d’Ophuysen (La Haye). « Psychanalytische Therapie ». Bericht über die Fortschritte der Psa. 1914-1919. Vienne 1921 p. 124 à 140. Les articles
de Ferenczi sont particulièrement précieux ; « Zur Psychanalytischen Technik ». Zschr. f. Psa, t. V, 191i9. « Technische Schwierigkeiten einer Hysterie Analyse ». ibid. t. II, p. 514. La technique à suivre lorsqu’il s’agit d’analyser des enfants à été décrite par Freud : « Analyse der Phohie eines funfjahrigen Knaben » Neurosenlehre, t. III, p. 1 et suiv. Freud.
 »Aus der Geschichte einer Infantiler Neurose » ; ibid. t. IV. p. 578, et suiv. Hug-Hellmuth « Zur Technik der Kinder Analyse » Intern. Zschr. f. Psa. LVII, p. 179. Au sujet de la résistance, lire : Reik, « Einige Bemerkungen zur Lehre vom Widerstand » Internat. Zeitschr. f. Psa. 1915, p. 12. Ahraham « Uher eine besondere Form des Neurotischen Widerstandes gegen die Psa. » ibid. 1919. p. 173. Lang : « Zur Bestimmung des Psa. Widerstandes » Psychologische Abhandlungen von Jung, t. 1. p. 1. Steckel « Die Verschiedene Formen des Widerstandes in der Psa. » Zentralbl. f. Psa. t. IV, p. 160.

J’ai résumé ces divers travaux dans mon ouvrage La méthode Psychanalytique, Payot, 1922.

(1) Voir Saussure : Ann. Médico-Psychologiques, déc. 1923.

 

 

LAISSER UN COMMENTAIRE