Recherches sur l’origine des représentations figurées de la psychostasie ou pèsement des âmes et sur les croyances qui s’y rattachaient. Premier article. Par Alfred Maury. 1844.

MAURYPSYCHOSTASIE0004Alfred Maury. Recherches sur l’origine des représentations figurées de la psychostasie ou pèsement des âmes et sur les croyances qui s’y rattachaient. Premier article. Article paru dans la « Revue d’Archéologie, (Paris), Presses Universitaires de France, 1ère année, n°1, 15 avril au 15 septembre 1844, pp. 235-249.

 

Ces recherches comprennent 2 articles distribués comme suit :
— Recherches sur l’origine des représentations figurées de la psychostasie ou pèsement des âmes et sur les croyances qui s’y rattachaient. Premier article. Article paru dans la « Revue d’Archéologie, (Paris), Presses Universitaires de France, 1ère année, n°1, 15 avril au 15 septembre 1844, pp. 235-249.
— Recherches sur l’origine des représentations figurées de la psychostasie ou pèsement des âmes et sur les croyances qui s’y rattachaient. Deuxième article. Des divinités et des génies psychopompes dans l’antiquité et au moyen âge. Article paru dans la « Revue d’Archéologie », (Paris), Presses Universitaires de France, 1ère année, n°1, 15 avril au 15 septembre 1844, pp. 291-307.
Deux autres articles vient compléter cette première recherche:
— Des divinités et des génies psychopompes dans l’antiquité et le moyen âge. Premier article. Article paru dans la « Revue d’Archéologie, (Paris), Presses Universitaires de France, 1ère année, n°1, 15 octobre 1844 au 15 mars 1845, pp. 501-524.
— Des divinités et des génies psychopompes dans l’antiquité et le moyen âge. deuxième article. Article paru dans la « Revue d’Archéologie, (Paris), Presses Universitaires de France, 1ère année, n°1, 15 octobre 1844 au 15 mars 1845, pp. 657-677.

Louis-Ferdinand-Alfred MAURY  (1817-1892). Très tôt, dès 1836, il se consacre à l’étude de l’archéologie des langues anciennes et modernes, de la médecine et du droit. Son poste officiel à la Bibliothèque nationale, puis à la celle de l’Institut, lui permet d’être au centre du dispositif de ses recherches. Dès l’origine membre de la Société des Annales médico-psychologiques, bien de non médecin, il sera un contributeur zèlé de celles-ci. Ses travaux sur le sommeil et les rêves, en particulier l’analyse de ses propres rêves, en font un précurseur, sur bien des points, des théories que développa la psychanalyse, ainsi que la neuro-psychologie. Freud y fait d’ailleurs plusieurs fois référence dans son Interprétation des rêves. L’ensemble de ses travaux sur la question sont réunis dans un ouvrage qui connu plusieurs édition : Le sommeil et les rêves. Etudes psychologiques sur ces phénomènes et les divers états qui s’y rattachent, suivies de recherches sur le développement de l’instinct et de l’intelligence dans leurs rapports avec le phénomène du sommeil. Paris, Didier et Cie, 1861. 1 vol. in-8°, 2 ffnch., VII p., 426 p

Mais ce polygraphe érudit, a couvert un plus vaste champ de recherches et, hors ses très nombreux arroches nous avons retenu ces quelques titres :

— Sur un miroir magique. Extrait de la « Revue archéologique », (Paris), 2e année, n°1, 15 avril au 15 septembre 1846, pp. 154-170. [en ligne sur notre site]

— Histoire des Grandes Forêts de la Gaulle et de l’ancienne France. Précédée de recherches sur l’histoire des forêts de l’Angleterre, de l’Allemagne et de l’Iatlie, et de considérations sur le caractère des forêts des diverses parties du globe. Paris, A. Leleux, 1850. 1 vol. in-8°, VI p., 328 p.

—Histoire des religions de la Grèce antique, depuis leur origine jusqu’à leur complète constitution. Tome premier: La religion héllénique depuis les temps primitifs jusqu’au siècle d’Alexandre. – Tome II. Paris, De Ladrange, 1857. 3 vol. in-8°, (XII p., 608 p.) + (2 ffnch., 551 p.) + (2 ffnch., 548 p.).

— La Magie et l’Astrologie dans l’antiquité et au moyen-age ou étude sur les superstitions païennes qui se sont perpétuées jusqu’à nos jours. Paris, Didier et Cie, 1860. 1 vol. in-8°, 2 ffnch., 450 p. [Plusieurs réédition, augmentées]`

— Croyances et Légendes de l’antiquité. Essais de critique appliquée à quelques points d’histoire et de mythologie. Paris, Didier et Cie, 1863. 1 vol. in-8°, 2 ffnch., 412 p., 2 ffnch.

— Croyances et légendes du moyen-âge. Nouvelle édition des fées du moyen-âge et des légendes pieuses publiée d’après les notes de l’auteut par MM. Auguste Longnon et G. Bonet-Maury. Avec une préface de M. Michel Bréal. Paris, Honoré Champion, 1896. 1 vol. in-8°, 2 ffnch., LXII p., 1 fnch., 459 p., portrait de l’auteur.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original, mais avons corrigé quelques fautes de typographie.
– Par commodité nous avons renvoyé les notes de bas de page en fin d’article. – Les figures 1, 2 et 3 sont celles de l’article original. Les autres images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

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PREMIER RECHERCHES
SUR
L’ORIGINE DES REPRÉSENTATIONS FIGURÉES DE LA PSYCHOSTASIE
OU PÈSEMENT DES AMES
ET SUR LES CROYANCES QUI S’Y RATTACHAIENT.
PREMIER ARTICLE.

La pensée de l’autre vie, des peines et des récompenses qui nous y attendent, suivant la conduite que nous avons menée ici-bas, a fortement préoccupé les esprits, au moyen âge. Dans les sermons, comme dans les fabliaux, les écrits théologiques, comme dans les chansons populaires, sur les vitraux et les bas-reliefs des églises, aussi bien que sur les pierres votives et sépulcrales, on trouve la preuve que cette idée religieuse s’associait à tous les projets, à toutes les conceptions, à tous les actes de nos pères. L’image du paradis et de l’enfer, du jugement dernier et de la résurrection générale, formait, au fond de leur cerveau, comme un miroir dans lequel venaient se réfléchir toutes leurs pensées. Et cette préoccupation de l’avenir qui s’ouvre au delà du tombeau, donnait à leurs œuvres littéraires ou plastiques une physionomie particulière, qui ne s’est effacée qu’au moment de la Renaissance. Il importe donc à ceux qui veulent connaître l’art au moyen âge, d’étudier les différents cercles d’idées qui se rattachaient à la croyance à l’autre vie. Pour bien saisir l’esprit et les détails des sujets que nos ancêtres sculptaient sur la pierre ou peignaient sur le verre, il faut pénétrer assez avant dans les opinions qu’ils s’étaient faites de l’existence mystérieuse à laquelle la mort nous fait naître.

Au nombre des représentations figurées qui appartiennent à cet ordre de croyances religieuses, nous avons surtout remarqué celles qui offrent le jugement dernier sous l’image du pèsement de l’âme et des actions de chaque homme. La répétition fréquente de ce sujet dans les églises, particulièrement en France, les détails curieux qui l’accompagnent d’ordinaire, enfin le grand nombre de légendes qui s’y rapportent et en forment comme le commentaire, nous ont engagé [p. 236] à en faire l’objet de quelques recherches. Ce sont ces recherches que nous soumettons maintenant au lecteur.

Le pèsement des âmes, ou pour nous servir du mot adopté par les antiquaires, la psychostasie, forme habituellement un sujet isolé qui a été reproduit sur plusieurs chapiteaux d’église : c’est ainsi qu’on le voit à Sainte-Croix de Saint-Lô, à l’église de Montivilliers, à celle de Saint-Nectaire, et sur des bas-reliefs, comme à Saint-Trophime d’Arles par exemple. On retrouve le même sujet dans les miniatures des manuscrits du XIIIe au XVIe siècle. Parfois ce jugement forme un des épisodes de la grande scène du jugement dernier ou de la résurrection ; c’est de cette manière qu’il s’offrait à Notre-Dame de Paris, qu’il a ‘été placé à la cathédrale d’Amiens, à Notre-Dame de la Couture, au Mans, à l’église Sainte-Foy de Conques et que Van Eyck et Lelio Orsi le peignirent dans leurs tableaux. Sur certains manuscrits, c’est Dieu qui tient la redoutable balance. Ainsi sur la Bible moralisée en latin et en français de la Bibliothèque royale, à Paris, cotée 6829, Bible que M. Paulin Pâris (1) soupçonne être celle de Pierre Comestor, on voit, folio 1379, une miniature dont le sujet est Dieu tenant une balance et pesant une âme représentée par une figure nue ; ces mots accompagnent la peinture : Omnes viæ hominis patent oculis Domini, spiritaum ponderator est Dominus. M. Didron, dans son Iconographie chrétienne, donne, p. 576, une miniature italienne d’un manuscrit du XIIIe siècle, dans laquelle on a figuré Dieu tenant un compas de la main droite et une balance de la gauche. Dans le bas-relief qui décore un des chapiteaux de Sainte-Croix, à Saint-Lô (2), on observe seulement un bras qui supporte

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Figure 1

[p. 237] une balance. Dans le plateau de droite, est une petite figure tenue par un ange demi-agenouillé ; dans l’autre plateau, dont le poids paraît l’emporter, sont des objets qu’on ne peut distinguer ; un bras, sans doute celui du diable, entraîne ce plateau trébuchant. Le plus ordinairement, c’est l’archange saint Michel qui tient le fléau de la balance. A Notre-Dame de Paris, dans la partie supérieure du tympan de la porte principale qui a été supprimée (3), on avait figuré cet archange tenant la balance de la justice divine et pesant les âmes ; au-dessous était le champ de la résurrection. C’est encore le même saint Michel qu’on retrouve sur un des chapiteaux de l’église de Montivilliers (4). A Saint-Nectaire, sur le chapiteau qui offre la psychostasie, saint Michel tient également la balance, et il est suivi de l’ange exterminateur monté sur un cheval et portant à sa main un

 

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Figure 2

grand nombre de dards (5). Dans une fresque du XIIIe siècle de Saint-Laurent hors-des-Murs à Rome, fresque appartenant à l’école gréco-italienne, on voit la mort et les obsèques d’un personnage dont saint Michel pèse les actions (6). Dans une autre fresque italienne, qui date du XVe siècle, et qui est à Sainte-Agnès-hors-les-Murs dans la même ville, l’archange tient une balance ; une âme est dans chaque plateau (7). Dans un des bas-reliefs du tombeau du bienheureux Alberto, de l’ordre de Cluny, mort au monastère de Pondida, en 1095, on a sculpté un homme à cheval portant une [p. 238] balance et une âme dans chaque bassin (8). Ce personnage est très probablement saint Michel, ou, peut-être, l’ange monté sur un cheval noir, qui, dans l’Apocalypse, apparaît à l’ouverture du troisième sceau. Sur un des vitraux de la cathédrale de Bourges (9),

 

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Figure 3

même pèsement, et même archange pour peser. L’emploi de saint Michel comme grand ponderator s’est conservé à des époques plus rapprochées de nous. A l’abbaye de Westminster, on voit sur le tombeau de Henri VII, saint Michel portant le fléau de la balance (10). Sur un des bas-reliefs qui ornent le tombeau du pape Paul III, on a sculpté le même saint tenant un glaive de la droite et une balance de la gauche (11). Molanus donne positivement la balance comme attribut ordinaire de saint Michel (12).

Dans presque tous ces sujets, l’âme est l’objet d’une vive contestation entre les anges et les saints patrons qui environnent le plateau de droite, et les diables qui cherchent à faire basculer celui de gauche, en se pendant après les cordes qui tiennent le plateau, ou en pesant dedans du poids de leurs bras ou de leurs fourches. C’est ce qui frappe particulièrement à Notre-Dame de la Couture, au [p. 239] Mans (13), à la cathédrale d’Amiens (14), à Sainte-Foy de Conques (15). Souvent, comme sur les bas-reliefs de Notre-Dame de Paris et sur un des vitraux de Bourges, on voit un diablotin placé traîtreusement sous le bassin accusateur, et cherchant, en se cramponnant après, à le faire trébucher. En un mot, les artistes ne manquaient jamais de représenter les démons très-acharnés à la perte de l’âme dont le procès était pendant au tribunal divin. « Appingunt etiam nonnulli, dit Molanus (16), ad lancem in qua est anima, diabolum eam deprementem quo significatur quod ipse sit calumniator et accusator fratrum et rigidus exactor omnium eorum quæ male egimus. »

Si maintenant nous étudions les autres détails qui entraient dans le sujet de la psychostasie, nous y reconnaîtrons quelques variantes.

Dans certaines représentations, l’âme est dans un des plateaux et les actions dans l’autre; c’est ce qui paraît avoir été figuré à Sainte-Croix de Saint-Lô. A la cathédrale d’Amiens, dans le bas-relief en partie mutilé qui offrait la psychostasie, l’agneau sans tache était dans le premier plateau, l’âme dans le second. Mais plus ordinairement il y a une âme dans chaque plateau, c’est ce que nous venons déjà de faire observer dans divers monuments. A Saint-Trophime d’Arles, saint Michel, que Millin a pris à tort pour saint Gabriel, tient une balance, et dans chaque plateau de celle-ci, est une âme figurée par un petit personnage nu, vu à mi-corps ; une autre âme debout qui a été trouvée de bon poids, est prête à entrer dans le paradis.

Le pèsement que nous rencontrons sur tant de monuments, était-il simplement une allégorie adoptée généralement par les artistes, comme plus propre à exprimer la sévère justice du jugement de l’Éternel, ainsi que nous le donnerait à penser ce passage de Molanus (17) . « Michael Archangelus cum libra pingitur, ut simplices, inquit Eckius, intelligant eum potestatem habere animas hominum suscipiendi, eorumque merita ponderare ? » On serait tenté de le croire, si l’étude des légendes ne nous montrait pas que cette représentation n’était pas seulement pour les simplices dont parle Molanus, une image emblématique, mais bien l’image positive d’un mode d’examen, à la réalité, à la matérialité duquel, ils ajoutaient foi. Il nous suffira de rapporter [p. 240] quelques-unes de ces légendes, pour convaincre le lecteur à cet égard.

On lit dans la Légende dorée de Jacques de Voragine, dans l’histoire de saint Laurent, qu’à la mort de l’empereur saint Henri, lorsque ce monarque était à l’agonie, un ermite, du fond de sa cellule, vit par devant sa fenêtre, qui était ouverte, une grande foule de diables, et il demanda à celui qui allait le dernier de tous, où ils se rendaient, et celui-ci lui répondit : « Nous sommes une légion de démons et nous accourons vers l’empereur qui se meurt, afin de voir si nous ne trouverons pas en lui quelque chose qui nous revienne. » Et l’ermite pria le diable de lui dire à son retour ce qui s’était passé, et le diable revint fort triste, et dit à l’ermite : « Nous n’avons rien eu du tout ; car le bien et le mal qu’avait fait l’empereur, ayant été mis dans la balance, les plateaux se maintenaient dans un équilibre parfait ; mais il a été mis dans le plateau de son côté, la grande chaudière de saint Laurent, et son poids immense a donné un énorme avantage au bassin où étaient les bonnes actions de l’empereur, et dans mon dépit j’ai emporté un morceau de cette chaudière. »

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Saint Michel et la pesée des âmes. Cathédrale de Coutances (Manche).

Dans un manuscrit de la Bibliothèque royale de Paris (18), intitulé : Faits et miracles de Notre-Dame, on lit le fait suivant, pag. 31, au chapitre : D’ung clerc qui fut pesé en la balance par monseigneur saint Michel, sur l’accusation de l’ennemy. (M. Paulin Pâris a lu par inadvertance, saint Remy) : Un clerc qui avait la dévote habitude de dire tous les jours quatre Ave Maria fut mis à mort par l’ennemy, c’est-à-dire le démon, lequel, comme on le devine bien, voulait avoir son âme ; son ange gardien le défendait. L’âme fut portée par ledit ange devant Dieu et fut mise en la balance, dit le texte, avecques tous les biens qu’il avoit en sa vie ditz et faitz et les maulx que l’ennemy mist de l’autre part. Et il se trouva que les maux pesaient merveilleusement plus que les biens. Mais la Vierge Marie rétablit l’équilibre et même fit trébucher en sens inverse la terrible balance, en apportant dans le bon plateau les Ave Maria, qu’avait journellement récités le clerc ; et en récompense l’âme du clerc obtint de rentrer dans son corps et de revenir à la vie, et notre pécheur dévot à Marie vesquit en religion moult dévotement. Alain de La Roche nous a raconté une légende analogue que nous rapporterons également : Un certain usurier italien n’avait eu, sa vie durant, d’autre mérite que de dire exactement tous les jours son rosaire. Au moment de mourir, [p. 241] l’usurier eut une vision : il vit saint Michel mettant dans un des plateaux d’une balance qu’il tenait à la main, les biens qu’il avait faits, lui usurier, biens fort minces et de peu de poids, et le diable accumula dans l’autre plateau les mauvaises actions cent fois plus pesantes qu’il avait à se reprocher, et le bassin fatal l’emportait, lorsque la Vierge accourut, et jetant le rosaire dans le plateau des bonnes actions qui s’élevait déjà léger comme s’il eût été vide, elle décida du bonheur éternel de l’usurier (19).

L’auteur de la chronique de Turpin raconte que ce prélat étant à Vienne, et venant de chanter la messe et de célébrer les saints mystères, s’apprêtait à réciter les psaumes, lorsqu’il entendit une violente rumeur, ce qui lui fit mettre le nez à la fenêtre ; il vit alors une innombrable troupe de démons ; il interrogea le plus petit, celui qui lui parut le moins repoussant ; ce diable lui répondit qu’ils allaient querir l’âme de Charlemagne qui venait d’expirer. L’archevêque le conjura de lui dire, à leur retour, quel aurait été le résultat de leur expédition ; et en effet, à peine eut-il achevé son psaume, qu’il entendit le même bruit que précédemment, ce qui lui fit regarder de nouveau par la fenêtre ; le petit démon lui apprit alors qu’à peine la légion infernale avait-elle été rassemblée, l’archange Michel était accouru avec la sienne, et que tandis qu’une lutte s’établissait entre eux, au sujet de l’âme impériale, saint Jacques de Compostelle et saint Denis étaient survenus, ainsi qu’on pouvait les reconnaître à l’absence de leur chef, qu’ils avaient placé dans une balance tous les biens qu’avait faits l’empereur, biens qui l’avaient emporté de beaucoup sur les maux : Et in stateram miserunt cum bonis operibus quæ in vita sua rex fecerat, tot ligna, lapides et structuras, ornamenta ecclesiarum et cultus, quod mala superare el multiplicare minime potuerunt (20).

Nous citerons encore une de ces curieuses légendes que nous recommandons plus particulièrement à l’attention du lecteur, parce que rien ne s’y trouve omis dans les circonstances de ce pèsement terrible et qu’on y rencontre jusqu’aux moindres détails de cette scène, telle que se la retraçaient les imaginations au moyen âge.

Odon, comte de Champagne, mourut après avoir mené ici-bas une vie peu édifiante. Au moment de son trépas, Dieu songea à la vie charnelle dans laquelle il était resté plongé, scilicet quod pulvis vel caro non spiritus essel, dum viveret comes Odo. Toutefois, se rappelant que ce seigneur avait fait réparer le grand monastère de Saint-Martin, [p. 242] œuvre fort méritoire à ses yeux, il eut pitié du pécheur et fit avertir par un ange l’évêque de Tours, d’intercéder pour celui qui lui avait conservé, au milieu de ces égarements, une dévotion particulière et de le défendre contre les tentatives des démons qui allaient le réclamer comme leur propriété. Le grand saint s’empressa d’accourir au pied du tribunal divin et de faire valoir en faveur d’Odon, sa piété envers lui, sa mort repentante, faisant appel surtout à la miséricorde divine, à la rédemption dont le bénéfice s’étend sur tous les hommes.

Les diables étaient confondus de l’éloquence de saint Martin ; la force de son raisonnement les accablait comme un coup de foudre ; ils eurent recours à la chicane, refuge ordinaire des mauvaises causes.

Hæ Martino pro èripienda de dentibus ursorum ovicula adversus impios non transeuntis inculcatione sermonum, sed in verbi Dei omnia penetrantis et comprehendentis collatione brevissima allegante, et causam injustæ abdicationis et detentionis captivi sui retractante illi ejusdem verbi virtute ac si tonitrui corruscatione præstricti non habentes qui tantæ auctoritatis objectionibus rationabiliter opponerent,

hærebant attoniti. Ad nota callidre machinationis commenta refugiunt. Les diables opposaient le grand nombre de péchés, et, comptant sur la puissance de cette considération, ils demandent la terrible épreuve de la balance. « Comitis specie sibi retinendi eum, pollicentes, examen libræ proponunt. » Ils font valoir l’excellence du pèsement en matière d’équité. « Asserentes æquius nil videri quam

ut cujus partis opera in eo præponderare invenirentur, eadem ilium opera secum sive sursum sive deorsum traherent. » Ils rappellent même le passage dont l’interprétation littérale a suggéré l’idée de ce pèsement. « Asserunt etiam nullo melius quam isto probari posse argumento dominum suum qui miserat euro justum esse judicem de quo scriptum sit quod ommia in numero et pondere et mensura disposuit. » On apporte donc la balance qui est suspendue dans le ciel. « Protinus divinæ virtutis potentia non parvæ quantitatis trutina in aere suspensa apparet. » Aussitôt les démons d’amonceler dans le sinistre plateau tous les méfaits, tous les péchés capitaux et véniels du défunt ; ils les y entassent comme des pierres, comme des morceaux de bois, de fer ou de plomb. « Nec mora cupidissimi feneratores et exactores nequissimi omnes quasi totius vitæ comitis scrutantes substantiam et ut brevissime multa perstringam, quidquid cogitando, loquendo et operando in negligentia seu transgressione divinorum præceptorum deliquerat, memoriter retinente in similitudinem lapidum, lignorum ferri et plumbi et cæterorum hujusmodi in patera åp. 243] sinistræ partis ejusdem trutinæ alacres et festini coacervant. » A peine les démons ont-ils comblé le plateau de cet affreux assemblage, que la balance trébuche, et plus vite que la plume, dans l’air s’élève le bon plateau, tandis que l’autre et son poids accusateur descendent aussi bas que possible. « Fit immensa congeries et dextro cornu libræ in altum sublato, sinistrum, quantum descendere poterat, in imum demergitur. » Déjà les diables crient victoire, tandis que saint Martin et l’ange gardien d’Odon se hâtent de rassembler sur le plateau trop léger tout ce qu’ils peuvent découvrir de bon dans la vie du comte ; ils y placent l’œuvre pie capitale qui milite en faveur du ciel, brille comme l’or et le rubis et pèse comme les métaux les plus précieux. « Sed auri et argenti atque gemmarum gravitatem et pulchritudinem referentire in patera dextræ partis stateræ convehunt. » Cependant l’équilibre est à peine rétabli, la troupe avide de Satan réclame encore ; alors saint Martin fait valoir les prières, les veilles, les jeûnes du défunt ; il rappelle le saint sacrifice de la messe auquel Odon ne manquait jamais d’assister dévotement, il exalte la puissance de ce symbole journalier de la Rédemption, qui renouvelle sans cesse les mérites qui ont valu aux yeux de l’Éternel le salut du genre humain. Cette dernière considération est venue ajouter au bon plateau, ce qui lui manquait encore pour l’emporter ; la balance trébuche en sens inverse, le bassin de droite s’abaisse et fait sauter en l’air celui sur lequel s’appuyaient les démons. Le premier rayon de soleil ne fait pas fondre la glace plus rapidement que ne s’effectua ce mouvement : « Quo facto pars sinistre partis trutinæ ac si vacna esset, dextera præponderante in sublime resilit et quicquid in ea congestum fuerat, velut glacies a fervore solis deficiens reliquatum ad nihilum redigitur. » Saint Martin entonna à son tour le chant du triomphe, et son cœur compatissant tressaillit de joie, tandis que la troupe horrible des esprits impurs, teterrimus immundorum spirituum ille globus, s’évanouissait comme la fumée, sicat deficit fumus, se fondait comme la cire, sicut fluit cera a facie ignis, et était replongée dans l’abîme, in abyssum subplumbatus (21).

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Eglise de Conques. (Aveyron)

La poésie populaire. du moyen âge nous retrace la même image de pèsement : écoutons pour preuve Guillaume de Deguilleville, moine de Chalis, qui écrivait, dans la seconde moitié du XIVe siècle, le Pèlerinage de la Vie humaine. Arrêtons-nous à la seconde partie de [p. 244] son poëme, le pèlerinage de l’âme. Le pèlerin est arrivé en présence de la justice divine, les anges et les démons se le disputent avec acharnement. Satan l’accuse avec tant de violence devant saint Michel, que l’archange est au moment de le damner. Mais dames Justice, Miséricorde, Raison, Vérité le défendent éloquemment. Saint Benoit, le patron de l’ordre qu’a embrassé le pèlerin, se joint â eux ; saint Michel, embarrassé, ordonne alors à la Justice de prendre sa balance, et il dit :

En la balance tu metras,
Dit-il, ct adroit peseras
Quanque ait fait le pelerin
Pour mettre tost sa cause à fin.
Qui rien y era à mettre
Soit bien, soit mal, tost li mette.
El quant Benoist avoit escript,
Quanque aussi Sathan veult dire
Et quanque puet contredire.
Le pelerin et ceulx qui sont
Pour li, en balance metront
Le bien saucun est à destre
Soit et les maulx à senestre.
Or que chascun appointement
Soit enformés du jugement.
De nul je n’ay reçeu don
Pour quoy doie estre en souppeson.
Aussi ne doit juge faire
Qui sonnour ne veult deffaire.

Après ce discours, dans lequel il est curieux de voir saint Michel protester de sa probité de juge et assurer qu’il n’a pas été gagné, le poëte commence le récit du pèsement.

Lors fut levei ung eschafault
Sur la cortine tout en hault,
Sur laquelle dehors se monstra
Justice, qui tost aporta
Ses balances aprestées
Et également ajustées.

Les dames allégoriques citées plus haut assistent à cette pesée solennelle. Le pèlerin met dans l’un des plateaux, celui de droite, son bourdon, son bâton, son écharpe. Dans l’autre, s’amassent les méfaits ; le monstre Sideresis y entre avec sa tête énorme et ses jambes grosses et courtes (22), et déjà le diable s’efforce de faire pencher ce [p. 245] plateau si chargé. Saint Benoît apporte à son tour ses écrits dans le plateau du paradis ; mais le démon fait observer malicieusement que cela ne fait point encore le poids. Le saint rapporte deux cédules et la Justice en déclare encore l’insuffisance. Enfin, au moment où Satan va s’adjuger sa proie, la Miséricorde accourt avec des lettres de grâce de Jésus-Christ et de la Vierge.

Ces légendes sont les véritables commentaires des représentations figurées que nous avons décrites rapidement, en commençant cet article ; nous retrouvons bien ces violences, ces tentatives traîtresses des démons pour ravir une nouvelle proie. L’auteur anonyme du discours dans lequel est racontée la légende du comte Odon rappelle lui-même cet usage où étaient les artistes de placer cette lutte comme épisode habituel de la psychostasie. Il montre aux chrétiens quelle salutaire pensée d’effroi ce pèsement doit jeter dans leur âme, sans cependant nous frapper de stupeur ou nous rendre incrédules ; il parle de ces tentatives sournoises et perfides des diables, pour faire trébucher le plateau accusateur, quamvis Diabolus arte pictoris suppositus, præpositam libræ pateram utraque manu tenens, toto nisu ad ima conetur detrahere. Mais saint Michel imposait par son autorité aux légions perverses de l’enfer, et c’était à lui qu’elles étaient contraintes de s’adresser, pour réclamer celui qui avait été trouvé trop léger.

Prévost Michiel delivre nous
Et ajuge tost nostre proie,

disent les Sathanas, dans le Pèlerinage de la Vie humaine.

D’où venaient ces croyances ? Était-ce une figure, une allégorie qui de l’art, était passée dans les esprits et avait fini par y prendre corps ? était-ce une superstition plus ancienne, dont il faut aller chercher les racines dans l’antiquité ? Un grand nombre de passages d’auteurs de diverses époques, nous font voir que l’expression métaphorique de pèsement fut employée non-seulement chez les premiers chrétiens, mais encore chez les Juifs. Tout donne à penser que ces expressions n’étaient que des figures de langage, pour ceux qui en faisaient usage, tandis qu’elles étaient traduites par le peuple dans un sens matériel et littéral.

Le fameux mot Thecel, une des trois paroles prophétiques qu’une main mystérieuse traçait sur le mur de la salle du festin de Balthazar, a été expliqué ainsi dans la Bible: Vous avez été pesé dans la balance, et vous avez été trouvé trop léger. Appendat me in slatera jusla, et sciat Deus simplicilatem meam, dit le livre de Job (23), et le IVe livre d’Esdras [p. 246] au ch. III, verset 34 : Nunc ergo pondera in statera nostras iniquitates. Saint Augustin a développé cette idée. Il écrit dans un de ses sermons (24) : Appendat me in statera justa, et sciat Deus simplicitatem meam ; et il dit ailleurs (25) : Erit libi sine dubio compensatio bonorum malorumquc et velut in statera posita utraque pars, quæ demerserit illa eorum, quo momentum vergitur, operarium vendicabit si ergo malorum multiudo superaverit, operarium suum pertrahit ad gehennam. Si vero majora fuerint opera bonorum summa vi obsistent, et repugnabunt malis atque operatorem suum ad regionem vivorum in ipso etiam gehennæ confinio, convocabunt. Fortunat, dans un de ses chant sacrés, s’écrie :

Statera facta corporis
Prœdamque tulit Tartari,

et Prudence dit aussi:

Genlibus justam positurus œquo pondere libram.

Saint Denis l’Aréopagite nous parle de ces balances divines qui pèseront notre vie : Τοίς θείοις υζγοίς ύποτίθείσα τήν οιϰείαν ζωήν (26).

On lit ce distique parmi ceux qui expliquent les niellures allégoriques représentant des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament, que le prélat Werner fit exécuter en 1181, par Nicolas de Verdun, sur le parement d’autel du cloître de Klosterneuburg (27).

Nos tuba quando ciet tunc quod cinis est caro fiet
Quam manet occulta Lanx, surgit turba sepulta.

Cette balance cachée, occulta lanx, qui attend les ressuscités représentés au-dessous de ces vers, est une figure évidente, c’est une métaphore empruntée à la même idée de psychostasie.

Un passage de Léon Diacre paraît renfermer plus qu’une figure, et annoncer l’existence de la croyance réelle à un pèsement, ainsi que nous l’avons constaté dans les légendes rapportées ci-dessus. Cet historien raconte qu’au moment de mourir, l’empereur Jean Zimisces, se rappelant ses nombreux péchés, invoqua saint Nicolas et la vierge Marie, afin qu’ils le secourussent au jour du jugement dernier, jour dans lequel on pèsera dans la balance les actions des hommes : [p. 247] Εν ήμέρα τής δίϰηϛ, όπηνίϰα παρά τώ ύιώ αύτής ϰαί θεώ τά τών βροτών πραϰτέα τοίς άδεϰάστοις ζυγοίς ϰαί σταθμοίς ταλαντεύεται (28).

Il serait trop long, et sans grande utilité pour notre sujet, de rapporter ici les passages des écrivains plus modernes qui ont fait usage de cette figure du pèsement divin, figure qu’on retrouve, jusqu’au XVIIIe siècle, dans le sermon de Massillon sur le jugement universel : « Je ne m’arrête pas, dit-il, à vous faire observer tous les titres dont sera revêtu celui qui vous examinera et qui annonce toutes les rigueurs dont il doit user, en pesant dans sa balance vos œuvres et vos pensées. » Dans la bouche éloquente de l’évêque de Clermont, ce n’est qu’une figure, et cependant à la même époque, au XVIIIe siècle, dans les idées populaires, la réalité de ce jugement était encore admise. On croyait que l’Être infini pour lequel n’existe ni la succession des raisonnements, ni la réflexion que réclame l’imperfection de notre intelligence, usait, dans l’examen de nos actions, des formes dont aurait pu user la justice humaine. On se représentait encore la vie future sous un aspect si terrestre, si anthropomorphique ! Écoutons plutôt le père Hyacinthe Lefébure dans son Traité du jugement dernier, page 77 : « Ce fut un spectacle effrayant, écrit-il, qui arriva en la personne d’un défunt. Les chanoines de Notre-Dame de Paris assistaient à des funérailles, au moment où le choriste entonna la première leçon du second nocturne de l’office des morts, qui commence par ces mots : Répondez-moi, combien ai-je d’iniquités ? le cadavre se leva sur son séant et dit d’une voix haute, qui troubla le chœur et épouvanta l’assemblée : Je suis accusé. Après quoi, il se remit dans son cercueil ; ce qui fit différer son inhumation jusqu’au lendemain, auquel jour le corps se leva, comme le précédent, aussitôt que le choriste eut prononcé les mêmes paroles, et dit d’une voix horrible : Je suis jugé. L’inhumation ayant été encore différée jusqu’au lendemain, au moment qu’on commença la même leçon, le cadavre se leva derechef et proféra ces mots, d’une voix qui fit retentir toute l’église : Je suis condamné. »

C’était donc un procès en bonnes formes que le peuple se figurait devoir être soutenu devant le tribunal de Dieu : un procès qui, comme le montre cette légende, pouvait rester pendant, durant plusieurs jours, et dans lequel la Vierge et les saints patrons jouaient le rôle d’avocats, tandis que le démon remplissait les fonctions du ministère public : Testis est diabolus qui ostendet nobis omnia quæ fecimus aliqaando, dit [p. 248] saint Bonaventure. On se rappelle le drame de Bartole : « L’homme par-devant Jésus, le diable demandeur et la Vierge défendeur. » Le diable réclame l’homme comme sa chose, alléguant sa longue possession.

Au sujet de cette idée toute matérielle de la justice divine, il ne faut pas oublier de citer le singulier ouvrage du père Hyacinthe Le1 Fébure qui nous a fourni la légende précédente, et qui est intitulé : « Traité du jugement dernier ou Procez criminel des réprouvez, accusez, jugez, et condamnez de Dieu selon les formalitez de la justice, contenant l’ordre et la forme de procéder, juger et condamner en matière criminelle, selon les lois divines, canoniques et civiles » (Paris, Thierry, 1671, in-4°). Dans ce livre, dédié au chancelier de France, Pierre Séguier, l’auteur a décrit minutieusement toutes les formes du jugement dernier, comme il l’eût fait dans un traité de procédure criminelle. Les différentes phases du jugement sont ponctuellement suivies, depuis la dénonciation, l’audition des accusateurs, des parties plaignantes, jusqu’à l’information, la citation, la consultation. On y retrouve tout, l’emprisonnement des réprouvés, l’interrogatoire, le récolement et la confrontation des témoins, l’extrait du procès criminel fait par les rapporteurs, la liste des juges qui composent le tribunal, en un mot, par une puérilité qui ne peut s’expliquer qu’au moyen des croyances que nous avons exposées précédemment, le père Hyacinthe Lefébure s’est attaché à nous initier aux plus légers détails de ce jugement terrible.

La métaphore du pèsement a passé dans la poésie chrétienne moderne, qui l’a empruntée aux représentations du moyen âge, et, nous le verrons aussi tout à l’heure, à l’antiquité. Dans le Paradis perdu de Milton, l’Éternel prend dans le zodiaque la balance d’or d’Astrée, pour peser la destinée du combat entre Satan et les archanges.

The Eternal, to prevent sueh horrid fray
Hung forth in Heaven hbis golden scales, yet seen
Betwixt Astrea and the scorpion sign,
Wherein ail things creatcd first he weigh’d
The pendulous round Earth with balane’ air
In counterpoise, now ponder all eyents,
Rattles and realms : in these he put two weights.
The sequel each of parting and of fight :
The latter quick up flew and kick’d the beam ;

Which Gabriel spying, thus bespanke the fiend,
Book IV.

Klopstock, dans son immortelle Messiade, a dit aussi, par la bouche d’Éloha : [p. 249]

Und mit eisernem Gang die Todesengel herabgehn !
Dass die Gerichteten alle die starren Augen erheben
Nach dom Thron schauen ! Denn die Entscheidung fasset die Wage
Bald, bald schwebt in die Himmel hinauf die sleigende Schale !
Also rief er. Allgegenwærlige, schauernde Stille
Hatte sich über die Himmel und über die Erde gebreitet.

Ges. XVIII.

« Anges de la mort, descendez des cieux, hâtez votre pas de fer. O vous qui attendez votre arrêt, levez les yeux vers le trône du Tout- Puissant ! Voilà la balance qui va décider de votre sort. Déjà ses bassins s’agitent, ils s’élèvent, ils s’abaissent et s’élèvent dans les Cieux. »

C’est cette même idée de la pesée de nos actions qui a fourni à Schiller une de ses plus belles pensées :

Sehet zu, das Schicksal der Menschen steht unter sich in fürchterlich schoenem Gleichgewicht. Die Wagschale dieses Lebens sinkend, wird hochsteigen in jenem, steigend in diesem, wird sie in jenem zu Boden fallen,

« Regardez-y bien, le destin de l’homme se balance dans une terrible et admirable équité ; si le plateau de cette vie a été abaissé, il se relèvera dans l’autre vie; s’il a été élevé dans cette vie, dans l’autre il s’abaissera davantage. »

ALFRED MAURY.

(La suite au Numéro prochain.)

 

 

NOTES

(1) Cf. Catal. des manuscrits franc. de la Bibl. roy., t. IV, p. 4.

(2) Cotman’s, Architectural antiquities of Normandy, t. II, p. 87, in-fol,

(3) Gilbert, Descrip. de la Basiliq. métrop. de Paris, p. 62.

(4) D. Ramée, Manuel de l’histoire générale de l’architecture, t. II, p. 170.

(5) Mallay, Essai sur les églises romaines du Puy-de-Dôme, p. 47. Pl. XLI.

(6) D’Agincourt, Hist. de l’art, Peint. Pl. XCIX.

(7) D’Agincourt, ibid.

(8) D’Agincourt, Peint. Pl. XXVI.

(9) Martin et Gabier, Vitraux de la cathéd. De Bourges. Pl. II.

(10) Carter, Specimens of the ane. sculpt. and paint. in England. PI. LVIII, et p. 85.

(11) Crypt. Vatic. mon. ill., tab. LXXVI.

(12) De Historia ss. imaginum. Ed. Paquot, lib. 2, c. 23, p. 71; lib. 3, c. 41, p. 356.

(13) P. Mérimée, Notes d’un voyage dans l’ouest de la France, p. 61.

(14) Gilbert, Descript. de la cath. d’Amiens, p. 35.

(15) P. Mérimée, Notes d’un voyage en Auvergne, p. 184.

(16) De Historia ss. imaginum, Ed. Paquot, p. 374.

(17) Ibid., lib. 3, c. 39, p. 347. Ed. Paquot.

(8) Manuscrit fr., fonds Lancelot, n° 7018. Cf. P. Pâris, Catal. des mmanuscrits fr., t. IV, p. 4.

(19) Michael Noevius, Chronic. apparit. et gestor. S. Michael., p. 286.

(20) Lenglet Dufrcsnoy, Dissert. sur les apparitions, t. II, p. 481 et suiv.

(21) Anonymi Narratio de command. Turonicæ provinciæ et de nomin. et

act. episcop. civ. Turon., p. 172 et suiv. à la suite de l’Histoire des Francs, de

Grégoire.de Tours. Parisiis, 1610, in-12.

(22) C’est au moins ainsi qu’il est représenté dans le manuscrit de Deguilleville que j’ai consulté. Ce manuscrit, orné de peintures fort médiocres, appartient à la bibliothèque de Metz ou il est coté E. 110 ; il est du milieu du XIVe siccle, et provient de la bibliothèque des Célestins. J’en dois la communication à l’obligeance de M. Declerckx, bibliothécaire de Metz.

(23) XXXI, 6.

(24) Serm. De tempor. barbaric.

(25} Serm. I in vig. Pcntecost. par. 16.

(26) De eccles. hierarch. c. 4, par. 8, ap. Oper. S. Dionys. Arcop. Ed. Cordcrim, t. l, p. 337.

(27) Cf. J. Arneth, Das Niello-Antipendium zu Klosterneuburg in Oestreich, p. 9 (Wien, 1844, in-8°).

(28) Leon. Diacon. Hist. X, p. 178, éd. Hase, Bonnæ, in 8°.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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