Pierre Quercy. Remarques sur le Traité des passions de Descartes. Article paru dans le « Journal de psychologie normale et pathologique », (Paris), 1924, pp. 670-693.
Pierre Quercy (1886-1949). Psychiatre. – Docteur en philosophie et en médecine (Paris, 1925). – Il a été chargé de cours à la Faculté des lettres de Rennes. – Il s’est spécialisé dans l’étude des hallucinations et à soutenu sa thèse sur la question (voir ci-dessous). Nous avons retenu de ses publications :
— Le diagnostic radiographique précoce du mal de Pott sous-occipital chez l’enfant
Paris : Amédée Legrand, 1925.
— La sensation, l’image et l’hallucination chez Taine. Article parut dans la revue « Année psychologique », (Paris), volume 26, 1925, pp. 117-150. [en ligne sur notre site]
— L’hallucination. Tome I. Philosophes. Théorie de la perception, de l’image et de l’hallucination chez Spinoza, Leibniz, Bergson. – Mystiques. Sainte-Thérèse : ses misères, sa perception de Dieu, ses visions. – Tome II. Etudes clinique. La foi de l’halluciné. L’hallucination dans la perception. L’illusion des amputés, l’audition colorée, les images consécutives. L’hallucination pure. Chez le normal : L’Eidétisme. L’hallucination morbide. Neurologie de l’hallucination visuelle. Esthésie du rêve. Onirisme toxi-infectieux. Le Peyolt. L’hallucination auditive verbale. L’impulsion verbale. L’hallucination psychique. LA négation de l’hallucination. Osiphile et Noéphème. Paris, Félix Alcan, 1930. 2 vol. in-8°, (4 ffnch., XXVII p., 381 pp). + (2 ffnch., 559 p.). Dans la « Bibliothèque de Philosophie Contemporaine ».
— Sur un mécanisme des visions mystiques. Article parut dans la revue des « Annales médico-psychologiques », (Paris), XVe série, 93e année, tome deuxième, 1935, pp. 546-555. [en ligne sur notre site]
— Les hallucinations. Paris, Félix Alcan, 1936. 1 vol. 12/19, ffnch., 178 p. 1 fnch. Dans la « Nouvelle encyclopédie philosophique ».
— Hôpital psychiatrique autonome de Château-Picon, Bordeaux. Rapport médical
Édition : Bordeaux, impr. G. Frayssé, 1938.
— Hopital psychiatrique autonome de Chateau-Picon, Bordeaux. Rapport médical pour l’année 1940,… [Par le Dr Perrens, le Dr. Gardes et le Dr. Quercy.]
Bordeaux, impr. de G. Frayssé , 1941.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original. – Par commodité nous avons renvoyé les notes originales de bas de page en fin d’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription des articles originaux établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr
[p. 670]
REMARQUES
SUR
LE TRAITÉ DES PASSIONS DE DESCARTES
Il n’a pu que se tromper beaucoup,
mais il n’en a pas moins vu ce qu’il y
avait à faire (1).
Les préoccupations physiologiques ont toujours animé les observateurs des phénomènes affectifs, et, de génération en génération, on les voit prendre le pas sur la psychologie pure ou les tendances qualifiées d’intellectualistes. Depuis des siècles, on soupçonne la mélancolie d’avoir des causes viscérales ; il y a bien des années, Duchenne de Boulogne, électrisant un ou deux muscles de la face, obtenait les sourires les plus purs ; vers 1885, W. James et Lange lancent leurs théories de l’origine viscérale des émotions ; en 1906, Pagano, crée la peur et la colère en curarisant tel ou tel point du noyau caudé ; en 1908, Sherrington, chez des chiens ou plutôt sur des têtes de chiens rendues inconscientes et presque indépendantes de tout le reste, obtient les expressions émotionnelles, les émotions, les plus intenses ; depuis 1911, Cannon rapproche la peur et la colère des effets de décharges d’adrénaline dans le sang ; sous nos yeux, l’encéphalite épidémique impose à quelques-unes de ses victimes de douloureux, incoercibles et interminables rires (2). Contradictoires ou convergents, confirmés ou contredits, de tels travaux témoignent que les sentiments, comme les sensations, cèdent de plus en plus aux moyens du laboratoire. Or, parmi les lointaines origines de ce mouvement, il est une grande œuvre : la théorie cartésienne des Passions. Si nous la rappelons à notre tour, c’est d’abord parce que tout ce qu’a [p . 671] dit ou fait Descartes est d’un intérêt permanent ; on verra aussi que ses travaux de psychologie, menés avec un constant souci de rester « physicien » et physiologiste, sont, par les tendances et la pensée, parfaitement « actuels » ; il est enfin d’autant plus légitime de rendre quelquefois hommage au fondateur de la théorie physiologique des émotions, que des hommes tels que James et Lange l’ont ignoré ou méconnu. Tandis que Sherrington, dans ses travaux sur les réflexes, rappelle en détail les presciences de Descartes, James ne le nomme pas, et Lange le méconnaît expressément : il cite bien Spinoza, car l’oubli du « per affectus intelligo corporis affectiones » eût scandalisé des lecteurs ; mais il va chercher dans Descartes, où tout est en germe, la phrase la plus anti-physiologique, la plus intellectualiste, du Traité des Passions(3).
René Descartes
Il est vrai que le père de la science et de la philosophie moderne, s’il ne somnole jamais, a cependant tout fait pour s’attirer ce dédain : par l’assurance avec laquelle il faisait de la glande pinéale le rouage suprême de la machine animale, il ruinait d’avance tout le crédit de sa physiologie. On n’a plus vu que son énorme erreur, oubliant qu’il avait disséqué et expérimenté autant que tout spécialiste de son temps et qu’il était Descartes. De la nuit où « mirabilis scientiae fundamenta reperit » à la publication du Traité des Passions, pendant trente ans, il étudia les choses de la vie avec la même ardeur, la même facilité souveraine, le même souci de rigueur que l’algèbre et la physique. A ses amis qui le pressaient de donner au monde ses lumières de biologiste, il opposait sans cesse la nécessité de nouvelles expériences, il rêvait d’aide pécuniaire, de laboratoires, de collaborateurs payés et disciplinés (4). Il savait que les questions de fait exigent d’autres procédés de recherche que les sciences de raisonnement, et il patientait. — Se peut-il qu’ayant rénové tout ce qu’il a touché, il n’ait accumulé ici que des erreurs insensées ? Ce ne fut certes pas l’opinion des contemporains, et, plus de vingt-cinq ans après sa mort, à propos de son Traité de l’Homme, œuvre de physiologie avant [p. 672] tout, ses admirateurs s’écriaient : « il y avait quelque chose d’extraordinaire en cet homme, que nous pouvons appeler divin à bien plus juste titre que Platon (5) ».
*
Pour découvrir ce qui reste de vivant dans sa théorie des Passions, il faut se résigner à remuer la cendre de sa neurologie.
La glande pinéale, les ventricules et les esprits animaux en étaient les pièces essentielles. La pinéale, pour commencer par le pivot de la machine, avait toutes les complaisances de son inventeur (6), et il ne se lassait pas d’énumérer ses avantages. Elle est unique, et il fallait un organe unique pour que nos deux yeux et nos deux oreilles ne nous fournissent pas deux sons pour un, deux images visuelles pour une ; il la voyait centrale, dans la cavité du ventricule, et douée d’une remarquable mobilité ; il lui prêtait enfin un très riche réseau artériel, c’est-à-dire de quoi faire d’elle la source des esprits animaux.
Les esprits animaux, héritage de Galien, ne sont plus, chez Descartes, l’intermédiaire entre la matière et l’esprit ; « ce ne sont que des corps » (7), obtenus par un vulgaire criblage, à travers les parois des vaisseaux de la pinéale, des particules les plus subtiles du sang. Vent léger, « flamme très pure », mais toujours matérielle, ils coulent sans cesse des vaisseaux dans la glande et de la glande dans les ventricules cérébraux.
Les ventricules, autre legs de Galien, se sont vus, de l’époque Alexandrine à Kant (8), tantôt élevés aux plus hauts sommets de la psychologie, tantôt abaissés à l’emploi d’émonctoires de la pituite. Avec Descartes, ils constituent le lieu où se jouent, en mille sens divers, les innombrables courants des esprits et où tous les nerfs viennent apporter leurs renseignements et prendre leurs ordres.
Sur la paroi des ventricules naissent en effet tous les nerfs ; les uns destinés à se terminer dans le cerveau même et à constituer sa masse, les autres destinés à s’étendre jusqu’aux extrémités du corps. — [p.673] Notons en passant qu’il y avait quelque mérite, au temps du Traité de l’Homme, à présenter le cerveau comme composé de fibres. Bartholin reste neutre devant cette thèse, qu’il appelle cartésienne, et, même chez Willis et Malpighi, des professionnels cependant, elle ne prendra pas encore grande consistance.
Ces innombrables fibres ont toutes la même structure, et chacune est un tube ; dans ce tube est un filet, tendu de la peau, de la rétine,
En partie d’après De la Forge et De Gutschoven
(édition Clerselier du Traité de l’Homme).
P, pinéale ; O, objet ; O’, image pinéale de l’objet ;
f, filets sensitifs (nerf optique) ; e, a, esprits animaux ;
tubes nerveux, avec leur filet central (sensitif)
et leurs esprits animaux (sensitifs et moteurs).
du muscle, à la paroi du ventricule ; dans ce tube encore et autour de ce filet axial, coulent les esprits animaux. Les filets, de concert avec les esprits, vont assurer la sensibilité ; les esprits se chargeront, à eux seuls, de la motilité.
En possession de ce système nerveux, Descartes va mettre sa machine en mouvement et, avant de lui donner une âme, rendre compte de son activité réflexe.
Les filets axiaux d’un groupe de tubes nerveux, touchés à leur extrémité périphérique, par la lumière, par un son, par « l’eau forte » de l’estomac, exercent une traction sur leur attache ventriculaire ; là, chaque filet ouvre ou entre-bâille plus ou moins l’entrée de son tube nerveux ; les esprits venus de la glande dans cette direction, se précipitent, en vifs petits torrents, dans les tubes nerveux [p. 674] dont l’entrée est disponible ; la glande, si mobile, est entraînée dans le sillage de ces esprits, elle prend une certaine position et la totalité des courants d’esprits animaux qu’émet sa surface prend un certain régime : les mouvements réflexes peuvent apparaître.
Tous les courants issus de la glande, spécifiés par sa position, leurs directions, leurs forces, les propriétés mécaniques de leurs particules, atteignent les entrées des nerfs avec des aptitudes diverses à les forcer ; ils y pénètrent, plus ou moins abondants, plus ou moins vigoureux selon le nerf considéré et certains, encore riches, rapides et forts, atteignent des muscles ; c’est ce que voulait Descartes. Passons, à regret, sur l’extraordinaire mécanisme qu’il avait inventé pour expliquer la contraction musculaire et, deux cent cinquante ans avant la lettre, l’inhibition et le jeu des antagonistes ; choisissons un des actes réflexes de la machine et regardons ce qui se passe.
Descartes place dans le champ visuel de l’automate une « figure effroyable », capable de le détruire ; aussitôt, les filets de ses nerfs optiques transmettent une certaine action à leur attache ventriculaire, les orifices des tubes nerveux intéressés s’ouvrent, les esprits venus de la glande dans la direction de ces tubes s’y engouffrent, la glande suit leur sillage et prend une certaine position, les esprits qu’émet de toutes parts sa surface prennent un certain régime ; quelques-uns de leurs courants, encore en pleine force, atteignent des muscles, et, si l’organisation individuelle de la machine le veut ainsi, on assiste au spectacle suivant : ses traits se convulsent, ses mains cachent son visage, ses jambes s’agitent et réalisent ce que nous appelons la fuite, son larynx émet des cris, les orifices de son cœur se resserrent, bref, cet automate sans conscience ni volonté exécute une immense série de mouvements coordonnés, propres à sa conservation et que commande sa seule structure.
Cette machine est depuis longtemps au rebut ; mais Descartes, sans trop le dire, et Malebranche, en le disant (9), estimaient qu’il importait peu que leurs pièces et engrenages fussent ou non ceux de la machine animale réelle ; ils ne voulaient que construire une machine concevable. Que le divin horloger ait usé d’autres rouages que les rouages cartésiens, c’était, au moins pour Malebranche, probable ; [p. 675] mais il suffisait que l’automate de Descartes fût capable de marcher et de courir, de manger à ses heures et de digérer, de croître, de vieillir et de mourir, de réagir en mille et mille façons, de fuir, d’attaquer et de tuer. Descartes est moins modeste que Malebranche, et, plus sûr de lui ici que dans les Principes, il est convaincu, sans réserves, qu’il a découvert le véritable mécanisme (10) ; il ne doute pas de la structure fibreuse du cerveau ; l’existence et le rôle des esprits, les fonctions des ventricules, la présence d’un filet central dans chaque tube nerveux, le jeu des valvules qui permet la contraction et la décontraction des muscles, le rôle enfin de la pinéale, centre commun de tous les réflexes et, bientôt, organe et siège principal de l’âme, tout cela lui paraît, non seulement une hypothèse commode, mais la réalité même.
Aujourd’hui, les filets sensitifs ont bien changé, les esprits animaux ont disparu pour faire place aux filets moteurs, le petit et unique centre nerveux de Descartes, la glande pinéale, s’est dilué en une infinité du centres hiérarchisés, du plus humble plexus interstitiel à l’écorce cérébrale.
Oublions donc filets, tubes et valvules ; il reste une doctrine dont nous vivons encore : avec ou sans conscience, il suffira d’une structure convenable pour que l’action des objets extérieurs fasse jouer des mécanismes d’une complexité illimitée. Les cartésiens avaient vu toute l’ampleur de la découverte de leur maître, ils l’avaient parfaitement comprise, et aucun observateur actuel des animaux inférieurs et des insectes ne met plus de réserve qu’eux à faire intervenir la conscience ; on sait d’ailleurs jusqu’où Spinoza devait pousser le système.
*
* *
Unissons une âme à la machine. Un objet vient d’agir sur les filets nerveux, ceux-ci ouvrent les orifices ventriculaires de leurs tubes, les courants d’esprits s’y engouffrent, et la glande, suivant leur sillage, prend une certaine position. La sensation va surgir, et un exemple, cher à Descartes, va préciser l’instant de sa naissance. Supposons que l’objet soit une flèche et considérons les deux images [p. 676] rétiniennes de sa pointe ; admettons qu’à chaque image rétinienne de cette pointe corresponde un filet nerveux ; les deux filets intéressés, le droit et le gauche, atteignent, sans se croiser, leurs attaches ventriculaires ; là, chacun ouvre l’entrée de son tube nerveux et deux courants d’esprits s’engouffrent dans ces deux tubes, entraînant la glande dans leur sillage. La position que Descartes donne alors à la pinéale est telle que ces deux courants émanent, non pas de deux points de sa surface, mais d’un seul : à l’unique objet extérieur, aux deux rétines, aux deux filets, aux deux orifices ventriculaires, aux deux courants d’esprits, correspond, sur la glande, un seul point, au niveau duquel il se passe quelque chose, une modification dans l’écoulement des esprits ; c’est « à l’occasion » de cet événement pinéal que l’âme voit la pointe de la flèche.
Tout ce que l’âme percevra des corps et de son corps, elle le percevra par ce mécanisme : il faudra que les objets agissent sur l’issue des esprits hors de leur source ; l’instant et le lieu de cette action sur la pinéale désignent le dernier événement matériel qui précède la sensation. Remplaçons « glande » par « écorce », substituons « neurones » à « esprits » et faisons les mêmes aveux d’incompréhension que Descartes (11).
Quelles sont les fonctions de l’âme unie à cette machine ? Descartes met tout de suite à l’abri les « actions » de l’âme, les volitions. Pour ne citer que l’action de l’âme sur le corps, il ne doute pas que la volonté meuve immédiatement la glande pinéale et que les esprits ne se trouvent ainsi dirigés vers les nerfs requis. Si nous voulons être attentifs, la volonté fixe la glande dans la position favorable à la perception d’un objet ; si nous cherchons un souvenir, la volonté meut la glande, de-ci, de-là, jusqu’à ce que les esprits rencontrent les tubes nerveux qui ont jadis fixé la trace, le pli du souvenir cherché ; si nous voulons nous promener, la glande prend les attitudes requises pour que les esprits assurent les mouvements alternatifs nécessaires et Descartes détaille ou peut détailler tout cela.
Aux « Actions » de l’âme s’opposent ses « Perceptions ». La [p. 677] recherche d’un souvenir vient de nous rendre compte de l’imagination volontaire ; Descartes lui oppose aussitôt l’imagination passive : dans la rêverie, le rêve, la glande s’agite au gré des esprits que lui envoie l’organisme, elle oscille sous leur poussée comme un tuyau de cheminée très mobile oscillerait sous l’action, non du vent, mais de sa propre fumée ; elle dirige alors les esprits, au hasard, vers les tubes nerveux de la masse cérébrale où sommeillent les souvenirs, et ceux-ci s’éveillent au hasard. Tout à l’heure, c’était l’âme qui portait la glande et les esprits vers les traces du passé ; ce sont maintenant les esprits eux-mêmes qui, selon l’état général de l’organisme qui les sécrète, imposent à la glande ses attitudes et l’orientent vers les images du passé.
Arrivons aux « Perceptions » du présent elles exigent le concours des nerfs périphériques, elles sont de trois espèces et la dernière comprend les passions. De ces perceptions que nous possédons parce que nous avons des nerfs, les unes vont être rapportées au monde extérieur et ce seront les sensations externes ; d’autres vont être rapportées à notre propre corps, ce seront encore des sensations, et Descartes en donne des exemples frappants : la faim, la soif, les douleurs et les sensations de plaisir.
Vient enfin une dernière espèce de « Perceptions » : elles sont assurées, elles aussi, par le jeu des nerfs et des esprits ; mais nous ne les rapportons ni aux objets extérieurs ni au corps ; nous les rapportons à notre âme, et ce sont les « Passions ».
« Les perceptions qu’on raporte seulement à l’âme sont celles dont on sent les effets comme en l’âme mesme & desquelles on ne connoit communement aucune cause prochaine à laquelle on les puisse raporter : tels sont les sentiments de ioye, de colère & et autres semblables. » (12) [p. 678]
Ces lignes déçoivent un peu : énumérer les phénomènes psychiques et obtenir les passions par élimination était bien ; mais fallait-il se borner à les spécifier en les rapportant à l’âme seule ?
Pour nous satisfaire, ouvrons le plus récent de nos traités de psychologie : « Les phénomènes affectifs ont tous ce caractère commun d’être purement subjectifs et de ne pouvoir être utilisés pour la connaissance des réalités extérieures. A la différence des phénomènes représentatifs, ils ne sont jamais ressentis que comme des états actuels du moi et non conçus comme des propriétés inhérentes à certains objets. » (13)
De 1650 à 1923, le « moi » et les phénomènes « purement subjectifs » ont pris la place de l’« âme » ; en d’autres lieux, la différence est importante ; ici, elle n’est que verbale, et la pensée de Descartes reste notre pensée.
Ayant donc distingué les passions des autres phénomènes psychiques, ou, comme on disait alors, des autres « pensées », Descartes se donne une immense tâche ; dénombrer les passions, les classer, les décrire, indiquer leurs usages, leurs dangers, leurs remèdes, sont quelques-unes des étapes du petit in-16 qu’il leur a consacré ; nous n’en parcourrons qu’une, celle qui semble l’avoir le plus intéressé et qui concerne leur mécanisme.
Dès l’abord, dès sa tentative de définition, sa pensée transparaît : « Après avoir considéré en quoy les passions de l’âme diffèrent de toutes ses autres pensées, il me semble qu’on peut généralement les définir : des perceptions, ou des sentimens, ou des émotions de l’âme, qu’on raporte particulièrement à elle & qui sont causées, & entretenues, & fortifiées par quelque mouvement des esprits. » (14)
Les passions se rapportent immédiatement et uniquement à l’âme et non au corps et aux objets extérieurs, c’est entendu. Ce point précisé, vient un exercice de terminologie cartésienne. Parmi les « pensées », c’est-à-dire les phénomènes psychologiques, les Passions sont des « Perceptions » et, à ce titre, s’opposent aux « Actions » de l’âme ; ce sont des « sentiments », ce qui laisse entendre qu’elles nous parviennent de la même façon que les sensations ; ce sont enfin des [p. 679] « émotions » car, autant et plus que les autres pensées, ce sont des ébranlements de l’âme.
Les derniers mots de la définition nous importent davantage : les passions sont causées, « et non seulement causées » (15), mais entretenues et fortifiées par quelque mouvement « particulier » (16) des esprits.
Ces mots sybillins couvrent-ils une théorie organique des passions et, si oui, laquelle ?
Quand les objets sont sentis, c’est, nous le savons, grâce à un mouvement particulier des esprits ; si un souvenir s’éveille, c’est grâce à un mouvement particulier des esprits ; qu’a de « particulier » celui qui détermine ou occasionne la passion ?
*
* *
Nous allons apprendre que ce mouvement a des origines et une destination viscérales.
Fidèles à la méthode, divisons la difficulté et parlons d’abord des passions de la machine sans âme, des passions réduites aux mouvements qui les caractérisent, de passions qui n’ont encore rien de psychique et devraient porter un autre nom (17).
L’exemple le plus commode est encore « la figure effroyable », la peur, la fuite. De l’objet à la glande, le long des filets optiques et des courants d’esprits, se déroule une série d’actions que nous connaissons, la glande se meut, un certain régime d’esprits s’établit et des mouvements apparaissent. Si le cerveau, par nature ou par acquisition, est disposé comme il le faut, on assiste au tableau connu : les yeux se dilatent, le visage se convulse, le larynx émet des cris, la machine tourne le dos et court. Mais, actuellement, ce ne sont pas ces mouvements qui nous intéressent, et l’essentiel du dénombrement cartésien reste à dire. En même temps qu’ils se précipitent vers les muscles de la face et des membres, les esprits se précipitent aussi vers les « entrailles », et ils provoquent, dans le cœur, l’estomac, le foie, la rate et ailleurs, un vaste ensemble de mouvements, ensemble caractéristique de la machine menacée et en fuite : telle passion de [p. 680] la machine, tel état viscéral. Selon la passion enjeu, les orifices du cœur se resserrent ou se dilatent, la rate et la vésicule biliaire versent plus ou moins « d’aigreur et d’amertume » dans le sang, l’estomac digère lentement ou vite, les poumons se laissent plus ou moins rapidement traverser par le sang, le sang acquiert, à travers les organes, des propriétés particulières, et il va déverser dans la glande des esprits aux formes, dimensions et vitesses caractéristiques de la passion considérée : telle passion, telle formule viscérale, telle formule sanguine, tels esprits, ou, dans notre langage, telle émotion, telle formule sanguine, telle formule corticale.
Ce grand résultat ne suffit pas à Descartes ; avant de réintroduire une âme dans la machine et de déduire la passion psychologique, il lui reste une étape physiologique à franchir ; il vient de dire : telle passion, tels esprits, il lui reste à dire : tels esprits, telle passion. Nous venons de voir se succéder l’image rétinienne d’un animal « effroyable », des mouvements de la glande, un régime consécutif des esprits, les réflexes viscéraux de la peur, les esprits animaux de la peur ; nous avons à dérouler la série suivante : esprits animaux de la peur, mouvements de la glande, réflexes viscéraux de la peur.
De quoi s’agit-il ? Un objet vient de provoquer, grâce à une série d’intermédiaires, un certain état organique ; il faut que les esprits sécrétés par l’organisme ainsi modifié traversent la pinéale de façon à aller renouveler, entretenir et fortifier cet état organique.
Nous savons déjà que les objets, en agissant sur les courants d’esprits issus de la glande mettent celle-ci en mouvement ; mais elle peut être mue d’une autre façon, Descartes nous le répète : les esprits qui lui viennent de son réseau vasculaire et la traversent ont naturellement des vertus mécaniques, et la glande cède à leur impulsion comme le tuyau de cheminée très mobile que nous citions cède à sa propre fumée. Tout à l’heure, le conarium était mu du dehors, l’objet agissait sur les esprits à leur sortie de la glande et ils l’entraînaient dans leur sillage ; maintenant, les esprits, dès leur naissance, à leur entrée dans la glande et non à leur sortie, vont la pousser de-ci de-là ; la cause lointaine de ses mouvements n’est plus l’objet qui agit sur les esprits, c’est le sang qui les engendre, et, avant le sang, l’état général de l’organisme.
Ce point conquis, la fin de l’étape physiologique de Descartes est très [p. 681] simple ; l’animal effroyable a agi sur les esprits et la glande, le syndrome viscéral de la peur s’est constitué, et le sang de la peur, les esprits de la peur, en sont résultés. Ces esprits passent du sang dans la glande, ils la mobilisent, ils l’orientent, ils la quittent, ils entrent dans les nerfs, et ils vont provoquer un syndrome viscéral qui est précisément celui de la peur. La vue du danger a créé dans la machine l’état organique de la peur, et les esprits nés de cet état le confirment et le fortifient.
En termes actuels, et en remplaçant esprits et pinéale par des mots différents : l’image rétinienne d’un objet menaçant détermine des réflexes de fuite ainsi que certains réflexes viscéraux ; les viscères envoient alors aux centres du sang qui agit sur les cellules motrices de façon à entretenir ces réflexes. Telle peut être la pensée cartésienne, dépouillée de son appareil suranné.
Descartes avait pris comme intermédiaire, entre les phénomènes viscéraux et les phénomènes centraux qui les entretiennent, le sang. Il parle peu des filets sensitifs qui unissent les viscères aux centres, mais ses commentateurs immédiats ont parfaitement vu qu’il n’avait pas oublié l’action des viscères sur les centres par les nerfs (18), et, sans exiger de trop amples détails, nous pouvons dire après eux, dans le langage de nos jours : en matière d’émotions, un état viscéral donné agit, par les voies viscérales sensitives, de façon à provoquer des réflexes qui le perpétuent.
Telle est la passion cartésienne, considérée du seul point de vue physique. Du côté des appareils sensoriels : un phénomène quelconque ; du côté des appareils moteurs de la vie de relation : certains actes et une certaine mimique, faciale ou vocale ; du côté de la vie végétative : certains phénomènes cardiaques, gastriques et autres, phénomèmes dont l’effet ultime est précisément de donner des esprits qui les perpétuent.
*
* *
Rendons son âme à la machine et confrontons la passion, événement de l’âme, avec ce que nous venons d’apprendre de son histoire matérielle. On sait comment les choses se passent pour la sensation : [p. 682] l’objet modifie les filets nerveux périphériques, ceux-ci agissent d’une façon originale sur les esprits, et c’est la modification particulière de ces derniers, à leur issue de la glande, qui donne à l’âme occasion de sentir. Du fait que nos esprits animaux sortent de la glande d’une certaine façon et se dirigent vers les tubes d’un nerf sensitif, le nerf optique par exemple, nous voyons un objet ; du fait que nos esprits animaux sortent de la glande d’une certaine façon et se dirigent vers tels de nos muscles, nous avons la perception de tel mouvement ; du fait que nos esprits sortent de la glande d’une certaine façon et se dirigent vers les tubes centraux qu’a impressionnés le passé, nous en avons le souvenir. Rappelons-nous maintenant que « les passions sont reçues en l’âme en même façon que les objets des sens extérieurs, et ne sont pas autrement connues par elle » (19) ; pour les obtenir, il faudra et suffira que les esprits sortent de la glande dans certaines conditions et vers certains appareils. Lesquels ?
Tout ce qui précède répond à cette question, mais laissons parler Descartes.
Sous le titre « exemple de la façon que les Passions sont excitées en l’âme », il prend son exemple du danger et de la peur et dit : « … Si cette figure est fort estrange et fort effroyable… cela excite en certaines âmes la passion de la peur et de l’espouvante ;… car cela rend le cerveau tellement disposé, en quelques hommes, que les esprits réfléchis de l’image ainsi formée sur la glande, vont, de là, se rendre, partie dans les nerfs qui servent à tourner le dos et remuer les jambes pour s’en fuïr, et partie en ceux qui eslargissent ou estrécissent tellement les orifices du cœur, ou bien qui agitent tellement les autres parties d’où le sang luy est envoyé, que, ce sang y estant raréfié d’autre façon que de coustume, il envoye des esprits au cerveau qui sont propres à entretenir et fortifier la passion de la peur, c’est-à-dire, qui sont propres à tenir ouverts ou bien à ouvrir derechef les pores du cerveau qui les conduisent dans les mesmes nerfs. Car, de cela seul que ces esprits entrent en ces pores, ils excitent un mouvement particulier en cette glande, lequel est institué de la nature pour faire sentir à l’âme cette passion » et « ces pores se raportent principalement aux petits [p. 683] nerfs qui servent à reserrer ou eslargir les orifices du cœur. » (20) Suit un paragraphe non moins explicite : « Le semblable arrive en toutes les autres passions, à sçavoir qu’elles sont principalement causées par les esprits contenus dans les cavitez du cerveau, en tant qu ils prenent leur cours vers les nerfs, qui servent à eslargir ou estrécir les orifices du cœur ou à pousser diversement vers luy le sang qui est dans les autres parties, ou, en quelque autre façon que ce soit, à entretenir la mesme passion. » (21)
Quelques lignes plus loin, le leit-motiv revient et « le cours que prenent les esprits vers les nerfs du cœur, suffit pour donner le mouvement à la glande, par lequel la peur est mise dans l’âme » (22).
« Ita » lisait-on dans les Principes « fruitionis alicujus boni, non ipsa sensum laetitiae in se habet, sed spiritus ex cerebro ad musculos, quibus illi nervi incerti sunt, mittit, eorumque ope orificia cordis expanduntur, et ejus nervuli moventur eo motu, ex quo sequi debet ille sensus. » (23)
Enfin : « Jusqu’à ce que l’émotion du cœur, du sang et des esprits ait cessé, les passions demeurent présentes à nostre pensée, en mesme façon que les objets sensibles y sont présents, pendant qu’ils agissent contre les organes de nos sens. » (24)
Rien de plus ferme, rien de plus net chez les involontaires imitateurs de Descartes ; il avait bien fondé, en pleine conscience de ce qu’il faisait, une théorie viscérale des émotions. Restait à entrer dans le détail des faits et à les laisser parler.
Cette partie expérimentale, il a tenté de la réaliser lui-même, malgré l’absence de crédits, de laboratoire et de collaborateurs dont parle le préfacier du Traité des Passions ; et cet ouvrage est plein de descriptions du mouvement des esprits et des organes dans les passions fondamentales : resserrement et élargissement des orifices du cœur, activité accrue ou diminuée de « l’eau forte » de l’estomac, intervention de la bile, du foie, de la rate, de poumon ; variations dans la grosseur, le nombre, la vitesse des particules du sang et des esprits ; [p. 684] Descartes jongle avec tout cela. Son assurance ne lui dissimule pourtant pas tout à fait les difficultés de sa tâche, et il en fait confidence à la princesse Elisabeth (25) : il n’est pas facile, lui dit-il, d’étudier les phénomènes organiques correspondant à chaque passion et c’est parce qu’elles sont d’ordinaire mêlées. Il faut dissocier les faits et chercher à obtenir des résultats précis par statistique, comparaison, élimination. Si l’on se borne, par exemple, à des cas où l’amour et la joie vont de pair, on ne connaîtra ni l’un ni l’autre ; mais si l’on s’avise de confronter l’amour-joie avec l’amour uni à la tristesse, les distinctions deviennent faciles. C’est la Méthode en action.
Qu’est-ce donc que Descartes pouvait connaître des dessous physiologiques de son sujet ?
Laissons de côté, comme lui, les phénomènes extérieurs tels que la mimique, le rire, les larmes, les soupirs, les tremblements, la rougeur, la pâleur et regardons-le scruter les phénomènes thoraciques et abdominaux. Que pouvait-il savoir des organes profonds ? Il pouvait tâter le pouls, interroger quelques sensations telles que la faim, la soif, l’angoisse, il pouvait utiliser les idées en vogue sur le foie, la bile, la rate, etc… c’est tout. Dès lors, et sauf quelques précisions sur le pouls, précisions que nos modernes sphygmogrammes n’ont pas beaucoup enrichies, mieux vaut faire le silence sur ce que dit Descartes du tableau viscéral de chaque émotion.
Une idée remarquable survit pourtant. Ayant décrit les mouvements des esprits dans les passions fondamentales, il veut aller plus loin : il veut découvrir la cause de ces mouvements et voici ce qu’il trouve (26). Dans l’amour et dans la tristesse, l’estomac montre une grande activité digestive ; dans la haine et dans la joie, l’estomac est, au contraire, insuffisant. Pourquoi ? C’est parce que nos premières passions ont été celles d’un nourrisson ou d’un fœtus (27), c’est-à-dire des passions d’origine alimentaire ; elles sont nées autour du tube digestif et, pour autant qu’elles se subliment dans la suite, leur histoire ne sera que superstructure sur l’immuable base physiologique des premiers jours : le mécanisme des passions de l’adulte a sa raison d’être dans la structure et le fonctionnement de la machine fœtale. [p. 685]
Après le convenable tribut d’admiration à cette idée, un scrupule s’éveille : Descartes vient de lier la faim à la tristesse et l’anorexie à la joie ; mais la princesse Élisabeth proteste et Descartes lui concède la possibilité du groupement inverse (28) ; tout à l’heure, l’estomac plein faisait la joie et l’estomac vide la tristesse ; maintenant, le fœtus est triste parce qu’il reçoit un aliment répugnant et joyeux parce que son estomac prend ses dispositions pour un bon repas. Si la joie est liée, tantôt à l’anorexie et tantôt à la faim, on ne peut plus dire : tel état viscéral, telle passion. C’est tout l’édifice qui est compromis.
Il n’entre pas dans nos intentions de chercher le fort et le faible de la théorie viscérale des passions ; nous noterons seulement que James, Lange, Cannon se heurteront à des difficultés de ce genre, difficultés que rencontrent seules des théories déjà très poussées et non les intuitions des précurseurs.
Jusqu’ici, tout était simple et droit, nous n’avions encore vu dans l’homme, corps et âme, qu’une machine à éprouver des passions, grâce au seul jeu de ses organes profonds. La route de la théorie viscérale va devenir sinueuse et difficile, car le moment est venu de tenir compte et du reste de la machine et du reste de l’âme.
Faisons d’abord intervenir, à côté des passions, les autres phénomènes psychologiques.
Descartes était-il à ce point imprégné de mécanisme, d’automatisme et de physiologie qu’il ait oublié, dans une histoire des émotions humaines, le rôle de nos autres « pensées », de nos sensations, de nos souvenirs, de nos jugements-de valeur ? Descartes, ami des dénombrements complets, n’a rien oublié et il a même accordé une telle place aux éléments intellectuels de la question, qu’un Lange ne verra qu’eux dans le Traité des Passions et se croira, de bonne foi, l’inventeur de la théorie viscérale.
Descartes, il est vrai, écrit un peu partout que la sensation, le souvenir, l’opinion, l’idée d’un objet aimable, odieux ou terrifiant est cause d’amour, de haine, de colère ou de peur. C’est ainsi que « a Ioye vient de l’opinion qu’on a de posséder quelque bien » (29). Le lecteur le plus féru de physiologie ne peut rien contre cette [p. 686] affirmation de Descartes : l’Opinion est Cause de l’Émotion.
Mais il est bien des façons d’être cause ; on ne saurait, par exemple, confondre la cause prochaine avec la cause éloignée : on peut être cause prochaine, immédiate ou dernière d’un événement, on peut n’en être que la cause plus ou moins lointaine. C’est cette distinction qui va nous servir pour répondre, avec Descartes, à la question suivante : « Quelles sont les premières causes des passions ? » « La dernière et plus prochaine cause des passions de l’âme n’est autre que l’agitation, dont les esprits meuvent la petite glande qui est au milieu du cerveau. Mais… il est besoin de rechercher leurs sources et d’examiner leurs premières causes. » (30). Ces causes éloignées des passions sont précisément les sensations, les souvenirs, les idées : la théorie viscérale ne perd pas encore un pouce de terrain.
Bien mieux, elle peut se passer de causes éloignées, et, dans des cas privilégiés, ces causes lointaines peuvent rester inaccessibles ; on ne trouve à l’émotion que sa cause prochaine : le jeu des esprits commandé par l’état général de l’organisme. « Lors qu’on est en pleine santé, on sent en soy une gayeté qui ne vient d’aucune fonction de l’entendement, mais seulement des impressions que le mouvement des esprits fait dans le cerveau ; et on se sent triste en mesme façon lors que le corps est indisposé, encore qu’on ne sçache point qu’il le soit. » (31)
C’est encore ainsi, sans causes intellectuelles conscientes, que l’état général habituel du corps fonde une euphorie qui nargue les catastrophes ou une mélancolie qui se désole des plus heureuses chances.
Chaque fois qu’il le faut, Descartes pourchasse notre tendance à confondre les Passions avec les états sensoriels ou intellectuels qui peuvent les précéder ; il n’excuse même pas la confusion entre la douleur et la tristesse, entre le plaisir et la joie. La tristesse et la joie, ces passions, ne sont pas seulement distinctes des douleurs et des plaisirs, ces sensations, elles en sont séparables ; on peut fort bien concevoir que la plus vive douleur soit subie avec la même indifférence émotionnelle que la plus banale sensation ; on peut même, si on a compris la méthode, admirer que la douleur s’accompagne si souvent de tristesse et le plaisir de joie ; on peut s’étonner [p. 687] de trouver dans « la faim », cette sensation, et « l’appétit », ce désir, d’aussi intimes compagnons (32).
C’est fort bien, dira-t-on avec W. James, la Passion est distincte de la perception d’un danger, des sensations de notre fuite, des sensations de notre mimique, de la douleur, des sensations viscérales plus ou moins précises comme la faim, de l’angoisse même ; mais, en fin de compte, dans une pareille doctrine, la passion n’est plus que la sensation globale, confuse, indifférenciée, de l’ensemble de notre état organique ; il n’y a plus de passions ou d’émotions, il n’y a que des sensations.
Ce résultat qui effraie James au point de le faire tomber dans une théorie spinoziste (33), ce résultat ne semble pas avoir été aperçu de Descartes. « De cela seul que les esprits » entrent dans la sixième paire de façon à rétrécir les orifices du cœur, l’âme éprouve la passion de la peur, et parce que les pores ventriculaires intéressés « se raportent principalement aux petits nerfs qui servent à reserrer ou eslargir les orifices du cœur, cela fait que l’âme la sent principalement comme dans le cœur ». « Lors que le sang qui va dans le cœur est plus pur et plus subtil, et s’y embrase plus facilement qu’à l’ordinaire, il dispose le nerf qui y est, en la façon qui est requise pour causer le sentiment de la ioye. » (34). Ces passages, isolés et susceptibles de plusieurs interprétations, sont à peu près les seuls qu’on pourrait tenter d’incliner dans le sens d’une théorie purement sensualiste des passions, d’une théorie qui ferait absorber les émotions par les sensations. Presque toujours, au contraire, on voit Descartes séparer soigneusement les unes des autres, et on ne peut oublier que, dans son tableau des fonctions de l’âme et dans ses définitions, les Passions figurent à titre d’éléments irréductibles et pleinement originaux de la vie de l’esprit. Il n’y a rien de menaçant pour leur indépendance dans le fait qu’elles ont leurs principales conditions physiques dans des réactions viscérales.
Quelques-uns seront peut-être tentés de rendre la parole à W. James : nous sommes d’accord pour donner à l’émotion un terrain organique ; mais pourquoi le rétrécir aux seuls viscères, au [p. 688] seul territoire du pneumogastrique et du sympathique ? Pourquoi ne pas faire intervenir, parmi les conditions de la peur, à côté des phénomènes cardiaques ou digestifs, les mouvements de la fuite et les convulsions du visage ?
Ce commencement de concession à l’intellectualisme, Descartes le consent encore moins que James : on peut lui faire dire : « Nous n’avons pas le cœur serré parce que nous sommes tristes, nous sommes tristes parce que nous avons le cœur serré », mais il ne dirait pas : « Nous avons peur parce que nous fuyons, nous sommes en colère parce que nous frappons ». Parmi les mouvements d’un homme en proie à une émotion, il distingue toujours les mouvements « intérieurs », qui la fondent, des mouvements « extérieurs » qui l’expriment ou qui, tels la fuite, servent plus ou moins bien les intérêts de la machine (35). Pour Descartes comme pour le vulgaire, la fuite est si peu la cause de la peur que nous pouvons volontairement suspendre notre fuite sans cesser d’être effrayés ; ce n’est pas notre violence qui fait notre colère, c’est la colère qui nous porte à frapper et nous pouvons arrêter notre bras sans cesser d’être furieux. Les passions demeurent présentes à l’âme jusqu’à ce que « l’émotion » du cœur, du sang et des esprits ait cessé et tout ce que la volonté peut faire est de ne pas consentir à ses effets (36).
Descartes « exécute » la mimique avec la même insouciance : si les muscles de la face interviennent tant dans l’histoire des émotions, ce n’est ni pour les exprimer, ni pour les causer, ni pour rappeler des réactions utiles ; c’est à titre d’annexes des appareils digestif et respiratoire, c’est par « occasion », c’est parce que le nerf facial et la sixième paire de Galien ont des origines cérébrales voisines, c’est parce que les esprits qui entrent dans la sixième paire en provoquant une émotion ne vont guère sans des esprits qui entrent dans le facial par la même « occasion » (37). — Descartes a eu pour l’expression mimique des émotions un coupable dédain, reconnaissons-lui pourtant le mérite d’être resté ici plus fidèle au point de vue du physiologiste, du « physicien », que ne le seront plus tard Darwin, Wundt et même Spencer. [p. 689]
Dans l’être qu’il a conçu comme composé d’une âme et d’une machine à réflexes, Descartes vient de discerner diverses fonctions et, s’attachant à l’une d’elles, la fonction émotionnelle, il l’a décrite, il a décrit ses rapports avec les autres, il a exposé, détaillé une théorie plus actuelle que jamais et qu’on appelle, tour à tour, périphérique, physiologique ou viscérale.
Nous pourrions nous en tenir-là, mais, dans le Traité des Passions, la direction physiologique croise à chaque instant d’autres routes, et il serait aisé de tirer de ce petit livre un exposé intellectualiste ou un exposé finaliste de la théorie des émotions. Nous n’y songeons pas. Nous nous bornerons à suivre un long, sinueux et singulier détour de la théorie viscérale et nous nous arrêterons au point où, grâce à lui, elle se heurte à la direction intellectualiste et où se pose la question suivante : aux passions sensibles, ne peut-on opposer des émotions intellectuelles libres de toute compromission avec le corps ? Ou : que deviennent les passions dans le silence des viscères ?
Oublions un moment James et Lange pour nous rappeler une thèse contemporaine, que James n’aimait pas, qui a été très critiquée, mais que son auteur a polie jusqu’au bout et qui pourrait reparaître. C’est la théorie des sensations d’innervation de Wundt (38) : en outre des sensations de mouvements qu’assurent les nerfs sensitifs de nos muscles, nous sentons nos impulsions motrices, et la seule action des neurones moteurs sur les centres sensitifs nous les fait éprouver; en cas de paralysie et dans le silence des nerfs sensitifs des muscles, nous pouvons conserver la sensation de nos impulsions motrices, et c’est ainsi qu’un hémiplégique aura des hallucinations de mouvements.
Ce qu’on trouve dans Descartes est beaucoup plus général et englobe, avec les sensations motrices, toutes les « Perceptions » y compris les Passions. Il nous a répété que l’occasion matérielle ultime d’une « perception » était un mouvement particulier des esprits à [p. 690] l’issue, à leur sortie de la glande, quand ils s’en dégagent pour aller des centres dans les nerfs; la cause matérielle prochaine d’une « perception » n’est pas dans un mouvement centripète, elle est dans un mouvement centrifuge, et la théorie centrifuge des phénomènes psychologiques se trouve ainsi posée, sous sa forme la plus générale.
Çà et là, Descartes a un peu développé cette idée. D’ordinaire, pour inciter les esprits à sortir de la glande comme il le faut pour provoquer une perception, il est besoin que quelque chose se passe dans la rétine, l’oreille, la peau, les centres des images, les viscères ; mais l’hallucination, le rêve, les illusions des amputés (39) nous apprennent qu’il peut en être autrement et que les esprits peuvent provoquer des sensations sans y avoir été incités par un objet. Descartes paraît parfois généraliser cela et laisser entendre que les mouvements des esprits qui occasionnent toutes les « perceptions » peuvent avoir d’autres causes que leurs causes normales.
Dans cette thèse, pour obtenir une « perception », il faudra, et il suffira, que les esprits sortent de la glande comme il convient, quelle que soit la cause de leur convenable état. De cela seul que nos esprits sortent de la pinéale d’une certaine façon et se dirigent vers certains tubes de nerf optique, nous voyons un objet ; « de cela seul » que les esprits sortent de la glande d’une certaine façon et se dirigent « vers » certains de nos muscles, nous avons la perception de tel mouvement ; « les idées d’un mouvement des membres ne consistent qu’en la façon dont les esprits sortent pour lors de la glande »… et « les mouvemens des membres et leurs idées peuvent estre causez réciproquement l’un par l’autre » ; de cela seul que les esprits tendent vers un nerf moteur cela donne à l’âme l’occasion de sentir un mouvement ; « de cela seul » que les esprits sont tels et ainsi orientés qu’ils se dirigent « vers » les nerfs du cœur capables de le resserrer, nous éprouvons un sentiment de tristesse ; les passions sont causées par les esprits en tant qu’ils prennent leur cours « vers » la sixième paire (40).
Telle est la lettre des principaux textes de Descartes où la théorie centrifuge des « perceptions » quitte un peu le terrain des généralités. [p. 690] Dans notre langage, les courants d’esprits et la pinéale faisant place à l’écorce et aux neurones moteurs, la pensée cartésienne prend une forme rajeunie : dans la machine intacte et pourvue d’une âme, l’entrée en action des neurones moteurs provoque deux événements dont aucun n’est cause de l’autre ; à l’extrémité centrale, corticale, du courant centrifuge, surgit de quoi faire une sensation ou une émotion ; à l’extrémité périphérique du nerf survient un événement musculaire ou viscéral. Si la machine n’est plus intacte, si les nerfs et les appareils périphériques sont lésés et inaccessibles à l’action normale des courants centrifuges, ceux-ci ne seront pas, pour si peu, radicalement supprimés ; ils pourront naître et quitter l’écorce en la façon requise pour tendre à provoquer tel événement musculaire ou viscéral. Ils ne pourront pas le provoquer, puisque le nerf est coupé et, bien partis, n’arriveront pas au but ; mais, à leur point de départ cortical, pinéal, la sensation ou l’émotion n’en aura pas moins lieu.
Pour obtenir un mouvement des membres, il faut que les esprits arrivent au muscle ; pour obtenir sa perception, il suffit que les esprits quittent la glande comme il convient. Pour obtenir une émotion, il n’est pas indispensable que les esprits provoquent, là-bas, dans le thorax et l’abdomen, l’orage viscéral correspondant, il suffit que ces esprits quittent la pinéale de la façon convenable.
Conséquence : s’il se peut que les esprits occasionnent une passion sans atteindre les viscères, la passion sera possible dans le silence de ceux-ci ; et cette affirmation conduit tout droit à l’expérience de Sherrington : quand un chien est en quelque sorte séparé de ses viscères, il reste capable d’émotions.
On ne fait échapper James à Sherrington que grâce à l’expédient des hallucinations affectives ; Descartes, lui, les repousse expressément (41) et, sans expédient, en restant fidèle à sa logique intime, la théorie du XVIIe siècle s’accommode moins malaisément que ses cadettes du succès de quelques belles expériences contemporaines (42). [p. 692]
Mais, si la théorie centrifuge des émotions figure dans le Traité des Passions, on n’y trouve rien sur sa portée ou ses conséquences et Descartes mérite ici ce qu’il disait sévèrement d’Aristote : « Ce n’est que par hasard qu’il a rencontré à dire quelque chose d’approchant de la vérité » (43). La conséquence essentielle de la théorie centrifuge, la possibilité d’émotions avec silence viscéral, c’est nous qui venons de la mentionner ; Descartes ne l’a pas vue, et pourtant, une fois, il l’a frôlée. Dans la « Langueur » en effet, quand l’objet d’amour, de désir, de haine, de tristesse ou de joie occupe tellement l’âme que tous les esprits sont employés à le lui représenter et ne peuvent servir à aucun effet moteur, le corps reste inerte (44) ; c’est l’extase, ce sont les grandes émotions sans manifestations externes ou internes.
Qu’est-ce à dire ? Voilà une émotion qui se réalise dans toute sa splendeur, non seulement sans que les viscères bougent, mais sans que les neurones moteurs, les esprits, interviennent, sans que la théorie centrifuge puisse s’appliquer ! C’est la ruine de la théorie viscérale et nous retombons dans une théorie sensualiste ou intellectualiste : l’émotion est immédiatement liée à la représentation ou au jeu des représentations, abstraction faite de toute réaction motrice.
Il faut faire la part du feu, et on dispose, à cet effet, de la distinction classique entre les passions sensibles et les émotions intellectuelles, celles-là, fondées sur les viscères, celles-ci, sans compromission avec le corps. (45)
Ici, comme nous l’annoncions tout à l’heure, de nouveaux points de vue se présentent, de nouveaux horizons s’ouvrent, la route devient plus tortueuse et plus difficile, la direction physiologique se heurte à maintes reprises aux directions intellectualiste ou finaliste. Nous ne nous engagerons pas sur ce nouveau terrain, ayant voulu nous limiter à ce que l’œuvre de Descartes contient d’une théorie viscérale des passions.
Ce n’était pas en vain que Descartes promettait de les étudier, [p. 693] non en orateur ou en moraliste, mais en « physicien » (46) ou, dirions-nous, en physiologiste. Ce qu’il en a ainsi découvert ou affirmé a fait l’objet de cette étude et ne peut guère se résumer ; voici cependant une façon d’exprimer le principal résultat de l’entreprise cartésienne. Sous les apparences finalistes, sous les émotions intellectuelles — à peu près étrangères à l’homme (47) —, au-dessous des sensations, des souvenirs, des jugements, joue un mécanisme qui peut se schématiser en quelques mots : les excitations extérieures et les faits psychologiques intellectuels ne vont guère sans des courants nerveux centrifuges très divers ; certains assurent l’adaptation plus ou moins réussie de la machine humaine aux circonstances extérieures, d’autres vont aux organes profonds et les événements qu’ils y déterminent se traduisent à la conscience soit par des sensations viscérales, soit par des états originaux et irréductibles, les émotions.
Descartes disait, dès le premier paragraphe du Traité des Passions : « Ce que les Anciens en ont enseigné est si peu de chose, que je ne puis avoir aucune espérance d’approcher de la vérité qu’en m’éloignant des chemins qu’ils ont suivis ».
Il se vante un peu, mais rechercher les origines de sa théorie chez les anciens et dans l’Ecole ne pouvait être entrepris ici, quelque tentant que ce fût.
La route qu’il a choisie, qu’il a frayée et dont il a poussé si loin le trajet, a été empruntée depuis par de nombreux chercheurs et elle est plus à la mode que jamais. On dit parfois avec déférence qu’il a été un précurseur ; si on consent à traduire ses archaïsmes dans notre langage, si l’on veut bien détacher d’erreurs de fait désormais inoffensives la pensée qui l’animait, on lui donnera son vrai titre, celui de fondateur.
P. QUERCY.
NOTES
(1) O. Hamelin, Le Système de Descartes, p. 350.
(2) Duchenne. Atlas du mécanisme de la physionomie humaine, fig. 78 et 84, par exemple. — W. James et Lange. Voir surtout les traductions de Dumas. Paris, Alcan. — Pagano. Arch. ital. de Biologie, 1906. — Sherrington. The integrative action of the nervous system. — Cannon. Bodily changes in hunger, pain, fear and rage. — Sur l’encéphalite, Revue neurologique, passim.
(3) P. 146 et 164 de la trad. de Dumas.
(4) « Vous ne sçauriez avoir ces hommes addroits qu’à force d’argent, à cause que si quelques-uns s’y vouloient gratuitement employer, ils ne s’assujettiroient pas assez à suivre vos ordres. » Préf. du père Picot au Tr. dés P. Ed. Adam et Tannery, XI, 321. Cette préface est un monument de pieuse réclame et un long appel aux subventions du monde entier en faveur des recherches du maître et de leurs applications pratiques.
(5) Notes de de la Forges de l’Homme. Ed. Glerselier, p. 367.
(6) Voir, par exemple, L. à Meyssonnier, 29 janvier 1640, A. et T., III, p. 18, 21.
(7) Voir, par exemple, Tr. des P., p. 47.
(8) Kant züi Sömmering über das Organ der Seele, 1776. Cf. Soury. Syst. nerv, centr., I, 483-496.
(9) Rech. de la Vérité. De l’Imagin., p. I, ch. II, par. 2.
(10) Tr. de l’Homme. Réflexion sur ce qui a été dit de cette machine.
(11) C’est le passage célèbre : quod autem mens, quae incorporea est, corpus possit impellere, nulla quidem ratiocinatio vel comparatio ab aliis rebus petita, sed certissima et evidentissima experientia quotidie nobis osteadit. L. à Arnaud, 29 juillet 1648. A. et T., V, 222.
(12) Tr. des P., pr. 23.
(13) Barat. In Traité de Psychologie de Dumas, 1, p. 404.
(14) Tr. des P., par. 27.
(15) Tr. des P., par. 46.
(16) Par. 37.
(17) La distinction entre les passions de la machine sans âme et les passions de l’âme n’est pas toujours très expresse dans Descartes. Voir surtout les Notes de de la Forge, l. c.
(18) Principia, IV, 190. Notes de M. de la Forge, l. c.
(19) Tr. des P., par. 28.
(20) Tr. des P., 36.
(21) 37.
(22) 38.
(23) Principia, IV, 190.
(24) Tr. des P., 46
(25) L. de mai 1646. A. et T., IV, 408.
(26) Tr. des P., 109, 110.
(27) A Chanut. ter février 1647. A. et T., 600-617
(28) Mai 1646. A. et T., IV, 409.
(29) Tr. des P., 93.
(30) 51.
(31) 94.
(32) Principes, IV, 190. — VIe médit. – Notes de de la Forge.
(33) Trad. de Dumas, p. 155.
(34) Tr. des P., 36. Tr. de l’H., A. et T., XI, 164.
(35) Tr. de l’H., A. et T., XI, p. 192-194.
(36). Tr. des P., 46.
(37) Tr. de l’H., A. et T., XI, 194.
(38) . « Sensations d’origine centrale ». Psychologie, 5e édit., 11, 82-83.
(39) Principes, IV, 196. — A Plempius, 30 oct. 1637. A. et T., 1, 120. Cf. Soury, Syst. nerv. centr., 1, 393.
(40) Tr. des P., 38 ; Tr. de l’H., A. et T., XI, 181, 182 ; Tr. des P., 36, 37.
(41) W. James. Pr. de Ps., II, 459. Tr. des P., 26. Il semble bien, en réalité, que la théorie centrifuge des émotions conduise aux hallucinations affectives, mais, pour intéressante que soit la question des hallucinations dans Descartes, nous ne pouvons la traiter ici.
(42) La théorie centrifuge des perceptions a sa place dans une histoire du parallélisme cartésien, mais il serait déplacé de traiter cette question ici.
(43) Description du corps humain. A. et T., XI, 244.
(44) Tr. des P., 119, 120, 121.
(45) Tr. des P., 79, 91, 92. Cf. aussi, Principes, IV, 190.
(46) Tr. des P., Préface. A. et T., XI, 326.
(47) L. à Elisabeth, 1er septembre 1645. Voir aussi : Tr. des P., 79, 91, 92, 94, 137, 138, i67, 212 ; Tr. de l’H., A. et T., 194 : L. à Elisabeth, 16 octobre 1645, etc.
LAISSER UN COMMENTAIRE