Paul Borel. Les idées de grandeur dans le rêve. Extrait du « Journal de psychologie normale et pathologique », (Paris), onzième année, 1914, pp. 400-412.

Paul Borel. Les idées de grandeur dans le rêve. Extrait du « Journal de psychologie normale et pathologique », (Paris), onzième année, 1914, pp. 400-412.

 

Alexandre-Auguste-Paul Borel (1884- 1914). Interne des hôpitaux de Paris. Médecin auxiliaire 21 R I., psychiatre, élève de Jules Dévernie, interne des hôpitaux de Paris, mort des suites de ses blessures reçues au front du Pas-de-Calais
Quelques publications :
— A propos de l’illusion de « non-reconnaissance » et du mécanisme de reconnaissance. Journal de psychologie normale et pathologique », (Paris), 1913.
— Rêverie et délire de grandeur. Extrait du « Journal de psychologie normale et pathologique », (Paris), sixième année, 1909, pp. 408-437. [en ligne sur notre site]

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original, mais avons corrigé plusieurs fautes de composition.– Le notes de bas de page ont été renvoyées en fin d’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. . – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

[p. 400]

LES IDÉES DE GRANDEUR DANS LE RÊVE (1)

Dans un article publié ici même (2) il y a quelques années nous avions cherché à mettre en valeur le rôle que semble jouer la rêverie dans la genèse d’un certain nombre de délires de grandeur, et à retrouver par ce moyen le mécanisme psychologique qui présidait à leur développement et qui permettait de les rapprocher de certains phénomènes de l’idéation normale. Une enquête que par l’entremise de M. Georges Dumas nous avions pu pratiquer sur 90 écoliers âgés de quinze ans environ nous avait montré la fréquence considérable des romans mégalomaniaques au cours de la rêverie, à l’état de veille ; dans ces états dont les études récentes montrent l’importance en psychologie normale et pathologique (3) et que l’on constate chez la plupart des individus, nous avions retrouvé les idées ambitieuses multiples qui constituent les délires de grandeur, idées de richesse et de gloire, idées philanthropiques, de réformes sociales, idées de supériorité intellectuelle et d’invention, rêveries amoureuses, rêveries de vie expansive et d’aventures, idées de puissance, de domination, idées qui exprimaient sous des formes diverses le travail constructeur, mais le plus souvent involontaire de l’imagination créatrice, dirigé et orienté par une tendance profonde et puissante, le «  self feeling » des auteurs anglais, le « sentiment de la personnalité » (4). Après avoir étudié les caractères psychologiques de la rêverie qui semble conditionner, à l’état normal, l’apparition de ces romans mégalomaniaques, nous avions indiqué qu’on pouvait retrouver ces mêmes caractères dans les délires de grandeur observés chez certains malades, psychasthéniques, épileptiques en état crépusculaire ; délirants chroniques, déments paranoïdes (5), et nous avions cherché à rattacher [p. 401]le développement de ces idées de grandeur « de rêverie » à la diminution des phénomènes les plus élevés et les plus difficiles de la vie mentale, de « l’attention à la vie présente », surtout de l’adaptation au milieu social qui en représente la partie la plus complexe.

Au cours de cette enquête personnelle, un fait avait attiré notre attention, c’était l’extrême rareté des idées de grandeur dans le rêve véritable, le rêve du sommeil, qui s’opposait nettement à leur fréquence considérable — on pourrait presque dire à leur constance — dans la rêverie de la vie éveillée. Sur 90 personnes dont 70 (77 p. 100) décrivirent au cours de la rêverie des idées de grandeur, une seule nous fournit une observation de rêve ambitieux. L’auteur de celle-ci, frappé par une image représentant la catastrophe du Lutin, s’endort en pensant aux marins de l’équipage.  « Je fis alors, écrit-il, un rêve, mais un rêve peu commun. La France et l’Allemagne en guerre étaient deux forts partis qui luttaient et, au début de l’action, aucun espoir de victoire ne régnait dans les deux camps. Autant sur mer que sur terre on se battait. Moi, à bord d’un sous-marin semblable à celui que représentait la gravure, j’avais pour principal rôle de torpiller la flotte allemande protégeant un convoi alimentaire venant des Etats-Unis d’Amérique. Mes hommes étaient braves et décidés et nous avions résolu de faire couler le cuirassé battant pavillon de l’amiral, centre d’où partaient les ordres, etc… » Une enquête complémentaire plus restreinte, destinée à vérifier ces faits, nous a montré que sur 11 personnes qui conservent un souvenir assez précis de leurs rêves, 9 déclarent que les idées de grandeur y sont très rares ; la dixième qui, le soir, avant de s’endormir, se livre à des rêveries ambitieuses où les inventions jouent un grand rôle, note que le rêve continue souvent la rêverie. Le onzième sujet qui croit n’avoir jamais d’idées de grandeur pendant le sommeil écrit cependant : « Je rêve de grands et de riches royaumes dont je suis le maître « .

D’autre part, si l’on analyse le contenu des observations rapportées dans les travaux publies sur le rêve, on y constate la même rareté des idées de grandeur. Parmi les 45 observations que donne Tissié (6), il n’y a pas un seul exemple de rêve ambitieux ; il en est de même pour les cas rapportés par Foucault (7), pour les rêves cités par Havelock Ellis (8) dans son livre récent.

Voici donc un fait assez paradoxal et qu’il nous a paru intéressant de chercher à expliquer : les idées de grandeur si fréquentes au cours de la rêverie et du délire sont très rares dans le rêve proprement dit, malgré la parenté de ces divers états.

Rêve et rêverie semblent en effet, comme nous l’avons déjà montré, présenter des caractères psychologiques assez analogues : perte de conscience du milieu, diminution de l’attention volontaire, automatisme plus ou moins [p. 402] grand du cours des représentations ; comme le sommeil, la rêverie est provoquée par la solitude, les excitations extérieures monotones, la musique, l’ennui, toutes les causes qui fatiguent l’attention ; la phrase souvent citée de Bergson : « On rêve dans l’exacte mesure où ou se désintéresse » (9) pourrait, semble-t-il, s’appliquer à la rêverie presque aussi bien qu’au rêve ; enfin, il existe entre ces deux phénomènes une série d’états intermédiaires et souvent il s’effectue un passage réel de l’un à l’autre soit dans la période hypnagogique soit au réveil.

Quant à l’analogie du rêve et du délire, en général, elle est encore plus banale, depuis qu’à la suite de Cabanis (10), Maury (11), Moreau de Tours (12), philosophes et médecins ont voulu rapprocher ces deux phénomènes. Höffding (13), remarquant qu’il n’y avait pas dans le rêve assez de force de résistance contre les éléments isolés, ajoutait : « De là les variations et l’absence de règle dans le rêve, caractères par lesquels il se rapproche de la folie, qui est elle aussi un état de dissolution ». Récemment encore, Bergson (14) reprenait cette comparaison entre le rêve et la folie en l’appuyant sur des arguments ingénieux et nouveaux, pendant que Freud approfondissait cette analogie au point de vue psychologique.

La pensée du dormeur semble cependant présenter certains caractères qui devraient à priori favoriser l’éclosion des idées de grandeur. Il en est un assez rarement mis en valeur d’ailleurs, mais que Le Lorain (15) et Havelock Ellis (16) ont bien décrit ; c’est la « magnification de l’imagerie » et l’exagération des sentiments dans le rêve ; pour cet auteur l’agrandissement des images, l’exaltation des idées et des tendances y seraient très fréquentes : il y aurait, selon sa propre expression, « une sorte de mégalomanie normale dans nos rêves » ; de cette magnification de l’imagerie il donne quelques exemptes : « Une dent paraît assez large pour qu’une souris puisse se jouer dans le creux, ou semble un grand rocher escarpé. L’irritation produite par un moustique évoque l’image d’un gros scarabée rouge. Dans les rêves vésicaux on voit couler des fleuves sans fin. Le chant du canari suscite la création de Haydn et le murmure du vent devient le chant du Te Deum ». Il ajoute d’ailleurs que cette « mégalomanie » du rêve n’est qu’accidentelle et occasionnelle. On pourrait faire remarquer surtout qu’elle est plus objective qn’égocentrique, qu’elle grandit, et magnifie les objets extérieurs et ies émotions qu’ils suscitent plutôt que la personnalité même du rêveur.

Il semble surtout difficile de concilier certaines théories récentes sur la [p. 403] nature du rêve, entre autres celle de Freud (17) et de son école avec la rareté incontestable des idées de grandeur dans la pensée du sommeil. Si, comme l’admet Freud, le rêve est toujours l’expression d’un désir qui, refoulé dans le subconscient par la censure pendant la veille, se réalise dans l’imagerie du sommeil sous une forme le plus souvent symbolique, il semble bien curieux qu’un désir aussi puissant et profond que celui qui nous pousse à accroître notre personnalité, à atteindre une vie supérieure à la nôtre, désir que la vie sociale refrène sans cesse, n’arrive pas à se manifester dans le rêve (18).

Sans vouloir faire ici une critique détaillée et approfondie de la « Traumdeutung » de Freud, nous nous contenterons de faire remarquer, avec Havelock Ellis que, si l’on ne peut contester l’existence de rêves du type étudié par l’auteur de la psychoanalyse, rêves réalisant des désirs, il est impossible d’affirmer que tous les rêves sans exception rentrent dans cette formule. Un grand nombre d’entre eux contiennent des éléments « présentatifs », et il est beaucoup plus simple de rattacher la succession d’images et d’émotions qui les constituent aux excitation, actuelles, soit périphériques, sensorielles, soit internes, viscérales. La formule de Freud s’applique même difficilement à beaucoup de rêves de nature « représentative », de rêves faits d’images ne dépendant pas directement de la sensation actuelle. L’affaiblissement de l’attention et du pouvoir d’aperception dans le rêve implique « un relâchement de la tension avec laquelle nous voulons et poursuivons nos fins personnelles. En même temps, comme nous ne concentrons plus nos activités psychiques au foyer du désir, celà permet à des images indifférentes d’entrer plus facilement dans le champ de la conscience endormie. On pourrait même arguer que l’activité désir, quand elle se manifeste dans le sommeil et suit la marche indiquée par Freud, correspond à une forme spéciale de sommeil dans laquelle l’attention et l’aperception, quoique sous des formes modifiées, sont plus actives que dans le sommeil ordinaire » (19). Il est bien exact que dans la rêverie éveillée, diurne que Freud lui-même [p. 404] considère comme très importante pour la compréhension du rêve véritable (20), les désirs sont la force motrice qui préside à la construction et au développement des images (21). Mais, bien qu’entre ces états existent comme nous l’avons vu de nombreux intermédiaires, le rêve de l’homme endormi et la rêverie du sujet éveillé présentent cependant des caractères psychologiques qu’il faut opposer, et qui expliquent la fréquence des idées de grandeur dans un cas et leur rareté dans l’autre, au moins à l’état normal. Il est un élément qui paraît nécessaire à la naissance et au développement de ces romans ambitieux et qui, présent dans la rêverie, manque plus ou moins complètement dans le rêve : c’est la conscience du moi, la notion de la personnalité. Cette diminution de la conscience du moi dans le sommeil est plus ou moins marquée suivant les sujets. Beaunis (22) déclare que la personnalité et le sentiment du moi ont toujours été conservés dans ses propres rêves et qu’il peut en rêvant avoir conscience qu’il rêve. Mais, en général, chez le dormeur les phénomènes psychologiques sont trop isolés, les synthèses mentales élémentaires trop dissociées pour que la notion du moi puisse se constituer et persister. « La conscience du rêve ne peut maîtriser les impressions particulières. Chacune de celles-ci met en mouvement un courant de pensées qui domine alors la totalité de la conscience, jusqu’à ce qu’il soit remplacé par le courant provoqué par l’impression suivantes (23). La désagrégation psychologique, résultat de la diminution de l’activité synthétique de l’esprit, qui se manifeste par la perte de l’attention, de la volonté, ne permet pas, dans le rêve, le développement de l’idée du moi et du sentiment de la conscience et de la vie personnelles. « La pensée consciente de la veille contient, dit Foucault, quelque chose de plus que la pensée du sommeil, à savoir cette attribution au moi qui provient de l’attention et de l’effort mental. Par suite, on peut dire que le sommeil est au point de vue psychologique un état de distraction profonde ou d’inattention totale (24). » [p. 405]

Or le « sentiment de la personnalité », fondement des émotions d’orgueil et d’amour-propre, des tendances ambitieuses, des idées de grandeur « suppose que le moi est constitué et que l’individu a conscience de lui- même comme tel » (25). Il n’apparaît que quand l’idée du moi s’est définitivement organisée dans l’esprit de l’enfant et Höffding a pu le définir « l’instinct de la conservation parvenu à la pleine conscience de lui-même et incarné dans l’idée du moi » (26). Aussi les émotions d’orgueil sont-elles très rares dans le rêve. Sans doute, Beaunis (27) note-t-il que chez lui l’amour-propre est assez prononcé dans le rêve, mais ce phénomène doit être rattaché à la conservation du sentiment de la personnalité, de la conscience du moi qui, chez lui, semblent persister pendant le sommeil, fait d’ailleurs exceptionnel et tout à lait individuel. Les rêves d’amour-propre que cite Beaunis sont d’ailleurs extrêmement simples ; le rôle qu’il y joue lui-même n’est pas très important, comme on peut le voir par les observations qu’il cite :

« Rêve K. Je me trouvais dans une sorte de hangar, lisant devant plusieurs personnes, parmi lesquelles Zola, une pièce de théâtre.

Rêve L. Quelques jours après le rêve précédent je rêvai que j’allais présenter à un concours littéraire une pièce de théâtre ayant pour titre : Les ambitieux.

Rêve M. J’avais fait un scénario de pantomime. Je me trouvais dans la rue avec un grand nombre de personnes qui me parlaient de ce scénario » (28).

On voit combien pauvres, frustes, élémentaires sont les idées ambitieuses que l’on trouve dans les rêves et’ quelle distance les sépare de ces romans compliqués, riches de détails, bien coordonnés, dans lesquels le sujet joue un rôle actif, romans qui constituent la plupart des rêveries normales de l’adolescence. On peut même dire que les idées de grandeur, qui atteignent leur développement maximum dans la rêverie, n’apparaissent presque jamais dans le rêve. L’écolier, dont nous avons cité l’observation dans notre article (29), et qui décrit dans celle-ci un roman de gloire politique remarquable par son abondance, sa systématisation, sa complexité, où se révèle un sentiment de la personnalité vigoureux, ajoute à sa description : « Jamais je n’éprouve ces mêmes idées pendant mon sommeil ; je ne les ai jamais qu’à l’état de veille et en pleine possession de moi-même ». On pourrait presque voir dans ces faits une confirmation de la loi que Delage énonçait ainsi : « Les idées qui ont obsédé l’esprit pendant la veille ne reviennent pas en rêve » (30). Il semblerait que plus les idées de grandeur interviennent dans la pensée de la veille, moins elles ont de chance de se développer dans les songes. [p. 406]

Dans notre article précédent, tout en rapprochant la rêverie diurne du rêve du sommeil, nous avions déjà insisté sur les caractères différentiels importants qui distinguent ces deux états. L’épithète de « désintéressée » pouvait, semble-t-il, s’appliquer à la rêverie comme au rêve (Bergson) : on rêve (éveillé) quand on se désintéresse de l’action, de la réalité actuelle, quand se relâche « l’attention à la vie ». Sans doute, il y a bien, dans la rêverie, désintérêt du monde extérieur, allant même souvent jusqu’à la perte de « conscience du milieu ; mais il y a en même temps concentration de l’intérêt sur la vie intérieure, convergence de la personnalité autour d’une idée ou d’un sentiment qui dirige et oriente le développement et l’organisation des images ; c’est là un état bien distinct de l’indifférence plus ou moins parfaite du dormeur dont la pensée se laisse le plus souvent solliciter d’une façon plus ou moins mécanique par les excitations périphériques ou viscérales.

L’automatisme du cours des représentations décrit par la plupart des auteurs est infiniment moins accentué dans la rêverie normale que dans le rêve ; il règne en maître dans la pensée du dormeur, d’où l’absurdité du rêve si souvent constatée, les images contradictoires n’étant pas confrontées les unes avec les autres ; d’où encore l’amnésie si fréquente au réveil ; l’attention nécessaire pour acquérir les souvenirs, pour les fixer étant très affaiblie dans le rêve, comme dans tous les états de désagrégation mentale, le souvenir des songes disparaît en général très rapidement au réveil. Or dans la rêverie l’amnésie consécutive est exceptionnelle ; l’absurdité est rare également ; la rêverie est le plus souvent cohérente et se développe logiquement selon les lois de la vraisemblance.

Non seulement l’automatisme de la rêverie est très partiel, mais encore le début en est volontaire dans nombre de cas : le sujet invente, de propos délibéré, une histoire qui continue ensuite toute seule dans la rêverie souvent pendant plusieurs jours. Dans la rêverie, même profonde, le cours même des images, comme le fait remarquer Smith (31), est souvent déterminé par la volonté.

Il se manifeste enfin dans la rêverie une activité synthétique, constructive (32), qui, dirigée par des tendances profondes telles que le sentiment de la personnalité, organise ces romans ambitieux souvent très complexes et bien coordonnés, qui édifie des synthèses nouvelles de représentations et d’émotions qui se localisent dans l’avenir ; on pourrait dire que la rêverie représente la forme élémentaire et encore intéressée de l’imagination créatrice. Ces rêveries de vie future sont bien différentes de ce déroulement automatique [p. 407] d’images anciennes (33), de souvenirs du passé, qui, avec les sensations actuelles, forment la matière de la plupart des rêves. Comment ces souvenirs, en général sans rapport avec la vie récente, pourraient-ils s’organiser pour constituer des représentations de vie future, dans lesquelles s’affirment les désirs et la personnalité du sujet ?

Si, pour les raisons que nous venons d’indiquer, les idées de grandeur sont rares dans le rêve normal, on a cependant cité des cas où le rêve semblait être l’origine d’un délire ambitieux, où les idées mégalomaniaques qui devaient le constituer apparaissaient tout d’abord dans la pensée du sommeil.

Plusieurs auteurs ont vu des rêves de grandeur précéder l’éclosion d’une paralysie générale. Faure (34) rapporte le cas d’un banquier espagnol qui avait depuis un certain temps toutes les nuits des rêves fort agréables « dans lesquels il se voit, dit-il, faisant de grandes affaires et gagnant beaucoup d’argent. Les rêves continuent, chaque fois avec une augmentation merveilleuse dans les bénéfices. D’abord prudent, bientôt il est manifeste qu’il apporte dans les affaires les conceptions grandioses de la nuit. On l’enferme et en peu de temps il arrive au degré le plus intense de la paralysie générale ».

Maudsley (35) cite un cas analogue chez un paralytique général : « Un marchand grec, après avoir été atteint d’un flux hémorroïdal qui disparut, rêva pendant quinze nuits qu’il était à la tête d’immenses richesses, puis le délire s’établit dans la veille ».

On peut admettre que, chez ces malades, les idées de grandeur avaient pour condition ces états d’euphorie, de joie, que l’on constate dans la forme expansive de la paralysie générale (36) et qui, persistant pendant le sommeil aussi bien qu’à l’état de veille, se traduisaient par ces idées de satisfaction, de richesse ; celles-ci « corrigées à l’état de veille par les fonctions de critique encore peu touchées au début, se donnaient déjà libre cours dans le rêve » où le contrôle cérébral est diminué ; l’idée de grandeur ne relève pas ici d’une exagération de la rêverie, mais doit être attribuée à une condition psychologique assez différente : l’excitation psychophysiologique, rarement réalisée dans le sommeil normal. [p. 408]

Il est des cas d’une interprétation plus difficile, et qui semblent contredire ce que nous avions remarqué dans le rêve normal : ce sont ceux où les idées de grandeur se développent au cours de délires oniriques, les délires qui présentent les caractères psychologiques du rêve, et qui, comme l’a montré Régis, sont caractéristiques des infections et des intoxications. Les rêves ambitieux sont surtout fréquents chez les mystiques et Régis (37) qui a étudié spécialement chez eux les delires et les hallucinations oniriques en rapporte quelques exemples significatifs que nous résumerons.

« Observation 1. — R., dans une nuit de ferveur, voit apparaître un disque lumineux d’où part une voix qui le bénit. Dès lors R. se croit le Messie qui doit venir à la fin des siècles pour ramener toutes les nations à la même croyance et préparer le Jugement dernier.

Observation 2. — Une femme prétend que le bon Dieu et la Vierge lui apparaissent en rêve ; elle entend dans un rêve une voix lui dire : « Voulez- vous être enceinte ? » Elle se crut enceinte de Dieu.

Observation 3. — Chez un autre, Dieu apparaît en rêve, lui annonçant qu’il le choisissait comme le rédempteur promis aux hommes par l’Écriture. Il acquit alors la certitude qu’il était bien le rédempteur choisi par Dieu. »

Chez les mystiques ambitieux, les convictions délirantes, comme l’a montré Régis, semblent résulter souvent d’hallucinations de type spécial, survenant soit la nuit, dans le sommeil véritable, soit le jour pendant la méditation, l’extase, c’est-à-dire dans des états analogues au rêve ; ces hallucinations de type onirique consistent en révélations surnaturelles, sous la forme d’apparitions de Dieu, de la Vierge ou des saints. Chez les régicides que Régis (38) a étudiés on retrouve le même processus psychologique. Mais, chez tous ces sujets, le rêve ne fait que renforcer et confirmer en quelque sorte les idées ambitieuses déjà préexistantes, et inscrites dans la constitution psychique de l’individu ; souvent même les apparitions du sommeil sont des images banales qu’il interprète dans le sens d’une mission divine ou d’un devoir de justicier à remplir.

Si l’on poursuit l’analyse de plus près, on s’aperçoit que les idées de grandeur écloses au cours du rêve ou du délire onirique peuvent évoluer de façon assez différente ; dans les délires post-oniriques il faut soigneusement distinguer, comme le font remarquer très justement Dupré et Logre (39), le souvenir pur et simple d’un épisode hallucinatoire, le souvenir avec fabulation complémentaire, enfin la fabulation post-onirique plus ou moins isolée.

L’observation publiée par Klippel et Trenaunay (40) peut être considérée [p. 409] comme un cas de délire de grandeur à teinte mystique de nature presque Purement onirique. C’est au cours du rêve et d’un rêve à l’autre que se développe chez lui le délire.

« O., quarante-neuf ans, entré à l’Hôtel-Dieu pour des douleurs vagues, raconte qu’il a des visions. Les unes sont surnaturelles et même extraterrestres. « Je voyais dans le ciel même, dit-il, comme si j’avais habité là- haut. Il y avait un beau château et le Père Tout-puissant se tenait debout à la porte. J’ai vu aussi un peu plus loin la mère de Jésus qui tricotait des bas. Elle m’a dit en riant de bien faire attention à ne pas perdre ma route Car j’étais destiné à épouser sa fille aînée. »

D’autres rêves de grandeur se passent sur la terre. « En 1884, je me suis vu en dormant à la bataille de Coulmiers, habillé en général et commandant l’armée française et j’ai e(xxxtendu une voix mystérieuse me dire : Si vous ne vous étiez pas trouvé là le 7 novembre, les Prussiens auraient battu les Français. Je vous donne le droit de le dire à tous vos semblables, et si la France a remporté la victoire, c’est grâce à votre présence. » De ses rêves et de ses hallucinations O. conclut qu’il est l’élu de Dieu et, bien qu’il ait souvent des visions obscures, inexpliquées même pour lui, il sait que Dieu l’a choisi.

Dans ce cas, le délire est bien en connexion intime avec le rêve comme le montrent bien Klippel et Trenaunay : « Non seulement notre malade, disent-ils, ne puise très habituellement ses conceptions délirantes que dans les hallucinations du sommeil, mais les exemples que nous rapportons démontrent que, si parfois il a pu les tirer de l’état de veille, aucune expression ne pourrait en ce cas lui être appliquée plus justement que celle d’un homme qui rêve éveillé. C’est une succession de rêves prolongés à l’état de veille, se reproduisant avec des intermissions plus ou moins longues et s’enchaînant entre eux pour former une systématisation. Toute l’expression de son délire est comme enveloppée des vapeurs du rêve (41). »

Si, dans ce cas, le délire ambitieux peut être qualifié proprement d’onirique, puisqu’il se développe presque entièrement au cours du rêve ou d’états semblables, dans d’autres, beaucoup plus fréquents, les idées de grandeur sont nettement post-oniriques, car le rêve ou l’état onirique ne leur fournissent que le point de départ.

Dans les cas les plus simples, l’idée de grandeur apparue dans ces conditions persiste au réveil, accompagnée de croyance, mais sans se systématiser, sans s’organiser en un délire ambitieux véritable. L’observation publiée par Chaslin et Collin (42) montre, de façon intéressante, la transition entre ces deux phénomènes, l‘idée fixe et le délire systématisé post-onirique. Il s’agit d’un malade qui a présenté au début un délire de rêve assez complexe avec [p. 410] idées de grandeur ; celui-ci guérit mais en laissant comme reliquat des idées fixes mégalomaniaques : Le malade prétend que ses filles vont épouser les fils de la duchesse de Broglie ; puis à l’idée de ce mariage vient s’ajouter celle de sa nomination comme empereur du Canada, etc… Fait intéressant, à ces idées fixes se joignent peu à peu des détails nouveaux sous la forme de récits imaginaires, de pseudo-souvenirs, de confabulation. On saisit ici sur le vif le travail de l’imagination constructive diurne, de la « fabulation complémentaire » qui complète les souvenirs hallucinatoires de la phase onirique et tend, avec ces éléments de provenance variée, à édifier un délire de grandeur plus ou moins systématique (43)

Dans la plupart des cas il s’agit non plus seulement d’idées fixes post- oniriques, mais de délire systématisé consécutif aux hallucinations oniriques. On trouve un exemple de ce processus dans l’observation publiée par Vigouroux et Juquelier (44), où l’on voit un délire mystique se constituer à la suite de bouffées oniriques transitoires. Dans une première phase le malade, débile alcoolisé, délire par intervalles sous l’influence de rêves plus ou moins espacés. Il tend, de plus en plus, à unir ces rêves les uns aux autres et de rêve à rêve il arrive à la seconde phase de sa maladie caractérisée par un délire mystique systématisé (il a une mission divine à remplir, celle d’annoncer la prochaine venue de Dieu sur terre, etc…), délire accompagne d’interprétations, d’hallucinations auditives et visuelles.

Dans tous ces cas on voit que l’imagerie du rêve se contente le plus souvent de fournir l’élément, la matière, le substratum du délire de grandeur même de type onirique.

Dans quelques cas on voit les hallucinations du rêve, en elles-mêmes dépourvues de signification précise (par exemple les images de Dieu, du ciel, les voix célestes chez les mystiques), être exploitées et transformées par la conscience de la veille, qui, orientée par le sentiment de la personnalité, construit avec ces éléments indifférents les idées ambitieuses (idées d’être un Messie, d’être élu par Dieu) qui pourront s’organiser ensuite en un délire de grandeur plus ou moins bien systématisé. Dans beaucoup de délires postoniriques secondaires à un accès de confusion mentale surtout légère M l’activité créatrice du sujet reprend en les enrichissant les éléments du rêve toxique ou construit de toutes pièces un délire nouveau. Par une dégradation insensible, au rêve hallucinatoire succède la rêverie fabulante (45). » On verra alors l’imagination constructive du sujet éveillé se donnant libre cours dans la rêverie, bâtir un roman le plus souvent de nature ambitieuse avec les éléments puisés dans l’état onirique. [p. 411]

Si l’on examine les faits de près on s’apercevra même que certains délires systématisés qui semblent à première vue post-oniriques se sont en réalité développés à la suite de rêveries et non de rêves véritables. Il en est ainsi dans l’observation bien curieuse rapportée par Pierre Janet (46) :

« Il s’agit d’un sujet qui, au premier abord, parait présenter un délire systématisé de grandeur. Il se croit le fils naturel d’une grande dame et d’un banquier très riche ; il voudrait reprendre son véritable nom, retrouver sa sœur, fille de la susdite dame et hériter de la fortune du banquier ; il a été jusqu’à trouver Réjane qu’il croyait être sa sœur. En réalité il a conscience de la fausseté de son délire et se plaint selon ses propres expressions « de ne pouvoir distinguer ce qui est rêve et ce qui est souvenir ». Ce jeune homme, modeste instituteur, s’est depuis longtemps laissé aller à une rêverie ambitieuse qui, grâce à la diminution de l’attention, de la perception présente et du souvenir réel, à l’exagération de l’imagination automatique, s’est développée depuis des années et qui est devenue, par moments, impossible à distinguer de la réalité. Ce malade, qui d’ailleurs guérit par la suite, réalise bien un cas de délire de grandeur non pas post-onirique, mais secondaire à la rêverie proprement dite, à l’exercice spontané et plus ou moins involontaire de l’imagination constructive orienté par le sentiment de la personnalité.

Si les idées ambitieuses sont rares dans le rêve véritable et dans le délire onirique pur, elles sont au contraire très fréquentes, presque de règle dans les rêveries et dans les « délires d’imagination » ; ceux-ci en effet, comme le font remarquer Dupré et Logre, sont presque toujours des délires de grandeur, puisque « les délires d’interprétation les mieux caractérisés, ceux que Sérieux et Capgras ont cité comme des exemples classiques de psychose raisonnante, se convertissent souvent en délires imaginatifs dès que le malade exprime des idées de grandeur (47) ». D’ailleurs entre la rêverie normale de grandeur, dont un auteur américain Learoyd (48) et nous-mêmes avons rapporté des exemples caractéristiques, et le délire imaginatif typique que Dupré a bien isolé, on peut trouver des intermédiaires. Dans les « bouffées imaginatives » des dégénérés sur lesquelles Bonhoeffer (49) a insisté, apparaissent à côté des obsessions que le malade repousse, des conceptions imaginatives fixes et prévalentes auxquelles il se complaît : « Le sujet s’abandonne plus ou moins volontairement à des sortes de rêveries qui s’accompagnent jusqu’à un certain degré de croyance et de passage à l’acte. Exemple : L’un d’eux achète un fusil en vue de chasses imaginaires ; il visite et marchande de riches propriétés qu’il lui est tout à fait impossible d’acheter… [p. 412] Une jeune femme se croit fiancée ; elle échange une correspondance avec un fiancé imaginaire, s’écrivant à elle-même des lettres passionnées, etc. »

L’étude des cas morbides, qui nous montre la fréquence maxima des idées de grandeur dans les états qui se rattachent à la pathologie générale de l’imagination constructive, dans les délires imaginatifs, et leur rareté relative dans les délires oniriques qui, comme nous l’avons vu, ne se présentent rarement tout à fait purs et se compliquent en général secondairement par la collaboration de l’activité mentale diurne, semble bien vérifier l’antithèse que nous avons essayé de mettre en lumière entre l’abondance des idées de grandeur dans la rêverie et leur rareté dans le rêve chez la plupart des individus normaux.

P. BOREL (50).

Notes

(1) Cet article est le dernier que Paul Borel ait écrit ; il a été tué à l’ennemi dans les premiers jours d’octobre. La rédaction du Journal de Psychologie se joint à tous ceux qui pleurent ce jeune homme plein d’intelligence et d’avenir, et elle adresse à sa famille l’expression de sa profonde et douloureuse sympathie. [N. D. la R.].

(2) P. Borel. Rêverie et délire de grandeur. Journ. de Psychol., sept.-oct. 1909. [en ligne sur notre site]

(3) V. Pierre Janet. Névroses et idées fixes, p. 393. – Alfred Binet. Étude expérimentale de l’intelligence, p. 17.

(4) Voir Ribot. Psychologie des sentiments, ch. v, p. 246.

(5) MM. Dupré et Logre ont montré récemment le rôle de la rêverie dans la psychogenèse de beaucoup de délires d’imagination. Les délires d’imagination. Encéphale, mars, avril, mai 1911.

(6) Tissié. Les rêves (physiologie et pathologie).

(7) Foucault. Le rêve.

(8) Havelock Ellis. Le monde des rêves (trad. française). Mercure de France.

(9) Bergson. Conférence sur le rêve. Bulletin de l’Institut psychol., 1901, p. 118.

(10) Cabanis. Rapports du physique et du moral.

(11) Maury. Le sommeil et les rêves, ch. VI.

(12) Moreau de Tours. Du haschich et de l’aliénation mentale, p. 31.

(13) Hoffding, Psychologie (traduct. Poitevin, p. 107.

(14) Bergson. Matière et mémoire, p. 191.

(15) Le Lorain. Le rêve. Rev. philosoph., juillet 1895. [en ligne sur notre site]

(16) Havelock Ellis. Le monde des rêves, trad. française, p. 135.

(17) Freud. Die traumdentung, 1900. — Sur la théorie freudienne des rêves on peut consulter :
Jung. L’analyse des rêves. Année psychol., 1909. [en ligne sur notre site]
Maeder. Sur le mouvement psycho-analytique. Année psychol., 1912. [en ligne sur notre site]
Kostyleff. Freud et le problème des rêves. Rev. philos., juillet-déc. 1901. [en ligne sur notre site]
Vaschide. Le sommeil et les rêves, ch. IV.
Havelock Ellis. Le monde des rêves, ch. VII.
Regis et Hesnard. La doctrine de Freud et son école. Encéphale, avril, mai, juin 1913. [en ligne sur notre site]

(18) Il est vrai qu’en adoptant la méthode d’interprétation des rêves employée par Freud et ses disciples on arriverait sans doute à retrouver (ou à supposer) sous le contenu manifeste des rêves aussi bien que des pensées sexuelles des tendances Ambitieuses latentes. Signalons à ce propos l’histoire amusante rapportée récemment par Pierre Janet (La Psycho-analyse. Journ. de Psychol,, janvier-lévrier 1914, p. 18). Un de ses malades lui raconte un rêve symbolique dont l’interprétation érotique s’imposerait au psycho-analyste, alors que le sujet lui-même en fait Un rêve ambitieux de teinte mystique.

(19) Havelock Ellis. Op. cit., p. 210. 1

(20) Freud. Sammlung kleiner Schriften für Neurosenlehre, 2e série, p. 138 et sqq.

(21) Les théories freudistes sur « l’action cathartique » et la « fonction ludique » du rêve, d’ailleurs fort ingénieuses, s’appliquent en réalité beaucoup plus exactement à la rêverie diurne que les disciples de Freud assimilent sans discussion au rêve véritable. « Le rêve, écrit Maeder a une action cathartique ; il nous donne une sorte de compensation et facilite, jusqu’à un certain point, le retour à l’état d’équilibre affectif. Nous savons que les châteaux en Espagne et les rêveries de toutes sortes ont très souvent une fonction analogue ; les enfants se voient grands et puissants, les pauvres se sentent rassasiés et riches… L’imagination a une fonction compensatrice par excellence, elle donne à l’homme ce que la réalité lui refuse (la littérature d’imagination, le pays de Cocagne, nos châteaux en Espagne…) mais elle prépare aussi le futur ; en créant des possibilités, elle incite à la pensée, à l’action. Freud a attiré l’attention sur les relations existant entre le jeu de l’enfant et les fantaisies, les rêveries de l’adulte. » (Maeder. Sur le mouvement psycho-analytique. Année psychologique, 1912, p. 417.) [en ligne sur notre site]

(22) Beaunis. Contrib. à la psychol. du rêve. American journ. of Psychology, juillet-oct. 1903. [en ligne sur notre site]

(23) Höffding. Psychologie, trad. Poitevin, p. 107.

(24) Foucault. Le rêve, p. 136.

(25) Ribot. Psychol., des sentiments, p. 246.

(26) Höffding. Op. cit.

(27) Beaunis. Contrib. à la psychol. du rêve. Americ. journ. of Psychology, juillet- octobre 1903, p. 19. [en ligne sur notre site]

(28) Beaunis. Art. cité, p. 17. [en ligne sur notre site]

(29) Borel. Art. cité, p. 20. [en ligne sur notre site]

(30) Delage. Essai sur la théorie du rêve. Rev. scientifique, p. 891. [en ligne sur notre site]

(31) Smith. Psychol. of day Dreams. Americ. journ. of Psychol., 1904.

(32) La rêverie modérée, fonction normale et même utile est, dit H. Spencer, « un exercice de l’imagination constructive, et, sans elle, il ne peut y avoir d’individualité complète. Je crois que l’amour que je sentais pour ces rêveries venait de l’activité spontanée de facultés qui plus tard me servirent pour des objets plus élevés » (Autobiographie, trad. de Varigny, p. 27).

(33) « Il suffit d’une conversation sur quelque événement ancien pour provoquer dans la nuit suivante un rêve qui se rapporte à cet événement » (Foucault. Le rêve, p. 220). On a même établi que plus le sommeil est profond, plus le rêve nous reporte à des époques éloignées du passé. Voir Pilez. Quelques contrib à la Psychol. du rêve chez les aliénés et les sains d’esprit Annal, médico-psychol., 1899 –  Vaschide. Recherches expérim. sur les rêves. Comptes rendus de l’Acad. des sciences, 1899, 2, et 1903, 2. [en ligne sur notre site]

(34) Faure. Etude sur les rêves morbides. Archives gén. de médecine, mai 1876, p. 558.

(35) Maudsley, Pathologie de l’esprit, trad. Germont, p. 44.

(36) Plus récemment Régis et Lalanne (Origine onirique de certains délires dans la paralysie générale. Comptes rendus du Congrès intern. de médecine de 1900, section de Psychiatrie) ont rapporté 4 cas de paralysie générale où les idées délirantes de grandeur avaient leur source dans le rêve. Fait intéressant, dans deux d’entre eux, le délire ainsi créé disparut rapidement, le malade encore peu affaibli abandonnant ce qu’il comprenait n’être qu’une fiction du sommeil.

(37) Régis. Les hallucin. oniriques ou du sommeil des dégénérés mystiques. Congrès des aliénistes et des neurologistes de Clermont-Ferrand, 1894.

(38) Régis. Les régicides dans l’histoire et dans le présent. Arckol. Stock., 1890 ; Précis de psychiatrie, 4e édition, p. 476.

(39) Dupré et Logre. Les délires d’imagination. Encéphale, 10 mai 1911, p. 434.

(40) Klippel et Trenaunay. Délire systématisé de rêve à rêve. Rev. de psychiatrie, avril 1901.

(41) Klippel et Trenaunay. Art. cité, p. 97.

(42) Chaslin et Collin. Idées fixes de grandeur, suite de délire de rêve tendant à la systématisation, Soc. de psychiatrie, 18 mars 1909 ; Encéphale, avril 1909.

(43) Klippel et Trenaunay de même ont cité des cas où le sujet intervient après-coup pour parfaire les données d’origine onirique : une de leurs malades, priée de lire quelques lignes d’un journal, récite un texte imaginaire annonçant qu’elle vient d’être décorée.

(44) Vigouroux et Juquelier. Contrib. clinique à l’étude des délires, de rêve. Journal de Psychologie, 1908, p. 141. [en ligne sur notre site]

(45) Dupré et Logre. Les délires d’imagination. Encéphale, 40 mai 1911, p. 437.

(46) Raymond et Janet. Délire systématisé par confusion des rêves et des souvenirs. Névroses et idées fixes, tome II, p. 157.

(47) Dupré et Logre. Les délires d’imagination. Encéphale, mai 1911, p. 43’1.

(48) Learoyd. The continued story. Americ. journ. of Psychol., 1895, p. 87.

(49) Bonhceffer. Ueber den pathologischen Einfall ein Beitrag zur Symptomatologie der Degenerations Zustände. Deutsche med. Wochenschrift, 1904, n° 49, Band II.

(50) M. le professeur Déjerine, qui fut le maître de Paul Borel, a bien voulu nous adresser, à l’occasion de la mort de notre collaborateur et ami, la note suivante :
« Paul Borel, interne des Hôpitaux de Paris, est mort au champ d’honneur dans les premiers jours d’octobre. Médecin auxiliaire, et mécontent d’avoir été placé dans un service de l’arrière, il ne fut heureux que lorsque, sur sa demande, il fut nommé au 210 régiment d’infanterie.

Son influence sur les hommes fut énorme, sa conduite admirable pendant toute la campagne ; sous la rafale des balles, des obus, de la mitraille il allait seul chercher des blessés et les ramenait au poste en les portant sur son dos. Et ce fut ainsi qu’il mourut, victime de son héroïque courage. Trois semaines auparavant, son frère, secrétaire d’ambassade et sergent dans un régiment d’infanterie, avait été tué.
Avec Paul Borel disparaissent non seulement un grand cœur, infiniment tendre sous une apparence un peu froide, mais aussi une large et belle intelligence, ouverte à toutes choses. C’était un élève auquel j’étais très attaché. Il était compatissant à toutes les misères humaines, bon pour ses malades, dévoué à ses amis. Un bel avenir s’ouvrait devant lui. Il est de ceux si nombreux dont on peut dire avec Péguy, tombé lui aussi pour la patrie : « Heureux ceux qui sont morts pour une juste cause. » Son souvenir vivra éternellement dans la mémoire, de tous ceux qui l’ont connu et aimé. »

 

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