Henri Dagonet. Nouveau traité élémentaire et pratique des maladies mentales, suivi de considérations pratiques sur l’administration des asiles d’aliénés, avec huit planches en photoglypie représentant 33 types d’aliénés. Paris, J.-B. Baillière et fils, 1876. 1 vol. in-8°, 2 ffnch., IV p., 732 p. [Les clichés sont signés J. Valette, et reproduits par Lemercier.]
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Cette seconde édition du Traité est en fait, comme l’écrit lui-même Dagonet, un Traité tout à fait nouveau. Il marque dans l’histoire de la psychiatrie un moment décisif, car il est le premier à faite appel à la photographie. Les commentaires se trouvant dans l’édition originale sur une page différente, nous avons isolé chaque « portrait » afin d’y adjoindre son commentaire. Nous avons cru pertinent d’y transcrire la préface originale.
Henri Dagonet (1823-1902). Médecin aliéniste. Président de la la Société médico-psychologique (1885). Fils de Grégoire Dagonet, lui même médecin aliénéniste et fondateur de Châlons-sur-Marne. A l’ouverture de l’asile Sainte-Anne en 1867, il est nommé médecin en chef de la division des hommes.
Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original. – L’image du portrait de l’auteur a été rajoutée par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr
[p. I]
PRÉFACE
Le livre que nous soumettons à l’indulgente appréciation de nos lecteurs, est le résultat d’une longue expérience acquise au milieu d’importants établissements d’aliénés, tant à l’asile de Stephansfeld qu’à l’asile de Sainte-Anne : il est encore le résumé, aussi complet que possible, des nombreuses études qui ont paru, dans ces derniers temps, sur l’aliénation mentale,
Le premier travail que nous avons publié sur l’ensemble des maladies mentales, en 1867, contenait des lacunes regrettables qui nous avaient attiré de justes critiques ; nous avons tenu grand compte des observations, d’ailleurs bienveillantes, qui nous ont été faites à ce sujet. La publication actuelle nous a obligé à un remaniement considérable qui en fait, en quelque sorte, une œuvre nouvelle.
Nous ayons désiré que ce livre, pour lequel nous n’avons épargné ni soins ni peines, pût être un guide utile, non-seulement pour le médecin que la clientèle éloigne d’une étude pour ainsi dire exclusive, mais encore pour celui qui veut se consacrer à la spécialité des maladies mentales.
Dans cette intention, nous nous sommes efforcé d’exposer, sous une forme concise, toutes les notions qui se rapportent à l’aliénation mentale qu’on ne saurait acquérir, si l’on ne joignait à des recherches souvent difficiles une observation exercée.
Nous avons naturellement mis à contribution tous les auteurs qu’il nous a été possible de consulter, en France comme à l’étranger. Toutefois nous avons tâché d’éviter le reproche qui nous avait été fait, d’avoir trop cherché nos inspirations dans la lecture d’ouvrages allemands. A l’époque où nous avions publié notre [p. II] premier essai, nous partagions, il est vrai, un engouement devenu à peu près général ; depuis, nous avons dû revenir à une appréciation plus exacte des faits.
Si ce livre a pour but de résumer les travaux qui se sont produits de plusieurs côtés sur l’aliénation mentale et, en quelque sorte, de dresser le bilan de la science, il n’en contient pas moins des études qui nous sont propres ct que nous indiquerons à l’occasion.
Nous avons, avant tout, voulu nous placer à un point de vue essentiellement médical et pratique, sur le véritable terrain de l’observation clinique, nous avons dû, par conséquent, être sobre L’explications, lorsque surtout celles-ci ne pouvaient avoir un caractère réellement scientifique, si ingénieuse que puisse être l’interprétation d’un fait, elle a au moins l’inconvénient de ne pouvoir être soumise à une démonstration rigoureuse. Le lecteur, qui tient à posséder des notions exactes, prend d’habitude peu d’intérêt à des travaux où les vues théoriques se trouvent exposées en trop grand nombre ; ce qu’il recherche, c’est un moyen facile d’acquérir les connaissances nécessaires qui lui font défaut. Nous avons donc tâché d’éviter l’écueil auquel on se laisse souvent entraîner, toutes les fois qu’on vient à s’occuper des matières qui touchent à l’aliénation mentale.
Dans l’étude à laquelle nous allons nous livrer, il nous a semblé que nous ne pouvions suivre une meilleure méthode que celle qui a été indiquée par Esquirol : c’est, pour ainsi dire, l’œuvre de ce grand maître que nous avons cherché à placer à la hauteur des connaissances actuelles.
Nous avons résumé, dans la première partie de ce livre, tout ce qui a trait à la pathologie générale, la symptomatologie, le pronostic, l’anatomie pathologique, etc…
Dans la seconde, après avoir jeté un rapide coup d’œil sur les différents systèmes propose pour la classification des maladies, nous avons exposé d’une manière succincte l’histoire des formes principales que représente la folie ; et les variétés les plus communément observées qui s’y rattachent. [p. III]
Une troisième partie est consacrée à l’étude des causes générales ou particulières, qui président au développement de l’aliénation mentale, et aux formes spéciales plus ou moins en rapport avec les conditions qui viennent les produire. Ces dernières, tout en empruntant aux circonstances qui les déterminent des signes plus ou moins caractéristiques, ne s’en rattachent pas moins, par leurs différents symptômes aux autres formes principales. Nous avons aussi résumé, dans cette même partie, le traitement général de l’aliénation.
Nous avons enfin terminé par les considérations qui touchent à l’administration des asiles d’aliénés, et par l’exposé des principes généraux qui doivent être mis en pratique pour l’organisation médico-administrative, bien comprise, de ces établissements.
Pour tout ce qui se rapporte à l’administration des asiles d’aliénés, M. le docteur Renaudin, de si regrettable mémoire, et dont la compétence en pareille matière était si généralement appréciée, avait consenti à se charger de ce travail. Nous sommes heureux, aujourd’hui, du concours qu’a bien voulu nous prêter notre distingué confrère M. Ach. Foville, qui s’est appliqué à revoir cette importante étude : nous lui en exprimons ici notre sincère reconnaissance.
Ce chapitre constitue, en définitive, un manuel administratif indispensable pour ceux qui aspirent à la direction des établissements d’aliénés ; le lecteur y trouvera clairement exposés, avec tous les commentaires désirables, les lois et les règlements qu’il lui importe de connaître pour la gestion des asiles publics et privés.
Pour les divers travaux que nous avons consultés, nous avons toujours eu soin, autant que cela nous a été possible ; de citer la source à laquelle nous avions puisé. Nous avons mis particulièrement à profit les Annales médico-psychologiques et les Archiv für Psychiatrie qui se publient en Allemagne. Ce sont deux recueils riches de faits et qui ont contribué, pour une large part, aux progrès de la science.
Nous avons fait exécuter à nouveau la carte des établissements [p. IV] d’aliénés de la France, et nous la présentons avec les derniers documents de la statistique.
Ce qui constitue aussi une nouveauté, c’est l’addition de photographies représentant les principaux types d’aliénés : le lecteur sera mieux à même de fixer son diagnostic, lorsqu’il aura appris à se familiariser avec ces physionomies si caractéristiques. Nous avons été assez heureux pour pouvoir puiser dans les collections que MM. Hildenbrand, Luys, etc., ont bien voulu mettre à notre disposition, et pour donner en huit planches, comprenant 33 figures, l’ensemble des principales formes et variétés de l’aliénation mentale ; nous avons eu également la bonne fortune de trouver, dans les procédés de la photoglyptie, un moyen qui permet de fixer la photographie, et de la présenter au lecteur dans des conditions de durée qu’on, n’avait pas encore pu réaliser ; c’est, croyons-nous, la première application de la photoglyptie à l’iconographie médicale, pratiquée sur un ensemble considérable de figures. Nous espérons que cette tentative réunira les suffrages des savants et des praticiens.
Si l’œuvre, à laquelle nous avons consacré tous nos efforts, remplit le but que nous nous sommes proposé ; si elle est, aux mains du médecin pour lequel elle est écrite, un livre qui le guide dans ses recherches et dans ses études ; si elle lui donne, sur l’une des affections les plus complexes, des notions aussi claires et aussi précises que le permet l’état actuel de la science, nous nous trouverons amplement dédommagé de la peine qu’elle nous aura coûtée. Nous n’ignorons pas, d’ailleurs, que la science fait d’incessants progrès, et que les livres qui la résument ne sont que des jalons posés pour l’avenir ; mais à ce titre ils ont leur utilité et méritent d’être encouragés : c’est la pensée qui a présidé à la rédaction de cet ouvrage.
H. DAGONET.
Asile des aliénés de Sainte-Anne, mars 1876.
Planche 1. – MANIE
Planche 1 – Figure I. – Manie hystérique, tendances érotiques, incohérence, loquacité,
périodes d’excitation maniaque. — Collection phot. du Dr Hildenbrant
Planche 1 – Figure II. – Manie aiguë, incohérence [sic], fureur habituelle,
maladie dangereuse (brise et détruit tout ce qui se trouve à sa proximité, on est obligé de lui maintenir la camisole.)
— Collection phot. du Dr Hildenbrant.
Planche 1 – Figure III. – Manie tranquille, gaie, chronique ; actes extravagants. — Collection phot. du Dr Cayré.
Planche 2 – LYPÉMANIE.
Planche 2 – Figure I. -Lypémanie, délire de persécution, hallucinations de l’ouïe, interprétations délirantes.
On ne cesse de le diffamer, de diriger contre lui les plus graves accusations;
les cloches même lui envoient les plus cruelles injures. Légère incohérence; parle
avec une extrême animation des souffrances qu’on lui fait endurer.
— Collection photographique du Dr Hildenbrand.
Planche 2 – Figure II. – Lypémanie état panophobique avec excitation maniaque.
Dans toutes les personnes qui l’approchent il ne voit que des espions, des ennemis
qu’il se promet de poursuivre et dont il donne la liste.En exhalant ses plaintes il pâlit,
ses traits s’altèrent, ses lèvres tremblent. — Collection photographique du Dr Hildenbrand.
Planche 2 – Figure III. – Lypémanie, délire maniaque, dépression morale considérable, hallucination
de tous les sens, incohérence en rapport avec la multiplicité des aberrations sensorielles.
— Collection photographique du Dr Hildenbrand
Planche 2 – Figure IV. – Lypémanie, prédominance d’idées de persécution,
hallucinations de la vue et de l’ouïe. Illusions et interprétations délirantes diverses.
— Collection photographique du Dr Bonnet
Planche 3 – STUPIDITÉ.
Planche 3 – Figure I – Stupidité consécutive à un délire lypémaniaque ; paraît continuer
à croire qu’elle doit subir les plus affreux supplices, etc. — Collection photographique du Dr Hildenbrand.
Planche 3 – Figure II – Stupidité consécutive à une lypémanie; prédominance d’idée de persécution.
— Collection photographique du Dr Hildenbrand
Planche 3 – Figure III – Stupidité survenue à la suite d’une manie aiguë; tendance à la démence.
– Collection photographique du Dr Bonnet.
Planche 3 – Figure IV – Stupidité tendant à la démence, consécutive à une manie.
– Collection photographique du Dr Bonnet.
Planche 3 – Figure V- Stupidité cataleptiforme. Le malade garde la posilion qu’on im- prime à ses membres;
comprend les questions qu’on lui adresse, mais conserve un mutisme obtiné.
État consécutif à une lypémanie-suicide, prédisposition héréditaire.
— Collection photographique du Dr Hildenbrand.
Planche 4 – MONOMANIE AMBITIEUSE (Mégalomanie).
Planche 4 – Figure I – Mégalomanie, attitude orgueilleuse, regard hautain, délire
systématisé partiel. Le malade est chargé d’une haute mission ;
il est appelé à réformer la société ; il connaît toutes les sciences ;
il est le premier génie du monde, etc. — Collection photographique du Dr Hildenbrand.
Planche 4 – Figure II – Mégalomanie religieuse. La malade se croit reine et destinée à opérer des miracles.
Elle se couvre de chapelets et de médailles religieuses ; Dieu est en elle, elle est la
dispensatrice de l’amour de Dieu et de sa miséricorde.
— Collection photographique du Dr D… de Steph.
Planche 4 – Figure III – Monomanie ambitieuse, mégalomanie chronique.
Le malade se couvre de décorations, il a un mérite exceptionnel, toutes les dignités ; tranquille,
inoffensif ; délire partiel. — Collection photographique du Dr D… Cayré.
Planche 5 – FOLIE IMPULSIVE.
Planche 5 – Figure I – Folie suicide et homicide: idées de suicide et de meurtre sur ses enfants ;
conscience imparfaite de sa situation : jadis douce et laborieuse ; chagrin causé par la perte de son mari.
— Collection photographique du Dr Bonnet
Planche 5 – Figure II – Monomanie homicide : impulsions dangereuses fréquentes ; perversion morale profonde.
— Collection photographique du Dr Hildenbran
Planche 5 – Figure III – Folie suicide et homicide : impulsions irrésistibles ; malade très dangereux.
— Collection photographique du Dr Hildenbrand
Planche 6 – DÉMENCE, PARALYSIE GÉNÉRALE
Planche 6 – Figure I – Démence 1er degré : simple affaiblissement des facultés, suite de manie.
— Collection photographique du Dr Hildenbrand.
Planche 6 – Figure II – Démence maniaque conservant avec les signes de la démence,
les caractères de la manie subaiguë. — Fou ambulateur.
— Collection photographique du Dr Hildenbrand.
Planche 6 – Figure III – Paralysie générale (2e période) : idées amitieuses. — Affaiblissement intellectuel.
— Collection photographique du Dr Hildenbrand.
Planche 6 – Figure IV – Paralysie générale (3e période) : Forme démence ; gâteux ; automatisme ;
rit et pleure sans motif ; satisfait de lui-même ; excès alcooliques.
— Collection photographique du Dr Bonnet.
Planche 6 – Figure V – Démence, suite de lypémanie : hallucinations persistante de la vue
et de l’ouïe ;
idées de persécution et de damnation. — Il faut la faire manger de force ; causes inconnues.
— Collection photographique du Dr Bonnet
Planche 7 – IMBÉCILITÉ, IDIOTIE
Planche 7 – Figure IV – Imbécillité (41ans) : insffisance mentale 1er degré ;malade tranquille ;
travaille, docile ; vagabond. — Collection photographique du Dr Bonnet.
Planche 7 – Figure II – Imbécillité (20 ans) : érotomanie; instincts dépravés.
— Hérédité : père ivrogne ; mère aliénée et hystérique ; désordre des acte ;
dangereuse, surtout pour la moralité publique.
— Collection photographique du Dr Bonnet.
Planche 7 – Figure III – Idiotisme (10 ans) : gâteux ; rarement inoffensif ;
pas de renseignements sur les parents ; santé très-délicate.
— Collection photographique du Dr Bonnet
Planche 7 – Figure IV – Idiotie épileptique (17 ans): a pu apprendre à lire et à écrire jusqu’à
qu’à l’âge de 11 ans ; l’arrêt de développement paraît dater de cette époque ;
déchéance intellectuelle, suite d’attaques épileptiques fréquentes ; ne prononce plus que
des mots inarticulés ; assez gai quand les attaques ne viennent pas à des intervalles trop rapprochés ;
épilepsie, suite de frayeur. — Collection photographique du Dr Bonnet.
Planche 7 – Figure V -Idiotie (20 ans), dernier degré : vice de conformation du crâne ;
gâteuse vie végétative ; instinct pervers ; rire automatique. — Collection photographique du Dr Bonnet.
Planche 8 – CRÉTINISME
Planche 8 – Figure I – Crétineuse (1er degré du crétinisme), (30 ans) ; muette,
comprenant les signes, relativement assez intelligente, sait coudre passablement ; née en Aoste.
lanche 8 – Figure II – Crétineuse (1er degré du crétinisme), (34 ans) ; travaille, caractère gai ; né en Savoie.
lanche 8 – Figure III – Crétinisme (2er degré), (29 ans) ; demi-crétine, ne parle pas,
comprend un peu les signes, ne sait faire aucun travail, surnommée la criarde ; née à Aoste.
lanche 8 – Figure IV – Crétinisme (degré élevé), (41 ans) ; sourd-muet, incapable d’aucune espèce de travail.
lanche 8 – Figure V – Crétinisme dernier degré), (29 ans) ; sait à peine manger elle-même,
très-irritable, méchant caractère; née à Cogne, .près Aoste.
— Collection photographique du Dr Alliod, médecin ordinaire de l’hôpital Mauricien d’Aoste (Haute-Italie).
Carte des Etablissements d’aliénés de la France en 1874.
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