Nicolas Vaschide. Observations. Quelques rêves prophétiques liés à la montée du lait chez les femmes qui viennent d’accoucher. Extrait de la « Revue de psychiatrie : médecine mentale, neurologie, psychologie », (Paris), 1906, pp. 338-339.
Nous renvoyons pour ce qui est de la biobibliographie des auteurs à notre note en ligne : Nicolas Vaschide & Henri Piéron. Références bio-bibliographiques sur le sommeil, les songes et les rêves. Par Michel Collée. 2018.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Par commodité, les notes de bas de page ont été renvoyées en fin d’article. – L’ image ont été rajoutées parlons soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr
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OBSERVATIONS QUELQUES RÊVES PROPHÉTIQUES LIÉS A LA MONTÉE DU LAIT CHEZ LES FEMMES QUI VIENNENT D’ACCOUCHER
PAR N. VASCHIDE
chef de travaux (t l’Ecole des Hautes Etudes
Je détache de mes observations les quelques rêves prophétiques suivants, notés à des époques différentes. Voici ces rêves, qui concordent parfaitement, de manière à dégager un fait, ou du moins à signaler sa possibilité.
1° Femme de 21 ans, primipare. Le lendemain de l’accouchement, après minuit, elle se réveille en sueur, tout angoissée, ayant rêvé que les muscles de sa poitrine étaient devenus des serpents, s’agitant, s’enroulant indéfiniment, et s’allongeant de plus en plus.
Elle avait eu la sensation de cet allongement, et dans le rêve, elle suivait de ses propres yeux cette interminable évolution. Les serpents s’enroulaient en spirales. Elle se réveilla au moment où les serpents montraient la tête. De leur bouche sortait du feu qui était projeté à sa face. Vers neuf heures du matin, se manifestèrent les premiers symptômes de la montée du lait. Le rêve avait été raconté 3 heures avant cette constatation. Il se reproduisit le lendemain, mais moins intense.
2° Femme de 26 ans, primipare, rêve deux jours après l’accouchement qu’elle a devant les yeux un fil d’argent au bout duquel est accroché un tire-bouchon. Le fil est animé d’un mouvement giratoire, fatigant, qui occupe l’attention de la malade, et qu’elle se sent sur le point d’imiter. Le fil d’argent devient brusquement lumineux ; et à regarder de tout près cette flamme mobile, il semble à la patiente que ses yeux sont brûlants comme si elle avait la fièvre. Le matin au moment où par hasard elle me racontait son rêve, elle éprouva dans les seins les premières douleurs annonçant la montée du lait.
3° Une primipare de 23 ans rêve dans la nui après l’accouchement, qu’elle a sous les yeux un fantôme animé d’un mouvement giratoire et imprimant un mouvement analogue à ses membres supérieurs.
Le fantôme jette du feu à la figure et jusque dans les yeux de la patiente, sous forme de rubans lumineux s’enroulant en spirale et se désenroulant, au réveil l’accouchée raconte spontanément ce rêve, se plaignant d’avoir passé une mauvaise nuit ; et cinq heures après la montée du lait commence. [p. 339]
4° Une dame extrêmement intelligente, secondipare a noté pour moi, proprio motu, le rêve suivant survenu au moment de la montée du lait deux jours après l’accouchement : « J’ai rêvé qu’étant au bord d’un lac je voyais dans l’eau un cadavre de porc qui s’animait soudain, et qui d’un mouvement giratoire était lancé dans l’air d’une rive à l’autre. Le lendemain, le lait montant toujours, j’ai rêvé qu’étant dans une mansarde je voyais une souris en flammes, animée du même mouvement giratoire que le porc, lancée d’une lucarne à une autre et mettant le feu partout. »
Je tiens compte de ce dernier cas, parce qu’il m’a été communiqué par une personne digne de toute confiance et trop intelligente pour ne pas avoir fait un récit exact. Habituellement, par principe, je ne tiens compte que des rêves qui me sont directement rapportés, et dont les conséquences ont pu être suivies scientifiquement. Je pourrais multipler les exemples. Je possède les observations de 27 jeunes accouchées, le plus souvent primipares, et qui ont eu des rêves analogues. Aucune de ces observations n’est de seconde main, j’ai tout pu constater par moi-même.
Dans tous les rêves qui précèdent la montée du lait, on retrouve deux éléments communs : le mouvement giratoire et l’extension des flammes. Les impressions sont surtout visuelles, mais s’accompagnent de sensations musculaires et cœnesthésiques. La texture des rêves est presque toujours identique, même trame, même canevas, tout indique la présence d’un symptôme commun. Ne serait-il pas possible de concevoir que la sensibilité interne des glandes mammaires est sollicitée par la montée du lait ; ne peut-on croire que l’image-sensation du mouvement giratoire, s’associe à la poussée du lait dans la glande, et que le mouvement fébrile concomitant est annoncé par la vision des flammes et la sensation de lumière brûlante des rêves ci-dessus ? L’étude minutieuse de l’anatomie et de la physiologie des glandes mammaires confirmerait peut-être cette hypothèse ; je désirais seulement par la note actuelle, signaler ces rêves prophétiques, avant que soit dressée une clef rationnelle des songes, ce qui sera sans doute possible dans l’avenir, comme je l’écrivais il y a déjà sept ans.
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