Nicolas Vaschide et Henri Piéron. Contribution à la sémiologie du rêve. Article parut dans le « Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris », (Paris), volume 2, numéro 2, année 1901 pp. 293-300.
Nous renvoyons pour ce qui est de la biobibliographie des auteurs à notre note en ligne :Nicolas Vaschide & Henri Piéron. Références bio-bibliographiques sur le sommeil, les songes et les rêves. Par Michel Collée. 2018.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Par commodité, les notes de bas de page ont été renvoyées en fin d’article. – Les images ont été rajoutées parlons soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr
[p. 293]
CONTRIBUTION A LA SÉMÉIOLOGIE DU RÊVE
PAR N. VASCHIDE,
chef des travaux
et
H. PlERON, préparateur
au
Laboratoire de psychologle expérimentale de l’École des Hautes-Études
(Asile de Villejuit).
I
Dans plusieurs publications, nous avons essayé de faire une mise au point de vue critique des documents relatifs à la valeur et à la signification du rêve (1). [p. 294]
Or, entre autres fondements de la croyance superstitieuse que l’on a attribué aux rêves, il y a des faits de prévision sensorielle de troubles morbides qui donnent aux rêves une véritable valeur séméiologique. Nous apportons cette fois quelques observations et documents (2) qui nous paraissent avoir de l’importance pour jeter quelque lumière sur le domaine encore obscur et en grande partie inexploré de la séméiologie du rêve.
Quelques mots d’abord sur la méthode avec laquelle les rêves ont été recueillis.
Les personnes appartenaient à notre milieu, et pour la plupart, nous étions à même d’en suivre l’état mental antérieur et postérieur au rêve, de sorte que l’on pouvait observer l’intervalle qui séparait le rêve du diagnostic qui fut fait de la maladie. Aucun des sujets n’a pu connaître en aucune manière le but et le sens de ces recherches et enfin les médecins qui firent le diagnostic, le firent indépendamment d’elles.
Les sujets avaient raconté leurs rêves spontanément, dans la journée qui suivit le réveil. En moyenne, les premiers symptômes survinrent environ 48 heures après.
Nous avons pu recueillir à ce propos XIII observations précises.
II
Obs. I. — Petite fille de 3 ans 1/2 (1899). Couchée dans un lit de cuivre fermé, elle rêve qu’un menuisier, qui a la figure de son médecin, fixe un étau sur le côté de son lit et y enserre sa tête ; elle fait son possible pour se dégager et passe son bras hors de son lit pour desserrer l’étau, avec une telle force qu’au réveil elle portait une grande marque à son bras, dont elle se plaignit. Elle fut prise peu après d’une forte fièvre, et le médecin, appelé en toute hâte, reconnut une méningite,
Obs. II. — Petite fille de 8 ans. Elle raconte un matin avoir rêvé qu’elle était aux Champs-Élysées avec sa bonne. Un camion passait avec des caisses qui menaçaient de tomber ; le cocher arrêta alors sa voiture, descendit de son siège et s’efforça de la remettre en équilibre. Elle s’approcha avec curiosité. Le cocher l’attrapa aussitôt, la mit sur le camion et lui posa une caisse sur la gorge en lui expliquant que c’était pour la faire tenir en équilibre.
Elle crie ; on la réveille.
Quelques heures après elle suffoquait déjà. et une angine se déclara, reconnu par le médecin dès son arrivée.
Obs. III. — Jeune fille de 15 ans 1/2. Assez nerveuse, rêvant beaucoup et se souvenant très bien de ses rêves, qu’elle avait l’habitude de raconter à sa mère. [p. 295]
Elle rêve une nuit qu’elle est demandée en mariage par un jeune homme qu’elle déteste ; elle refuse naturellement; mais ce dernier, pour la forcer à accepter, la renverse à terre, et, lui mettant un genou sur la gorge, lui enfonce des ordures dans la bouche pour l’empêcher de crier.
Quatre jours après, une angine se déclara que le médecin reconnut être une angine à fausses membranes et qui dura très longtemps.
Obs. IV. — Dame de 41 ans (15 novembre 1930). Femme sans instruction, assez superstitieuse. Elle vient raconter un matin un « drôle de rêve ». Elle a rêvé la nuit qu’une de ses voisines vint la voir, ayant autour du cou un serpent qui, aussitôt, sauta sur elle, lui entra pnr la bouche, et chercha à sortir par l’oreille. Elle pensa à sa petite tille qu’elle aime beaucoup et qui était à côté, et elle craignait que le serpent une fois sorti n’allât la piquer.
Elle le retint alors en comprimant son oreille. Mais le serpent la mordit et elle souffrit beaucoup ; elle entendit aussi ses sifflements de colère.
Au réveil, très frappée par le rêve, elle regarda son oreille et s’aperçut qu’elle l’avait écorchée dans cette lutte.
Elle n’était pas très éloignée d’attribuer à ce rêve une valeur symbolique au point de vue de l’avenir.
Trois jours après, comme elle n’y pensait déjà plus, elle eut un écoulement purulent dans l’oreille, et, ce qui lui rappela son rêve, elle entendit des sifflements identiques à ceux qu’elle attribuait au serpent.
Obs. V. — Dame âgée de 42 ans (2 septembre 96). Bien portante, habituée dans une certaine mesure à s’analyser elle-même. Son attention était toujours portée du côté des rêves et elle avait la bonne habitude d’en écrire un certain nombre, dans un but purement littéraire, à ce qu’elle disait.
Un matin elle nous raconte que durant la nuit précédente elle a eu un rêve que nous pouvons ainsi résumer.
« Jetée toute nue dans un bain turc, quoique à un thermomètre placé à côté je voyais qu’il devait faire une température considérable, j’avais froid et je grelottais beaucoup. Je voulais monter les quelques marches qui me séparaient du haut de l’estrade, mais le froid que je sentais en moi-même me figeait sur place.
J’ai eu froid toute la nuit et je me suis réveillée plusieurs fois trempée de sueur ; et, quoiqu’ayant une couverture assez épaisse, j’avais réellement froid. »
Ce rêve a été écrit par cette dame dans ses « Mille et une Nuits » comme elle disait ; mais elle n’a pas voulu le lire à cause de certains détails trop intimes qui, disait-elle, accompagnèrent le rêve.
Le lendemain le médecin appelé constata une fièvre assez intense (39°2).
Cette fièvre la tint au lit pendant quinze jours sans que le rêve se soit renouvelé dans les nuits suivantes.
Obs. VI. — Dame âgée de 33 ans, (14 avril 1897) d’instruction moyenne ; [p. 296] et n’ayant aucunement le loisir et l’habitude de s’analyser elle-même. Selon les habitudes du milieu, au déjeuner du matin, parlant en famille d’une enfant qui avait été malade la nuit, elle raconta que, chose bizarre, elle, qui se vantait de n’avoir jamais rêvé, elle se vit en rêve toute trempée de sueur et cherchant dans la maison, sans le trouver, un verre d’eau fraiche pour apaiser une soif qui la torturait. La maison lui paraissait un labyrinthe où elle ne pouvait trouver ni une porte, ni un buffet.
Le lendemain, elle se leva fatiguée comme après une course de plusieurs lieues et garda une soif qu’elle ne put apaiser de la journée. Quinze heures après, elle se plaignit d’avoir froid, et le médecin, appelé seulement le lendemain, constata une fièvre typhoïde au début, et qui dura deux mois.
Obs. VII. — Jeune homme âgé de 18 ans, raconta le rêve suivant à sa famille le lendemain de la nuit où il est bien portant (11 juin 1897).
« J’ai rêvé qu’on m’avait conduit à la foire et après m’être amusé toute la journée, un forain m’habilla de force en hercule, m’amena dans une baraque et me força à soulever des poids en public. Il me mettait des poids sur la poitrine, pendant que je criais, que je me débattais et que je le suppliais de me laisser rentrer à la maison. Mais lui, faisant la sourde oreille, ajoutait toujours de nouveaux poids. Alors je me suis évanoui et je me suis réveillé en criant. »
Une tante couchant dans la même chambre que lui, affirma qu’un peu après minuit elle l’entendit pousser un cri.
Deux jours après, il commença à se plaindre de maux de gorge, accompagnés de fièvre, et le médecin constata une bronchite aiguë qui le tint au lit plusieurs jours.
Obs. VIII. — Vieillard âgé de 65 ans, intelligence assez vive. Depuis sa jeunesse il se plaisait à des analyses très compliquées de ses états d’âme. Le rêve l’avait toujours préoccupé par sa genèse, et sa valeur, surtout à la suite d’une lecture d’Hippocrate qu’il connut vite à fond.
Il avait dans sa bibliothèque plusieurs clefs des songes auxquelles il recourait souvent pour reconnaître que c’était une « bêtise sans portée ». Il affirmait néanmoins que dans sa vie il avait pu constater des coïncidences miraculeuses entre les rêves et les phénomènes consécutifs, pour ce qui concernait sa santé. Le 3 août 1897, il se réveille avec un état d’angoisse assez particulier et nous raconta, trois heures après, le rêve suivant : « J’ai rêvé quelque chose de bizarre, dont je ne me rappelle que quelques détails. Il me semble que j’avais rêvé toute une vie, mais les choses passaient si vite dans ma pensée que je n’ai pu rien retenir. Il m’a semblé que des personnes bizarres faisaient de ma poitrine comme un soumet et me forçaient à arrêter ou activer ma respiration suivant leur caprice. Ensuite d’autres personnes dont je ne garde qu’un souvenir très vague me mettaient du sable dans la bouche, me fermaient les yeux, et me donnaient des coups de marteau dans la tète. »
Toute la journée il fut fort inquiet de ce rêve. Il faut ajouter qu’il était [p. 297] depuis quelques jours dans un état d’anxiété provoqué par des émotions que nous avons intimement connues.
Dans la journée même, douze heures environ après le réveil, il eut une syncope qui dura plusieurs minutes et l’obligea à garder le lit pendant plusieurs jours à la suite des troubles circulatoires et respiratoires qu’elle provoqua.
Obs. IX. — Dame âgée de 26 ans, femme du peuple. Elle nous raconta dix heures après son réveil (12mars 1898) qu’elle avait rêvé d’un monstre, qui s’était glissé dans son estomac et qui, avec une vrille perforait ses intestins ; il laissa dans son estomac des matières putrides.
C’est tout ce qu’elle put retenir d’un rêve plus long.
Toute la journée elle se plaignit de sentir comme du plomb dans son ventre. Il y avait probablement là une influence suggestive. L’intérêt de cette observation réside en ce que, à partir du lendemain, elle ne put aller à la selle et que, malgré une dose très forte d’huile de ricin, elle ne put y aller qu’après 48 heures. Elle fut enfin fortement constipée pendant 8 jours, et pour la première fois, selon ses dires.
Obs. X. — Garçonnet âgé de 10 ans, se réveille dans la nuit (13 novembre 1898) tout étonné d’un rêve qu’il raconte à peu près ainsi :
« Il lui a semblé qu’un géant lui avait serré le cou avec un cordage de navire et qu’il tirait tellement fort que sa langue lui était sortie de la bouche et que ses yeux étaient devenus comme des yeux de grenouille. » Il ne sut pas bien comment il avait échappé, il avait couru sur des bateaux, traversé des forêts, gardant quand même son cou serré, le géant ayant fait un nœud inextricable.
Dans la journée il fut tellement influencé par le rêve, qu’en le racontant à sa famille il mettait constamment ses mains à son cou sans le vouloir.
Le lendemain le croup se déclarait et le diagnostic fut ratifié par le médecin.
Obs. XI. — Garçon de 12 ans. (28 décembre 1898). Raconte à sa mère devant nous que, la nuit, il a rêvé d’un « drôle de Monsieur » qui, avec des ciseaux en carton, lui avait coupé par morceaux l’index de la main droite et qu’une autre bonne femme habillée en espagnole a frotté ses oreilles avec des orties.
Dans la journée la mère remarqua que les oreilles de l’enfant et l’annulaire de la main droite (et non l’index) étaient le lieu de troubles circulatoires que le médecin déclara être de la congélation.
Ce garçon, étant alors en vacances, s’était amusé dehors, pendant un froid de 18°, à se battre auparavant avec des boules de neige pendant plusieurs jours de suite.
Obs. XII. — Vieille dame âgée de 70 ans, d’habitudes casanières, qui s’était toujours bien portée et qui jamais n’avait remarqué de troubles digestifs ; elle rêvait rarement, paraît-il. [p. 298]
Elle raconta le rêve suivant que nous reconstituons d’après les données incomplètes de ses phrases :
Elle digérait des clous de fer, et par sa bouche entr’ouverte, des inconnus lui versaient du bitume tellement chaud, qu’elle sentait son corps brûler. Dans son ventre elle avait plus de 100 kilos de poids.
Des rêves analogues se reproduisirent plusieurs jours de suite ; elle y remarquait toujours la sensation de poids et des matières difficiles à digérer.
En même temps son appétit diminuait et le médecin, huit jours après, diagnostiqua des troubles dyspeptiques graves. Elle fut malade plusieurs mois.
Obs. XIII. — Homme de 30 ans ; avait été atteint de blennorragie.
Il rêva une nuit que ses testicules contenaient comme du plomb, et que des coups de lancette et des aiguilles rougies au feu les traversaient à intervalles à peu près réguliers.
Le lendemain le médecin constata une orchite.
III
Les faits que nous avons exposés se rapportent surtout à des états inflammatoires et infectieux touchant principalement la respiration et la circulation. Ce sont là les principaux domaines, en dehors des maladies nerveuses et mentales, où l’on puisse tirer du rêve des indications séméiologiques.
Le nombre de nos observations est assez faible, mais aussi le champ de nos investigations fut assez limité. Cependant, dans cette mesure même, nous avons vu apparaitre des maladies qui ne parurent précédées d’aucun rêve caractéristique, du moins que le sujet se soit rappelé, et qu’il ait jugé digne de le noter, ce qui semble être le cas pour les rêves de cette nature. D’autre part, il nous est arrivé de constater que des rêves ayant des caractères véritables de rêves séméiologiques ne précédèrent aucun trouble morbide appréciable. Il est d’ailleurs possible qu’il y ait eu avortement de ces troubles, et, aussi nous n’avons pas remarqué si le rève ne correspondait pas, non point à un état antérieur, mais à un état de trouble actuel, plus ou moins léger de l’organisme,
Il est très possible, en effet, qu’il n’y ait pas proportionnalité véritable entre la gravité des troubles morbides et l’acuité des symptômes du rêve.
En tout cas nous pouvons constater que, si la trame du rêve, en quelque sorte, est purement individuelle et n’a pas de valeur véritable, on retrouve à peu près les symptômes principaux, du moins au point de vue de l’appréciation du sujet, dans l’interprétation même du rêve, tels que I’étouffement (Obs. II-VII), l’étranglement (Obs. V), la constriction (Obs. I), les ordures dans l’infection (Obs. III. Obs. IX), etc. Il y a donc eu là de véritables symptômes anticipés permettant de prévoir sinon la maladie [p. 299] elle-même, du moins la partie de l’organisme qui souffrirait et, approximativement, la manière dont il serait atteint.
Nous ne parlons, bien entendu, que dans la limite de notre petit nombre d’exemples, qui ne nous permet pas encore de tirer des conclusions très générales (3). [p. 300]
Discussion.
M. AZOULAY. — Dans mon enfance, j’avais à peu près tous les hivers des accidents caractérisés par une fièvre vive, des vomissements intenses, durant 2 et 3 jours, or presque toujours, la veille ou l’avant-veille, j’avais d’affreux cauchemars pendant lesquels je poussais des cris désespérés. Je ne me souviens plus du sujet de ces rêves.
Paulhan, dans sa petite psychologie, raconte l’histoire d’un homme qui crut être jugé, condamné et guillotiné pendant la Terreur. Or, cet homme avait la barre de soutien du ciel de lit sur le cou. Tous ces faits indiquent, comme on le sait, que les rêves de ce genre sont toujours consécutifs à un fait matériel.
M. MANOUVRIER. — Au point de vue psychologique, l’intéressante communication de M. Vaschide montre une fois de plus, par des faits très précis, que le rêve peut être suscité par des sensations organiques ou internes aussi bien que par des impressions sensorielles de cause externe.
Des rêves de ce genre peuvent certainement fournir des indications séméiologiques qu’on aurait tort de négliger.
J’avais entrepris, il y a 25 ans environ lorsque j’étais étudiant en médecine, des recherches analogues à celles de M. Vaschide, mais que je ne poursuivis pas. Dans la tuberculose pulmonaire qui rend, comme on le sait, les malades très sujets au rêve, je n’avais observé aucun genre de rêve particulier.
Mais je me souviens très nettement de deux malades atteints d’abcès par congestion volumineux à la cuisse et qui, l’un et l’autre, avaient fréquemment des rêves dans lesquels il s’agissait d’eau arrêtée par des obstacles, ou d’obstacles rencontrés en naviguant et insurmontables. Chez l’un de ces malades, le pus amassé dans la cuisse provenait des vertèbres lombaires. Chez l’autre il provenait de l’articulation coxo-fémorale.
M. PAPILLAULT, d’ECHERAC, FOURDRIGNIER.
M. N. VASGHIDE. — Je suis reconnaissant à mes honorables collègues de la Société de leur bienveillant appui et en même temps des considérations qu’ils ont voulu faire relativement à ma communication. Je remercie tout particulièrement M. le professeur Manouvrier des observations affirmatives [p. 300] qu’il nous a fait connaître et mon ami le Dr Papillault pour les considérations critiques qu’il vient de faire.
Dans toute cette discussion, il me semble qu’on a déplacé sensiblement la question, telle que je l’avais posée et dans le sens de laquelle j’avais apporté à l’honorable Société les quelques contributions sur la séméiologie du rêve que je viens de lire. On a évoqué l’affirmation que le rêve est sans doute la fonction du mécanisme biologique et dans des considérations que je ne peux pas suivre, nos honorables contradicteurs veulent bien discuter le rapport du physique et du moral. D’autres de nos collègues fouillant leurs souvenirs personnels ont agité la question du prophétisme des rêves et du rapport entre le rêve et l’acte réel survenu à la suite à l’état de veille. Une confusion a été faite dans ce genre, me semble-t-il lors de ma première communication par un de nos collègues, étant absent je n’ai pas pu prendre connaissance directement et à mon grand regret.
Dans plusieurs publications antérieures, dont je vous fait grâce d’esquisser le contenu, j’ai essayé d’établir des vraies recherches expérimentales sur le rêve et les conditions bio-psychologiques et sociales dans lesquelles il évolue et prend naissance.
Les observations que j’apporte ont l’intérêt capital à mon avis qu’elles ne sont pas des reconstitutions a posteriori, mais qu’elles ont été prises dans les conditions les plus rigoureuses exigées par la méthodologie scientifique. Les rêves étaient notés au jour le jour et on avait immédiatement le contrôle du rêve annoncé comme indice séméiologique par le diagnostic précis du médecin. A ma connaissance les observations de ce genre peuvent être comptées dans la science, la grande majorité étant, on le sait, des constructions fictives, des croyances systématisées, ou des légendes appropriées sous l’influence d’une affinité psychique, facilement décelable pour un observateur adroit dans la structure psycho-physique de l’individu. La mémoire trompe souvent ; on connaît les phénomènes du déjà-vu et ceux de la fausse-reconnaissance, et je vous avoue que je me méfie des rêves qui ont été enregistrés de la sorte. L’imagination s’y plait toujours à broder et à construire des architectures métaphysiques sur les données les plus vagues des rêves et c’est à ce point de vue, que je n’ose pas considérer comme fait précis les quelques observations qu’on vient de citer.
Je tiens à ajouter, que je n’ai voulu rapporter que des rapports définis entre certains rêves et les affections inflammatoires au point de vue séméiologique, rêves que nous avons pu observer avec M. Piéron au cours de nos recherches sur les rêves. Les autres questions qui ont été ici évoquées sont sans doute intéressantes, mais comme elles n’entrent pas dans les quelques données scientifiques, que je viens de lire, je n’essaye pas même de les discuter. J’ai voulu éclaircir un point avec des observations à l’appui et il me semble que systématiquement il faut éviter la discussion stérile sur les conceptions les plus générales et les données fondamentales de la Biologie et de la Psychologie, à propos de n’importe quel fait si menu soit-il.
Notes
(1) N. VASHIDE and PIÉRON. Prophetic Dreams in Greck and Roman Antiquity. The Monist. Chicago, January 1901. [en ligne sur notre site]
N. VASCHIDE et PIÉRON. Le rêve prophétique chez les sauvages. Communication à la Société d’Anthropologie, 7 mars 1901.
N. VASCHIDE et PIÉRON. La valeur séméiologique du rêve, Revue Scientifique, 30 mars et 6 avril 1901, Etc. etc.
(2) L’un de nous a déjà publié un cas précis d’empiétement pathologique du rêve sur la vie de la veille : N. VASCHIDE et E. MEUNIER. Objection du rêve dans la veille. Revue de Psychiatrie, février 1901.
(3) Travail du Laboratoire de Psychologie Expérimentale de l’École des Hautes Études (Asile de Villejuif).
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