Mourly-Vold. Expériences sur les rêves et en particulier sur les rêves d’origine musculaire ou optique. Extrait de la « Revue de l’hypnotisme expérimental et thérapeutique », (Paris), 10e année, (1895-1896), 1896, pp. 202-211.

Mourly-Vold. Expériences sur les rêves et en particulier sur les rêves d’origine musculaire ou optique. Extrait de la « Revue de l’hypnotisme expérimental et thérapeutique », (Paris), 10e année, (1895-1896), 1896, pp. 202-211.

 

Cité par Freud dans son ouvrage : La Science des rêves. 

John Mourly-Vold (1850-1907). Philosophe et psychologue norvégien.
Quelques publications :
— Spinozas erkjendelsestheori (1888)
— Verdensbetragtning, Sokrates og fantasi (1889)
— Über den Traum. Experimental-psychologische Untersuchungen, utg. ved O. Klemm, Leipzig (posthume) 1910–1912. 2 vol.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les images ont été rajoutées parlons soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

[p. 202]

Expériences sur les rêves et en particulier sur les rêves d’origine
musculaire ou optique (1)

Par M. Le Dr J. Mourly-Vold.
Professeur à la Faculté des lettres de Chritiania (Norvège).

Mes études sur les rêves datent de l’année 1876. Depuis cette époque, j’i observé, écrit, et autant que cela m’a été possible, expliqué les rêves que j’ai eus. Pendant quelques temps, à peu près tous ceux dont je e souvenais, ensuite seulement ceux qui me paraissaient intéressants. Voici ce que je voudrais faire ressortir plus particulièrement : [p. 203]

Pendant les six ou sept dernières années, j’ai fait différentes séries d’expérience, surtout sur le rôle que joue dans les rêves le sens du toucher (contact et température) et le sens musculaire, et sur la relation existant entre les images de la soirée et celles de la nuit suivante.

Avant de terminer un livre où je traite ce sujet en détail, je me permettrai d’en donner ici un résumé général. Je me bornerai cependant désigner ici les recherches les plus importantes pour moi, celle concernant les rêves d’origine musculaire et optique. Quant au sens musculaire (qui est sans doute, dans ce domaine, plus intéressant que celui du toucher), j’ai trouvé que son rôle dans les rêves est très important. J’emploie le mot « sens musculaire » dans sa signification la plus étendue pour exprimer le sens par lequel nous percevons les mouvements et les positions de nos membres, sens dont l’appareil physiologique est assez complexe. On a, selon moi, trop peu observé le rôle important de ce sens ; cela tient, je pense, à ce que la position des membres, pendant un rêve, est assez difficile à découvrir, parce qu’en général on change d’attitude au moment du réveil. J’ai tâché de supprimer ces difficultés, autant que possible, en prenant l’habitude de ne pas changer d’attitude au réveil. Dans les cas où, malgré moi, j’avais remué à ce moment, j’ai souvent réussi à découvrir l’attitude précédente par la faible sensation d’une courbature des membres. Enfin j’ai fait des expériences. Je vais expliquer ces expériences en quelques mots.

J’ai expérimenté moi-même, et j’ai réussi à obtenir l’assistance d’un bon nombre de personnes distinguées, dames et messieurs, habitant Christiania. L’après-midi ou le soir, nous nous réunissions au nombre de dix à quarante. J’expliquais assez minutieusement l’expérience en question et tout ce que je croyais important à faire pour qu’elle réussit, mais je me gardais de dire aux aidants les résultats probables ou ce qu’avait en vue des autres aidants ; nous fixions une ou deux nuits pour l’expérience – pas la première après notre séance, pour éliminer autant que possible son influence sur le sommeil de la nuit en question. Par la même raison, je recommandais aux étangs de ne pas aller dans le monde le soir précédant la nuit de l’expérience, et de ne rien faire qui plus trop distraire l’âme. Cependant, s’il ne leur était pas possible de prendre toutes ces précautions, j’avais l’occasion de prendre en considération les influences qu’ils avaient subies, les engageant toujours à m’en faire part le lendemain dans le compte rendu. Chacun des exécuteurs remplissait un questionnaire contenant vingt-deux à vingt-sept questions, sans compter les questions secondaires. Il va sans dire que le rêve de la dernière nuit – si l’on en avait fait un – jouait un rôle prépondérant dans le questionnaire rempli. La position dans laquelle se trouvaient les membres au réveil devait être dépeinte aussi exactement que possibles ;  ainsi que l’expérience elle-même et la manière dont elle avait été faite par l’expérimentateur étaient-elles dépeintes dans le questionnaire ; sans cela, il ne m’aurait pas été possible de savoir si les règles données avaient été complètement suivies. Il fallait [p. 204] dire si l’on avait entendu parler des résultats d’autres aidant (Réponse constante : Non), etc. Lorsque j’avais reçu le compte rendu d’une expérience, ce qui avait lieu à l’ordinaire le lendemain matin, je ne parcourais, et si je trouvais que l’on avait omis des détails d’une certaine importance, je renvoyais le questionnaire pourvu de nouvelles questions auxquelles je recevais d’ordinaire la réponse le jour même ou le lendemain.

Voici la méthode que j’employais pour influencer l’appareil musculaire pendant le sommeil. À un stimulus passager, appliquer quelques secondes pendant le sommeil, je préférerais un agissant toute la nuit. Je n’entrerai pas, ici, dans une discussion sur la valeur de ces deux sortes de stimuli. Qu’il me suffise de dire ce qui, dans ce cas-ci, est l’essentiel, c’est que la méthode des stimuli passagères et très difficiles à employer sur l’appareil musculaire pendant le sommeil. On ne peut stimuler par une pression momentanée que les muscles qui ne sont pas couverts par les couvertures de lit – si l’on ne veut pas risquer d’éveiller la personne avant de commencer l’expérience elle-même. Ainsi on peut très difficilement inciter les muscles des pieds, qui jouaient, dans mes expériences, un rôle principal. En outre, beaucoup de personnes s’éveilleraient par le fait que l’on changerait, pendant leur sommeil, la position de leurs membres, celle de leurs bras, par exemple ; toutes les personnes s’éveilleraient, d’après mon avis, si l’on exposait leurs extrémités à une secousse électrique. À quelques-unes, ainsi qu’à moi-même, il suffirait de la présence d’une autre personne près de leur lit pour faire cesser le sommeil. En tout cas, des séries d’expérience musculaire sur les extrémités seraient très difficiles (ou impossibles) à faire d’après la méthode des influences de peu de durée. – Ainsi le soir, immédiatement avant de s’endormir, je faisais mettre à mes aidant des gants, des rubans ou des ficelles autour de quelques muscles, tout en les engageant à les garder toute la nuit. Je m’occupais particulièrement de l’articulation tibio-tarsienne et des articulations des deux mains. Lorsque nous faisions des expériences sur la première articulation, elle était généralement entourée d’un ruban de fil large de deux centimètres environ, ou d’une ficelle ; on en portait l’un ou l’autre autour de l’articulation d’un des pieds, au-dessous des malléoles, avec un tour autour de la plante pour l’empêcher de se déplacer. Par cette pression, une flexion plantaire a,, la position du pied ressemblait, jusqu’à un certain degré, à celle d’une personne se tenant sur la pointe du pied – abstraction faite de la position horizontale du corps. Il va sans dire que j’en donnais un lien pas trop tendu, pour éviter des troubles nerveux. – D’autres expériences s’appliquaient aux doigts de la main. La nuit, on avait un ou plusieurs doigts entourés d’un ruban (ou d’une ficelle), ordinairement appliqué aux premières phalanges. Enfin, une grande quantité d’expérience s’appliquaient à une main entière ou aux deux. La nuit, on portait un ou deux gants, généralement pas boutonnés, afin d’éviter une trop grande pression aux artères. [p. 205] Sous la pression de gants étroits, toutes les articulations de la main se courbaient. – D’autres expériences ont été faites par moi seul. Ainsi, j’appliquais au dos une pression par des bûches (trois, généralement) qui étaient liés ensemble et attachées à une ceinture autour de la chemise ; pendant plusieurs semaines, je portais ces bûches toute la nuit.

Une autre méthode s’est imposée par elle-même. Pendant six mois, que je me trouvais à l’étranger, j’étais obligé de coucher sur un canapé, et, comme il était trop court, le matin je trouvais ordinairement mes pieds élevés et reposants sur le bras du canapé. Les articulations coxo-fémorales étaient courbées de cette manière, leur position agissait considérablement sur mes rêves ; je me sentais, en rêve, montant des collines ou des montagnes. Aussi à d’autres occasions, où mes pieds occupaient une position élevée pendant le sommeil, je faisais des rêves semblables. Pour le moment, je fais faire à mes aidants des expériences analogues : on s’endort un traversin sous les pieds.

De ces différentes manières, j’ai fait subir une flexion aux membres en question, et, en analysant les rêves des personnes dormant dans ces positions, il m’a été possible de trouver un rapport causal entre la position des membres et la vie psychique pendant le sommeil. Mais pour fixer cette causalité, il fallait vaincre plusieurs difficultés, soit par des comparaisons avec des rêves ordinaires, – comparaisons très utiles et souvent nécessaires,  –soit par des expériences parallèles.

a) Comment savoir si le membre en question a été tranquille où s’est déplacé pendant le rêve ? Dans le premier cas, il s’agirait seulement de la position du membre ; dans le second, d’un mouvement actuel. La solution de cette question n’est pas absolument nécessaire pour nos expériences, mais elle répand de la clarté sur les résultats. On pourrait peut-être, en d’autres cas, employé avec avantage d’autres personnes pour observer les personnes endormies. Cependant, dans nos expériences, auxquelles un assez grand nombre de personnes prennent part, un contrôle par des assistants serait très difficile ou impossible à établir. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire. Car c’est une règle qui a peu d’exceptions et qui a été accentué par beaucoup de savants, tant pour le sommet ordinaire que pour l’hypnotique, qu’on ne se souvient pas des rêves qui ont été accompagnés par des mouvements actuels. Pour cette raison, si l’on se souvient d’un rêve, on a, en général, le droit de croire que l’on n’a pas changé d’attitude pendant son rêve. Aussi les expérimentateurs eux-mêmes peuvent-ils, par un peu d’attention et de patience, tout en se réveillant, observer si leurs membres sont tranquilles ou non ; s’il ne se meuvent pas au réveil, très vraisemblablement ils ne l’ont pas fait pendant le rêve non plus ; car, quand au rêve, – en tout cas, à la partie du rêve de laquelle on se souvient, – il ne s’agit ordinairement que de peu de moments avant le réveil. En outre, la sensation d’une faible courbature annonce, dans beaucoup de cas, que le [p. 206] membre ne s’est pas déplacé. D’après mes expériences, les rêves causés par la position d’un membre immobile sont assez nombreux.

b) Comment abstraire de l’influence peut-être sur le rêve le faite que, le soir, on a vu émis sur la main ou son pied des choses stimulantes (le ruban, la ficelle ou le gant) ? Par des expériences parallèles. J’ordonnais deux à deux les expériences sur les rêves d’origine musculaire. Le soir, après s’être couché, on mettait la chose (ruban, ficelle ou gant) sur le membre (pied, main ou doigt), ne l’y retenant que quelques minutes ; on l’enlevait avant de s’endormir. Un autre soir, généralement le lendemain soir, on mettait la même chose sur le membre et l’y retenait toute la nuit. Le résultat des expériences du premier soir se montrait très restreint ; le stimulus musculaire employé seulement avant le sommeil laissait rarement de traces psychiques dans le sommeil de la nuit suivante ; s’il en était autrement, il se passait souvent que la personne disait avoir senti, le lendemain, une courbature dans le membre en question ; ainsi le résultat, dans ces cas, accusé une influence pendant le sommeil ; une pression qui avait été trop forte, le soir (plus forte que je ne l’avais recommandée), avait laissé dans l’appareil musculaire un effet persistant. Conclusion : L’influence causée par la pression musculaire, le soir, et, comme telle, insignifiante. D’autre part, on ne peut pas nier son existence, quoiqu’elle soit assez rare ; elle peut ressembler à celle des stimuli persistants, – mais elle est plus faible, – ou, d’après ce que démontrent quelques expériences, elle a un caractère moins concret : on rêve, par exemple, qu’on parle de l’action de lier. Pour exclure aussi le rôle de la vue, dans ces expériences, j’en ordonnais quelques-unes où l’on était, les deux soirs, la chose stimulante sans la voir.

c) Comme je n’avais pas l’occasion d’agir sur le sens musculaire sans exercer en même temps une influence sur le toucher (sens du contact et de la température), par quel moyen pouvais-je faire abstraction de la dernière sorte d’influence ? Pendant que les faits rêvés, qui tiennent à l’une ou l’autre de ces influences, se mêlent en réalité, la réflexion les distingue assez nettement. Il est naturel de rapporter au sens musculaire les mouvements rêvés : au sens cutané, au contraire, la chaleur et les contacts rêvés. Aussi voit-on que les faits rêvés tenant au contact et à la température sont beaucoup plus nombreux les nuits où l’on portait un gant que pendant celle où l’on avait le pied lié par un ruban ; plus on agit sur la peau, plus on rêve de faits cutanés. Des expériences parallèles, que je faisais faire aux aidants, en agissant particulièrement sur la peau, – en employant un gant de laine pour la main ou un bas de laine pour le pied, – semble indiquer en particulier que le toucher a beaucoup moins d’importance pour les rêves que le sens musculaire. Dans les cas, comme à l’expérience du gant, ou le sens musculaire et le toucher sont également très intéressés, ce qu’on rêve, le plus ordinairement, c’est qu’on exécute (ou voit d’autres personnes exécuter) des {p. 206] actes qui dépendent en même temps de ces différents sens ; on rêve, par exemple, comprend quelque chose, on se donne la main, etc.

d) Pour déterminer l’influence qu’exercent peut-être le côté gauche ou le côté droit ou les deux côtés, j’ordonnais une série d’expériences alternatives : Une nuit comportait le gant sur la main gauche, une autre sur la main droite, une autre encore on portait des gants sur les deux mains.

Ajoutez à cela quelques expériences pour déterminer le « hypé psychique », d’un groupe d’expérimentateurs, d’autres pour produire à l’état de veille des illusions semblable à celles du sommeil.

Quant aux résultats de mes observations et expérience sur le rôle du sens musculaire dans les rêves, je me bornerai à des généralités. Voici le résultat général :  Les personnes endormies ont une tendance plus ou moins marquée à percevoir la position d’un membre courbé, de sorte que la position perçue forme parti intégrale d’un rêve. Fait intéressant :  presque jamais on ne se trouve en rêve dans la position horizontale. La cause de cette particularité la voici : A cause de la fatigue, le champ de conscience, pendant qu’on rêve, et très restreint ; ainsi on n’est pas capable de percevoir ni l’état des muscles ni le contact du corps entier, par les couvertures de lit ; on est ordinairement restreint à sentir une seule courbature. Ce contact (ou un peu de chaleur ou de froid) et, conformément aux lois psychologiques, on interprète ses sensations isolées selon ses expériences générales, c’est-à-dire selon les différentes expériences de la journée ; on se trouve en rêve marchant, grimpant, etc., mais pas couché ; car, quant à la vie de la nuit, il n’en reste pour l’homme normal que très peu d’expérience réglées. Cependant, il ne faut pas oublier que la connaissance de la position horizontale n’est pas absolument exclue de la vie de l’âme endormie

Voici, d’après des observations et mes expériences, les formes ordinaires sous lesquelles se présente l’influence de la position des membres dans les rêves :

1° La position du membre se retrouve dans le rêve à peu près telle qu’elle est dans la réalité, c’est-à-dire : on rêve d’un état statique correspondant à l’état statique réel du membre ; les autres parties du corps se règlent dans l’esprit du rêveur selon cet état particulier, de sorte qu’il trouve son corps entier dans l’état (statique), correspondant à un état (statique) de la veille. Par exemple, celui qui dort a la plante d’un pied courbé (flexion plantaire) ; il rêve qu’il est de vous sur la pointe des pieds, peut-être regardant quelque chose.

J’ajouterai que cette première sorte de rêves (1°) est beaucoup moins fréquente que la suivante (2°).

2° On rêve que le corps se trouve dans une position où le membre en question joue un rôle prépondérant ; le membre présente – en rêve – [p. 208] un mouvement tel qu’une de ses positions dans ce mouvement correspond à sa position actuelle. Par exemple : Celui qui dort un, comme dans l’exemple précédent, la plante de pieds courbés ; il rêve qu’il danse, cours, on fait un autre mouvement, dans lequel a lieu une flexion plantaire.

Ici, comme dans le cas précédent, les autres parties du corps se présentent à l’esprit de celui qui dort conformément à l’état perçu du membre ; mais voici la différence : dans notre cas (2°) la perception de l’état du membre est plus indistincte, de sorte que la différence entre le membre fléchit, mais immobile, et le membre en mouvement n’est pas conçue ; en conséquence, la personne endormie interprète sa perception selon l’expérience la plus fréquente et comme elle exécute tous les jours beaucoup de mouvements où a lieu une flexion plantaire, tandis qu’elle se trouve assez rarement dans des positions immobiles où a lieu une telle direction, elle se rêve souvent dans un mouvement où le membre (actuellement courbés) jouent un rôle important. – Pour expliquer ce point il faut, peut-être, aussi considérer une autre circonstance très importante : l’exagération qui se trouve dans les rêves. Comme le champ de conscience est restreint en rêve, l’attention est très souvent attirée sur une seule sensation sans être contrôlé par la comparaison avec d’autres sensations, ainsi on exagère la sensation isolément conçue. Or, la sensation d’un mouvement d’un membre est, sans doute, celeris paribus,  plus marquée que la sensation d’une tension musculaire sans mouvement ; donc la conscience fatiguée qui aime à exagérer ce qu’elle sent conçoit la sensation indistincte (qui dépend, en réalité, d’un membre fléchit, mais immobile) comme si  elle dépendait d’un membre en mouvement.

Je suppose toujours ce que je regarde comme le plus ordinaire dans les rêves, c’est que les autres parties du corps ne s’accommodent pas réellement au membre en question, mais cette opération a lieu seulement dans l’esprit de celui qui rêve. Mais il y a des exceptions : dans quelques cas toute une extrémité intérieure ou toutes les deux extrémités inférieures ou même les extrémités supérieures conformément aux inférieures, se courbent à cause de la flexion plantaire. Il y a dans ces cas une irradiation du mouvement d’une partie des organes centraux ou partie voisine.

3° Au lieu de se trouver, lui-même, dans une position où un mouvement, celui qui rêve voit une autre personne (ou un animal) dans la position où le mouvement en question. Voici les faits psychiques qui rendent possible un tel changement de la personnalité : la vue d’un mouvement ou d’une position d’une autre personne est très souvent accompagnée d’une perception musculaire dans notre propre corps ; d’autres parts nous avons à l’ordinaire une tendance à nous expliquer par des images visuelles ce que nous ressentons par les autres sens ; aussi, en rêve ou la fatigue domine, nous nous expliquons nos sensations [p. 209]  musculaires par des images d’autres personnes qui se trouvent dans les mêmes états musculaires que nous-mêmes.

4° On rêve quelquefois que les mouvements en question (Cf. n°2) sont empêchés.  Ce genre de rêve est un intermédiaire entre le n°1 et le n°2.

5° parfois le membre fléchit se présente à celui qui rêve sous la forme d’un animal ou d’une chose morte qui a quelque analogie avec le membre. Ce cinquième genre de rêve n’est, comme on s’en aperçoit facilement, qu’une transformation du troisième et donne lieu à la même explication psychologique que celui-ci. Vraisemblablement cet effet de l’expérience est assez fréquent : mais seulement dans les cas ou l’analogie est évidente, on peut prouver cette sorte de causalité.

6° Dans quelques corps, assez intéressants au point de vue psychologique, le membre perçu en rêve fait naître des pensées abstraites pouvant avoir avec le membre une certaine relation. Ainsi, la perception de quelques doigts peut faire qu’en rêve on s’occupe des nombres se rapportant au nombre de doigts intéressés, par exemple qu’on voit des choses dans une ou plusieurs quantités faisant des multiples du nombre des doigts en question. Cela accuse un calcul mental fait pendant le sommeil. J’ajouterai que dans le dernier exemple, très vraisemblablement les sensations cutanées collaborent avec les sensations musculaires. Sans doute, se faites – des nombres rêvés à cause d’une sensation au doigt – accuse la relation infinie qui existe depuis notre enfance entre les nombres et les doigts de la main.

Voici les formes ordinaires des rêves musculaires.

J’ai cependant laissé de côté toutes sorte d’associations d’idées qui jouent un rôle dans ces rêves, mais qui ne se rapportent pas directement à la perception du membre en question.

Ces différents genres de rêve d’origine musculaire ne doivent pas être séparés ; ils ne s’excluent pas, mais se confondent de toutes les façons imaginables. Deux mots encore, sur la causalité des rêves musculaires :

Il résulte de nos recherches que, pendant le sommeil, le sens musculaire donne souvent naissance à différentes illusions. Celui qui dort a conscience de l’état musculaire causé par le fait qu’il a gardés pendant quelque temps la position d’un ou plusieurs membres fléchis ; mais sa conscience est vague et jusqu’à un certain degré inexact. Cette imperfection dans la conception est sans doute causée par la fatigue ; aussi celle-ci doit-elle être la cause de ce que tel genre de rêve parmi ceux que j’ai indiqués joue à certains moments un rôle plus important que tel autre.

Comme l’ont constaté les recherches de ces dernières années, il y a un certain rythme dans la profondeur de notre sommeil, mais aussi pour les périodes très courtes ; en tout cas il faut qu’il existe dans le sommeil différent degrés de fatigue dans les parties particulières des organes centraux et périphériques. [p. 210]

Les différents degrés de fatigue qu’on ressent dans le corps entier ou dans les organes spéciaux, pendant les différentes minutes et secondes du sommeil, doivent aussi influencer la vie psychique de la nuit. Ainsi, lorsque par suite d’une grande fatigue le sommeil et profond, mais pas assez pour qu’il exclut toute sensation périphérique et toute interprétation de celle-ci, on peut rêver très distinctement du membre en question sans être capable d’associer sa sensation à la notion du membre et de sa propre personne ; donc on rêve d’une chose qui a une certaine analogie, peut-être très faible, avec le membre, mais pas de celui-ci ; ordinairement, on voit cette chose, car, pour bien des raisons le sens visuel est toujours prêt à se mettre à la disposition des autres sens. Lorsque la fatigue est un peu moins grande, le sommeil un peu moins profond, on est peut-être capable d’une perception assez distincte du membre, mais pas de la concevoir comme appartenant à sa propre personne ; car la notion de la propre personnalité est une conception très complexe et surtout difficile pour l’esprit fatigué ; en ce cas-là, on associe le membre perçu à une autre personne (ou à un animal) qu’il est représenté dans la conscience de celui qui dort, que par quelques marques sensorielles ; en conséquence on voit, en rêve, le membre en question comme appartenant à une autre personne (ou un animal). Lorsque la fatigue est faible, le sommeil superficiel, on est capable de concevoir le pied ou la main comme son propre pied ou sa propre main. À quoi tient la différence entre les rêves ou le membre se présente à l’état statique et ceux où il se meut ?  lorsque le membre se présentant mouvement à celui qui dort, il faut croire que les parties des organes centraux et périphériques qui sont intéressés sont un peu plus fatigués que dans le cas où l’on rêve d’un état statique du membre ; voilà pourquoi, dans le premier cas, la perception est plus distincte et l’interprétation plus automatique que dans le second. Enfin, à quelques moments du sommeil, les centres des sensations doivent être plus fatigués que seuls de la pensée abstraite ; voilà la raison pour laquelle quelquefois, en rêve, les sensations cutanées et musculaires des doigts disparaissent, supprimées par le calcul mental.

Pour toutes ces sortes de rêves musculaires il faut, en outre, supposer que le type psychique d’une personne (type visuel, moteur, etc.) joue, lui aussi, un certain rôle ; lequel ? Je ne pourrais pas le dire exactement maintenant.

En ce qui concerne la relation qui existe entre les impressions visuelles de la journée et les images qui se présentent dans les rêves de la nuit suivante, je m’aborderai à quelques mots.  J’ai trouvé que les couleurs que l’on a vues immédiatement avant de s’endormir jouent un rôle dans les rêves. Voici ma méthode : j’ai envoyé par la poste (ou donné), avec mes aidant, des paquets bien enveloppés contenant des choses coloriées qui leur étaient inconnues ; ces paquets était destinés à n’être ouvert que quand les personnes ce serait couché. Je [p. 211] cherchais, comme on voit, à augmenter l’effet de l’expérience par la surprise. Chaque chose a été placé sur un fond convenable on l’a observé avec une grande attention, et, immédiatement après, on a fermé les yeux pour s’endormir  – toutes ces opérations ont été exécuté d’après une méthode convenue d’avance. De cette manière, j’ai trouvé que les couleurs vues avant qu’on s’endorme, en particulier les couleurs noires et blanches, tendent à entrer dans les rêves de la nuit ou à évoquer en rêve les couleurs complémentaires.  Ainsi qu’une chose noire, sur le fond d’un drap blanc, à une tendance à évoquer en rêve tantôt l’image d’une chose noire (grise) vu sur un fond blanc, tantôt l’image d’une chose blanche sur un fond noir (gris), tantôt les deux sortes d’images l’une après l’autre.  En quelque cas il semble que ce soit le contraste entre l’obscurité et la lumière intense qui étend son reflet dans le rêve. Cependant, comme je n’ai pas encore fini ses recherches, je ne traiterai pas en détail ce sujet.

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