Louis Dubosquet. Dissertation sur le cauchemar. Thèse n° 201. Présentée et soutenue à la Faculté de Médecine de Paris, le 22 juin 1815, pour obtenir le grade de Docteur en médecine. A Paris, de l’imprimerie de Didot jeune, 1815. 1 vol. in-4°, 22 p., 1 planche dépliante.
(B. n. F. : 8-TH PARIS-129 (201)
Louis Dubosquet, médecin français qui n’a pas laissé une grande trace dans la mémoire par la publication de ses travaux. C’est le seul que nous connaissons sous cette forme de thèse. ll semble qu’il ait exercé à l’Hôpital de La Salpêtrière.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de la thèse. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original. – Les images ont été rajoutées par nos soins et sont celles originales de la thèse. – Nouvelle transcription de la thèse originale établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr
[p. 5]
DISSERTATION
SUR
LE CAUCHEMAR.
On donne le nom de cauchemar à une espèce particulière de songe dont les effets sont quelquefois assez grave pour lui donner un rang parmi les maladies nerveuses. Le caractère principal de cette affection consiste dans le sentiment d’une forte pression, que le malade attribue à un poids quelconque, et le plus souvent à un être vivant, placé sur la poitrine. Les formes les plus communes sous lesquelles ce poids se présente à l’imagination sont celles d’un cheval monstrueux, d’un homme difforme, ou d’une vieille femme, qui sauteraient sur la poitrine du malade et y resteraient couchés ou assis. Cette circonstance, en apparence assez indifférente, mérite cependant d’être notée, parce qu’elle est presque constante, et que le nom de la maladie en est dérivé dans la 0plupart des langues.
Le cauchemar s’appelle en langue celtique, macherik (le petit fouleur) ; en grec, έφιαλτής, éphialte, des mots έπι (épi) sur, et άλλομαι (allomaï) je saute ; en latin, incubus et incubo (qui se couche dessus) ; en allemand, nachtmaar (cheval de nuit ; et nachtmannlein (petit homme de nuit) ; en anglais, night-mare (vieille cavale de nuit) ; en polonais, mara (la cavale) ; en patois lyonnais, chauchevieille, des mots calcare et vetula (la vieille qui foule : le mot cauchemar lui-même, vient des mots calca (basse latinité, pour calcatio) et mar, adouci du celtique march (cheval). [p. 5]
J’aurai voulu, avant de passer à l’histoire de la maladie, pouvoir rapporter ici un nombre suffisant d’histoires particulières pour en tirer les caractères généraux et la description de cette affection ; mais ces histoires sont extrêmement rares dans les recueils des observateurs, parce que, comme l’observe Caelius Aurelianus, le cauchemar n’est le plus souvent qu’une affection accidentelle, passagère, et qui n’inquiète pas assez la personne qui en est attaquée pour la porter à consulter un médecin. Je me contenterai donc de décrire le cauchemar, d’après Caelius Aurelianus, de Sauvages, et d’après ce que j’en au ouï dire à quelques personnes qui en ont été attaquées ; je rapporterai seulement ici un petit nombre d’observations particulières, plutôt comme des exemples de la maladie, que comme des bases propres à établir une description. J’en rapporterai quelques autres dans le cours de cette dissertation.
Ière. observation
« Dans un couvent d’Auvergne, un apothicaire qui était couché dans un même dortoir avec plusieurs autres personnes, ayant été attaqué du cauchemar, en accusa ses voisins ; il assurait qu’ils s’étaient jeté sur lui et avaient cherché à l’étrangler en lui serrant le cou : tous ses compagnons nièrent le fait, et assurèrent qu’il leur avait paru passer la nuit sans dormir et dans un état de fureur. Pour s’assurer du fait, on le fit coucher seul dans une chambre exactement fermée, après l’avoir fait bien souper et lui avoir même fait prendre des alimens flatulens. L’attaque revint ; mais cette fois, il jurait qu’elle était produite par un démon, dont il décrivait parfaitement la face et la tournure. On ne pût le détourner de cette idée qu’en le faisant traiter régulièrement. » (Scholiographi capite decima tertio) lib. 1. Holeri de morb. internis et Schenckius, obs. 253.) [p. 7]
II.e observation
Forestus étant enfant fut une nuit attaqué du cauchemar. Plongé dans un profond sommeil, il lui sembla qu’un chien noir s’était couché sur sa poitrine, et le pressait si fortement , qu’il craignait d’étouffer : il se réveille frappé de terreur, et jetant quelques cris confus et faibles ; ses parens étant accourus, il ne put, dans le premier moment, leur parler, mais au bout de quelques instans, tous les symptômes du cauchemar disparurent, et le malade n’en fut plus attaqué dans tout le reste de sa vie. (Forestus, lib. 10, obs. 51. )
III.e observation
« En 1801 , M. de V…, officier de marine, d’un tempérament sanguin, âgé d’environ trente-quatre ans, et bien portant, soupa à Angers à table d’hôte avec un voiturier, ancien grenadier au régiment de la Sarre. Ce dernier avait un appétit extrêmement vorace : lorsque chacun s’était servi d’un plat, et que son ctour était venu, il demandait si on en voulait encore , et. sur la réponse négative, mangeait tout ce qui restait dessus : il en fit autant de tous les plats qui furent servis.
La nuit suivante, M. de V… dormant, l’imagination encore frappée de cette espèce d’ogre, crut sentir cet individu lui sauter sur la poitrine et lui presser l’estomac, comme s’il eût voulu lui arracher les alimens qu’il contenait. M. de V… éprouve alors une violente douleur dans la région épigastrique, accompagnée de beaucoup d’oppression, se réveille en sursaut, tout en sueur et vomit. Nulle autre indisposition ne fut la suite de cet accès de cauchemar.,. »
IV.e observation
« Un ancien militaire, âgé de cinquante-deux ans, hémorrhoïdaire, d’un caractère extrêmement facile, et par conséquent [p. 8] quelquefois très-colère, vivement affecté de n’avoir pas d’enfans, sa femme ayant déjà fait quinze fausses couches, devient aliéné. Après un mois de traitement, pendant lequel il éprouva des accès souvent accompagnés de fureur, il est envoyé à Paris, où divers moyens sont employés pour établir le flux hémorrhoidal supprimé depuis lontemps. Pendant ce traitement, suivi du plus heureux succès, et pendant une nuit d’été, le malade, profondément endormi, s’éveille tout à coup, pousse des hurlemens, transporte un lit très-lourd contre sa croisée, barricade sa porte et appelle à son secours… On arrive avec de la lumière ; on le trouve pâle , effrayé , haletant, l’œil fixe, la figure couverte de sueur ; on lui prodigue des soins, on le calme : peu à peu il se rassure, se remet an lit et s’endort de nouveau. Le lendemain il expliqua les désordres de la nuit, en disant que quatre hommes s’étaient jetés sur lui pendant son sommeil et avaient voulu l’assassiner : que, se sentant pressé, étouffé par eux , il était parvenu à s’en dégager, et que les ayant vu fuir par la croisée, il y avait transporté son lit, dans l’intention de les empêcher de repasser par celte issue. »
Dans celte observation, on voit le cauchemar survenir chez un individu déjà atteint d’une autre maladie, mais offrant néanmoins les caractères qui lui sont propres :la complication précédente est d’ailleurs très-fréquente , et M. Esquirol, de qui je tiens l’observation, m’a assuré l’avoir remarquée très-souvent dans les salles des aliénés confiés à ses soins.
Les auteurs qui ont parlé de cette maladie, sans en excepter même Sauvages et Cœlius Aurelianus, n’ont pas assez exactement distingué les symptômes caractéristiques de cette affection de ceux qui sont dus à une complication. La réunion du cauchemar au songe vénérien, ou όνειρογονον des Grecs, est surtout extrêmement fréquente ; c’est elle qui a donné lieu, dans Je moyen âge, à l’opinion de l’existence des démons incubes el succubes, auxquels on attribuait également le cauchemar et les pollutions nocturnes. On donnait le nom d’incubes aux démons de ce genre qui attaquaient [p. 9] les femmes, et celui de succubes à ceux qui attaquaient les hommes.
Les Romains attribuaient la même chose aux faunes, et Pline indique par cette raison le cauchemar sous le nom de ludibria fauni ; nous ne dirons rien de plus de celte opinion, qui ne mérite pas d’être réfutée (1), et nous nous bornerons à considérer le cauchemar dans son état de simplicité.
L’invasion du cauchemar est ordinairement brusque et sans symptômes précurseurs ; le malade se sent tout à coup suffoqué par l’objet qu’il croit être placé sur sa poitrine; après ceux que nous avons précédemment indiqués, ceux qui se présentent, dans ce cas, le plus fréquemment à l’imagination du malade, sont, un génie malfaisant, un singe, un chien ou un chat; cette dernière vision est surtout commune chez les enfans , et elle est peut-être la seule cause qui ait donné lien à l’opinion vulgaire que les chats aiment à se placer sur la poitrine des enfans endormis.
Quelquefois cependant le malade aperçoit les approches de l’accès avant d’en être tout-à-fait attaqué. C’est ainsi que Sauvages, qui était sujet à cette maladie dans sa première jeunesse, croyait apercevoir un chat qui montait sur son lit, et cependant n’éprouvait de suffocation qu’au moment où il lui semblait que cet animal s’élançait de ses pieds sur sa poitrine. La gravure que j’ai jointe à cette dissertation présente quelque chose de semblable ; l’objet de la vision est double ; la malade, respirant à peine, les bras et la tête pendans hors de son lit, croit voir sur sa poitrine une espèce de singe très-gros et très-lourd, et aperçoit, en outre, un animal [p. 10] énorme, semblable à un cheval prêt à s’élancer sur elle. Quelquefois le malade éprouve le sentiment du poids sur la poitrine sans qu’il en résulte aucune vision. A ces symptômes caractéristiques du cauchemar se joignent un grand désir de se réveiller sans pouvoir en venir à bout ; une respiration bruyante, anhélante et très-pénible ; une grande anxiété ; une agitation plus ou moins marquée ; des cris confus ; un sommeil lourd, pénible et accompagné de mal de tête ; une sueur copieuse, et souvent un mouvement fébrile. L’accès finit ordinairement par le réveil en sursaut, el laisse après lui une impression de terreur et une pesanteur de tête qui se prolongent plus ou moins. Cœlius Aurélianus remarque qu’au moment du réveil toutes les ouvertures extérieures, comme le nez, les oreilles, les yeux, etc. sont humides, et que le malade éprouve une petite toux et une sorte de pesanteur du cou. Les personnes fréquemment sujettes à cet accident deviennent pâles et maigrissent.
Le cauchemar a quelquefois lieu dans l’état de veille. Rhodius cite trois hommes qui étaient dans ce cas, mais il ne décrit point la maladie. Les deux observations suivantes, d’un autre auteur, et particulièrement la première , paraissent présenter l’exemple d’un cauchemar qui avait lieu également dans l’état de veille et dans l’état de sommeil.
Observation sur un Cauchemar qui allait lieu dans l’état de veille.
« Un particulier vînt me trouver dernièrement : Monsieur, me dit- il, si vous ne me secourez, c’en est fait de moi, je tombe dans le marasme ; voyez comme je suis maigre et pâle : je n’ai plus que la peau et les os, moi qui ai toujours eu une bonne figure et un embonpoint raisonnable. — Qu’avez-vous ? lui dis-je , et à quelle cause attribuez-vous votre maladie ? — Je vais vous le dire, répondit-il, et vous en serez certainement étonné. Presque toutes les nuits, une certaine femme dont la figure De m’est pas [p. 11] inconnue, vient près de moi, s’élance sur ma poitrine, et me presse si violemment, que je puis à peine respirer ; si je veux crier, elle me suffoque, et plus je veux élever la voix, moins je le puis. Bien plus, je ne puis me servir ni de mes bras pour me défendre, ni de mes pieds pour m’enfuir ; elle me tient lié et garrotté sur la place. — Il n’y a rien là d’étonnant , lui répondis-je (je reconnus sur-Ie-champ le cauchemar), tout ceci n’est qu’un fantôme, qu’un effet de l’imagination. — Un fantôme ! s’écria-t-il, un effet de l’imagination ! Je ne vous raconte que ce que j’ai vu de mes yeux et touché de mes mains. Souvent même, éveillé et en pleine connaissance, je la vois venir à moi et s’élancer ; je cherche en vain à la repousser : la crainte, l’anxiété et la supériorité de ses forces me jettent dans un état de langueur qui me rend incapable de me défendre. J’ai couru ça et là, cherchant inutilement du secours contre un état aussi misérable : j’ai consulté, entre autres personnes, une vieille, que le bruit populaire disait être fort habile et un peu sorcière : elle me recommanda d’uriner vers le crépuscule et de boucher aussitôt mon pot de chambre avec ma bottine du pied droit : elle m’assura que, le même jour, la femme dont il s’agit ne manquerait pas de venir me trouver. Quoique cela me parût ridicule, et que la religion me détournât même de faire cette expérience, vaincu cependant par la longue durée du mal, je l’essayai. Effectivement, le même jour, cette méchante femme vint chez moi en se plaignant d’une horrible douleur dans la vessie ; mais, quelque chose que je pusse faire, soit par prière, soit par menace, je ne pus obtenir d’elle qu’elle cessât de me tourmenter par ses visites nocturnes. — Je cherchai en vain à détourner cet homme de sa folle idée ; cependant, après deux ou trois conversations, il commença à être convaincu de la nature de sa maladie et à concevoir l’espérance « de sa guérison. » (JASON, de morbis cerebri, etc. 7 cap. 26, et SCHENCKIUS, obs. 253.) [p. 12]
Observation de SAMUEL LEDELIUS, extraite des Ephémérides des curieux de la nature .
« Ma mère, pendant la première année de son mariage, fut cruellement tourmentée par un cauchemar dont les accès revenaient jour et nuit ; elle perdit ses forces, maigrit beaucoup, et tomba dans un état de langueur tel, qu’elle paraissait mourante, Elle le vit un jour s’approcher sous la forme d’une vieille femme de sa connaissance et s’asseoir dans le foyer ; elle se sentit aussitôt prise d’assoupissement, et la vieille, se jetant sur elle, la comprimait au point de lui faire perdre toutes ses forces. La malade employa inutilement différens moyens pour se délivrer de celte maladie. En fin, elle se détermina, par le conseil de quelques autres dames, à faire venir la vieille dont il s’agit, et, en leur présence, elle lui fit des reproches très-vifs, et lui dit que, si elle ne se désistait pas de son entreprise, elle la ferait punir comme elle le méritait. La vieille devint pâle et interdite, et assura qu’elle ne se sentait coupable de rien : cependant, de ce moment ma mère se trouva guérie, et n’a plus ressenti aucune atteinte du cauchemar jusqu’à ce jour, où elle touche à sa 70.e année. (Eph. déc. 2 , an. 8.)
Ce que cette observation a de plus remarquable, c’est sans doute la bonne foi de l’auteur ; elle offre un exemple de l’influence que peut avoir l’imagination relativement à la production et à la guérison du cauchemar.
L’auteur ajoute, à la suite de cette observation, deux histoires que je me garderai de présenter comme des faits, mais qu’il ne sera pas inutile de rapporter ici comme un exemple des cas dans lesquels la crédulité a vu dans le cauchemar quelque chose de surnaturel.
« Une fille sujette depuis plusieurs années à des attaques très-incommodes de cauchemar que j’attribuais à la diminution de ses règles et au phlegme dont elle regorgeait, présentait en outre ceci de remarquable , qu’ayant couché plusieurs nuits dans le [p. 13] même lit avec une de ses parentes, l’incube, passant par-dessus l’autre , se jetait sur elle ; et lors même qu’elles changeaient de place, la même chose avait toujours lieu : toutes les deux étaient éveillées et tremblantes. »
L’auteur paraît penser que, dans ce cas, le cauchemar était produit par un être vivant. Aujourd’hui, on ne trouverait peut-être rien de merveilleux à ce que, de deux jeunes personnes couchées dans le même lit, celle qui est sujette au cauchemar en soit seule attaquée , et que toutes les deux soient presque également effrayées, l’une par le fantôme qui occupe son imagination, l’autre par l’état où elle voit sa compagne, et par la cause supposée de cet état.
« Dans le district de Grunberg, une certaine personne éprouvait depuis plusieurs semaines, des attaques de cauchemar. Une nuit l’incube saisit son anneau et le lui arracha du doigt. La malade irritée alla prendre conseil auprès de je ne sais quelle sorcière. Voici ce qu’il en résulta : un matin, un jeune homme entre dans sa maison, lui remet sans lui dire un seul mot, l’anneau qui lui avait été enlevé, et se retire sans se faire connaître, laissant toute interdite la malade, qui ne fut plus attaquée du cauchemar.
Credat judœus Apella ! Si cependant il se trouvait quelques personnes disposées à ajouter foi à cette histoire, elles ne manqueraient pas sans doute de moyens de l’expliquer.
Prognostic. Le prognostic du cauchemar ne peut, dans la plupart des cas, être fâcheux ; un grand nombre de personnes n’en ont été attaquées qu’une ou deux fois pendant le cours d’une longue vie, et beaucoup d’autres ont été sujettes pendant long-temps à de fréquens retours de cette affection, sans que leur santé en ait d’ailleurs notablement souffert. Cependant on a vu quelquefois le cauchemar se terminer par la mort. Rhodius cite le cas d’un professeur de Pavie chez lequel le cauchemar fut suivi d’apoplexie. L’observation suivante présente également un exemple de cauchemar terminé par la mort, qui probablement a été due à la même maladie. Je n’essaierai point de la traduire ; je ne saurais par quelles. [p. 14] expressions rendre en français la burlesque élégance de l’original ; je craindrais de le gâter, et je me contenterai en conséquence de copier exactement.
Observatio D. MICHAELIS FREDERICI LOCHNERI, incubus lethalis.
« Ephialtem nocturnum illum malum è casto verhi insilire utero prodeuntem, prodromum apoplexiœ, epilepsi , maniœ , cœterarumque furiarum morbosarum unanimis hactenùs medicorum chorus credidit ; lethalem vero observare mihi licuit, cujus observationem susurro anser tot curiosis interstrepere volui oloribus.
Juvenem 18 annorum quoties placidus clausisset Iumina somnus, in quocunque Iatere decumbentem, cordolium tangit et angit ; comprimit pectus,
Monstrum horrendum, informe, ingens , cui lumen ademptum ;
« hâcque compressione microcosmi oliam coaretat, indèque respirationi inviam viam reddit ; ejulare, vociferari , incumbentem dmonem conviciis petere, pugnos cum illo conferre, brachia brachiis inserere, falso se credit ; cum immoto reverà lingu artuumque motu mortui ad instar in lecto procumbat. Tandem movendo nihil promovens expergiscitur, vires deject ut neque pes neque manus suo fungi possii officio ; oculi( ut in prjudicio est) quasi fracti, palpitans lingua, respiratio adhucdùm diffieilis, unico verbo, nilnisi morti. imago. Insomnem juvenem per totum ferè diem dirum hoc somnium reddidit ; quo spatio spiritum vix ac ne vix trahens adstaruibus , invidorum fatorum vices retulit. Moriente jam die, lethi rursùs fratre et quidem placidissimè per semihorulam corripùur ; succedunt ronchi ex intimis visceribus haussi, suspiria concateneta , irrit ir, vana conamina, insana feroeientis incubi prsagia. Vellicat dormientis aures adstantmm murmur, tangunt onuum. extremitates setarum cuspides, nares graveolentium exhalationes feriunt, alvum denique suppositorium aere sollicitat, sed [p. 15} incusum omnia. Integras tres somni horas concomitabantur decumbentem hæ anxietates ; luci tandem redditur ; Latonæ facie plenâ resplendentis imaginem præsefert, tumida facies oculorum cavitates ferè implet , ut maximè distaret ab illo olim juvene quém nitidula facies Cyparissi de gente comptulis nepotibus adscripsérat. Prædixi rébus sic stantibus tristia auguria ; nec fefeilere præsagientis animum. Immerso enim iterùm somno, placida licet brevissima quies effœtum incubi fœtum rursùs progenuit. Varia adhibita , sed irritus labor ubi parca non decrevit parcere. Per horam integraru rursùs incumbente et desæviente malo, totâ facies quanta quanta erat nil nisi vesicula , Iimpidissimo liquore acidum spirante repletâ ; deformis sanè forma indè. »
Obstupui, steteruntque comæ, et vox faucibus hæsit.
Cùm moribundus, ter salvaroris Jesus nomen ingeminans, incubum alta voce increparet, adsiantes àmicos salutaret, ultimum scilicet vale dicturus. Et sic in memento cum ejus vita lethalis incubus, gemitus, ejulatus, et hæc mea observartio cessat. » ( Eph. curiosorum naturœ , dec. 2, an. 5, observatio 220.)
Je ne citerai point parmi les exemples de cauchemar mortel les observations rapportées par Bonnet. Dans toutes, la mort a été évidemment due à d’autres maladies que le cauchemar : je me contenterai de donner l’analyse d’une de ces observations.
« Un jeune homme, qui depuis long-temps était attaqué d’une hypochondrie dont les principaux symptômes étaient une grande tristesse et de fréquentes attaques de cauchemar, fut pris tout à coup d’un vertige analogue à l’épilepsie, de faiblesse de la tête et de la vue, et tomba dans la rue en se promenant : dix jours après, il mourut dans les convulsions, A l’ouverture du corps, on trouva le ventricule gauche du cerveau rempli de sanie, de mucosités et de matière putrescente ; la surface du cerveau en était également tapissée. »i Boneti sepulchret , t. 1, p. I80 ). [p. 16]
Il est évident que ces désordres ne pouvaient être attribués qu’à la maladie aiguë dont le malade est mort, et qui paraît avoir été une inflammation des méninges.
Silimaque , médecin de la secte d’Hippocrate au rapport de Cœlius Aurelianus, a vu à Rome le cauchemar régner épidémiquement et se terminer par la mort ; il est probable que, dans ce cas, cette affection était le symptôme le plus marquant d’une maladie compliquée, et peut-être le masque d’une fièvre pernicieuse. L’observation suivante offre un exemple analogue.
Incube périodique sous le type tierce.
« Une jeune fille de neuf ans, jusques-là bien portante, fut attaquée au mois de mai de l’année 1552 d’une affection périodique qui revenait tous les deux jours, vers neuf heures du soir, au moment où la malade allait se coucher. Cet accès, qui revenait aussi régulièrement qu’une fièvre intermittente, commençait par un sentiment de resserrement dans la poitrine et le ventre : la malade saisissait fortement les mains des assistans ou les autres objets environnans, et s’en faisait un point d’appui pour pouvoir dilater plus facilement le ventre et la poitrine ; ses yeux restaient ouverts , et paraissaient fixer fortement quelque chose ; elle ne pouvait répondre aux questions qu’on lui faisait, quoiqu’elle parût avoir sa connaissance et être dans l’état de veille ; le ventre se gonflait, la respiration était extrêmement difficile, et il semblait que la malade eût un poids sur la poitrine qui l’empêchait de parler. L’accès durait à peu près deux heures, et tous les accès étaient exactement semblables. Appelé auprès de la malade au milieu d’un paroxysme, j’essayai vainement de la réveiller à l’aide de frictions et de plusieurs autres moyens ; elle ne se réveilla qu’au bout du temps [p. 17] ordinaire. Je fis introduire dans l’anus un suppositoire de poudre d’hiéra picra et de sel gemme, incorpores avec du miel, afin de produire un point d’irritation et de dérivation dans cette partie. Ce suppositoire produisit sur le champ une évacuation d’excrémens très-bien élaborés. Le paroxysme fini, la malade resta très faible : je lui fis donner un peu de vin odorant avec de la rapure de véritable licorne (unicornu-verum) : elle dormit mieux pendant toute la nuit. La mère, qui s’imaginait que sa fille était attaquée des vers, lui donna de la semence de zédoaire ; la malade ne rendit point de vers. Le lendemain matin, lorsque je la revis, je trouvais le pouls à peu près dans l’état naturel ; pendant l’accès, il avait été très-fréquent, petit et faible. Pour empêcher que l’accès ne revînt à l’heure accoutumée, je fis prendre un peu abondamment à la malade de la bière, dans laquelle on avait suspendu un nouet de semence de pivoine que l’on exprimait de temps en temps : la proportion était d’une once de graisse de pivoine pour cinq livres de bière. L’accès suivant fut beaucoup plus léger, et bientôt la malade fût entièrement guérie par la continuation du même remède. (Forestus, l. 10. obs. 52.)
Cette observation paraît évidemment présenter une fièvre larvée sous le masque d’un cauchemar ; il n’est pas aussi facile d’examiner quelle influence la graine de pivoine a pu avoir sur sa guérison. Malgré les éloges que Forestus et autres auteurs ont donnés à cette plante, elle ne paraît pas être plus énergique et plus constante dans ses effets que les autres antispasmodiques, et il serait très-possible que, dans le cas dont il s’agit, la guérison de la maladie fût due aux seules forces de la nature.
Prédispositions et causes occasionnelles.
Ce sont en général celles de la pléthore, celles qui disposent aux affections gastriques, et surtout la plupart de celles qui occasionnent les maladies nerveuses. (Quelques-unes de ces dernières [p. 18] sont même fréquemment accompagnées de l’affection qui nous occupe.) Ainsi, sont plus exposés au cauchemar, 1° ceux qui mènent un genre de vie trop sédentaire, qui se nourrissent d’une manière trop succulente, et couchent habituellement sur le dos. Dans ces circonstances, un lit trop chaud, le poids des couvertures, le souffle étouffant du vent du midi, et surtout la suppression d’une évacuation sanguine habituelle, suffisent pour le déterminer. 2° Ceux qui, ayant l’estomac mal disposé, se livrent à des excès de table, surtout le soir ; et en général, ceux chez qui l’on observe quelques signes d’embarras gastrique, tels qu’une langue chargée, des vents rendus par en haut, des nausées, de la pesanteur de tête, etc. Le cauchemar que le mauvais état de l’estomac est susceptible d’occasionner attaque particulièrement les individus crapuleux qui se mettent au lit aussitôt après avoir pris leur repas, surtout s’ils dorment sur le dos, ayant la tête dans une position horizontale. Les enfans, et principalement ceux qui sont d’un appétit vorace, y sont plus sujets que les adultes ; et dans ce cas , l’espèce de rêve qui les tourmente varie selon les circonstances de leur éducation. S’ils ont eu peur, dans le temps de la veille. de certains animaux, comme d’un chut, d’un singe, etc., c’est l’idée de quelqu’un de ces. animaux que leur imagination leur présente. Si ceux qui en ont soin les entretiennent de contes de sorciers, de spectres, de génies malfaisans, ils s’imagineront être pressés, étouffés , étranglés par ces monstres divers. 3° Ceux qui sont doués d’une grande sensibilité physique ou moral, d’une imagination exaltée ; les esprits faibles, chez qui certaines conversations, certaines lectures. peuvent produire une impression profonde ; les individus qui passent brusquement d’une vie active à un état sédentaire ; ceux qui se livrent avec trop d’assiduité aux travaux du cabinet et aux méditations de tout genre ; ceux qui abusent des narcotiques ; ceux qui font des excès dans les plaisirs de l’amour, ou qui s’en privent après en avoir long-temps joui ; et en général tous ceux qui sont soumis à l’influence des causes qui produisent l’épilepsie, [p. 19] l’hypochondrie, la mélancolie, la manie, l’hystérie et le somnambulisme. Le cauchemar pourrait même, dans beaucoup de cas, être considéré comme un symptôme précurseur ou concomitant de la plupart de ces dernières maladies. Je m’en suis convaincu moi-même dans plusieurs salles de la Salpêtrière, et M. Esquirol qui a bien voulu me donner quelques renseignemens à ce sujet, m’a assuré avoir fait fréquemment la même observation. Cœlius Aurelianus pense de même à l’égard de l’épilepsie.
Peut-être pourrait-on ranger parmi les causes du cauchemar un poids réel appliqué sur le tronc, comme celui d’un trop grand nombre de couvertures. Le fait suivant, quoiqu’il ne présente pas, à proprement parler, les symptômes du cauchemar, peut rendre probable l’opinion que j’émets. Je le tiens d’un médecin de cette capitale ; je le rapporterai dans les termes mêmes qu’il me l’a raconté.
« Une nuit que je dormais d’un profond sommeil, des voleurs entrent chez moi, et pénètrent dans ma chambre ; je veux crier, ils se jettent sur moi, et me saisissent à la gorge : je me débats de toutes mes forces ; vains efforts ! je me sens suffoquer… Je me réveille en sursaut, les bras en croix , le cou en avant et pressé palr le bord des couvertures, que je tendais fortement des deux mains. »
Sauvages met au nombre des causes du cauchemar les affections vermineuses et l’hydrocéphale. Peut-être les premières peuvent elles occasionner quelquefois le cauchemar, mais toutes les observations qu’il indique pour prouver l’influence de la seconde de ces causes sont des cas dans lesquels le cauchemar était réuni à l’hydrocéphale, mais sans que l’on pût déterminer en aucune manière si la première de ces maladies dépendait de la seconde.
Complications. L’affection qui se trouve le plus souvent réunie au cauchemar, c’est le songe vénérien ; nous en avons déjà parlé au commencement de cette dissertation : le cas rapporté par Sauvages, d’après Fortis ou Le Fort, en offre un exemple très-caractérisé. [p. 20]
« Une jeune fille rêvait qu’elle se trouvait dans les bras d’un homme qui ne lui était point désagréable : elle se réveilla avec un sentiment de poids sur la poitrine, des douleurs dans le cou, une grande anxiété ; de la moiteur à la face et sans pouvoir respirer ni parler. »
Plusieurs des observations rapportées par Bonet, présentent, comme nous venons de le dire, des exemples de complications avec l’hydrocéphale.
Morgagni rapporte un cas dans lequel cette maladie était compliquée avec un anévrisme actif du cœur. (Voy. épître 18, article 6. ) J’ai vu moi-même un exemple de cette complication chez une aliénée.
Traitement. D’après ce que nous avons dit, on conçoit facilement que les moyens à opposer au cauchemar doivent varier autant que ses causes ; les indications Ssont, du reste, faciles à remplir. Est-il occasionné par la pléthore, on se trouve bien de ne point souper, ou au moins de ne se coucher que lorsque la digestion est faite : un exercice journalier, des boissons délayantes, un régime moins succulent, la saignée, si la pléthore est trop prononcée, le séjour dans des lieux dont l’air est vif, sont les moyens qui réussissent le mieux. On doit aussi avoir soin de se coucher sur Je côté, et avoir la tête et les épaules élevées durant le sommeil. Dans le cas où le cauchemar est le symptôme d’une affection de l’estomac, on doit recourir aux vomitifs, surtout s’il y a embarras gastrique ; s’abstenir du souper, ne point faire usage d’alimens cru, prendre des boissons aqueuses abondantes, et ne pas oublier, de même que dans le cas précédent, de se coucher de préférence sur le côté : si les forces de l’estomac sont languissantes ; quelques stomachiques amers, le quinquina, la rhubarbe, seront ensuite trèsutiles. A l’égard du cauchemar produit par quelque affection nerveuse, on doit écarter avec soin tout traitement polypharmaque, et entrer de préférence dans les principes de la médecine antique ; [p• 21] conseiller avec Celse, Arétée, etc., le séjour à la campagne, une société choisie et gaie, des exercices du corps varies, les frictions, et, en un mot, l’application des préceptes les plus sages de l’hygiène ; préceptes qu’on doit cependant subordonner, de même que dans les deux cas précédens, à l’âge, au sexe et au tempérament des individus. Si, le cauchemar reconnaît pour cause une maladie nerveuse bien caractérisée , telle que l’épilepsie, l’hypochondrie, l’hystérie, etc. , on aura recours, pour sa guérison, au traitement de ces diverses maladies. Si c’est une affection vermineuse qui l’a produit, il est tout simple de penser qu’on doit avoir recours aux anthelmintiques.
L’observation sui vante, rapportée par Bonet, présente un exemple de guérison par une méthode purement mécanique, et qui pourrait facilement être employée dans les cas analogues:
« Un homme robuste, et d’ailleurs bien portant, éprouvait, depuis deux ans, des attaques de cauchemar qui le prenaient toutes les fois qu’il lui arrivait de dormir couché sur le dos. Il prit le parti de faire, coucher dans son lit un domestique, qui, lorsqu’il s’apercevait que son maître éprouvait une attaque de cauchemar, le retournait sur le côté. Ce procédé ne manqua jamais de faire cesser l’accès sur-Ie-champ. »
NOTE
(1) Ce que l’on a dit de plus raisonnable sur ces démons incubes succubes se trouve dans le passage suivant de Craanen : De incubo porro el succubo multum creditum fuit à superstitiosis hominibus et credulis, sine dubio ed inventio adulterarum, et puellarum non pudicarum et parùm castarum ; quae vim sibi illatam putant à genio aliquo incubo, et sic sine patre natum, pro duxissee unfantem, aut infantem à succuba editum volunt.
LAISSER UN COMMENTAIRE