Alexandre Cullerre. Les objets de piété comme instruments de meurtre. Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie normale et pathologique, (Paris), Tome quinzième, 1900, pp. 442-444.
Alexandre Cullerre (1849-1934). Médecin psychiatre, défenseur du magnétisme et de l’hypnotisme, comme nous pouvons le constater dans la publications suivante.
Quelques ouvrages écrits pas Alexandra Cullerre :
— Recherches cliniques sur la période de début de la paralysie générale. Thèse de la faculté de médecine de Paris. Paris, A. Parent, 1873. 1 vol. in-4°, 39 p.
— Magnétisme et hypnotisme. Exposé des phénomènes observés pendant le sommeil nerveux provoqué au point de vue clinique, psychologique, thérapeutique et médico-légal. Avec un résumé historique du magnétisme animal. Paris, J.-B. Baillière et Fils, s. d. [1885], 1 vol. 12/18.5, 172 p., 1 fnch.
— Magnétisme et hypnotisme. Exposé des phénomènes observés pendant le sommeil nerveux provoqué au point de vue clinique, psychologique, thérapeutique et médico-légal. Avec un résumé historique du magnétisme animal. Avec 23 figures intercalées dans le texte. Paris, J.-B. Bailliète et Fils, 1886. 1 vol. in-8°, VIII + 381 p., 3 ffnch. – Deuxième édition : Deuxième édition avec 28 figures. Paris, J.-B. Baillière et Fils, s. d., [1887]. 1 vol. 12/18.5, 358 p. Dans la « Bibliothèque scientifique contemporaine ». – Troisième édition revue et corrigée. Avec 36 figures intercalées dans le texte. Paris, J.-B. Baillière et Fils, 1892. 1 vol. 12/18.5, 300 p., 2 ffnch.
— Les frontières de la Folie. Paris, J.-B. Baillière et Fils, 1888. 1 vol. in-8°, 360 p. Dans la « Bibliothèque scientifique contemporaine ».
— Traité pratique des maladies mentales. Paris, J.-B. Baillière et Fils, 1890. 1 vol. in-18, VII p., 618 p.
— Nervosisme et névroses. Hygiène des énervés et des névropathes. Deuxième édition. Paris, J.-B. Baillière et Fils, 1892. 1 vol. in-16, 352 p. Dans la « Bibliothèque scientifique contemporaine ».
— La thérapeutique suggestive et ses applications aux maladies nerveuses et mentales, à la Chirurgie, à l’Obstétrique et à la Pédagogie. Paris, J.-B. Baillière et Fils, 1893. 1 vol. 12/18.7 [in-16], 318 p., 1 ffnch. Broché. Dans la « Bibliothèque scientifique contemporaine ».
— L’hystérie à Madagascar. Extrait de la « Revue de l’hypnotisme expérimental en thérapeutique », (Paris), neuvième année, 1894-1895, 1895, pp. 317-319. [en ligne sur notre site]
— Cullerre (Alexandre), Dr. Infanticide et hystérie », (Paris), Archives de neurologie, n°102 , 1896. Evreux, impr. de C. Hérissey, 1896, 11 p.
— Les enfants nerveux. Education et prophylaxie. Education et prophylaxie. Paris, Librairie Payot & Cie, 1914. 1 vol.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original mais avons corrigé quelques fautes de frappe. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr
[p. 442]
LES OBJETS DE PIÉTÉ COMME INSTRUMENTS DE MEURTRE
DANS LE DÉLIRE RELIGIEUX
par le Dr A. CULLERRE,
médecin-directeur de l’asile d’aliénés de la Roche-sur-Yon.
L’homicide, le suicide, les mutilations accomplis avec une sombre et cruelle énergie et une sûreté de main qui tient de l’automatiste sont le propre du délire religieux. Ce fait d’observation est trop connu pour que je veuille y revenir ; il est pourtant un fait qui, dans l’histoire de ces réactions délirante, n’est pas complètement étudié, c’est le choix des moyens mis en œuvre par les aliénés mystiques pour obéir à ces impulsions.
On sait que l’exécution des actes dont nous parlons a parfois une signification symbolique. A côté de ceux qui tuent dans des conditions banales, uniquement occupés de l’idée d’expédier leur victime au ciel, il en est qui s’entourent de circonstances extraordinaires, prétendant, par exemple, renouveler le sacrifice d’Abraham. D’autres, comme Lovat, se crucifient tout vivants en mémoire du supplice du Christ ; d’autres, pour se mutiler, se coupentle bras qui a été l’instrument du péché ; nombreux sont ceux qui, pour s’assurer un degré de perfection supérieur ou pourse punir d’un manque à la chasteté, s’amputent les parties génitales ; ce dernier cas est particulièrement fréquent si j’en crois ma propre expérience, car j’ai observé successivement [p. 443]quatre aliénés qui sous l’influence des remords, avaient cherché à se débarrasser de leurs testicules, Mais de même que l’exécution de l’acte peut être empreinte d’un cachet symbolique trahissant ainsi d’une façon éclatante son origine, de même l’instrument choisi peut emporter à son tour une signification nettement mystique et religieuse.
Peut-être doit-on voir précisément quelque signification de ce genre dans l’emploi préféré du couteau ou de la hache par les délirants religieux chroniques, l’arme blanche étant celle à laquelle les livres sacrés font le plus fréquemment allusion. J’ai été frappé de ce fait qu’un mégalomane religieux observé par moi depuis plusieurs années, ayant, pour obéir àune voix d’en haut, sacrifié dans la même nuit son père, sa mère et leur domestique, s’était servi d’une hache, arme dont il n’avait pas l’habitude, alors que, passant une partie de son temps à la chasse, il maniait presque quotidiennement un fusil.
Mais une preuve plus certaine de ce choix mystique, qu’il soit pleinement conscient ou simplement inspiré par d’obscures auto- suggestions ignorées du malade lui-même, nous est donnée par desfaits dont la signification n’est pas le moins du monde douteuse. Ce sont ceux où le fétichisme religieux intervient pour fournir l’instrument qui servira à la perpétration de l’acte impulsif : objets de piété, crucifix, statuettes, médailles, chapelets. Ces objets ne sont pas, pour nombre de croyants, de simples signes, de pures images, mais des choses qui participent de la divinité, qui sont douées d’une mystérieuse puissance.
Dans le choix de ces instruments de meurtre, l’intention mystique est évidente. Frapper quelqu’un à l’aide de ces instruments sacrés, c’est commettre une action doublement justifiée et par l’absence de péché pour celui qui l’exécute, et par la sanctification de la victime. Se tuer ou se mutiler soi-même dans les mêmes conditions, c’est exécuter un acte d’expiation ou de sacrifice également innocent, louable et utile pour le salut. Ce raisonnement n’est peut-être pas explicitement formulé par le malade, surtout si celui-ci appartient à la forme aiguë du délire religieux où la conscience subit de si fréquentes éclipses, soit partielles, soit même totales, mais il existe en substance au fond de sa pensée la plus intime ; c’est de cette pensée toute saturée de mysticité que fait irruption l’impulsion la plus soudaine et la plus aveugle en apparence, aussi bien que l’impulsion consciente qui, avant d’aboutir à sa conclusion logique, a obsédé et angoissé le malade pendant des jours, parfois des mois et des années. [p. 444]
Cette sorte de neutralisaton manichéenne du principe du mal par celui du bien est d’ailleurs fréquente, dans un autre ordre d’idées, chez les délirants mystiques.
Un des malades que j’observe actuellement, voulant combattre en lui-même et en sa femme le démon de la concupiscence, la faisait coucher auprès de lui un rosaire enroulé autour de ses hanches et de ses cuisses. Une aliénée citée par MM.Vallon et Marie se livrait à la masturbation à l’aide d’un crucifix « croyant sanctifier l’acte ».
Il me souvient d’avoir été une fois appelé en toute hâte auprès d’une malade qu’une de ses compagnes, atteinte de délire de couleur religieuse, venait d’asphyxier à moitié en lui enfonçant de force un chapelet dans la gorge afin de chasser le démon dont elle la disait possédée. J’ai vu assez fréquemment des aliénés avaler, dans un but de sanctification, des médailles bénites ou encore leur anneau de mariage, objet qui, par son symbolisme mystique et par la bénédiction rituelle qu’il a reçu dans la cérémonie religieuse de l’union conjugale, est supposé doué de vertus préservatrices. En 1890, j’ai observé une femme qui a étouffé son enfant en lui enfonçant jusqu’à ce que mort s’ensuivît une statuette de la Vierge dans la bouche. En 1892, j’ai soigné un jeune homme qui, dans une crise délirante, assomma presque son père en lui assénant sur la tête un coup porté avec une statue en plâtre de la Vierge. Enfin ces temps derniers, je recevais une femme qui dans un paroxysme délirant avait, pour se préserver du démon, avalé un christ de métal brisé et qui succombait quelques jours après à des hémorragies foudroyantes du tube digestifcausées par les aspérités de ce corps étranger d’un genre peu ordinaire. Je donnerai ici la relation de ces trois faits cliniques qui, tous les trois, appartiennent à la forme aiguë hallucinatoire du délirereligieux.
(Annales médico-psychologiques, mars 1900.) [Nous n’avons pas trouvé trace de cet article à la référence indiquée.]
LAISSER UN COMMENTAIRE