Jean Vinchon. Les aspects du diable à travers les divers états de possession. Article parut dans le numéro spécial des » Etudes carmélitaines » sur « Satan ». (Paris), Desclée De Brouwer, 1948. 1 vol. in-8°, 666 p. –pp. 464-471.
Jean Vinchon nait à Ennemain près de Péronne en 1884, et meurt à Paris le 15 novembre 1964. Sa thèse de doctorat en médecine, ayant pour thème le délire des enfants, en 1911 devant un jury de la Faculté de médecine de Paris. Il sera un collaborateur de Gilbert Ballet, et Médecin assistant du service de psychiatrie à l’Hôpital de la Pitié de Laignel-Lavastine. Psychiatre et historien de la médecine il s’intéressera beaucoup au paranormal, au diable, à l’hypnose, mais aussi à l’art dans ses rapports avec la folie. Il collaborera avec Maître Maurice Garçon dans un ouvrage qui reste une référence : Le Diable. Il sera membre de l’Institut Métapsychique International (IMI).
Quelques titres de travaux parmi les 500 publications connues :
—Délires des enfants. Contribution à l’étude clinique et pronostique. Thèse de la faculté de médecine de Paris n°388. Paris, Jules Rousset, 1911. 1 vol. in-8°, 165 p., 2 ffnch.
— Le songe de Poliphile ou la tradition dans Freud. Article parut dans la publication « Le Disque vert », (Paris-Bruxelles), deuxième année, troisième série, numéro spécial « Freud », 1924, pp. 62-69. [en ligne sur notre site]
—Hystérie. Paris, Stock, 1925. 1 vol. in-16, 122 p.
— L’art et la folie. Paris, Stock, 1924. 1 vol. in-18, 127 p. Illustrations. Dans la collection « La culture moderne».
— Les guérisseurs – Du rôle de la suggestion dans les succès obtenus par les guérisseurs (Institut International d’Anthropologie n°13 de 1928).
— Sur quelques modalités de l’Art inconscient (juillet-août 1928).
— Les faux Dauphins et leurs prophètes (juillet-août 1929).
— Le fluide de Mesmer est-il une énergie physique ou une force métapsychique (juillet-août 1935).
—- Le problème des stigmates et son intérêt métapsychique (nov.-déc. 1936).
Diagnostic entre la transe médiumnique et les états similaires pathologiques (sept.-oct. 1937).
— La psychothérapie dans l’œuvre de Mesmer (mai 1939).
— La part de la maladie chez les mystiques. L’article que nous proposons est extrait d’une revue devenue fort rare : Pro Medico, revue périodique illustrée. Paris, 3e année, n°2, 1926, pp. 36-44. [en ligne sur notre site]
— Les formes et les éléments de la psyché dans la conception de Jung (15 avril 1954). (Marcel Martiny, 1964).
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr
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Les aspects du diable au travers les divers états de possession
Les récits de possession présentent de nombreux traits communs, quels que soient le milieu, le temps, la civilisation pour celui qui envisage seulement la partie naturelle des possessions. Les possédés de l’Évangile semblent peu différents de ceux qu’observent les missionnaires dans l’Afrique Noire ou l’Asie mystérieuse, dont certaines contrées comme la Mongolie sont hantées par les démons, suivant les légendes. Les possédés de l’antiquité, ressemblent aux possédés modernes, avec cette réserve que les esprits des morts jouaient, avant la venue du Christ, le même rôle que plus tard le Démon. Enfin les possédés admis comme tels par l’Église paraissent souffrir et se comporter sur beaucoup de points comme les malades atteintes de délires de possession. Ils en diffèrent par des caractères qui décèlent une action praeternaturelle et par des évolutions fréquentes vers la guérison après l’exorcisme.
Le milieu a pu multiplier les cas de possession, mais il n’a pas pu les créer de toutes pièces. Des tendances intérieures, presque banales chez l’homme, ont joué un rôle plus important. L’observateur qui part du scrupule et de l’angoisse et suit la filiation des états qui en dérivent jusqu’à la possession aboutit à cette hypothèse que chacun porte un démon en soi, mais qu’heureusement tous les humains ne deviennent pas sa proie. L’étude de cette filiation apprendra les diverses actions du Diable sur le corps et l’âme du possédé qu’elles transforment au point qu’il est possible de retrouver chez ce dernier quelques aspects du Diable, ou si on préfère des forces du mal dont les incroyants eux-mêmes ne nient pas l’existence. Les journaux qui ont consacré des articles à Hitler et à sa doctrine n’ont pas hésité à les qualifier de démoniaques, même quand ils s’adressaient à des lecteurs étrangers à tout dogme religieux.
La communauté des dispositions antérieures à l’envahissement des forces du mal explique à la fois certaines ressemblances des possédés entre eux et la contagion de la possession. Néanmoins ces derniers faits ne peuvent être retenus comme des preuves que la possession est un phénomène naturel. Pour l’Église, la maladie n’exclut pas l’action démoniaque. Dans les anciens manuels d’exorcisme, elle mêlait aux rites les Remedia Corporalia : aujourd’hui ses prêtres font soigner les possédés en même temps qu’ils prient pour eux.
Les dispositions intérieures qui préparent la possession se traduisent par des signes physiques, intellectuels et affectifs dont l’ensemble est complet quand celle-ci est installée.
Les signes physiques consistent d’abord dans les changements de mimique. Le possédé devient méconnaissable, diffère de lui-même au point qu’à Loudun, les grands seigneurs et les curieux venaient voir la figure du Diable qui se substituait à la figure ordinaire des religieuses. Si la possession est déjà ancienne, le changement de mimique est complété par l’amaigrissement et le ballonnement du ventre. Les traits expriment la colère, la haine, la moquerie, l’insulte. Les viscères contractés et spasmés altèrent en même temps les fonctions de l’organisme. Le teint change, les nausées, les vomissements, l’aérophagie, l’aérocolie apparaissent avec les borborygmes, la langue sale, la fétidité de l’haleine. Des viscères spasmés dont la sensibilité n’est pas perçue dans l’état de santé, montent des sensations pénibles et angoissantes; des irritations de la peau et des muqueuses les complètent. Le malade explique ces douleurs angoissantes par la présence d’un animal ou d’un diable qui se déplace souvent, dans son ventre, le mord, le pince, le brûle, le torture de toutes manières.
Le tableau est complété par des vertiges, des maux de tête, et des sensations paraissant provenir de l’extérieur: douleurs de la nuque violentes, imposant la conviction d’un coup qui vient d’être reçu, douleurs de la colonne vertébrale, du même ordre, avec la même interprétation. Il faut ajouter des tiraillements, des crampes, des impressions de gonflement et de tension plus ou moins mobiles que le sujet décrit comme des pénétrations du Diable dans son corps ou des sorties de ce même Diable.
La voix change aussi. Elle n’a plus le même timbre, elle devient grave, menaçante, ou sardonique, moquant les personnes les plus respectables, tenant des propos érotiques ou scatologiques inaccoutumés. L’écriture automatique apparaît par crises au milieu d’une page de l’écriture habituelle. Il arrive que le porte-plume soit arraché et jeté au milieu de la pièce. Parfois la page est sabrée d’un trait rageur qui déchire le papier ou l’éclabousse de taches d’encre. Les écrits automatiques des possédés diffèrent par leur caractère violent de ceux des médiums.
Le possédé se représente le diable qui l’habite comme ayant un corps plus petit que le sien. Cette représentation de la petitesse du corps du Diable explique les innombrables diablotins des cathédrales gothiques et ceux qui assaillent certaines statues du Bouddha. Du fait de sa petitesse, le Diable malgré qu’il soit toujours méchant peut changer de caractère, devenant une sorte d’enfant pervers ou d’animal redoutable et pourtant méchant, traduisant sous des formes symboliques l’ambivalence affective sur laquelle nous reviendrons.
Les réactions des possédés ont un caractère commun: l’impulsivité agressive qui peut être remplacée par son contraire: l’inhibition. Les insultes, les gestes menaçants, les mots écrits par une main qui a perdu tout contrôle, apparaissent brusquement, d’une manière imprévisible, de même que les crampes, les contorsions des membres, les crises convulsives. L’apparition de l’impulsivité indique l’envahissement de la personnalité. L’agressivité contre Dieu et contre les hommes révèle le ton de l’affectivité de la nouvelle personnalité. Ces réactions, bien qu’elles semblent échapper au contrôle psychique ne sont pas inconscientes. Le possédé sait qu’un autre pense, parle, agit par son intermédiaire et il en souffre cruellement; de même il aura conscience des inhibitions et en souffrira.
Une sensation revient souvent, à la fois dans les histoires démoniaques et dans les récits d’expériences métaphysiques. Les sujets ou les assistants éprouvent brusquement des impressions de froid glacial, parfois semblant sortir des murs. Au sabbat l’arrivée du Diable s’annonce par des effluves glacées et un contact réfrigérant. Des mains froides saisissent la nuque du démoniaque, un vent froid souffle tout à coup. La chair de poule de la peur, le refroidissement des extrémités explique en partie cette sensation de froid, mais parfois aussi elle semble inexplicable. Elle s’accompagne généralement de frigidité sexuelle. Les sorcières étaient frigides et c’était là une des marques du Diable pour les Inquisiteurs. Refroidissement et frigidité vont de pair avec l’insensibilité à la douleur: dans la possession, les sujets peuvent être brûlés, piqués sans se plaindre, sans faire de mouvement, sans changer de couleur.
La possession trouve les fonctions féminines, crée des grossesses fictives avec distension exagérée du ventre et mêle ses effets à ceux de l’âge critique. Elle jette le désordre dans toute la vie instinctive, supprime l’appétit ou fait apparaître des boulimies, avec besoins impérieux d’aliments étranges ou répugnants.
Divers signes intellectuels sont mentionnés dans les manuels d’exorcisme comme la faculté de connaître les pensées d’autrui, les événements futurs ou éloignés, et toutes les choses cachées, comme l’usage de langues inconnues jusque-là, comme les actes contraires aux lois de la nature: lévitation, déplacement instantané à travers de grandes distances. Ces derniers signes sont rares et constituent la partie préternaturelle des possessions dont nous n’avons pas à nous occuper. Nous nous arrêtons seulement aux faits groupés par les métapsychistes sous le nom de connaissance paranormale qui peuvent paraître préternaturels dans certains cas, dans d’autre rentrer dans l’ordre de la nature.
Cette connaissance est limitée chez les médiums. Dans des cas indiscutables, ils donnent, sans supercherie possible, des dates, des noms propres qui imposent la conviction. Mais ils se trompent souvent. L’entraînement augmente la connaissance paranormale mais jusqu’à un certain point. Les possédés sont capables de cette faculté mais le plus souvent ils se bornent à donner des indications sur le caractère et les défauts des personnes présentes. Dès qu’ils tombent juste, l’assistance est très impressionnée et un exorciste comme le Père Surin a pu devenir possédé à son tour après avoir reçu de nombreuses communications paranormales d’une religieuse qu’il exorcisait.
Le possédé fait le plus souvent figure de faux prophète. Il est l’instrument du diable, c’est-à-dire du mensonge personnifié. Il apporte parfois, dans la comédie de la prophétie, les richesses d’une imagination libérée de toute réalité.
Les signes affectifs que nous allons maintenant étudier sont moins évidents, moins connus et moins classiques que les signes physiques et intellectuels. Ce sont eux qui sont à la base des névroses et des psychoses, « terrain d’élection » de la possession démoniaque selon Monseigneur Catherinet.
Esquirol dans son étude sur la démonomanie parue en 1814 a montré que la possession évolue par accès. Il raconte l’histoire d’une fille de trente ans amoureuse d’un homme que ses parents ne lui permettaient pas d’épouser. Elle tomba dans une dépression qui la mena à faire un voeu de chasteté. Cela ne l’empêcha pas de prendre quelque temps après un amant: saisie de remords, elle fut assaillie d’idées de damnation délirantes qui durèrent six ans pendant lesquels elle dut être internée. Elle sortit, non guérie et diminuée dans son intelligence; peu après sa sortie elle devint la dupe d’un jeune homme qui lui affirma être Jésus-Christ. Elle succomba de nouveau et crut être possédée. Le Diable logé dans son corps l’empêchait de manger, mordait son coeur, déchirait ses entrailles. Elle mourut au bout de quelque temps de péritonite tuberculeuse.
Cette ancienne observation permet de dégager de l’ensemble des faits deux obsessions fondamentales chez les possédés. C’est en premier lieu l’obsession de solitude morale liée à l’obsession d’infériorité fréquente chez les vieilles filles, chez les veuves, chez les gens qui vivent en marge de la vie et n’ont ni famille ni foyer, chez certains religieux et religieuses mal adaptées au cloître où ils sont entrés, non par vocation, mais par déception. Tous ces êtres isolés moralement fournissent un contingent relativement important à la possession diabolique. Les obsessions de solitude et d’infériorité prédisposent à la possession.
Les obsessions de culpabilité déterminent celle-ci. Le sentiment obsédant d’être coupable d’une faute et de devoir subir en châtiment peut exister en dehors de toute faute connue par l’intelligence. Il exprime une souffrance profonde de l’inconscient. Dans la maladie ou la possession, il peut être intense au point d’envahir tout le psychisme. Il est à la base des scrupules banaux, des peurs des enfants, du trac et de mille états qui apparaissent comme des incidents de la vie psychologique ordinaire. Le dogme du péché originel exprime l’universalité du sentiment de culpabilité considéré du point de vue religieux.
Il faut observer que le sentiment de culpabilité quand il est prolongé trop longtemps et entretenu avec une certaine complaisance peut devenir dangereux. Le Christ dit au pécheur qu’il absout: « allez en paix » ou « allez et ne péchez plus »; il ne s’attarde pas à de longues formules pour montrer dans le détail l’horreur du péché et, il relève le pécheur pour lui montrer le chemin de la vie; nous devons retenir son enseignement. En effet le sentiment de culpabilité devenu obsédant prépare les rechutes des fautes. On peut considérer qu’à ce moment il devient un élément de la tentation en ramenant sans cesse l’esprit à la pensée de la faute, en l’épuisant et en diminuant sa résistance.
L’obsession de culpabilité a été décrite par le père Surin dans l’Histoire des diables de Loudun et dans la Science expérimentale (Revue d’ascétique et de mystique, Toulouse 1928). Le père Surin qui ne pouvait se reprocher aucune faute grave avait fini par croire qu’il « avait voulu trop s’élever, et que Dieu par un juste jugement avait voulu l’abaisser. » Ne pouvant supporter cette idée obsédante et se croyant damné, il fit suivre, comme c’est la règle, l’obsession de culpabilité d’une tentative d’auto-punition et essaya de se suicider. Même dans les périodes où il n’était pas possédé, un état qui paraît voisin des obsessions de culpabilité l’inhibait, par crises, interdisant ou rendant difficile tout mouvement et toute pensée. Plus tard, quand il alla mieux, cette inhibition s’atténua mais il ne put consacrer que quelques minutes à la préparation de ses sermons. En 1635, année où les cas de possession se multiplièrent à Loudun, Surin considéra ses souffrances comme « une peine d’esprit ». Dans une certaine mesure, il se rendait compte qu’il souffrait d’une maladie, qui lui paraissait étrange. Pendant les crises de possession, il décrivit le dédoublement dans une formule saisissante en disant que « son âme était comme séparée ». Presque dans le même moment il éprouvait une paix profonde, puis était pris d’une rage furieuse. Le Diable le poussait alors à des impulsions verbales et motrices violentes. Dans ces périodes d’accalmie, les bonnes actions ne lui apportaient plus la joie coutumière, mais aggravaient les obsessions de culpabilité et le père se reprochait de désobéir à Dieu « en sortant de l’ordre des damnés où il était né ».
Les impulsions du père Surin dépendaient d’obsessions par contraste et le poussaient à des actes contraires à sa volonté et à ses désirs: à son corps défendant, il était amené à haïr le Christ, à imaginer des hérésies, à approuver les idées de Calvin sur l’Eucharistie.
L’ensemble de ces signes avait apparu un mois après l’arrivée du père Surin au couvent des Ursulines de Loudun, pendant lequel la prieure, qu’il exorcisait, lui avait découvert « plus de deux cents fois des choses très secrètes, cachées en sa pensée ou en sa personne ».
Cette prieure, Soeur Jeanne des Anges, analysait de son côté avec subtilité ses obsessions de culpabilité. Elle était « presque toujours en remords de conscience et avec grande raison… le démon n’agissait que selon les entrées que je lui donnais… Ce n’est pas parce que je crois être coupable de blasphèmes et autres désordres où les démons m’ont souvent jetée, mais c’est que, m’étant laissée emporter dans le commencement à leurs suggestions, ils s’emparaient de toutes mes facultés intérieures et extérieures pour en disposer à leur volonté ». Dans les crises d’impulsions par contraste, Soeur Jeanne des Anges insultait Dieu et même la bonté et la charité divines, détestait la profession religieuse, déchirait et mangeait son voile, crachait l’Hostie au visage du prêtre.
Il lui était parfois possible de résister. Elle ne se laissait plus aller au blasphème et au sacrilège bien qu’elle en eut l’idée. Elle avoua même qu’elle éprouvait un plaisir, déconcertant pour une religieuse, à subir la possession. « Le Diable me trompait souvent par un petit agrément que j’avais aux agitations et aux autres choses extraordinaires qu’il faisait dans mon coeur. »
Le Père Surin et Soeur Jeanne des Anges représentent des types de possédés, différents en apparence, mais chez qui se retrouve le fonds commun d’obsessions de culpabilité, de dédoublement, de contrastes et d’ambivalence affective. Ils sont identiques, nous l’avons dit, aux possédés modernes, mais mieux que ceux-ci ils savaient s’analyser; ils en avaient, si on peut dire, le loisir. Aujourd’hui la pratique de l’exorcisme, plus méthodique et plus restreinte, limite la suggestion et empêche le développement de ces tableaux si riches de détails jusqu’au début du XVIIè siècle. En outre les possédés ne sont plus exorcisés en public et l’influence de la foule avec son pouvoir suggestionnant ne s’exerce plus sur eux.
L’Orgueil, péché du Diable, n’a qu’une importance secondaire chez les possédés, par exemple quand il justifie les obsessions de culpabilité. Ce fut le prétexte invoqué par le Père Surin quand il se crut damné comme avant lui sainte Thérèse et un certain nombre de saints.
Nous avons passé en revue les signes des états de possession: signes physiques, signes intellectuels, signes affectifs avec au premier plan les obsessions de culpabilité. Est-il possible de déduire de ces signes la connaissance de quelques-uns des aspects du Diable.
La figure du Diable telle qu’elle est représentée par les sculpteurs des cathédrales gothiques et que par les artistes de l’Extrême-Orient peut être retrouvée sur la face des possédés pendant les crises. Ceux-ci réalisent aussi avec plus ou moins d’habileté et de richesse imaginative les gestes, la conduite de leur modèle. Cet aspect physique, même si la ressemblance est poussée assez loin, reste secondaire.
Dans le domaine moral, les aspects du Diable sont plus particuliers aux possédés. Le tentateur subtil, qui multiplie les ruses et les habiletés de sa dialectique pour séduire un Faust diffère du diable des possédés autant que le Lucifer orgueilleux qui entreprend avec ses démons la lutte contre Dieu. Les diables des possédés sont plus familiers et plus vulgaires. Ils restent à la mesure de l’homme.
Comme tels, ces diables apparaissent non pas comme des hôtes nouveaux mais comme des hôtes anciens qui se sont enhardis jusqu’à occuper toute la maison. Ils ont gardé le mensonge et l’orgueil, l’habileté à s’insinuer, la malignité et l’agressivité du diable classique mais ils sont plus étroitement mêlés à la personnalité de leur hôte. Il arrive souvent qu’au cours des impulsions par contraste ils s’attaquent à des objets ou à des personnes qui ont joué un rôle à un moment donné dans la formation des complexes personnels. Ces impulsions apparaissent alors comme des tentatives de libération des conflits résultant de ces complexes. Les insultes contre Dieu, l’Église, l’hostie prennent ainsi un sens particulier. Le possédé s’en prend à eux comme à des obstacles qui ont contrarié certains de ses désirs.
L’histoire de Soeur Jeanne des Anges nous apporte la preuve de la réalité des mécanismes psychanalytiques de ses impulsions par contraste. Elle l’avoue quand elle parle du « petit agrément » qu’elle éprouvait à céder à son agressivité. Son démon, nous le connaissons, c’est celui du Marquis de Sade.
Un autre, celui du Père Surin, né « damné » personnifie littéralement l’obsession de culpabilité isolée de toute faute et cherchant des fautes pour se justifier. Ce démon semble avoir pour mission de montrer la réalité du péché originel, qui a transmis le sentiment inné de culpabilité de notre première mère jusqu’à nous.
Passons maintenant des démoniaques de Loudun à nos malades. Un autre démon, petite bête blottie dans un corps de vieille fille est retenu en elle par un certain « consentement » comme disait Soeur Jeanne des Anges. Il peuple la solitude qui l’obsède, répond à ses questions, dialogue avec elle puis au bout d’un certain temps la tourmente si bien qu’elle va trouver un prêtre qui la renvoie à un médecin.
Un autre démon s’est installé chez une fille honnête jusqu’au scrupule et l’obsède par des images de vols qu’elle n’a pas commis. Il a composé avec l’honnêteté de son hôte et admis cette équivalence symbolique de pensées érotiques qu’elle n’aurait jamais acceptées.
Ces démons humanisés sont de tous les temps et de tous les pays, ils ont apparu avec le premier homme et disparaîtront avec le dernier. Malgré leur manque de grandeur, et parce qu’ils sont bien adaptés à nous, ils représentent des formes redoutables des forces du mal, celles qui hantent la vie de chaque jour.
Paris
Dr Jean VINCHON
J’ai apprécié de lire cette page,et ceci me tient en éveil dans mes rencontres de ce que j’entends et qui ne se dit pas .
En somme je dirais ce qui n’est pas de moi : <>