Jacques-Marie Emile Lacan (1901-1981). Nous ne présenterons pas Lacan, bien connue de tous les analystes, les philosophes et polémistes de toutes tendances.
— René Targowla & Jacques Lacan. Paralysie générale prolongée. Extrait de la revue « L’Encéphale », (Paris), vingt-cinquièe année, 1930, pp. 83-85.
— La psychanalyse et son enseignement. Communication faite à la Société française de Philosophie. Suivie d’une discussion avec MM. Berger, Lagache, Wahl, Alquié, Merleau-Ponty et Hyppolite. Parut dans le « Bulletin de la Société française de Philosophie », (Paris), 51e année, n°2, Avril-Juin 1957, pp. 66-101. [en ligne sur notre site]
— Conférence sur le psychanalyse et la formation du psychiatre à Sainte-Anne le 10 novembre 1967. [Lacan en ligne sur notre site]
— Télévision. 1973. Diffusé sur la Première chaîne de la télévision française les 9 et 16 mars 1974.
Michel Cénac (1891-1965). Médecin, psychanalyste, membre de la Société Psychanalytique de Paris. Il fût l’élève de Trénel et Henri Claude. D’abord proche de Jacques Lacan avec qui il collaborera dans quelques articles, il s’y oppose catégoriquement lors de l’élection la la présidence de la SPP en 1953, soutenu par Marie Bonaparte dont il était un proche. Il fût maire d’Argeles-Gazost, où il était né, de 1882 à 1902.
Nous avons retenu quelques publications :
— De certains langages crées par les aliénistes : contribution à l’ étude des glossolalies. Thèse de médecine de Paris. Paris : Jouve éditeur, 1925.
— Conception psychanalytique des névroses. in Journal médical français, vol. 22, n° 4 (1933)
— Ce que tout médecin doit savoir de la psychanalyse (1934).
— L’hystérie en 1935. Article parut dans la revue « L’Evolution psychiatrique », (Paris), fascicule IV, 1935. [en ligne sur notre site]
— Mécanismes des inhibitions de la puissance sexuelle chez l’homme. Evolution Psychiatrique, n° 3 (1936)
— La conception psychanalytique de la névrose obsessionnelle. in Schemas, vol. 1, n° 5 (1938)
— Avec Jacques Lacan. Introduction théorique aux fonctions de la psychanalyse en criminologie. 1950.
— Le Témoignage et sa valeur au point de vue. Cahors : Impr. Coueslant , 1951
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original. – Par commodité nous avons renvoyé les notes originales de bas de page en fin d’article. –Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr
[p. 7]
Introduction théorique
aux fonctions de la psychanalyse
en criminologie.
par J. LACAN et M. CENAC
I. DU MOUVEMENT DE LA VÉRITÉ DANS LES SCIENCES DE L’HOMME
Si la théorie dans les sciences physiques n’a jamais réellement échappé à cette exigence de cohérence interne qui est le mouvement même de la connaissance, les sciences de l’homme parce qu’elles s’incarnent en comportements dans la réalité même de leur objet, ne peuvent éluder la question de leur sens, ni faire que la réponse ne s’impose en termes de vérité.
Que la réalité de l’homme implique ce procès de révélation, c’est là un fait qui fonde certains à penser l’histoire comme une dialectique inscrite dans la matière ; c’est même une vérité qu’aucun rituel de protection « behaviouriste » du sujet à l’endroit de son objet, ne châtrera de sa pointe créatrice et mortelle, et qui fait du savant même, voué à la « pure » connaissance, un responsable au premier chef.
Nul ne le sait mieux que le psychanalyste qui, dans l’intelligence de ce que lui confie son sujet comme dans la manœuvre des comportements conditionnés par la technique, agit par une révélation dont la vérité conditionne l’efficace.
La recherche de la vérité n’est-elle pas d’autre part ce qui fait l’objet de la criminologie dans l’ordre des choses judiciaires, et aussi ce qui unifie ses deux faces : vérité du crime dans sa face policière, vérité du criminel dans sa face anthropologique.
De quel apport à cette recherche peuvent être la technique qui guide notre dialogue avec le sujet et les notions que notre expérience a définies en psychologie, c’est le problème qui fera aujourd’hui notre [p. 8] propos : moins pour dire notre contribution à l’étude de la délinquance — exposée dans les autres rapports — que pour en poser les limites légitimes, et certes pas pour propager la lettre de notre doctrine sans souci de méthode, mais pour la repenser, comme il nous est recommandé de le faire sans cesse, en fonction d’un nouvel objet.
II. — DE LA RÉALITÉ SOCIOLOGIQUE DU CRIME ET DE LA LOI
ET DU RAPPORT DE LA PSYCHANALYSE A LEUR FONDEMENT
DIALECTIQUE
Le crime ni le criminel ne sont pas des objets qui se puissent concevoir hors de leur référencé sociologique.
La sentence : c’est la loi qui fait le péché, reste vraie hors de la perspective eschatologique de la Grâce où saint Paul l’a formulée.
Elle est vérifiée scientifiquement par la constatation qu’il n’est pas de société qui ne comporte une loi positive, que celle-ci soit traditionnelle ou écrite, de coutume ou de droit. Il n’en est pas non plus où n’apparaissent dans le groupe tous les degrés de transgression qui définissent le crime.
La prétendue obéissance « inconscient », « forcée », « intuitive » du primitif à la règle du groupe est une conception ethnologique, rejeton d’une insistance imaginaire qui a jeté son reflet sur bien d’autres conceptions des « origines « , mais aussi mythique qu’elles.
Toute société enfin manifeste la relation du crime à la loi par des châtiments dont la réalisation, quels qu’en soient les modes, exige un assentiment subjectif. Que le criminel en effet se fasse lui-même l’exécuteur de la punition dont la loi fait le prix du crime, comme dans le cas de cet inceste commis aux îles Trobriand entre cousins matrilinéaires et dont Malinowski nous rapporte l’issue dans son livre, capital en la matière, sur Le crime et la coutume dans les sociétés sauvages (et n’importent les ressorts psychologiques où se décompose la raison de l’acte, ni même les oscillations de vindicte que les malédictions du suicidé peuvent engendrer dans le groupe), — ou que la sanction prévue par un Code pénal comporte une procédure exigeant des appareils sociaux très différenciés, cet assentiment subjectif est nécessaire à la signification même de la punition.
Les croyances par où cette punition se motive dans l’individu, comme les institutions par quoi elle passe à l’acte dans le groupe, nous permettent de définir dans une société donnée ce que nous désignons dans la nôtre sous le terme de responsabilité.
Mais il s’en faut que l’entité responsable soit toujours équivalente. [p. 9]
Disons que si primitivement, c’est la société dans son ensemble (toujours clos en principe, ainsi que les ethnologues l’ont souligné) qui est considérée comme affectée du fait d’un de ses membres d’un déséquilibre qui doit être rétabli, celui-ci est si peu responsable comme individu que souvent la loi exige satisfaction aux dépens soit d’un des tenants, soit de la collectivité d’un « in-group » qui le couvre.
Il arrive même que la société se tienne pour assez altérée dans sa structure pour recourir à des procédés d’exclusion du mal sous la forme d’un bouc émissaire, voire de régénération par un recours extérieur. Responsabilité collective ou mystique, dont nos murs portent des traces, si tant est qu’elle ne tende à revenir au jour par des ressorts inversés.
Mais aussi bien dans les cas où la punition se limite à frapper l’individu fauteur du crime, ce n’est pas dans la même fonction ni, si l’on veut, dans la même image de lui-même, qu’il est tenu pour responsable : comme il est évident à réfléchir sur la différence de la personne qui a à répondre de ses actes, selon que son juge représente le Saint-Office ou siège au Tribunal du Peuple.
C’est ici que la psychanalyse, par les instances qu’elle distingue dans l’individu moderne, peut éclairer les vacillations de la notion de responsabilité pour notre temps et l’avènement corrélatif d’une objectivation du crime à quoi elle peut collaborer.
Que si en effet en raison de la limitation à l’individu de l’expérience qu’elle constitue, elle ne peut prétendre à saisir la totalité d’aucun objet sociologique, ni même l’ensemble des ressorts qui travaillent actuellement notre société, il reste qu’elle y a découvert des tensions relationnelles qui semblent jouer dans toute société une fonction basale, comme si le malaise de la civilisation allait à dénuder le joint même de la culture à la nature. On peut en étendre les équations, sous réserve d’en opérer la transformation correcte, à telles sciences de l’homme qui peuvent les utiliser, et spécialement, nous allons le voir, à la criminologie.
Ajoutons que si le recours à l’aveu du sujet qui est une des clefs de la vérité criminologique et la réintégration à la communauté sociale qui est l’une des fins de son application, paraissent trouver une forme privilégiée dans le dialogue analytique, c’est avant tout, parce que pouvant être poussé jusqu’aux significations les plus radicales, ce dialogue rejoint l’universel qui est inclus dans le langage et qui, loin qu’on puisse l’éliminer de l’anthropologie, en constitue le fondement et la fin, car la psychanalyse n’est qu’une extension technique explorant [p. 10] dans l’individu la portée de cette dialectique qui scande les enfantements de notre société et où la sentence paulinienne retrouve sa vérité absolue.
A qui nous demandera où va ici notre propos, nous répondrons au risque assumé de bon gré d’en écarter la suffisance clinicienne et le pharisaïsme préventionniste, en le renvoyant à l’un de ces dialogues qui nous rapportent les actes du héros de la dialectique, et notamment à ce Gorgias dont le sous-titre, invoquant la rhétorique et bien fait pour en distraire l’inculture contemporaine, recèle un véritable traité du mouvement du Juste et de l’Injuste.
Ici Socrate réfute l’infatuation du Maître incarnée dans un homme libre de cette Cité antique dont la réalité de l’Esclave fait la limite. Forme qui fait passage à l’homme libre de la Sagesse, en avouant l’absolu de Justice, en elle dressé par la seule vertu du langage sous la maïeutique de l’Interlocuteur. Ainsi Socrate, non sans lui faire apercevoir la dialectique, sans fond comme le tonneau des Danaïdes, des passions de la puissance, ni lui épargner de reconnaître la loi de son propre être politique dans l’injustice de la Cité, vient-il à l’incliner devant les mythes éternels où s’exprime le sens du châtiment, d’amendement pour l’individu et d’exemple pour le groupe, cependant que lui-même, au nom du même universel, accepte son destin propre et se soumet d’avance au verdict insensé de la Cité qui le fait homme.
Il n’est point inutile en effet de rappeler ce moment historique où naît une tradition qui a conditionné l’apparition de toutes nos sciences et dans laquelle s’affirme la pensée de l’initiateur de la psychanalyse quand il profère avec une confiance pathétique : « La voix de l’intellect est basse, mais elle ne s’arrête point qu’on ne l’ait entendue » — où nous croyons entendre en un écho assourdi la voix même de Socrate s’adressant à Calliclès : « La philosophie dit toujours la même chose. »
III. — DU CRIME EXPRIMANT LE SYMBOLISME DU SURMOI
COMME INSTANCE PSYCHOPATHOLOGIQUE :
SI LA PSYCHANALYSE IRRÉALISE LE CRIME,
ELLE NE DÉSHUMANISE PAS LE CRIMINEL
Si l’on ne peut même pas saisir la réalité concrète du crime sans le référer à un symbolisme dont les formes positives se coordonnent dans la société, mais qui s’inscrit dans les structures radicales que transmet inconsciemment le langage, ce symbolisme est aussi le premier dont l’expérience psychanalytique ait démontré par des effets pathogènes [p. 11] jusqu’à quelles limites jusqu’alors inconnues il retentit dans l’individu, dans sa physiologie comme dans sa conduite.
Ainsi c’est en partant d’une des significations de relation que la psychologie des « synthèses mentales » refoulait le plus haut possible dans sa reconstruction des fonctions individuelles, que Freud a inauguré la psychologie qu’on a bizarrement reconnue comme étant celle des profondeurs, sans doute en raison de la portée toute superficielle de ce dont elle prenait la place.
Ces effets dont elle découvrait le sens, elle les désigna hardiment par le sentiment qui leur répond dans le vécu : la culpabilité.
Rien ne saurait mieux manifester l’importance de la révolution freudienne que l’usage technique ou vulgaire, implicite ou rigoureux, avoué ou subreptice, qui est fait en psychologie de cette véritable catégorie omniprésente depuis lors, de méconnue qu’elle était, — rien sinon les étranges efforts de certains pour la réduire à des formes « génétiques » ou « objectives », portant la garantie d’un expérimentalisme « behaviouriste », dont il y a belle lurette qu’il serait tari, s’il se privait de lire dans les faits humains les significations qui les spécifient comme tels.
Bien plus, la première situation dont encore nous sommes redevables à l’initiative freudienne d’avoir amené la notion en psychologie pour qu’elle y trouve à mesure des temps la plus prodigieuse fortune — première situation, disons-nous, non comme confrontation abstraite dessinant une relation, mais comme crise dramatique se résolvant en structure, — c’est justement celle du crime dans ses deux formes les plus abhorrées, l’Inceste et le Parricide, dont l’ombre engendre toute la pathogénie de l’Œdipe.
On conçoit qu’ayant reçu en psychologie un tel apport du social, le médecin Freud ait été tenté de lui en faire quelque retour, et qu’avec Totem et Tabou en 1912, il ait voulu démontrer dans le crime primordial l’origine de la Loi universelle. A quelque critique de méthode que soit sujet ce travail, l’important était qu’il reconnût qu’avec la Loi et le Crime commençait l’homme, après que le clinicien eût montré que leurs significations soutenaient jusqu’à la forme de l’individu non seulement dans sa valeur pour l’autre, mais dans son érection pour lui-même.
Ainsi la conception du surmoi vint-elle au jour, fondée d’abord sur des effets de censure inconsciente expliquant des structures psychopathologiques déjà repérées, éclairant bientôt les anomalies de la vie quotidienne, corrélative enfin de la découverte d’une morbidité immense [p. 12] en même temps que de ses ressorts psychogénétiques : la névrose de caractère, les mécanismes d’échec, les impuissances sexuelles, « der gehemmte Mensch ».
Une figure moderne de l’homme se révélait ainsi, qui contrastait étrangement avec les prophéties des penseurs de la fin du siècle, figure aussi dérisoire pour les illusions nourries par les libertaires que pour les inquiétudes inspirées aux moralistes par l’affranchissement des croyances religieuses et l’affaiblissement des liens traditionnels. A la concupiscence luisante aux yeux du vieux Karamazov, quand il interrogeait son fils : « Dieu est mort, alors tout est permis », cet homme, celui-là même qui rêve au suicide nihiliste du héros de Dostoïevski ou qui se force à souffler dans la baudruche nietzschéenne, répond par tous ses maux comme par tous ses gestes : « Dieu est mort, plus rien n’est permis. »
Ces maux et ces gestes, la signification de l’auto-punition les couvre tous. Va-t-il donc falloir l’étendre à tous les criminels, dans la mesure où, selon la formule où s’exprime l’humour glacé du législateur, nul n’étant censé ignorer la loi, chacun peut en prévoir l’incidence et devrait donc être tenu pour en rechercher les coups.
Cette ironique remarque doit, en nous obligeant à définir ce que la psychanalyse reconnaît comme crimes ou délits émanant du surmoi, nous permettre de formuler une critique de la portée de cette notion en anthropologie.
Qu’on se reporte aux remarquables observations princeps par lesquelles Alexander et Staub ont introduit la psychanalyse dans la criminologie. Leur teneur est convaincante, qu’il s’agisse de la « tentative d’homicide d’un névrosé », ou des vols singuliers de cet étudiant en médecine qui n’eut de cesse qu’il ne se fit emprisonner par la police berlinoise et qui plutôt que d’acquérir le diplôme auquel ses connaissances et ses dons réels lui donnaient droit, préférait les exercer en infraction à la loi, — ou encore du « possédé des voyages en auto ». Qu’on relise encore l’analyse qu’a fait Mme Marie Bonaparte du cas de Mme Lefebvre, — la structure morbide du crime ou des délits est évidente, leur caractère forcé dans l’exécution, leur stéréotypie quand ils se répètent, le style provocant de la défense ou de l’aveu, l’incompréhensibilité des motifs, tout confirme la « contrainte par une force à laquelle le sujet n’a pu résister », et les juges dans tous ces cas ont conclu dans ce sens.
Ces conduites deviennent pourtant tout à fait claires à là lumière de l’interprétation œdipienne. Mais ce qui les distingue comme morbides, [p. 13] c’est leur caractère symbolique. Leur structure psychopathologique n’est point dans la situation criminelle qu’elles expriment, mais dans le mode irréel de cette expression.
Pour nous faire comprendre jusqu’au bout, opposons-leur un fait qui, pour être constant dans les fastes des armées, prend toute sa portée du mode, à la fois très large et sélectionné des éléments asociaux, sous lequel s’opère depuis un grand siècle dans nos populations. le recrutement des défenseurs de la patrie, voire de l’ordre social, c’est à savoir le goût qui se manifeste dans la collectivité ainsi formée, au jour de gloire qui la met en contact avec ses adversaires civils, pour la situation qui consiste à violer une ou plusieurs femmes en la présence d’un mâle de préférence âgé et préalablement réduit à l’impuissance, sans que rien fasse présumer que les individus qui la réalisent, se distinguent avant comme après comme fils ou comme époux, comme pères ou citoyens, de la moralité normale. Simple fait que l’on peut bien qualifier de divers pour la diversité de la créance qu’on lui accorde selon sa source, et même à proprement parler de divertissant pour la matière que cette diversité offre aux propagandes.
Nous disons que c’est là un crime réel, encore qu’il soit réalisé précisément dans une forme œdipienne, et le fauteur en serait justement châtié si les conditions héroïques où on le tient pour accompli, n’en faisait le plus souvent assumer la responsabilité au groupe qui couvre l’individu.
Retrouvons donc les formules limpides que la mort de Mauss ramène au jour de notre attention ; les structures de la société sont symboliques ; l’individu en tant qu’il est normal s’en sert pour des conduites réelles ; en tant qu’il est psychopathe, il les exprime par des conduites symboliques.
Mais il est évident que le symbolisme ainsi exprimé ne peut être que parcellaire, tout au plus peut-on affirmer qu’il signale le point de rupture qu’occupe l’individu dans le réseau des agrégations sociales. La manifestation psychopathique peut révéler la structure de la faille, mais cette structure ne peut être tenue que pour un élément dans l’exploration de l’ensemble.
C’est pourquoi les tentatives toujours renouvelées et toujours fallacieuses pour fonder sur la théorie analytique des notions telles que la personnalité modale, le caractère national ou le surmoi collectif doivent par nous en être distinguées avec la dernière rigueur. On conçoit certes l’attrait qu’exerce la théorie qui laisse transparaître de façon si sensible la réalité humaine, sur les pionniers de champs d’objectivation [p. 14] plus incertaine ; n’avons-nous pas entendu un ecclésiastique plein de bonne volonté, se prévaloir auprès de nous de son dessein d’appliquer les données de la psychanalyse à la symbolique chrétienne ? Pour couper court à ces extrapolations indues, il n’est que de toujours référer à nouveau la théorie à l’expérience.
C’est en quoi le symbolisme, d’ores et déjà reconnu dans le premier ordre de délinquance que la psychanalyse ait isolé comme psychopathologique, doit nous permettre de préciser, en extension comme en compréhension, la signification sociale de l’oedipisme comme de critiquer la portée de la notion du surmoi pour l’ensemble des sciences de l’homme.
Or les effets psychopathologiques en leur majeure partie, sinon en leur totalité, où sont révélées les tensions issues de l’oedipisme, non moins que les coordonnées historiques qui ont imposé ces effets au génie investigateur de Freud, nous laissent à penser qu’ils expriment une déhiscence du groupe familial au sein de la société. Cette conception qui se justifie par la réduction de plus en plus étroite de ce groupe à sa forme conjugale, et par la conséquence qui s’ensuit du rôle formateur de plus en plus exclusif qui lui est réservé dans les premières identifications de l’enfant comme dans l’apprentissage des premières disciplines, explique l’accroissement de la puissance captatrice de ce groupe sur l’individu à mesure même du déclin de sa puissance sociale.
Évoquons seulement, pour fixer les idées, le fait que dans une société matrilinéaire comme celle des Zuni ou des Hopi, le soin de l’enfant à partir du moment de sa naissance revient de droit à la soeur de son père, ce qui l’inscrit dès sa venue au jour dans un double système de relations parentales qui s’enrichiront à chaque étape de sa vie d’une complexité croissante de relations hiérarchisées.
Le problème est donc dépassé de comparer les avantages que peut présenter pour la formation d’un surmoi supportable à l’individu, telle organisation prétendue matriarcale de la famille sur le triangle classique de la structure oedipienne. L’expérience a rendu patent désormais que ce triangle n’est que la réduction au groupe naturel opérée par une évolution historique d’une formation où l’autorité conservée au père, seul trait subsistant de sa structure originelle, se montre en fait de plus en plus instable, voire caduque, et les incidences psychopathologiques de cette situation doivent être rapportées tant à la minceur des relations de groupe qu’elle assure à l’individu, qu’à l’ambivalence toujours plus grande de sa structure.
Cette conception se confirme de la notion de la délinquance latente [p. 15] où Aichhorn a été conduit en appliquant l’expérience analytique à la jeunesse dont il avait le soin au titre d’une juridiction spéciale. On sait que Kate Friedlander en a élaboré une conception génétique sous la rubrique du « caractère névrotique », et qu’aussi bien les critiques les plus avisés, d’Aichhorn lui-même à Glover, ont paru s’étonner de l’impuissance de la théorie à distinguer la structure de ce caractère en tant que criminogène, de celle de la névrose » où les tensions restent latentes dans les symptômes.
Le propos ici poursuivi permet d’entrevoir que le « caractère névrotique » est le reflet, dans la conduite individuelle, de l’isolement du groupe familial dont ces cas démontrent toujours la position asociale, tandis que la névrose exprime plutôt ses anomalies de structure. Aussi bien ce qui nécessite une explication est-il moins le passage à l’acte délictueux chez un sujet enfermé dans ce que Daniel Lagache a fort justement qualifié de conduite imaginaire, que les procédés par où le névrosé s’adapte partiellement au réel : ce sont, on le sait, ces mutilations autoplastiques qu’on peut reconnaître à l’origine des symptômes.
Cette référence sociologique du « caractère névrotique » concorde du reste avec la genèse qu’en donne Kate Friedlander, s’il est juste de la résumer comme la répétition, à travers la biographie du sujet, des frustrations pulsionnelles qui se seraient comme arrêtées en court-circuit sur la situation œdipienne, sans jamais plus s’engager dans une élaboration de structure.
La psychanalyse dans son appréhension des crimes déterminés par le surmoi a donc pour effet de les irréaliser. En quoi elle s’accorde avec une reconnaissance obscure qui s’en imposait dès longtemps aux meilleurs parmi ceux auxquels il est dévolu d’assurer l’application de la loi.
Aussi bien les vacillations qu’on enregistre tout au long du XIXe siècle dans la conscience sociale sur le point du droit de punir sont-elles caractéristiques. Sûre d’elle-même et même implacable dès qu’apparaît une motivation utilitaire — au point que l’usage anglais tient à cette époque le délit mineur, fût-il de chapardage, qui est l’occasion d’un homicide pour équivalent à la préméditation qui définit l’assassinat (cf. ALIMENA, La premeditazione), — la pensée des pénologistes hésite devant le crime où apparaissent des instincts dont la nature échappe au registre utilitariste où se déploie la pensée d’un Bentham.
Une première réponse est donnée par la conception lombrosienne aux premiers temps de la criminologie, qui tient ces instincts pour ataviques, et fait du criminel un survivant d’une forme archaïque de l’espèce, biologiquement isolable. Réponse dont on peut dire qu’elle [p. 16] trahit, surtout une beaucoup plus réelle régression philosophique chez ses auteurs, et que son succès ne peut s’expliquer que par les satisfactions que pouvait exiger alors l’euphorie de la classe dominante, tant pour son confort intellectuel que pour sa mauvaise conscience.
Les calamités de la première guerre mondiale ayant marqué la fin de ces prétentions, la théorie lombrosienne a été rendue aux vieilles lunes, et le plus simple respect des conditions propres à toute science de l’homme, lesquelles nous avons cru devoir rappeler dans notre exorde, s’est imposé même à l’étude du criminel.
The Individual Offender de Healy marque une date dans le retour aux principes en posant d’abord celui-ci que cette étude doit être monographique. Les résultats concrets apportés par la psychanalyse marquent une autre date, aussi décisive par la confirmation doctrinale qu’ils apportent à ce principe que par l’ampleur des faits mis en valeur.
Du même coup la psychanalyse résout un dilemme de la théorie criminologique : en irréalisant le crime, elle ne déshumanise pas le criminel.
Bien plus par le ressort du transfert elle donne cette entrée dans le monde imaginaire du criminel, qui peut être pour lui la porte ouverte sur le réel.
Observons ici la manifestation spontanée de ce ressort dans la conduite de ces criminels, et le transfert qui tend à se produire sur la personne de son juge, comme les preuves en seraient faciles à recueillir. Citons seulement pour la beauté du fait les confidences du nommé Frank au psychiatre Gilbert chargé de la bonne présentation des accusés au procès de Nuremberg : ce Machiavel dérisoire, et névrosique à point pour que l’ordre insensé du fascisme lui confiât ses hautes œuvres, sentait le remords agiter son âme au seul aspect de dignité incarné dans la figure de ses juges, particulièrement celle du juge anglais, « si élégant », disait-il.
Les résultats obtenus avec des criminels « majeurs » par Melitta Schmiedeberg, encore que leur publication se heurte à l’obstacle que rencontrent toutes nos cures, mériteraient d’être suivis dans leur catamnèse.
Quoi qu’il en soit, les cas qui relèvent clairement de l’œdipisme devraient être confiés à l’analyste sans aucune des limitations qui peuvent entraver son action.
Comment ne pas en faire l’épreuve entière quand la pénologie s’y justifie si mal que la conscience populaire répugne à l’appliquer même dans les crimes réels, comme il se voit dans le cas célèbre en Amérique [p. 17] que rapporte Grotjahn dans son article aux Searchlights on delinquency, et où l’on voit le jury acquitter, à l’enthousiasme du public, des accusés, alors que toutes les charges avaient semblé les accabler dans la probation de l’assassinat, camouflé en accident de mer, des parents de l’un d’eux.
Achevons ces considérations en complétant les conséquences théoriques qui s’ensuivent dans l’utilisation de la notion du surmoi. Le surmoi, dirons-nous, doit être tenu pour une manifestation individuelle, liée aux conditions sociales de l’œdipisme. C’est ainsi que les tensions criminelles incluses dans la situation familiale ne deviennent pathogènes que dans les sociétés où cette situation même se désintègre.
En ce sens le surmoi révèle la tension, comme la maladie parfois éclaire une fonction en physiologie.
Mais notre expérience des effets du surmoi, autant que l’observation directe de l’enfant à la lumière de cette expérience, nous révèle son apparition à un stade si précoce qu’il paraît contemporain, voire antérieur à l’apparition du moi.
Mélanie Klein affirme les catégories du Bon et du Mauvais au stade infans du comportement, posant le problème de l’implication rétroactive des significations à une étape antérieure à l’apparition du langage. On sait comment sa méthode, en jouant au mépris de toute objection des tensions de l’oedipisme dans une interprétation ultra-précoce des intentions du petit enfant, a tranché ce noeud par l’action, non sans provoquer autour de ses théories des discussions passionnées.
Il reste que la persistance imaginaire des bons et des mauvais objets primordiaux dans des comportements de fuite qui peuvent mettre l’adulte en conflit avec ses responsabilités, va à faire concevoir le surmoi comme une instance psychologique qui chez l’homme a une signification générique. Cette notion n’a pour autant rien d’idéaliste ; elle s’inscrit dans la réalité de la misère physiologique propre aux premiers mois de la vie de l’homme, sur laquelle a insisté l’un de nous, et elle exprime la dépendance générique en effet, de l’homme par rapport au milieu humain.
Que cette dépendance puisse apparaître comme signifiante chez l’individu à un stade incroyablement précoce de son développement, ce n’est pas là un fait devant lequel doit reculer le psychanalyste.
Si notre expérience des psychopathes nous a portés au joint de la nature et de la culture, nous y avons découvert cette instance obscure, aveugle et tyrannique qui semble l’antinomie, au pôle biologique de l’individu, de l’idéal du Devoir pur que la pensée kantienne met en pendant à l’ordre incorruptible du ciel étoilé. [p. 18]
Toujours prête à émerger du désarroi des catégories sociales pour recréer, selon la belle expression d’Hesnard, l’Univers morbide de la faute, cette instance n’est saisissable pourtant que dans l’état psychopathique, c’est-à-dire dans l’individu.
Aucune forme donc du surmoi n’est inférable de l’individu à une société donnée. Et le seul surmoi collectif que l’on puisse concevoir exigerait une désagrégation moléculaire intégrale de la société. Il est vrai que l’enthousiasme dans lequel nous avons vu toute une jeunesse se sacrifier pour des idéaux de néant, nous fait entrevoir sa réalisation possible à l’horizon de phénomènes sociaux de masse qui supposeraient alors l’échelle universelle.
IV. — DU CRIME DANS SES RAPPORTS AVEC LA RÉALITÉ DU CRIMINEL :
SI LA PSYCHANALYSE EN DONNE LA MESURE,
ELLE INDIQUE SON RESSORT SOCIAL FONDAMENTAL
La responsabilité, c’est-à-dire le châtiment, sont une caractéristique essentielle de l’idée de l’homme qui prévaut dans une société donnée.
Une civilisation dont les idéaux seront toujours plus utilitaires, engagée qu’elle est dans le mouvement accéléré de la production, ne peut plus rien connaître de la signification expiatoire du châtiment. Si elle retient sa portée exemplaire, c’est en tendant à l’absorber dans sa fin correctionnelle. Au reste celle-ci change insensiblement d’objet. Les idéaux de l’humanisme se résolvent dans l’utilitarisme du groupe. Et comme le groupe qui fait la loi, n’est point, pour des raisons sociales, tout à fait rassuré sur la justice des fondements de sa puissance, il s’en remet à un humanitarisme où s’exprime également la révolte des exploités et la mauvaise conscience des exploiteurs, auxquels la notion du châtiment est devenue également insupportable. L’antinomie idéologique reflète ici comme ailleurs le malaise social. Elle cherche maintenant sa solution dans une position scientifique du problème : à savoir dans une analyse psychiatrique du criminel à quoi doit se rapporter, en fin du compte de toutes les mesures de prévention contre le crime et de protection contre sa récidive, ce qu’on peut désigner comme une conception sanitaire de la pénologie.
Cette conception suppose résolus les rapports du droit à la violence et le pouvoir d’une police universelle. Nous l’avons vu en effet portant haut à Nuremberg et quoique l’effet sanitaire de ce procès reste douteux eu égard à la suppression des maux sociaux qu’il prétendait à réprimer, le psychiatre n’y aurait su manquer pour des raisons d’« humanité », [p. 19] dont on peut voir qu’elles tiennent plus du respect de l’objet humain que de la notion du prochain.
A l’évolution du sens du châtiment répond en effet une évolution parallèle de la probation du crime.
Commençant dans les sociétés religieuses par l’ordalie ou par l’épreuve du serment où le coupable se désigne par les ressorts de la croyance ou offre son destin au jugement de Dieu, la probation, à mesure que se précise la personnalité juridique de l’individu, exige toujours plus de son engagement dans l’aveu. C’est pourquoi toute l’évolution, humaniste du Droit en Europe qui commence à la redécouverte du Droit romain dans l’École de Bologne jusqu’à la captation entière de la justice par les légistes royaux et l’universalisation de la notion du Droit des gens, est strictement corrélative dans le temps et dans l’espace, de la diffusion de la torture inaugurée également à Bologne comme moyen de probation du crime. Fait dont on ne semble pas avoir mesuré jusqu’ici la portée.
C’est que le mépris de la conscience qui se manifeste dans la réapparition générale de cette pratique comme procédé d’oppression, nous cache quelle foi en l’homme il suppose comme procédé d’application de la justice.
Si c’est au moment précis où notre société a promulgué les Droits de l’homme, idéologiquement fondés dans l’abstraction de son être naturel, que la torture a été abandonnée dans son usage juridique, — ce n’est pas en raison d’un adoucissement des mœurs, difficile à soutenir dans la perspective historique que nous avons de la réalité sociale au XIXe siècle, c’est que ce nouvel homme, abstrait de sa consistance sociale, n’est plus croyable dans l’un ni dans l’autre sens de ce terme ; c’est-à-dire que, n’étant plus peccable, on ne peut ajouter foi à son existence comme criminel, ni du même coup à son aveu. Dès lors il faut avoir ses motifs, avec les mobiles du crime, et ces motifs et ces mobiles doivent être compréhensibles, et compréhensibles pour tous, ce qui implique, comme l’a formulé un des meilleurs esprits parmi ceux qui ont tenté de repenser la « philosophie pénale » dans sa crise, et ceci avec une rectitude sociologique digne de faire reviser un injuste oubli, nous avons nommé Tarde, ce qui implique, dit-il, deux conditions pour la pleine responsabilité du sujet : la similitude sociale et l’identité personnelle.
Dès lors la porte du prétoire est ouverte au psychologue, et le fait qu’il n’y apparaît que rarement en personne prouve seulement la carence sociale de sa fonction. [p. 20]
A partir de ce moment, la « situation d’accusé », pour employer l’expression de Roger Grenier, ne peut plus être décrite que comme le rendez-vous de vérités inconciliables : comme il apparaît à l’audition du moindre procès de Cour d’Assises où l’expert est appelé à témoigner. Le manque de commune mesure est flagrant entre les références sentimentales où s’affrontent ministère public et avocat parce que ce sont celles du jury, et les notions objectives que l’expert apporte, mais que, peu dialecticien, il n’arrive point à faire saisir, faute de pouvoir les asséner en une conclusion d’irresponsabilité.
Et l’on peut voir cette discordance dans l’esprit de l’expert lui-même se retourner contre sa fonction en un ressentiment manifesté au mépris de son devoir ; puisque le cas s’est rencontré d’un expert auprès du Tribunal se refusant à tout autre examen que physique d’un inculpé au reste manifestement valide mentalement, en se retranchant derrière le Code de ce qu’il n’avait pas à conclure sur le fait de l’acte imputé au sujet par l’enquête de police, alors qu’une expertise psychiatrique l’avertissait expressément qu’un simple examen de ce point de vue démontrait avec certitude que l’acte en question était de pure apparence et que geste de répétition obsessionnelle, il ne pouvait constituer, dans le lieu clos quoique surveillé où il s’était produit, un délit d’exhibition.
A l’expert pourtant est remis un pouvoir presque discrétionnaire dans le dosage de la peine, pour peu qu’il se serve de la rallonge ajoutée par la loi à son usage à l’article 64 du Code.
Mais avec le seul instrument de cet article, si même il ne peut répondre du caractère contraignant de la force qui a entraîné l’acte du sujet, du moins peut-il chercher qui a subi cette contrainte.
Mais à une telle question seul peut répondre le psychanalyste, dans la mesure où lui seul a une expérience dialectique du sujet.
Remarquons qu’un des premiers éléments dont cette expérience lui ait appris à saisir l’autonomie psychique, à savoir ce que la théorie a progressivement approfondi comme représentant l’instance du moi, est aussi ce qui dans le dialogue analytique est avoué par le sujet comme de lui-même, ou plus exactement ce qui, tant de ses actes que de ses intentions, a son aveu. Or d’un tel aveu Freud a reconnu la forme qui est la plus caractéristique de la fonction qu’il représente : c’est la Verneinung, la dénégation.
On pourrait décrire ici toute une sémiologie des formes culturelles par où se communique la subjectivité, commençant par la restriction mentale caractéristique de l’humanisme chrétien et dont on a tant reproché aux admirables moralistes qu’étaient les Jésuites, d’avoir [p. 21] codifié l’usage, continuant par le Kêtman, sorte d’exercice de protection contre la vérité, que Gobineau nous indique comme général dans ses relations si pénétrantes sur la vie sociale du Moyen Orient, passant au Jang, cérémonial des refus que la politesse chinoise pose comme échelons à la reconnaissance d’autrui, pour reconnaître la forme la plus caractéristique d’expression du sujet dans la société occidentale, dans la protestation d’innocence, et poser que la sincérité est le premier obstacle rencontré par la dialectique dans la recherche des intentions véritables, l’usage primaire de la parole semblant avoir pour fin de les déguiser.
Mais ce n’est là que l’affleurement d’une structure qui se retrouve à travers toutes les étapes de la genèse du moi, et montre que la dialectique donne la loi inconsciente des formations, même les plus archaïques, de l’appareil d’adaptation, confirmant ainsi la gnoséologie de Hégel qui formule la loi génératrice de la réalité dans le procès : thèse, antithèse, et synthèse. Et il est certes piquant de voir des marxistes s’escrimer à découvrir dans le progrès des notions essentiellement idéalistes qui constituent les mathématiques les traces imperceptibles de ce procès, et en méconnaître la forme là où elle doit le plus vraisemblablement apparaître, à savoir dans la seule psychologie qui manifestement touche au concret, pour si peu que sa théorie s’avoue guidée par cette forme.
Il est d’autant plus significatif de la reconnaître dans la succession des crises, sevrage, intrusion, OEdipe, puberté, adolescence, qui refont chacune une nouvelle synthèse des appareils du moi dans une forme toujours plus aliénante pour les pulsions qui y sont frustrées, toujours moins idéale pour celles qui y trouvent leur normalisation. Cette forme est produite par le phénomène psychique, peut-être le plus fondamental qu’ait découvert la psychanalyse : l’identification, dont la puissance formative s’avère même en biologie. Et chacune des périodes dites de latence pulsionnelle (dont la série correspondante se complète de celle qu’a découverte Franz Wittels pour l’ego adolescent), est caractérisée par la domination d’une structure typique des objets du désir.
L’un de nous a décrit dans l’identification du sujet infans à l’image spéculaire le modèle qu’il tient pour le plus significatif, en même temps que le moment le plus originel, du rapport fondamentalement aliénant où l’être de l’homme se constitue dialectiquement.
Il a démontré aussi que chacune de ces identifications développe une agressivité que la frustration pulsionnelle ne suffit pas à expliquer, sinon dans la compréhension du common sense, cher à M. Alexander, [p. 22] — mais qui exprime la discordance qui se produit dans la réalisation aliénante : phénomène dont on peut exemplifier la notion par la forme grimaçante qu’en donne l’expérience sur l’animal dans l’ambiguïté croissante (telle d’une ellipse à un cercle) de signaux conditionnés à l’opposé.
Cette tension manifeste la négativité dialectique inscrite aux formes mêmes où s’engagent chez l’homme les forces de la vie, et l’on peut dire que le génie de Freud a donné sa mesure en la reconnaissant comme ‘ « pulsion du moi » sous le nom d’instinct de mort.
Toute forme du moi incarne en effet cette négativité, et l’on peut dire que si Clothô, Lachésis, Atropos se partagent le soin de notre destin, c’est de concert qu’elles tordent le fil de notre identité.
Ainsi la tension agressive intégrant la pulsion frustrée chaque fois que le défaut d’adéquation de l’ « autre » fait avorter l’identification résolutive, elle détermine ainsi un type d’objet qui devient criminogène dans la suspension de la dialectique du moi.
C’est la structure de cet objet dont l’un de nous a tenté de montrer le rôle fonctionnel et la corrélation au délire dans deux formes extrêmes d’homicide paranoïaque, le cas « Aimée » et celui des soeurs Papin. Ce dernier cas faisant la preuve que seul l’analyste peut démontrer contre le sentiment commun l’aliénation de la réalité du criminel, dans un cas où le crime donne l’illusion de répondre à son contexte social.
Ce sont aussi ces structures de l’objet qu’Anna Freud, Kate Friedlander, Bowlby déterminent en tant qu’analystes, dans les faits de vol chez les jeunes délinquants, selon que s’y manifeste le symbolisme de don de l’excrément ou la revendication oedipienne, la frustration de la présence nourricière ou celle de la masturbation phallique, — et la notion que cette structure répond à un type de réalité qui détermine les actes du sujet, guide cette part qu’ils appellent éducative de leur conduite à son égard.
Éducation qui est plutôt une dialectique vivante, selon laquelle l’éducateur par son non-agir renvoie les agressions propres au moi à se lier pour le sujet en s’aliénant dans ses relations à l’autre, pour qu’il puisse alors les délier par les manoeuvres de l’analyse classique.
Et certes l’ingéniosité et la patience qu’on admire dans les initiatives d’un pionnier comme Aichhorn, ne font pas oublier que leur forme doit toujours être renouvelée pour surmonter les résistances que le « groupe agressif » ne peut manquer de déployer contre toute technique reconnue.
Un telle conception de l’action de « redressement » est à l’opposé [p. 23] de tout ce que peut inspirer une psychologie qui s’étiquette génétique, qui dans l’enfant ne fait que mesurer ses aptitudes dégressives à répondre aux questions qui lui sont posées dans le registre purement abstrait des catégories mentales de l’adulte, et que suffit à renverser la simple appréhension de ce fait primordial que l’enfant, dès ses premières manifestations de langage, se sert de la syntaxe et des particules selon les nuances que les postulats de la « genèse » mentale ne devraient lui permettre d’atteindre qu’au sommet d’une carrière de métaphysicien.
Et puisque cette psychologie prétend atteindre sous ces aspects crétinisés la réalité de l’enfant, disons que c’est le pédant qu’on peut bien avertir qu’il devra revenir de son erreur, quand les mots de « Vive la mort », proférés par des lèvres qui ne savent pas ce qu’elles disent, lui feront entendre que la dialectique circule brûlante dans la chair avec le sang.
Cette conception spécifie encore la sorte d’expertise que l’analyste peut donner de la réalité du crime en se fondant sur l’étude ce qu’on peut appeler les techniques négativistes du moi, qu’elles soient subies par le criminel d’occasion ou dirigées par le criminel d’habitude : à savoir l’inanisation basale des perspectives spatiales et temporelles nécessitées par la prévision intimidante où se fie naïvement la théorie dite « hédoniste » de la pénologie, la subduction progressive des intérêts dans le champ de la tentation objectale, le rétrécissement du champ de la conscience à la mesure d’une appréhension somnambulique de l’immédiat dans l’exécution de l’acte, et sa coordination structurale avec des fantasmes qui en absentent l’auteur, annulation idéale ou créations imaginaires, sur quoi s’insèrent selon une spontanéité inconsciente les dénégations, les alibis, les simulations où se soutient la réalité aliénée qui caractérise le sujet.
Nous voulons dire ici que toute cette chaîne n’a point ordinairement l’organisation arbitraire d’une conduite délibérée et que les anomalies de structure que l’analyste peut y relever seront pour lui autant de repères sur la voie de la vérité. Ainsi interprétera-t-il plus profondément le sens des traces souvent paradoxales par où se désigne l’auteur du crime, et qui signifient moins les erreurs d’une exécution imparfaite que les ratés d’une trop réelle « psychopathologie quotidienne ».
Les identifications anales, que l’analyse a découvertes aux origines du moi, donnent son sens à ce que la médecine légale désigne en argot policier sous le nom de « carte de visite ». La « signature » souvent flagrante laissée par le criminel peut indiquer à quel moment de l’identification [p. 24] du moi s’est produite la répression par quoi l’on peut dire que le sujet ne peut répondre de son crime, par quoi aussi il y reste attaché dans sa dénégation.
Il n’est pas jusqu’au phénomène du miroir où un cas récemment publié par Mlle Boutonier ne nous montre le ressort d’un réveil du criminel à la conscience de ce qui le condamne.
Ces répressions, recourrons-nous pour les surmonter à un de ces procédés de narcose si singulièrement promus à l’actualité par les alarmes qu’ils provoquent chez les vertueux défenseurs de l’inviolabilité de la conscience ?
Nul, moins que le psychanalyste, ne s’égarera dans cette voie, et d’abord parce que, contre la mythologie confuse au nom de quoi les ignorants en attendent la « levée des censures », le psychanalyste sait le sens précis des répressions qui définissent les limites de la synthèse du moi.
Dès lors, s’il sait déjà que pour l’inconscient refoulé quand l’analyse le restaure dans la conscience, c’est moins le contenu de sa révélation que le ressort de sa reconquête qui fait l’efficace du traitement, — à fortiori pour les déterminations inconscientes qui supportent l’affirmation même du moi, il sait que la réalité, qu’il s’agisse de la motivation du sujet ou parfois de son action elle-même, ne peut apparaître que par le progrès d’un dialogue que le crépuscule narcotique ne saurait rendre qu’inconsistant. Ici pas plus qu’ailleurs la vérité n’est un donné qu’on puisse saisir dans son inertie, mais une dialectique en marche.
Ne cherchons donc point la réalité du crime pas plus que celle du criminel par le moyen de la narcose. Les vaticinations qu’elle provoque, déroutantes pour l’enquêteur, sont dangereuses pour le sujet, qui, pour si peu qu’il participe d’une structure psychotique, peut y trouver le « moment fécond » d’un délire.
La narcose comme la torture a ses limites : elle ne peut faire avouer au sujet ce qu’il ne sait pas.
Ainsi dans les Questions médico-légales dont le livre de Zacchias nous témoigne qu’elles étaient posées dès le XVIIe siècle autour de la notion de l’unité de la personnalité et des ruptures possibles qu’y peut apporter la maladie, la psychanalyse apporte l’appareil d’examen qui couvre encore un champ de liaison entre la nature et la culture : ici, celui de la synthèse personnelle, dans son double rapport d’identification formelle qui s’ouvre sur les béances des dissociations neurologiques (des raptus épileptiques aux amnésies organiques) d’une part, — d’autre part d’assimilation aliénante qui s’ouvre sur les tensions des relations de groupe. [p. 25] idéaux individuels qui tendent à se réduire à un plan d’assimilation de plus en plus horizontal.
Cette formule désigne un procès dont on peut exprimer sommairement l’aspect dialectique en remarquant que, dans une civilisation où l’idéal individualiste a été élevé à un degré d’affirmation jusqu’alors inconnu, les individus se trouvent tendre vers cet état où ils penseront, sentiront, feront et aimeront exactement les choses aux mêmes heures dans des portions de l’espace strictement équivalentes.
Or la notion fondamentale de l’agressivité corrélative à toute identification aliénante, permet d’apercevoir qu’il doit y avoir dans les phénomènes d’assimilation sociale à partir d’une certaine échelle quantitative une limite, où les tensions agressives uniformisées doivent se précipiter en des points où la masse se rompt et se polarise.
On sait au reste que ces phénomènes ont déjà, sous le seul point de vue du rendement, attiré l’attention des exploiteurs du travail qui ne se payent pas de mots, et a justifié les frais à la Hawthorne Western Electric d’une étude suivie des relations de groupe dans leurs effets sur les dispositions psychiques les plus désirables chez les employés.
Une séparation complète par exemple entre le groupe vital constitué par le sujet et les siens, et le groupe fonctionnel où doivent être trouvés les moyens de subsistance du premier, fait qu’on illustre assez en disant qu’il rend M. Verdoux vraisemblable, — une anarchie d’autant plus grande des images du désir qu’elles semblent graviter de plus en plus autour de satisfactions scoptophiliques, homogénéisées dans la masse sociale, — une implication croissante des passions fondamentales de la puissance, de la possession et du prestige dans les idéaux sociaux, sont autant d’objets d’études pour lesquelles la théorie analytique peut offrir au statisticien des coordonnées correctes pour y introduire ses mesures.
Ainsi le politique même et le philosophe y trouveront-ils leur bien. Connotant dans telle société démocratique dont les mœurs étendent leur domination sur le monde, l’apparition d’une criminalité truffant le corps social, au point d’y prendre des formes légalisées, l’insertion du type psychologique du criminel entre ceux du recordman, du philanthrope ou de la vedette, voire sa réduction au type général de la servitude du travail, et la signification sociale du crime réduite à son usage publicitaire. [p. 26]
Ces structures, où une assimilation sociale de l’individu poussée à l’extrême montre sa corrélation à une tension agressive dont l’impunité relative dans l’État est très sensible à un sujet d’une culture différente (comme l’était par exemple le jeune Sun Yat Sen), apparaissent renversées quand, selon un procès formel déjà décrit par Platon, la tyrannie succède à la démocratie et opère sur les individus, réduits à leur numéro ordinal, l’acte cardinal de l’addition, bientôt suivi des trois autres opérations fondamentales de l’arithmétique.
C’est ainsi que dans la société totalitaire, si la « culpabilité objective » des dirigeants les fait traiter comme criminels et responsables, l’effacement relatif de ces notions, qu’indique la conception sanitaire de la pénologie, porte ses fruits pour tous les autres. Le camp de concentration s’ouvre, pour l’alimentation duquel les qualifications intentionnelles de la rébellion sont moins décisives qu’un certain rapport quantitatif entre la masse sociale et la masse bannie.
Il pourra sans doute être calculé dans les termes de la mécanique développée par la psychologie dite de groupe, et permettre de déterminer la constante irrationnelle qui doit répondre à l’agressivité caractéristique de l’aliénation fondamentale de l’individu.
Ainsi dans l’injustice même de la cité, — et toujours incompréhensible à l’« intellectuel » soumis à la « loi du cœur », — se révèle le progrès où l’homme se crée à sa propre image.
V. — DE L’INEXISTENCE DES « INSTINCTS CRIMINELS » :
LA PSYCHANALYSE S’ARRÊTE A L’OBJECTIVATION DU ÇA
ET REVENDIQUE L’AUTONOMIE
D’UNE EXPÉRIENCE IRRÉDUCTIBLEMENT SUBJECTIVE
Si la psychanalyse apporte des lumières que nous avons dites à l’objectivation psychologique du crime et du criminel, n’a-t-elle pas aussi son mot à prononcer sur leurs facteurs innés ?
Observons d’abord la critique à laquelle il faut soumettre l’idée confuse à laquelle se confient beaucoup d’honnêtes gens : celle qui voit dans le crime une éruption des « instincts » renversant la « barrière » des forces morales d’intimidation. Image difficile à extirper pour la satisfaction qu’elle donne même à des têtes graves, en leur montrant le criminel sous garde forte, et le gendarme tutélaire, qui pour être caractéristique de notre société, passe ici à une rassurante omniprésence.
Que si l’instinct signifie en effet l’animalité incontestable de l’homme, [p. 27] on ne voit point pourquoi elle serait moins docile d’être incarnée en un être raisonnable. La forme de l’adage : homo homini lupus, trompe sur son sens, et Balthazar Gracian en un chapitre de son Criticon forge une fable où il montre ce que veut dire la tradition moraliste en exprimant que la férocité de l’homme à l’endroit de son semblable dépasse tout ce que peuvent les animaux, et qu’à la menace qu’elle jette à la nature entière, les carnassiers eux-mêmes reculent horrifiés.
Mais cette cruauté même implique l’humanité. C’est un semblable qu’elle vise, même dans un être d’une autre espèce. Nulle expérience plus loin que celle de l’analyse n’a sondé, dans le vécu, cette, équivalence dont nous avertit le pathétique appel de l’Amour : c’est toimême que tu frappes, et la déduction glacée de l’Esprit : c’est dans la lutte à mort de pur prestige que l’homme se fait reconnaître par l’homme.
Si en un autre sens on désigne par instincts des conduites ataviques dont la violence eût été nécessitée par la loi de la jungle primitive et que quelque fléchissement physiopathologique libérerait, à la façon des impulsions morbides, du niveau inférieur où elles seraient contenues, — on peut se demander pourquoi, depuis que l’homme est homme, il ne se révèle pas aussi des impulsions à bêcher, à planter, à faire la cuisine, voire à enterrer les morts.
La psychanalyse certes comporte une théorie des instincts, fort élaborée, et à vrai dire la première théorie vérifiable qu’on en ait donné chez l’homme. Mais elle nous les montre engagée dans un métamorphisme où la formule de leur organe, de leur direction et de leur objet, est un couteau de Jeannot aux pièces indéfiniment échangeables. Les Triebe ou pulsions, qui s’y isolent, constituent seulement un système d’équivalences énergétiques où nous référons les échanges psychiques, non en tant qu’ils se subordonnent à quelque conduite toute montée, naturelle ou acquise, mais en tant qu’ils symbolisent, voire intègrent dialectiquement les fonctions des organes où apparaissent les échanges naturels, à savoir les orifices, buccal, anal et génito-urinaire.
Dès lors ces pulsions ne nous apparaissent que dans des liaisons très complexes, où leur gauchissement même ne peut faire préjuger de leur intensité d’origine. Parler d’un excès de libido est une formule vide de sens.
S’il est en fait une notion qui se dégage d’un grand nombre d’individus capables, tant par leurs antécédents que par l’impression « constitutionnelle » qu’on retire de leur contact et de leur aspect, de donner l’idée de « tendances criminelles », — c’est bien plutôt celle d’un défaut [p. 28] que d’un excès vital. Leur hypogénitalité est souvent manifeste et leur climat rayonne la froideur libidinale.
Si de nombreux sujets dans leurs délits, exhibitions, vols, grivèleries, diffamations anonymes, voire dans les crimes de la passion meurtrière, trouvent et recherchent une stimulation sexuelle, celle-ci, quoi qu’il en soit des mécanismes qui la causent, angoisse, sadisme ou association situationnelle, ne saurait être tenue pour un effet de débordement des instincts.
Assurément la corrélation est évidente de nombreuses perversions chez les sujets qui viennent à l’examen criminologique, mais elle ne peut être évaluée psychanalytiquement qu’en fonction de la fixation objectale, de la stagnation de développement, de l’implication dans la structure du moi, des refoulements névrotiques qui constituent le cas individuel.
Plus concrète est la notion dont notre expérience complète la topique psychique de l’individu : celle du Ça, mais aussi combien plus que les autres difficile à saisir.
En faire la somme des dispositions innées est une définition purement abstraite et sans valeur d’usage.
Un terme de constante situationnelle, fondamentale dans ce que la théorie désigne comme automatismes de répétition, paraît s’y rapporter, la déduction étant faite des effets du refoulé et des identifications du moi, et peut intéresser les faits de récidive.
Le Ça sans doute implique aussi ces élections fatales, manifestes dans le mariage, la profession ou l’amitié, et qui souvent apparaissent dans le crime comme une révélation des figures du destin.
Les « tendances » du sujet d’autre part ne sont point sans montrer des glissements liés au niveau de leur satisfaction. On voudrait poser la question des effets qu’y peut avoir un certain indice de satisfaction criminelle.
Mais nous sommes là peut-être aux limites de notre action dialectique, et la vérité qu’il nous est donné d’y reconnaître avec le sujet, ne saurait être réduite à l’objectivation scientifique.
A l’aveu que nous recevons du névrosé ou du pervers de la jouissance ineffable qu’ils trouvent à se perdre dans l’image fascinante, nous pouvons mesurer la puissance d’un hédonisme, qui nous introduira aux rapports ambigus de la réalité et du plaisir. Si à nous référer à ces deux grands principes, nous décrivons le sens d’un développement normatif, comment ne pas être saisi de l’importance des fonctions fantasmatiques dans les motifs de ce progrès, et combien captive reste la vie [p. 29] humaine de l’illusion narcissique dont nous savons qu’elle tisse ses plus « réelles » coordonnées. Et d’autre part tout n’est-il pas déjà pesé près du berceau aux balances incommensurables de la Discorde et de l’Amour ?
Au delà de ces antinomies qui nous amènent au seuil de la sagesse, il n’y a pas de crime absolu, et il existe encore malgré l’action de police étendue par notre civilisation au monde entier, des associations religieuses, liées par une pratique du crime, où leurs adeptes savent retrouver les présences surhumaines qui dans l’équilibre de l’Univers veillent à la destruction.
Pour nous dans les limites que nous nous sommes efforcées de définir comme celles où nos idéaux sociaux réduisent la compréhension du crime et qui conditionnent son objectivation criminologique, si nous pouvons apporter une vérité d’une rigueur plus juste, n’oublions pas que nous le devons à la fonction privilégiée : celle du recours du sujet au sujet, qui inscrit nos devoirs dans l’ordre de la fraternité éternelle : sa règle est aussi la règle de toute action à nous permise.
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