La folie vue à travers les siècles. Par Lagardelle.

LAGARDELLE0001Un voyage éclair, puisque l’auteur prétend couvrir plus de 2000 ans d’histoire en moins de 10 pages. Une performance. Mais surtout une curiosité.

Cet article de François Lagardelle (1838-1882), La folie vue à travers les siècles parut dans le journal local, Propagateur de la Méditerranée et du Var en 1877. Il connut un tiré-à-part, que nous reprenons ici : Draguignan, Imprimerie Gimbert Fils, Giraud et Cie, 1877. 1 vol. in-8°, 19 p.

Les [p.] renvoient aux numéros de pages originaux.  Nous avons respecté le français de l’époque, tant pour l’orthographe, la grammaire et la syntaxe.

[p. 5] Le docteur Lagardelle nous a honoré de deux communications du plus palpitant intérêt : 1° La Folie et la Raison ; La Folie vue à travers les siècles. La physiologie, la médecine et la philosophie surtout sont appelées à résoudre les hautes questions que pose notre illustre médecin ; qu’est-ce que l’âme ? qu’est-ce qui constitue la raison1 d’où vient la folie ? Il prête à ces trois dames un langage digne d’elles, et, quand on les a entendues par l’organe de notre savant, on n’est surpris que d’une chose : la facilité avec laquelle on se plaît à accréditer certaines théories concernant la nature de notre principe pensant, à ériger en système de purs accidents organiques, et à en déduire des conséquences qu’on s’obstine à considérer comme des critères irrécusables (1). Bien que l’esprit éminemment philosophique, qui guide M. Lagardelle dans ses discussions sur l’Ame et ses rapports avec l’organisation vivante soit de nature à ne froisser aucune idée subjective, nous aimons mieux écarter ce [p. 6]  sujet où l’inconnu joue un grand rôle. Ombres de Descartes, de Bichat, de Cabanis, donnez en paix ! Mais il nous serait difficile de taire certains phénomènes, dont l’étude consciencieuse, l’examen le plus attentif, peuvent entraîner les plus lumineux enseignements pour les esprits dégagés de toute prévention.
Un individu atteint de lypémanie (lupe, chagrin) est en proie à des illusions et. à des hallucinations nombreuses. Un beau jour, poussé à bout par sa triste humeur, il se coupe la gorge avec un rasoir, met la clef de sa chambre dans sa plaie … sans ressentir la moindre douleur, et, ce qui plus est, il guérit promptement. Ce phénomène d’insensibilité et de résistance vitale, en d’autres circonstances, aurait fait crier au miracle, tandis que la science ne voit là dedans qu’un degré d’impressionnabilité plus ou moins prononcé, en rapport avec le tempérament ou l’état pathologique du .patient.
En 1867, un cultivateur, dont l’esprit n’était ni fatigué, ni surexcité par l’étude, tout-à-coup est atteint d’hallucination. Croyez-vous qu’il rêve guérets, bêtes à cornes, riches moissons ? Rien de tout cela, il vise plus haut. Notre homme a tout inventé ; le monde lui appartient… Des miracles ? Il en fait en masse… Et comment non ? Il est Jésus-Christ lui- même !
A côté de lui nous pouvons placer un domestique âgé de 18 ans, qui, à la suite d’une extrême maigreur contractée par un jeûne prolongé, s’agitait, criait, marchait à grands pas, se disait Jésus-Christ, voyait [p ;7] des anges qui lui parlaient (sans doute tels que les peintres nous les représentent) (2).
Tel autre, un commis, entend continuellement, des voix qui lui affirment qu’il est le nouveau Messie attendu par les Juifs.  Ses projets sont immenses ; il ne se propose den moins que d’établir une religion universelle… Ses idées de grandeur se graduent, il est tour à tour baron, roi, enfin… Dieu ! Un menuisier n’est pas moins extraordinaire : il est le Dieu créateur; il a réformé les lois ; la terre lui appartient… Mais il a à lutter contre de méchants esprits qui le menacent de lui enlever sa puissance. Les foudroyer, les faire rentrer dans le néant, ce lui eût été facile, quand on est Dieu …
Mais non ; il a créé pas mal de bons esprits qui le défendront contre ceux qui lui  ont hostiles. Nous aurions nous-même à citer d’autres exemples, mais ceux que rapporte le livre de M. Lagardelle suffiront pour faire comprendre avec quelle circonspection on doit se prononcer sur tant d’extatiques, tant de visionnaires, lorsque la simple mais inattendue apparition d’un ami ou d’un membre de la maison, nous glace d’effroi.
M. le docteur Lagardelle observe, avec; infiniment de sens, que toute folie, en général, se ressent des idées dominantes de l’époque qui la voit naître, ou [p.8] des habitudes logiques de la pensée : de là des idées de grandeur, des divagations religieuses que la régularité de leur intermittence accrédite auprès des personnes simples.
Nous laissons de côté les congestions tantôt sanguines, tantôt séreuses, qu’il assigne comme causes à certains délires dépressifs ou expansifs. Son étude mérite d’être lue par ceux à qui leur position fait souvent un devoir d’accourir auprès de tant d’hallucinés et de monomanes (3). Discerner les limites qui séparent la raison de la folie, c’est tout le nœud.
Le savoir profond, le tact sûr, acquis par une longue expérience, donnent au docteur Lagardelle une autorité, dont tout médecin, jaloux de soulager l’humanité souffrante, doit tenir grand compte. Notre spécialiste est à la fois l’homme théorique et l’homme pratique. Nous lui savons trop de distinction d’esprit, une largeur de vues trop remarquable, pour qu’il ne nous pardonne pas quelques observations. Il n’est rien qui ne s’améliore en progressant. Si, de l’aveu de M. Lagardelle, la folie, n’a été connue, étudiée et considérée que depuis peu comme un trouble dans l’harmonie des facultés, si la médecine mentale ne date que de quelques années, il nous est permis d’espérer que le traitement des aliénés, soustrait par sa haute perspicacité à l’abus et à l’exagération, sera abrégé dans sa durée. Ce qui y contribuera sera la dynamisation et en même temps l’atténuation des [p.9] substances médicales, à l’abri des dangers, qu’entraînent les hautes doses, ainsi que l’emploi d’une thérapeutique plus riche, trouvant son point d’appui – le seul vrai – sur l’expérimentation pure plutôt que sur les données obtenues ab usu in morbis (4). Mais n’est-il pas temps de donner la parole à notre éminent collaborateur ?

D. ROSSI,
Directeur du Propagateur de la Méditerranée et du Var.

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LA FOLIE

V’UE A TRAVERS LES SIÈCLES

PREMIÈRE ÉPOQUE

L’Egypte florissait par ses arts et ses sciences, lorsque la Grèce était encore plongée dans l’ignorance la plus complète.
Plusieurs des colonies qui émigrèrent en Grèce renfermaient des savants et des philosophes parmi lesquels se trouvait Esculape, sorti de Memphis. Les deux fils de ce demi-dieu, père des Asclépiades, se distinguèrent au siège de Troie, l’un faisant de la chirurgie, l’autre de la médecine.
La folie a été connue de toute antiquité, et, nous devons le dire à la honte des siècles les plus rapprochés de nous, les anciens avaient à ce sujet des idées justes remplacées plus tard par des hypothèses absurdes et dangereuses.
Les filles de Prœtus, roi d’Argos, couvertes de lèpre, devinrent folles. Cette folie atteignit comme une contagion la plupart des femmes d’Argos qui allaient toutes nues errer dans les bois avec les Prœtides.
Mélampus, médecin célèbre, les guérit de leur [p. 11] folie en traitant la lèpre dont elles étaient couvertes.
Nous trouvons là une interprétation très-exacte et bien remarquable sur les folies sympathiques ; (sublata causa tollitur effectus), ce vieil axiome, toujours vrai, fut bien compris et heureusement appliqué par Mélampus qui en fut largement récompensé en épousant une des filles du roi.
De cette époque, la folie était considérée comme une maladie, sinon incurable, du moins très-difficile à guérir, puisqu’on citait sa guérison comme un fait mémorable et exceptionnel.
La grande famille des Asclépiades avait fondé trois écoles dont une s’éteignit bientôt, tandis que les deux autres acquirent rapidement un grand renom.
L’école de Rhodes, qui n’avait pas de doctrine constituée disparu vite. L’école de Cos, qui devait produire plus tard le grand génie d’Hippocrate, étudiait sérieusement le pronostic et l’école de Cnide cherchait surtout à déterminer le diagnostic, le siége et la nature des maladies ; de là leurs nombreuses classifications.
Plus tard, Pythagore fonda en Italie une école qui fit faire à la médecine de véritables progrès.
Pythagore plaçait dans le cerveau le siège de l’âme et tendait à adopter, pour toutes ses recherches, la méthode expérimentale.
Depuis la guerre de Troie jusqu’à la conquête du Péloponèse, époque à laquelle vint le grand génie d’Hippocrate qui appartenait à la famille des Asclépiades, la médecine semble éprouver un temps d’arrêt, les mêmes doctrines se perpétuent et les [p. 12] études faites à ces époques, qui ont du reste peu produit, nous sont presque complètement inconnues.
Les notions historiques exactes ne parassent pas remonter bien au-delà d’Hippocrate, qui a su profiter merveilleusement des nombreux matériaux amassés par ses devanciers, résumer et compléter toutes les études de ses ancêtres, et constituer un corps de doctrines, première base des sciences médicales.
Le naturisme, que nous appelons hippocratisme, tant ce grand génie s’est identifié avec sa doctrine qui a traversé les siècles, était la source vive d’où jaillissaient les vastes conceptions médicales du vieillard de Cos.
Pour lui, les affections mentales, ainsi que toutes les névroses dont il ignorait la nature, mais auxquelles il n’attachait aucune idée mystique, devaient être considérées comme des maladies au même titre que toutes celles qu’il décrivait et étudiait surtout au point de vue du pronostic.
Il dit fort bien que l’épilepsie, qu’on appelait maladie sacrée, n’avait rien de divin. S’il ne pouvait se rendre compte des manifestations étranges de la folie, il ne voulait admettre d’autres explications de ces phénomènes que celles fournies exclusivement par les sciences médicales, et cependant Hippocrate était un philosophe.
Celse et Arétée, le chef des pneumatistes, n’ont ajouté aux connaissances des anciens que des notions plus concises, plus générales et des observations plus complètes en ne faisant pas jouer un rôle exclusif aux excreta qui dominaient toute la symptomatologie [p. 13] et le pronostic des observations d’Hippocrate. Arétée plaçait dans le cœur le foyer du pneuma; cette hypothèse, quoique fausse, a été la cause principale de la concision, et de l’exactitude de ses observations.
Au IIe siècle, Galien, cette grande figure médicale, établit une distinction entre l’âme rationnelle qu’il place dans le cerveau et l’âme irrationnelle ; ce qu’il appelle l’esprit animal siège dans le cerveau, l’esprit vital dans le cœur et les sensations dans les viscères.
Cœlius Aurelianus, méthodiste par excellence, donne, dès le IIIe siècle, une bonne description de la manie, mais il indique malheureusement une source d’erreurs bien fatales qui se sont perpétuées à travers les siècles. Il admet deux sortes de fureurs, l’une provenant du corps et constituée simplement par une affection organique, l’autre de nature surnaturelle, inspirée par Apollon et favorisant ceux qui en étaient atteints du don de prophétie. De là ces idées de possessions, ces opinions déplorables qui, au détriment de la science et à la honte de l’intelligence humaine, ont ensanglanté le moyen-âge.
Paul d’Egine, au VIIe siècle, s’occupe fort peu des affections mentales et se borne du reste à copier ses prédécesseurs.
Mais les arabistes, sans faire de l’aliénation mentale une étude spéciale, pressentent· déjà les folies sympathiques. Ils placent le siège de cette affection dans différents viscères, tels que le foie, la rate, etc.
Dès ce moment jusqu’au XVe siècle, la médecine traverse une longue période d’ignorance et de barbarie.

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DEUXIEME EPOQUE

DU XVe SIÈCLE A LA RÉVOLUTION

En parcourant avec, attention l’histoire philosophique de la médecine, on ne tarde pas à voir combien les influences pathogéniques, dont nous ne pouvons parfois juger que les effets, ont subi à travers les siècles des modifications nombreuses et profondes sous l’empire de circonstances variables et mobiles à l’infini. 
Comme les conditions sociales de l’existence des peuples, les institutions et les mœurs qui se transforment et s’effacent, les maladies subissent la loi des révolutions naturelles et les caprices de l’intelligence humaine.
Cuvier a quelque raison de dire que de même qu’il y a des animaux et des végétaux fossiles, il doit y avoir des maladies historiques.
Les conditions nouvelles donnent naissance à des maladies qui remplacent celles qui disparaissent, aussi voit-on à des époques variables, de grandes épidémies qui surgissent et offrent toujours des caractères particuliers pour chaque époque.
Ce qu’il est surtout facile de voir en étudiant l’histoire médicale, ce sont les amendements et les modifications subis par certaines maladies qui, malgré [p. 15] l’action puissante du temps, n’ont encore rien perdu de leur nature primitive.
Si, comme on l’a dit, chaque siècle avait fourni sa tâche et accompli le devoir d’augmenter progressivement le butin de la science, nous n’assisterions pas, en étudiant l’histoire, au triste spectacle d’édifices qui à peine élevés sont détruits aussitôt, pour être remplacés par d’autres destinés au même sort.
Tandis que les savants du XVe et du XVIe siècle, admirateurs enthousiastes du passé, n’admettaient que ce qui avait été légué par les anciens, on voit leurs successeurs et même leurs contemporains produire tout-à-coup une réaction violente par laquelle on oublie avec empressement toutes les traditions pour se livrer à corps perdu dans l’observation et rassembler sans méthode les prétendues richesses du présent, destinées à constituer de nouvelles bases pour l’édifice de la science médicale.
Si l’érudition médicale guide nos jugements, modifie nos préventions, dirige nos appréciations, lorsqu’elle est consultée exclusivement, elle frappe de stérilité toutes les recherches, tend à enrayer le progrès et devient aussi nuisible, lorsqu’elle est exclusive, qu’elle doit être utile lorsqu’on sait la modérer.
L’étude de la folie subit dès le commencement de cette période une déviation déplorable sous l’influence des idées théologiques du temps ; qui dominaient du reste la plupart des sciences naturelles.
Les saines traditions du passé sont méconnues ou méprisées pour faire place aux idées mystiques, aux interprétations religieuses et surnaturelles, toutes les [p. 16] fois qu’il s’agit de questions purement pathologiques ; on croit créer du nouveau et on puise dans les époques reculées de l’ignorance. On puise à pleines mains dans les bizarreries de l’antiquité païenne qui avait peuplé l’univers de spectres de toute sorte, et dans les conceptions mythologiques qui fourmillaient de dieux.

Aristote avait imaginé un grand nombre d’intelligences secondaires destinées à présider aux mouvements des corps célestes. A côté de visionnaires qu’on admirait et que la tradition et l’histoire ont célébrés, on voyait de malheureux hallucinés condamnés sans pitié à brûler sur des bûchers.
Les philosophes, les théologiens et les médecins du XVe et du XVIe siècle sont tous unanimes dans leurs croyances à la sorcellerie ; Bodin, Boquet [Boguet, note personnelle], Ambroise Paré, Fernel, entraînés par les idées du siècle, admettent sans contrôle toutes les interprétations surnaturelles dans les questions de pathologie cérébrale, et ce n’est qu’à la Renaissance que les esprits mieux éclairés commencent à douter de ces principes qu’on avait érigés en vérités de premier ordre.
A la fin du XVIe siècle, le jurisconsulte Alciat, Montaigne, Leloyer, etc., osent enfin affirmer hautement que la démonolâtrie est une maladie qui n’a rien de divin ou de diabolique. Dès ce moment l’histoire de la folie commence une ère nouvelle qui ne doit presque plus être troublée dans sa marche progressive.
Au XVIIe siècle l’esprit humain semble se régénérer sous le souffle puissant des idées nouvelles et [p. 17] surtout sous l’influence incontestable des conceptions admirables et des brillantes découvertes des Bacon, des Descartes, des Pascal, des Leibnitz, des Newton, etc.
La méthode expérimentale appliquée par Bacon dans l’ordre physique et par Descartes dans l’ordre psychologique, produit une grande révolution philosophique, caractérisée surtout par le sensualisme et le spiritualisme dont l’immense influence doit se faire sentir jusqu’à nos jours.·
L’histoire nous montre ses plus grandes figures représentant chacune des principes bien arrêtés et assez puissants pout se perpétuer à l’infini. Nous voyons tour-à-tour les sensualistes Hobbes et Locke, les pieux solitaires de Port-Royal, les Sacy, les Nicole, les Arnauld, l’épicurien Gassendi, le sceptique Lamothe Le Vayer, le cartésien Malebranche, le panthéiste Spinosa, Bayle le critique ; les physiciens Galilée et Torricelli, Képler et Tycho-Brahé, Tournefort et ses classifications des plantes, etc.
A cette même époque Harvey découvre la circulation du sang.
L’esprit humain ne s’était jamais élevé si haut dans toutes les connaissances humaines.
Les luttes religieuses qui avaient agité l’Europe au XVIe siècle, la grande révolution philosophique, littéraire et scientifique du XVIIe amènent naturellement pour le siècle suivant le désir des réformes sociales qui doit ébranler tous les esprits et inspirer à Voltaire son Essai sur les mœurs à  Montesquieu L’esprit des lois et à Rousseau Le Contrat social.
[p• 18] Baillou, Nicolas Lepois, Félix Plater, Bonnet, Sylvius, Sennert détruisent peu à peu ce vieil édifice de superstition et de mysticisme, et effacent, non sans effort, les dangereux préjugés des siècles précédents. Sydenham, sans s’occuper spécialement des affections mentales fait notablement progresser les sciences médicales.
Willis, appliquant partout sa théorie sur les esprits animaux, explique la manie par leur effervescence qui se produit de la même façon que le résultat du contact de certains réactifs avec des acides concentrés. Au XVIIIe siècle les grandes découvertes et les idées philosophiques brillamment établies produisent déjà d’immenses résultats et impriment aux sciences médicales en particulier un élan éminemment favorable.
La pathologie mentale commence à s’asseoir sur des bases plus solides. Les décisions des théologiens ont beaucoup diminué de leur influence et n’empêchent plus les hommes éclairés de secouer le joug pour marcher en avant.
L’anatomie pathologique fait de rapides progrès et le solidisme sape par leurs bases toutes les théories humorales.
Vieussens, quoique chimiatre et humoriste, produit de remarquables travaux sur l’anatomie du système nerveux.
Morgagni étudie avec précision les lésions organiques du cerveau.
Boerhaave, Sauvage, Lorry et surtout Cullen amènent rapidement les esprits vers les idées de l’Ecole [p. 19] moderne, et préparent l’avènement de l’irritabilité et de la sensibilité.
A cette époque encore, quoique peu reculée de nous, toutes ces théories n’étaient pas suffisamment établies pour pouvoir profiter à la pratique de l’aliénation mentale.
Les malheureux fous, considérés comme des bêtes féroces et curieuses qu’on montrait pour de l’argent, vivaient dans des cabanons infects, véritables cloaques, dispersés çà et là dans les prisons et quelques maisons de refuge.
En 1792, au moment où la société ébranlée dans sa base par les idées nouvelles qui devaient s’élever en quelques instants sur les ruines d’un passé détruit à jamais, il a fallu que Pinel, fort de sa science, invoquât, pour les déshérités de l’intelligence, les droits de l’homme, qu’on célébrait de toutes-parts, pour faire tomber ces chaînes qui couvraient ces malheureux aliénés, voués à la mort et devenus dès lors des malades que l’humanité ne pouvait  plus se refuser à faire soigner.

(1) On appelle critères des motifs de crédibilité.

(2) Le Dr Lat … que nous avons connu, après la mort de sari fils âgé de 14 ans, l’entendait tous les soirs jouer des airs de violon, suaves, dans le tuyau de la cheminée … Et il ne fallait pas rire quand il nous le racontait.

(3) Ce qui la rend encore plus précieuse, c’est que chaque traitement est suivi d’une nécropsie du malade.

(4) Il n’y a pas de raisonnement qui puisse détruire un fait. En voici deux dont nous garantissons l’authenticité : Madame Gu… dans la commune de la F., à la suite d’un accouchement, fut atteinte d’une folie furieuse, il y a 10ans. Elle brisait tout ce qu’on lui offrait, ou le lançait à la figure des étrangers qui l’approchaient. Son langage était obscène, et n’épargnait pas même le vénérable curé qui venait la visiter. Le traitement auquel on l’avait soumise, ne faisait qu’exaspérer sa folie. Insomnie complète pendant un mois, lorsque son mari eut’ recours à un autre médecin de ses amis qui la guérit en moins de 48 heures par l’aconit et la belladone à doses infinitésimales mais dynamisées. La belladone surtout produisit un étrange effet : un sommeil de 24 heures. Même traitement fut appliqué avec même succès à Madame Gar… il y a 15 ans. Pendant sa grossesse elle ne songeait qu’à s’envoler par la fenêtre, à crier à l’église où à assommer ses voisines à coups de poing.

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