L Boyer. Le merveilleux à Mondavezan. Article parut dans la « Revue du monde invisible 1898-1899 », (Paris), 1899, pp. 366-369.
Lettre adressée à Mgr Elie Méric qui fut le créteur et le principal rédcateur de cette revue publiée de 1898 à 1908, peu de temps après sa mort.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original, mais avons corrigé quelques fautes de typographie. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr
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LE MERVEILLEUX A MONDAVEZAN
Monseigneur,
Aussitôt libre, je m’empresse de vous satisfaire ; je le ferai en toute simplicité et avec la plus entière bonne foi ; désireux de voir clair dans une affaire où personne, sauf quelques médecins matérialistes, n’a voulu se prononcer. Voici les faits :
Le 31 octobre 1897 veille de la Toussaint, j’ai fait faire la première communion dans la paroisse où je suis curé depuis deux ans seulement. A cette première communion a pris part le jeune Jean Lacaze, âgé de douze ans ; cet enfant sera unI des héros des faits merveilleux ou extraordinaires qui se sont passés ici. Les parents du jeune enfant, c’est-à-dire son père et sa mère, ses deux grands-pères et sa grand’mère maternelle l’accompagnent à la table sainte ; et cette famille, je puis le dire, est la plus honnête et la plus chrétienne de la paroisse.
Le 3 novembre, les faits extraordinaires commencèrent à se produire. Voici comment : Le mercredi au matin, ces pauvres gens furent fort étonnés de voir leurs animaux détachés dans l’écurie ; ils n’y attachèrent pas d’abord grande attention ; mais tous les jours et de plus en plus fréquemment les animaux se trouvant détachés, Ia famille s’émut et des bruits circulant déjà qui ajoutaient à ce qui se passait, ces braves gens vinrent m’avertir.
Je n’ai pas tout d’abord pris au sérieux ce qu’ils me disaient, croyant que s’il y avait quelque chose, ce serait transitoire et pas de de nature à émotionner ma population.
Mes prévisions ne se sont pas réalisées. Le lundi 15 au matin, je me rendis dans la maison, et je pus constater que les animaux étaient détachés et qu’on ne les avait pas plus tôt attachés que les chaînes tombaient d’elles-mêmes sans que personne les touchât ni que les bêtes fissent le moindre mouvement. Du temps qu’on enchaînait une vache, l’autre se détachait, et des témoins ont constaté que ces faits se sont produits trente-six fois dans une demi-heure.
On a eu beau les attacher de toute façon, rien n’y faisait. Les cordes et les objets de bois étaient brisés, les chaînes tombaient d’elles-mêmes ; et les fils de fer avec lesquels, par cinq ou six tours, on fixait les anneaux, se trouvaient déroulés en moins d’une demi-seconde sans que personne pût s’en apercevoir. Et ce qui était encore [p. 367] plus fort, c’est que les instruments dont on se servait pour enrouler le fil de fer disparurent et qu’on ne les trouva plus. Devant la persistance de ces faits, ces pauvres gens, sur mon conseil, conduisirent leurs vaches dans l’écurie d’un propriétaire voisin, et depuis ce moment, rien ne s’est plus passé auprès des animaux.
Mais les choses n’en sont pas restées là, au contraire. Ces faits ont, si je puis le dire, changé de scène ; au lieu de se produire à l’écurie, ils se sont produits dans la maison d’habitation contiguë à l’écurie.
Et tous les jours depuis ce moment, dès le lever du soleil jusqu’à son coucher, presque jamais pendant la nuit, il n’est pas de mauvais tours qu’une main invisible n’infligeât à cette pauvre famille. Les chaises tombaient d’elles-mêmes, le dossier en avant, les portes étaient enlevées de leurs gonds et renversées, les instruments d’agriculture, même les plus lourds, se laissaient aller ou se décrochaient sur le passage d’un membre de la famille, particulièrement le jeune enfant et son grand-père paternel, mais sans jamais pourtant leur faire aucun mal, quoiqu’ils fussent quelquefois touchés. Les clefs des portes étaient enlevées ct disparaissaient au point qu’on ne les a plus retrouvées. Les assiettes tombaient de la table et se mettaient en morceaux ; les bouteilles étaient renversées, roulaient de la table sur le parquet en briques, et elles ne se brisaient pas. Les verres d’une pendule furent brisés, le balancier disparut, mais on le retrouva tordu. Les linges du ménage étaient véritablement déchiquetés, et plus on les remplaçait, et plus on mettait de l’obstination à les déchirer.
Je pourrais vous raconter mille et mille faits de ce genre, mais la nomenclature en serait trop longue, je m’arrête à un seul que j’ai vu de mes yeux. Un soir, vers six heures et demie, la femme de la maison vint en pleurs me prier de me rendre chez elle où, disait-elle, ils ne pouvaient plus habiter, tant ils étaient tourmentés.
Ils étaient en effet assaillis par une foule de petits objets tels que balais, plumeaux, morceaux de bois ou de pain, linges, paniers, etc., qui leur tombaient dessus sans qu’ils pussent voir d’ou ils venaient. Ces objets étaient cependant tous dans la cuisine où se chauffaient ces braves gens. Je me rendis aux instances de la pauvre femme ; mais à mon arrivée tout cessa ; kje restai avec eux environ une heure durant laquelle je ne constatai rien. Mais au moment de partir, nous étions tous debout, les uns près de la porte, le grand-père, l’enfant et moi à un mètre du foyer, l’enfant tenait son grand-père par un pan du manteau, j’étais devant eux, lorsque, tout à coup, je vis passer au milieu de nous un bâton de soixante centimètres de long, assez volumineux, ce bâton qui servait de tisonnier était parti du foyer, passa au milieu de nous sans nous toucher et alla tomber à peu près à deux mètres d’où il était parti. Si j’y avais pris garde, j’aurais peut-être pu le saisir au passage.
Le même soir, un quart d’heure après, j’ai vu devant moi la [p. 368] casquette de l’enfant enlevée de sa tète et projetée à huit ou dix mètres, nous l’avons retrouvée après des recherches.
J’avais déjà averti l’autorité ecclésiastique qui d’abord eut l’air de traiter sérieusement la chose, mais qui s’effaça ensuite.
Ces faits n’en continuaient pas moins, ils prenaient même un caractère tout personnel, puisque dès ce moment ils s’attachèrent tout spécialement à deux membres de la famille. En effet, durant quinze jours, le grand-père Jean-Pierre Lacaze et son petit-fils Jean furent victimes de mille tracasseries. Ils ne pouvaient sortir autour de la maison sans être frappés par des pierres, des bâtons, quelquefois même des couteaux, des pommes de terre, des navets et toutes sortes d’autres objets. Le pauvre vieillard et aussi l’enfant ont vu quelquefois leurs habits déchirés, leur couvre-chef enlevé et jeté sur un toit, dans une mare on ailleurs. Enfin mille tracasseries qu’il serait trop long de mentionner,
Mais c’est surtout le 8 décembre, jour de la Nativité, que nous avons assisté durant toute l’après-midi, sans une minute de répit, à des scènes épouvantables et écœurantes. Le jeune Jean Lacaze a été roué de coups si violents quelquefois que le pauvre enfant ne cessait de se plaindre, de crier, de pleurer et de se tordre sous la violence du mal. Il ne pouvait faire un pas sans être violemment renversé. Transporté au presbytère où je l’ai béni, il a toujours ressenti les mêmes coups invisibles qui ne laissaient sur lui aucune trace. Il n’a eu un moment de soulagement que devant l’autel de la Sainte Vierge durant la récitation du chapelet. Mais à peine étions-nous sortis de l’église que les mêmes faits se sont reproduits, si violents quelquefois que l’enfant perdait connaissance et la parole. On le frappait sous ma main, sous un grand crucifix même que je lui mettais sur la poitrine.
A la nuit, vers sept heures, l’enfant a demandé à être conduit auprès d’une génisse qu’il affectionnait et qu’il soignait particulièrement ; auprès de cette bête, tout s’est calmé, et quelques instants après il a pu prendre son repas après lequel il s’est mis au lit et a bien dormi.
Mais le lendemain matin, les mêmes faits se reproduisirent ; l’enfant voyait des animaux fantastiques sous la forme d’un renard, d’un veau, d’une bête fauve vers lesquels il était attiré.
Ces animaux invisibles pour nous tous, l’enfant les voyait déjà la veille. Ce pauvre malheureux resta dans cet état jusqu’au 16 décembre. Avec la génisse, il était calme, il pouvait avec elle, aller partout, mais dès qu’on l’en séparait, les crises revenaient et il était infailliblement renversé ; il se relevait, mais pour tomber encore. Les médecins furent appelés, et leurs opinions furent diverses suivant qu’ils virent l’enfant dans un état de crise ou de calme. Il était fou, épileptique, et mille autres choses, il fallait le soigner tout spécialement dans une maison particulière si on voulait le conserver. Or, on ne fit rien de ce que disaient ces messieurs. Nous nous contentâmes dans la paroisse de [p. 369] faire une neuvaine à Notre-Dame de Lourdes. L’enfant, dès les premiers jours, alla mieux, put se passer de la génisse dès le jeudi, nous annonça que le jour de la clôture, le 19 décembre, il viendrait servir la messe ; il y vint en effet, et dès ce jour, peu à peu toutes les tracasseries cessèrent, et l’enfant n’a absolument rien en ce moment, il se porte très bien, et on n’a plus rien vu dans la famille.
Excusez, Monseigrteur, mon inexpérience à raconter ces faits, et croyez que je serais content si je pouvais éclaircir cette question des faits de Mondavezan dont on a tant parlé.
L. BOYER, curé de X.
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