Jules Comby. Terreurs nocturnes. Extrait du « Traité des maladies de l’enfance ». (Paris), s.d. [1892], pp. 722-725.
Jules Comby (1853-1947). Médecin pédiatre à l’origine de très nombreux travaux sur les maladies de l’enfant.
Quelques publications :
— Étiologie et prophylaxie du rachitisme, éditions Asselin et Houzeau. 1885.
— Les Maladies de croissance, éditions Asselin et Houzeau. 1890.
— L’Enseignement clinique dans les hôpitaux de Paris, éditions E. Lecrosnier et Babé. 1891.
— Dictionnaire d’hygiène des enfants, éditions J. Rueff . 1901.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Par commodité nous avons renvoyé les notes de bas de page en fin d’article. – Les images ont été rajoute par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr
TERREURS NOCTURNES
Les terreurs nocturnes constituent un syndrome, plutôt qu’une maladie, propre à la seconde enfance (deux à sept ans), inconnu chez l’adulte,
Étiologie — L’âge a donc une réelle importance étiologique ; les adolescents comme les nouveau-nés sont à l’abri des terreurs nocturnes. On voit bien quelques nourrissons de moins de deux ans (j’en ai vu à quinze et seize mois) se réveiller la nuit en sursaut et pousser des cris de terreur. Mais, généralement, la maladie ne se montre pas avant deux ou trois ans. C’est après le sevrage, quand l’enfant partage la table commune avec ses parents, quand il marche, quand sa vie de relation commence, qu’il est sujet à ces frayeurs. Le nervosisme héréditaire peut être invoqué dans un grand nombre de cas ; mais il n’est pas indispensable, et tout enfant qui se trouve placé dans certaines conditions hygiéniques défavorables pour présenter des terreur nocturnes.
On trouve très souvent, chez les enfants qui en sont atteints, des troubles digestifs variés (dilatation de l’estomac, constipation). Dans l’immense majorité des cas comme l’ont bien vu Moizard (1.) et J. Simon, une [p. 723] mauvaise alimentation est à l’origine des terreurs nocturnes. Il faut signaler particulièrement l’abus des liquides, l’usage prématuré du café, de l’alcool, l’alcoolisme de la nourrice, quand l’enfant est au sein. Chez les anciens rachitique, dont le ventre est gros, dont l’appétit et la soif sont exagérés, on voit très souvent les terreurs nocturnes.
L’usage de la belladone, du sulfate de quinine (J. Simon) peut avoir accidentellement le même effet. West et Bouchut avaient bien vu l’influence de la constipation ; dans un cas que j’observais récemment, l’usage d’un purgatif au moment opportun prévenais les terreurs nocturnes.
Dans la plupart des cas, les terreurs nocturnes nous apparaissent donc bomme des accidents nerveux toxiques. Elles peuvent aussi être d’ordre réflexe et c’est ainsi qu’agiraient les vers intestinaux (2), la dentition (si c’est influence était prouvée). Les causes morales (récits effrayants, surmenage intellectuel) peuvent jouer à rôle. L’anémie, l’onanisme, l’épilepsie (J. Simon), pourraient être invoqués dans certains cas. Baginski Signal le coryza chronique et l’hypertrophie des amygdales
M. Ollivier insiste beaucoup, à mon avis, sur le côté nerveux des terreurs nocturnes ; pour lui, les enfants atteints de pavor nocturnus sont des dégénérés, issus de parents nerveux ; et les terreurs nocturnes sont, 99 fois sur 100, une forme larvée de l’hystérie (3). [p. 724]
Cette conception peut être vraie dans certains cas, elle est loin d’être applicable à tous.
Symptômes. — L’enfant s’est endormi, d’un sommeil quelquefois profond, plus souvent interrompu par des mouvements, par de l’agitation, par des sueurs. Après quelques heures, il se réveille tout à coup, en sursaut s’assied sur son lit, pousse des cris de terreur, pleure, parle de bêtes qu’Il voit ou de personnes qui veulent lui faire du mal. C’est un rêve effrayant qu’il a fait et qu’il continue sous une forme nouvelle.
Ses parents sont auteur de lui pour le rassurer : il les voit, sans les reconnaître.
Au bout de quelques minutes, il se calme et se rendort ; la crise peut se répéter dans la même nuit ou la nuit suivante. West a vu un enfant de onze mois avoir sept ou huit accès dans la même nuit. Généralement les terreurs nocturnes sont séparées par des intervalles assez longs, une ou plusieurs semaines. Chez un malade de Moizard, les terreurs revenaient toutes les nuits, à heure fixe, pendant six semaines.
Le lendemain, l’enfant se trouve bien, se rappelant ou ne se rappelant pas les objets de sa frayeur.
En somme, les terreurs nocturnes ne sont que de rêves effrayants, comparables à ceux des autres âges, aux cauchemars des alcooliques par exemple. Mais, tandis que les adultes dominent leurs rêves, les enfants en bas âge en deviennent la proie.
La reproduction des accès varie beaucoup suivant le régime suivi par les enfants ; si les excès alimentaires, causes habituelles des accès, sont réprimés, on voit les terreurs cesser presque entièrement ou ne se montrer que de loin en loin.
Enfin, elles disparaissent totalement avec les progrès de l’âge. [p. 725]
Le pronostic, somme toute, n’est pas mauvais, et rien ne permet d’affirmer que les enfants atteints de terreurs nocturnes sont des apprentis hystériques, épileptiques ou aliénés.
Moizard cependant a vu le somnambulisme succéder aux terreurs nocturnes.
J’ai vu la coïncidence de la chorée et de l’incontinence d’urine avec les terreurs.
Le diagnostic est des plus facile, et rien ne peut donner le change.
Traitement. — On insistera sur l’hygiène alimentaire des enfants, on rationnera les solide et surtout les liquides, on refusera le café et les excitants. On proscrira les contes effrayants. Aux enfants constipés, on donnera des lavement ou des purgatifs.
Les bains tièdes sont à conseiller, à cause de leur effet sédatif, il doivent être quotidiens est prolongés ; on pourra me donner le soir aux enfants ayant de fréquentes terreurs nocturnes ; chez ces mêmes enfants, on réduira au minimum le repas du soir, afin que l’estomac soit presque vide pour la nuit.
Le bromure de potassium (à la dose de 1 à 2 grammes) sera essayé. On ne donnera pas d’opium, à cause de ses effets congestifs et constipants.
Je me suis bien trouvé, dans certains cas, de l’antisepsie intestinale (salol, bétol, benzo-naphnol, 1 gramme par jour en cinq prises).
Notes
(1) C’est nier l’évidence, dit Moizard, que de refuser aux troubles [p. 723] gastro-intestinaux une influence de premier ordre sur la production des terreurs nocturnes (Revue des maladies de l’enfance, 1884).
(2) Debacker (Thèse de Paris, 1881). Guérison de terreurs nocturnes après l’expulsion d’un tænia.
(3) Revue des maladies de l’enfance, 1889.
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