Jacques Beckman. Recherche sur la genèse du portrait stéréotypé de la sorcière. Extrait de « Le folklore du corps humain », vol. XV, de la collection « Contributions au Renuveau du Folklore en Wallonie », ministère de la Culture française, 1983, pp. 53-74.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons renvoyé les notes in texte en find’article. – Les images sont celles de l’article original mais mises à jour par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr
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Recherche sur la genèse du portrait stéréotypé de la sorcière
par Jacques BECKMAN
Prologue
Faute d’éléments de comparaison, le folkloriste, l’ethnologue en sont souvent réduits à rendre compte, d’une façon purement descriptive, de coutumes ou de croyances isolées qui, de ce fait, posent de sérieux problèmes d’interprétation. Il existe par contre des domaines privilégiés qui, grâce à l’abondance des témoignages, se prêtent à une étude comparative à la fois diachronique et synchronique. C’est le cas de la sorcellerie, omniprésente et séculaire, dont on peut comparer les survivances contemporaines avec les documents que nous ont laissés l’Antiquité, le Moyen Age et, bien sûr, le début des Temps modernes : je veux parler des pages douloureuses et sanglantes des procès de sorcellerie, de cette effroyable psychose collective qui a ravagé l’Europe occidentale.
En dépit de cette profusion de témoignages, ou peut-être à cause d’elle, les études relatives à la sorcellerie, très à la mode actuellement, comptent surtout des monographies locales, voire des synthèses à l’échelon d’une région. Ce n’est déjà pas mal, certes, mais ne se confine-t-on pas trop dans la synchronie en négligeant l’évolution de la sorcellerie, son dynamisme propre ?
D’ordinaire tournés vers les XVIe et XVIIe siècles, bien des historiens étudiant ce sujet échafaudent de séduisantes interprétations qui méconnaissent les croyances des siècles ultérieurs, comme si la sorcellerie s’était éteinte avec les [54] derniers bûchers (1). De leur côté, tel sociologue ou tel folkloriste, très fiers des histoires de macrales qu’ils ont pu recueillir dans nos campagnes, ignorent superbement les procès de jadis…
Il faut donc espérer que les chercheurs, historiens et folkloristes, puissent enfin dépasser le stade de l’analyse et, recourant aux possibilités de l’informatique, en arriver un jour à comparer les résultats de leurs travaux, en vue d’une meilleure connaissance de ces étranges croyances et, finalement, en vue d’une meilleure connaissance de l’Homme.
Introduction
Assez documenté pour la zone à laquelle je m’intéresse prioritairement (la province de Namur, du XVIe siècle à-nos jours) , mais forcément limité dans mon information relative à d’autres régions et d’autres époques, j’ai voulu malgré tout tenter une approche dynamique d’un thème populaire de la sorcellerie. Puisse ce modeste essai, en dépit d’inévitables lacunes et d’interprétations forcément superficielles, laisser néanmoins entrevoir tout l’intérêt que présenterait l’étude diachronique approfondie d’une croyance.
L’objet de ce colloque étant le folklore du corps humain, je vous propose une réflexion sur les particularités physiques essentielles que l’on prête traditionnellement à la sorcière. Ce portrait stéréotypé — qui heureusement ne fait plus guère peur qu’aux enfants… et encore — nous le retrouvons avec une identité remarquable dans certains masques de carnaval, dans les dessins animés (je pense à la célèbre sorcière qu’a dessinée Walt Disney pour son film « Blanche Neige »), dans les marionnettes ou même dans les dessins humoristiques.
Un certain nombre de questions viennent à l’esprit. Pourquoi s’agit-il d’une femme, de préférence ? Pourquoi est-elle vieille et laide ? Quelles particularités physiques lui prête-t-on et pourquoi ? A quel moment ces caractéristiques se sont-elles cristallisées dans le portrait traditionnel du suppôt de Satan ? Quel rôle a joué à cet égard l’effroyable épidémie de sorcellerie qui a ravagé l’Europe aux XVIe et XVIIe siècles ?
Pour tenter de répondre à ces questions, je me suis d’abord tourné vers les procès de sorcellerie, mais force m’a été d’admettre que l’archétype de la sorcière est plus ancien, même si certains traits se sont apparemment surajoutés au temps des bûchers. [p. 55]
Si le folklore a conservé de la sorcière une image assez précise, ce n’est pas par simple goût du pittoresque, mais bien parce qu’il paraît indispensable de chercher à identifier les suppôts de Satan. De fait, pour se préserver des maléfices, il faut essentiellement éviter la fréquentation des gens suspects tout en veillant à ne pas les indisposer. Par ailleurs, c’est souvent en recourant à l’auteur présumé du sortilège qu’on parvient, croit-on, à le faire cesser. Le soi-disant coupable, devenant l’objet de menaces, voire de sévices, serait obligé de lever le mauvais sort ». Il est donc fondamental de démasquer sorciers et sorcières. Leurs caractéristiques physiques — qui nous intéressent plus spécialement aujourd’hui — ne sont qu’un moyen parmi d’autres. [p. 56]
L’archétype « vieille sorcière ».
Ine macrale, c’e-st-ine vîle lêde sètche feume, une sorcière, c’est une vieille laide sèche femme, dit-on à Liège (3), une femme âgée, maigre, laide, malpropre, aux allures étranges. Telle est l’image stéréotypée du suppôt de Satan.
Mais l’archétype « vieille sorcière », il faut le souligner, est manifestement antérieur à la période de répression du satanisme. Peut-être remonte-t-il à la nuit des temps ?
Voici quelques témoignages parmi d’autres relevés dans des œuvres littéraires antérieures au XVIe siècle.
Les femmes magiciennes ou sorcières ne manquent pas dans l’Antiquité (4). Ainsi la Bible nous rapporte que Saül a recours à une nécromancienne qui lui fait apparaître l’ombre du prophète Samuel. La Grèce nous a laissé le souvenir de magiciennes célèbres, comme Circé dans l’Odyssée, ou Médée dans la Conquête de la Toison d’Or.
La littérature latine enfin nous offre un bel éventail de personnages féminins s’adonnant à l’occultisme. Horace, par exemple, dans sa huitième satire, met en [p. 57] scène deux sorcières, Canidie (5) et Sagana, qui viennent pendant la nuit dans un champ de Rome, jadis lieu de sépulture des esclaves, afin d’y recueillir des ossements et des plantes vénéneuses. Canidie, toute pâle, les cheveux défaits, va les pieds nus en retroussant sa robe noire. Les deux femmes se mettent à hurler comme des loups, creusent la terre de leurs mains griffues et déchirent une brebis noire avec leurs dents, le sang coule dans la fosse pour faire surgir les morts qu’elles doivent interroger. Elles ont apporté deux poupées, l’une de laine, l’autre de cire. Chacune des sorcières évoque sa divinité : Hécate, Tisiphone. Se manifestent alors des serpents et des chiens infernaux. Enfin, les deux mégères enterrent une barbe de loup avec les dents d’une couleuvre bariolée et brûlent la poupée de cire dans un feu ardent.
Chez d’autres auteurs, nous découvrons de curieuses vieilles sorcières s’adonnant à la boisson : par exemple, le personnage de Dipsas que met en scène Ovide, dans les Amours ou celui d’Œnothéa qui intervient dans le Satiricon de Petrone. On doit également citer Les métamorphoses, d’Apulée de Madaura (IIe siècle), dont le héros, Lucius, qui a fait la connaissance de la sorcière Pamphilé, veut s’initier à la magie. Une nuit, il assiste secrètement à la métamorphose de Pamphilé que l’application d’un certain onguent transforme en hibou. Lucius veut imiter la sorcière, mais par malheur il utilise un autre onguent, si bien qu’il se retrouve changé en âne et connaît bien des tribulations…
Dans une œuvre intitulée Perceval le Gallois (XIIIe siècle), continuation des aventures de Perceval, le célèbre roman inachevé de Chrétien de Troyes, Gerbert de Montreuil nous trace un inoubliable portrait de vieille sorcière : « Ses yeux étaient plus laids que ceux d’aucune bête : l’un, rouge et minuscule, était enfoncé dans sa tête tandis que l’autre était exorbité gros et noir. Elle avait un cou grêle et mou, un visage en entier couvert de poils, une tête petite et toute ridée. Elle était si torte et si bossue, elle boitait tant, et par devant et par derrière, que ses genoux se choquaient : bref, si difforme que nul artiste n’en pourrait faire ni le portrait ni la statue. Ses tresses ressemblaient à deux queues de rat pelées. Elle avait les narines si larges qu’on aurait pu y enfoncer les deux poings. Ni le fer ni l’acier ne sont aussi noirs que son cou, sa face et ses mains. Sa poitrine était sèche et décharnée : y eût-on mis le feu, elle eût brûlé comme de l’amadou. Elle avait une bouche étonnamment grande et fendue jusqu’aux oreilles qu’elle portait longues et pendantes, les dents longues, et larges et jaunes : le corps tordu et l’échine courbée :bref, un monstre. Et, pour finir, j’ajouterai qu’une de ses hanches était toute déjetée tandis que l’autre lui remontait jusque sous l’aisselle et que ses deux joues étaient toutes boursouflées » (6). [p. 58]
C’est de la même époque que datent les Eddas, recueils de traditions mythologiques et légendaires des anciens peuples scandinaves, où l’image de la vieille sorcière revient à diverses reprises (7).
Ces quelques exemples suffisent à montrer que l’archétype qui nous intéresse à des origines lointaines, très antérieures à l’époque de la répression du satanisme.
Kurt Baschwitz, dans une récente étude sur les procès de sorcellerie, affirme que ceux-ci débutèrent sous forme de guerre déclarée aux vieilles femmes : « Elles étaient âgées, solitaires, quelquefois peu aimées et manquaient la plupart du temps de la protection et de l’assistance dont elles auraient eu besoin. Elles représentaient une minorité dont l’impuissance excitait et aiguillonnait les persécuteurs » (8). C’est en tout cas l’impression du docteur Johannes Weyer (1563) qui décrit l’image que l’on se faisait des sorcières en Allemagne : « Les sorcières sont des femmes généralement de faible constitution et d’âge avancé, qui ne jouissent pas de toutes leurs facultés, de pauvres créatures dépenaillées et besogneuses ». Réginald Scot (1584), disciple anglais de Weyer, dépeint les sorcières de son pays comme « des femmes habituellement vieilles, infirmes, blafardes, sales, aux yeux chassieux et à la peau ridée » (9).
Il en était de même dans nos régions puisque nous voyons Philippe II, dans un mandement daté du 8 novembre 1595, demander « que ne soit faict facillement tort aux simples et innocens et personnes délirantes infatuées d’ignorance et vieillesse, comme souvent sont vieilles femmes décrépites, que l’on dict le plus estre entachées de ce crime » (10).
Si les femmes furent les victimes les plus nombreuses de la répression, il y eut toutefois aussi des hommes. Le pourcentage de ces derniers varie selon les périodes et les régions envisagées ; mais, dans nos contrées, la moyenne pourrait se situer entre 18 et 20 % (11). En Wallonie, le pourcentage ne diffère pas sensiblement : 13 % dans la partie wallonne du duché de Luxembourg (12) ; dans la province de Namur, sur près de sept cents procès, je n’ai relevé personnellement que 7 à 8 % de sorciers. Les relevés partiels que l’on pourrait établir pour les autres provinces wallonnes devraient aboutir à des conclusions semblables. [p. 59]
Le folklore moderne n’est nullement en désaccord avec ces chiffres puisqu’il a conservé le souvenir de l’existence de sorciers, bien moins nombreux toutefois que les sorcières. Ils sont surtout moins malfaisants : ils jouent plutôt des mauvais tours : ce sont des magiciens qui tirent leurs pouvoirs de la consultation des grimoires (13).
Mais pourquoi donc la femme apparaît-elle comme l’instrument privilégié de la malfaisance diabolique ?
Les inquisiteurs et les démonologues du temps des bûchers affirmaient que la femme, à l’instar d’Eve, la première pécheresse, est plus crédule et a moins d’expérience que l’homme : elle est plus curieuse : son naturel est plus impressionnable : elle est plus méchante, plus prompte à se venger : elle tombe plus vite dans le désespoir : enfin elle est plus bavarde (14)
Jean Delumeau, dans son ouvrage La Peur en Occident, consacre tout un chapitre à la Femme, agent de Satan (15). Il était dans la logique des choses, écrit cet auteur, qu’une époque qui a tellement redouté le Jugement dernier, le diable et ses suppôts, redonne une nouvelle dimension à la peur millénaire du « deuxième sexe ». Cette peur, Delumeau la met en évidence depuis les temps les plus reculés, en faisant en quelque sorte J’histoire de l’antiféminisme. Les attitudes de l’homme vis-à-vis de la femme sont foncièrement contradictoires, oscillant de l’attirance à la répulsion, de l’émerveillement à l’hostilité : tantôt il idéalise la femme, qu’il s’agisse par exemple de la déesse de la fécondité, d’Athéna ou de la Vierge Marie : tantôt il manifeste cette peur masculine de l’autre sexe qui va bien au-delà de la crainte de la castration mise en évidence par Freud et qui est liée aux mystères de la physiologie féminine et de la maternité. Cette peur, c’est aussi celle de rester captif de la femme sans pouvoir se réaliser pleinement.
Delumeau montre enfin à quel point le christianisme a intégré cette antique peur de la femme pour faire d’elle peu à peu un être diabolique, dangereux pour les hommes d’Eglise, prédicateurs, théologiens, voire inquisiteurs, dont l’agressivité traduit peut-être une certaine frustration sexuelle. Les écrits et l’iconographie des XVIe et XVIIe siècles témoigneront finalement beaucoup de malveillance à l’égard de la femme que la science médicale de l’époque considère même comme une sorte de mâle mutilé et imparfait. C’est ainsi qu’à la Renaissance, la vieille femme laide est présentée comme l’incarnation du vice et l’alliée privilégiée de Satan. La peur qu’elle inspire repose sur le néo-platonisme à la mode qui assimile la beauté à la bonté et la décadence physique à la méchanceté. [p. 60]
Certes l’érudition de Jean Delumeau met en évidence les fondements probables de certains préjugés antiféministes, mais, en quelques lignes, Simone de Beauvoir nous donne tout autant à réfléchir : « Parce que le destin de la femme est, aux yeux de l’homme, d’être un objet érotique, en devenant vieille et laide, elle perd la place qui lui est assignée dans la société : elle devient un « monstrum » qui suscite de la répulsion et même de la crainte ; comme chez certains primitifs, en tombant hors de la condition humaine, elle prend un caractère surnaturel : c’est une magicienne, une sorcière aux dangereux pouvoirs » (16).
Ainsi la vieille femme est par excellence le symbole de la déchéance physique de l’être humain. La peur qu’elle inspire, c’est celle de la mort même qui nous guette, et les sentiments qu’on lui prête sont souvent le regret du passé, l’envie à l’égard de ceux qui jouissent encore de la jeunesse et de la beauté ; de là à lui attribuer la volonté de nuire, il n’y a qu’un pas. [p. 61]
Si le suppôt de Satan est de préférence du sexe féminin, il faut noter que son âge est tout aussi important. Nous avons vu à quel point les deux aspects sont liés dans l’image stéréotypée de la sorcière. Je voudrais toutefois ajouter à ce qui vient d’être dit quelques considérations se rapportant plus spécifiquement à l’âge des affidés du diable.
Les documents qui subsistent de l’époque des bûchers ne nous permettent pas toujours de connaître avec précision l’âge des inculpés. Le chercheur en est donc souvent réduit à faire de savantes déductions et à procéder par recoupements. Il n’est pas rare que les juges demandent aux accusés depuis combien de temps ils sont au service du démon. Ainsi Jehenne Bastin, de Treignes (1625), avoue avoir 30 ans de métier (17). Pierson Hubert, de Spy (1606), est réputé sorcier depuis 40 ans (18). Des statistiques qui ont été faites à partir de 195 cas choisis dans les procès suisses, anglais et français donnent aux accusés un âge moyen de 60 ans (19).
Il en est de même en Wallonie. Ainsi, dans le Namurois, pour des inculpés adultes dont l’âge est connu, je relève sur 33 cas : 5 octogénaires, 6 septuagénaires, 5 sexagénaires, 11 accusés dans la cinquantaine, 5 dans la quarantaine et une accusée de 29 ans. On arriverait vraisemblablement à des résultats analogues dans les autres provinces wallonnes (20). Ainsi la femme en âge de procréer semble à première vue à l’abri d’une accusation de sorcellerie.
Notons enfin que dans le nombre des prétendus suppôts de Satan l’on trouve aussi des enfants (21) et des jeunes gens. C’est une minorité que j’évalue, dans le Namurais, à deux pour cent. La plupart du temps, ils déclarent avoir été initiés par leurs parents et entraînés par eux au sabbat. A défaut d’être orphelins, ces malheureux sont de futurs orphelins dont les parents sont menacés du bûcher. Quel était leur sort ? S’ils avaient atteint l’âge de la puberté, ils risquaient la peine capitale. Ce fut par exemple le cas pour Anne Forneau (22), de Vierves (1624) ; [p. 62] pour Jean Colau (23), de Noville-les-Bois (1608). Quant aux enfants impubères, après les avoir fustigés, on les claquemurait dans quelque institution religieuse qui se chargeait de les catéchiser (24)
Le cas des enfants sorciers met en lumière un autre aspect de la croyance, celui du caractère souvent héréditaire attribué au satanisme. Une étude attentive des procès d’une même région fait souvent apparaître les liens de parenté qui peuvent exister entre les inculpés (25). C’est pourquoi le folklore moderne admet aussi, en nombre restreint, l’existence de jeunes sorcières qui se signalent par leur tempérament amoureux et leur conduite déréglée bien plus que par des maléfices (26). Dans la logique populaire, le mythe de la jeune sorcière ne contredit en rien celui de la vieille : il faut, pour que la race démoniaque se perpétue, que les aînés initient les cadets (27).
Ainsi en dépit de l’époque de répression des XVIe et XVIIe siècles, qui nous montre des hommes et des jeunes parmi les adeptes du satanisme, le mythe de la vieille femme, symbole de malfaisance diabolique, est resté nettement prédominant dans la tradition.
Ceci étant dit, il serait intéressant, je crois, d’étudier de plus près certains traits particuliers que l’on prête à la physionomie de la sorcière : ces yeux et ce regard si étranges, cette verrue sur le visage, cette tignasse…
Le regard des sorcières
Le regard des sorcières est caractéristique : souvent il brille d’un éclat sombre et d’une expression sinistre, et c’est quand il se fixe et s’aiguise que la sorcière est le plus à craindre ; en tout autre temps, la vue est troublée et donne à la mégère un air oblique et soupçonneux ; en général le regard de la sorcière gêne tout être, bête ou gens, vers lequel il est dirigé : il pèse et fait mal (28). On précise, à Lonzée, que les sorcières ont un mauvais fluide dans le regard (29) Il faut éviter que les « mauvaises gens » vous regardent « de travers » 30)). Tous ces [p. 63] propos traduisent la crainte de la fascination, regard dont on croit capables les suppôts de Satan (31). C’est le « mauvais œil » que l’on redoute encore beaucoup en Italie (32)
Cette puissance maléfique du regard apparaît peu dans la croyance ancienne pour la simple raison que les sortilèges, à cette époque, sont principalement attribués à l’action d’un poison d’origine diabolique (33). Citons toutefois quelques exemples namurois : en 1606, à Spy, Pierson Hubert est entre autres accusé d’avoir ensorcelé une vache de Jehan le Baudolet : « Il l’avoit prins par les narrines et regarda en la gorge. Quoy ayant ce faict, ladite vache ne voulut jamais plus menger et morut environ trois sepmaines aprez (34). En 1609, à Buissonville, Hélène Halen, lors de l’enterrement de son beau-père, se retrouve assise en face de Marie Jacque qui la « regardoit tous jours de fasson qu’elle, ladite déposante, en eut grand peur, et depuis ce a tous jours esté en mal disposition et présuppoze que ladite Marie luy auroit faict » (35).
Si l’on ne redoute pas le « mauvais œil » et qu’on ose regarder bien en face les filles du diable, on peut relever un certain nombre de particularités. [p. 64]
« Elles ont le front bas, les paupières rouges et chassieuses, les sourcils épais et proéminents ; on doit se défier surtout de celles dont les sourcils se rejoignent par-dessus le nez » (36). Dans l’Entre-Sambre-et-Meuse, les vieilles femmes qui ont les yeux rougis sont presque toujours réputées sorcières. Elles les tournent toujours du côté du nez et ne peuvent regarder fixement. Leurs paupières larmoient sans cesse, ce qui contribue à rendre leur aspect repoussant (37). A Charleroi, on parle aussi des yeux rouges des sorcières qui, le soir, deviennent phosphorescents (38)). Gustine Bréda, une femme de mauvaise renommée qui vivait à Leuze au début du siècle, avait des yeux qui brillaient dans le noir comme ceux des chats (39)
Plus étranges encore sont les croyances relatives à la pupille des suppôts de Satan.
On dit, par exemple, que les yeux sont souvent louches ou vairons, c’est à-dire de couleurs différentes. Les Hutois pensent que l’un des globes oculaires est tout à fait rond (40) ; c’est à peu près ce qu’écrivait Gerbert de Montreuil au XIIIe siècle : un œil rouge et minuscule enfoncé dans la tête ; l’autre exorbité, gros et noir (41). A Herve, on croit que l’un des yeux possède une pupille double ; cette particularité est également connue à Hermée et à Omal en Hesbaye (42). Exactement comme dans l’Antiquité : le poète Ovide, dans les Amours (I, 8), évoque Dipsas, une vieille magicienne ivrogne dont les yeux présentent cette particularité.
En opposition avec ces témoignages, je mentionnerai cette curieuse déposition d’une Namuroise, en 1709. Suspectant de maléfices Marie Charlier, une de ses voisines, elle trouve l’occasion de se placer en face de cette dernière et de lui dire, en la dévisageant : « Parbleu, Marie, l’on dit qu’il y a tant de sorcières à Namur ; j’en voudrais volontier voire une, et, en se baissant, mettant les mains sur les genoux, elle continua à dire qu’elle avoit entendu que les sorcières n’avoient point de poupau dans les yeux, et cela en regardant fixement et pendant prez d’un demy quar d’heure pour effectivement recognoître sy elle en avoit ou n’en avoit pas (43).
On est en droit de se demander si avec de pareilles anomalies oculaires, les filles du diable voient normalement. Catherine Prunet, de Gembloux, inculpée [p. 65] en 1637, ne déclara-t-elle pas à ses juges que pour savoir si quelqu’un trafiquait ou non avec Satan, il fallait lui faire regarder de l’œil gauche le nom de Jésus qu’on aurait au préalable inscrit sur une feuille de papier avec l’écritoire du mayeur ? L’impossibilité d’apercevoir ce nom sacré devait constituer une preuve de culpabilité. Les juges, reconnaissants, envoyèrent Catherine au bûcher (44).
Plus de trois siècles ont passé. Les sorcières de Gembloux ont toujours une aussi mauvaise vue, si j’ajoute foi à ce qui m’a été raconté : une femme de Lonzée qui avait mauvaise réputation fut un jour interrogée par ses voisins — les seuls à oser lui parler d’ailleurs — sur le point de savoir pourquoi elle ne regardait jamais ses interlocuteurs en face. Elle répondit : « Je n’ai aucune chance de vous regarder en face ; si je le fais, vous disparaissez et je ne vous vois plus » (45).
C’est vraisemblablement à l’époque de la répression du satanisme qu’il faut chercher des explications à certaines de ces étrangetés. On y relève effectivement des témoignages analogues. Ainsi, en 1660, Catherine Collin, d’Oignies, est dépeinte par ses accusateurs comme ayant « des laids yeux », « une vue fort troublée et laide » (46). Une inculpée de Lessines, en 1681, a, dit-on, les yeux rouges (47). Marie Lecharlier, de Nismes (1608-1609), étonne ses juges parce qu’elle ne pleure pas. Elle répond qu’elle a le cœur serré. Comme ses yeux sont en permanence tournés vers le sol ou sur le côté, le procureur d’office lui demande de le regarder en face. Elle refuse en déclarant que ce n’est pas convenable, puis elle le regarde enfin « avec une veue aspre et comme troublée » (48). Au cours d’un interrogatoire, une octogénaire de La Roche-en-Ardenne, qui s’efforce de pleurer, ne parvient qu’à se mettre à rire (49).
Cette impossibilité de pleurer que l’on prête aux suppôts de Satan est maintes fois signalée dans les procès, parce qu’elle est considérée comme un signe évident de sorcellerie. Les inculpés déclarent, eux, que c’est l’émotion, la crainte qui les paralyse : ainsi Tonnette Mousque, de Boussu-en Fagne, « faisoit parfois semblant de plorer, mais comme elle ne jettoit aulcunes larmes, lui at estez demandé que ses larmes estoient devenues ; sur quoi at respondu qu’elle avoit le cœur serez et qu’elle ne sauroit plorer » (50).
La privation de sommeil, l’excès de fatigue, la peur surtout peuvent rendre compte de ce phénomène. L’impossibilité de pleurer se trouve probablement [p. 66] décuplée chez des sujets hystériques ou névrosés parmi lesquels se recrutèrent bon nombre de prévenus (51).
M. Delcambre, qui a analysé minutieusement les procès de sorcellerie lorrains, se demande dans quelle mesure cette croyance, d’origine indubitablement pathologique, n’a pas été aussi influencée par la théologie mystique : l’inaptitude du sorcier à se repentir de ses maléfices se traduisant pour lui en celle de verser matériellement des larmes. Par ailleurs plusieurs contemplatifs chrétiens ont, selon leurs hagiographes, reçu le don des larmes, c’est-à-dire une conscience si aiguë et si douloureuse de leur indignité qu’elle leur arrachait des larmes. L’inhibition lacrymale des sorciers pourrait donc être une inversion du don des larmes propre aux mystiques (52). Il n’y a là rien d’impossible si l’on sait que les croyances relatives au satanisme comportent plus d’une inversion des dogmes, des sacrements et du culte chrétiens.
J’aurais tendance à voir dans cette impossibilité de pleurer attribuée jadis aux sorciers, à leurs efforts désespérés pour y parvenir malgré tout, une explication des excentricités oculaires des macrales modernes. Imaginons, voulez vous, la figure de Françoise Nayven, Françoise Simon et Marie Barbase, toutes trois incarcérées à Vierves, en 1644 : elles reçoivent l’assurance qu’elles seront libérées si elles parviennent à pleurer. En dépit de leurs efforts, leurs yeux restent secs, leur vue étant « comme troublée et affreuse » (53)… Or, que dit-on, à Liège, d’un enfant qui geint, se frotte les yeux et cherche ses larmes ? I fêt l’macrale (54) ! Au début du siècle, on prétendait encore dans le Borinage que les sorcières ne peuvent pleurer ; quand on les frappe, quand on les supplicie, elles se mettent à geindre et à crier, mais ne versent aucune larme, malgré leurs efforts apparents pour en produire (55).
Dans son recueil de contes wallons Autoû d’l’aistrèye do timps di m ‘grand’mère (56). Lambillion raconte que les bonnes gens de Malonne se scandalisèrent en voyant « li vîye Ane d’al Fontin-ne » perdre ses quatre fils, l’un après l’autre, sans jamais verser la moindre larme : c’était elle, disaient-ils, qui les avait fait mourir.
Mais ce n’est pas là le seul type d’insensibilité que l’on prête aux suppôts de Satan… [p. 67]
La marque des sorcières
Ainsi, on croyait jadis que quand le démon venait de conclure un pacte, il imposait sur le corps de son nouvel adepte une marque destinée à concrétiser la prise de possession. Selon les démonologues, le punctum diabolicum (ou stigma diaboli) présentait des propriétés particulières : il était insensible et dévitalisé : il ne saignait pas lorsqu’on y enfonçait une épingle (57).
Détectée sur une personne suspecte de sortilège, une marque de ce genre constituait une forte présomption de culpabilité, insuffisante toutefois pour entraîner une condamnation (58). Les suppôts de Satan étaient-ils tous porteurs de ce signe ? Les spécialistes de l’époque ne sont pas unanimes sur la question (59). En tout cas l’absence apparente d’empreinte suspecte n’était pas considérée comme suffisante pour innocenter un prévenu (60).
La recherche de points d’insensibilité sur le corps des inculpés à J’aide d’une aiguille ne me paraît pas avoir été généralisée dans la région namuroise. Beaucoup de procès n’en font pas état. Par contre les juges demandent ordinairement aux accusés entrés en aveux si le diable les a marqués et à quel endroit, et sur ce point, ils obtiennent souvent des précisions.
Ainsi, en 1601, le bourreau Minart qui a exploré le corps de Catherine Thomas, de Dourbes, jure qu’il « at trové à costé gauche tirant au-dessubz les espalles qu’elle estoit marqué de cincques poincts ou griffes de l’esprict maling » (61). Sur Marguerite Moustenne, de Braine-l-e-Comte (1595), on découvrit le signe diabolique à deux places : « l’une du costé du fron deseure l’œil droicte, et l’aultre à son lieu secret ». De plus une croix se trouvait imprimée sur la paume de ses mains. Gertrude Noste, complice de ladite Marguerite, portait des marques à peu près aux mêmes endroits, sauf que celle qui ornait son sexe ressemblait à une patte de lièvre (62). Une sorcière de Lessines (1681) portait deux estampilles : l’une sous « la boudenne » (le nombril), l’autre « sous les tétins » (63).
Mais ces témoignages apparaissent un peu comme des exceptions ; la localisation la plus fréquente du stigma diaboli est en effet le visage et plus [p. 68] particulièrement le front, ainsi qu’en témoignent de nombreux procès non seulement du Namurois mais aussi d’autres régions de Wallonie (64).
Ecoutons Catherine Chabot, de Jamagne : « (… ) Estant fort tri st et soy retrouvant en son jardin, seul, du matin, desoubz un poirier de teutin (65), elle vit sortir, par la porte de sa maison qui alloit au jardin ung homme abillé de noir avec les cheveux et barbe noir, ayant les pieds fendu comme une vache, lequel, s’abordant à elle, luy dict : « Catherine, pourquoy ploré-vous ? » A quoy elle respondit qu’elle estoit tri st à cause que sa grange voulloit tomber. Lors il luy dict qu’elle prin se corraige et que il luy donnerait de l’argent assè s’elle voulloit renoncer à Dieu, à la Vierge Marie et à son batesme. Elle dict que non. Touttesfois ledit homme luy donna quelcque huict pièces de dix pattars, luy jectant sur son escour (66). — Et interroghuée sy elle ne renoncha à son batesme, at confessé que ouy. — Et luy demandé en quelle terme; dict en telz terme: ‘Je renonce à tous’, adjoustant que incontinent, il luy dict : « Tu at renoncé à ton sacrement, je te rotteray’ et lors. l’embrassant, le picqua comme d’une esguilette de seur le frond, et eu incontinent affaire avecq elle (…) » (67).
De même, à Barvaux-Condroz, « le diable a jecté sa patte sur le froncqz de (…) Marie Orban, croyant icelle que le diable en auroit osté le St Sacqz » (68). Une sorcière de Hamoir (1586) déclare pareillement que « son callant l’at picquez au frond, lee roestant le sacque et le feit bien peu mal » (69). Le « sacque » dont il est question dans ces documents, c’est bien entendu le sacrement du baptême et plus précisément le saint chrême : certains textes le disent de façon explicite. Sophie d’Ermenton de Furnaux (1524), »at donné audit Robin [p. 69] (= son diable) creisme et baptesme et qui luy osta » (70). Anne Collar, de Furfooz (1557), avoue que le diable « lui rostit le crime et batême » (71).
L’apposition du stigma par le diable apparaît donc en Wallonie comme un geste symbolique destiné à débaptiser le nouvel affidé. Celui-ci reçoit d’ailleurs parfois un nouveau nom : Marie Orban, de Barvaux-Condroz, s’appelle Droumkinne (72) ; Hubert Collin, de Sart-en-Fagne, porte le nom de Pirocquet (73) ; plusieurs accusés de Noville-les-Bois sont rebaptisés de la même façon (74).
Le punctum diabolicum semble bien par conséquent constituer une inversion du rite baptismal, mais, comme le fait remarquer Etienne Delcambre, à propos des procès lorrains, cette conception s’oppose trop nettement au dogme du caractère inaltérable de la marque surnaturelle imprimée dans l’âme du chrétien par le baptême et la confirmation, parce que le stigma diaboli n’est qu’un signe visible, matériel. Cet auteur se demande donc si l’on ne peut pas admettre dans la genèse de cette croyance une influence de la théologie mystique selon laquelle certains saints vivant en union avec Dieu peuvent porter imprimés sur leur corps les stigmates matériels et visibles de la passion du Christ. Pourquoi pas ? Nous avons cité tantôt le cas de Marguerite Moustenne qui portait une croix imprimée sur la paume de ses mains. D’ailleurs faut-il chercher une explication unique ? Les démonologues de jadis estimaient que le stigma rappelle la marque de fer rouge que le maître, dans l’Antiquité classique, imprimait sur le corps de son esclave (75).
J’ajouterais, quant à moi, que ces marques soi-disant détectées sur l’épaule de tel ou tel accusé font aussi penser à la flétrissure qu’on infligeait à l’époque à certains délinquants. C’est en tout cas ce que suggèrent les propos de Marguerite Tiste, une adolescente de Mons, condamnée au bûcher en 1671 : elle affirme que le diable l’a « marqué avec une verge de fer toute rouge et qu’elle en a sent y grand mal bien une heure et qu’il luy a fait un trou de la profondeur de son poulche » (76).
Enfin, faisons remarquer, comme le souligne Behaegel, que la croyance en l’insensibilité du punctum diabolicum repose vraisemblablement sur une observation médicale réelle, même si elle est mal interprétée. Chez des sujets hystériques, épileptiques, névrosés, il peut se produire des phénomènes d’anesthésie locale. Souvent siège d’un spasme-vasculaire, cette anesthésie ne saigne pas à la [p. 70] piqûre. Ce n’est pas une insensibilité due à une lésion organique, elle existe dans l’esprit et non dans les nerfs ; c’est un trouble dans la perception consciente ; de là ses variations et son extrême mobilité (77).
Au début du siècle, notre folklore conservait encore le souvenir du stigma diaboli. Voici ce que rapporte Oscar Colson : « Le signum diabolicum n’a pas de forme déterminée. Le diable l’imprime, dit-on, avec l’ongle de son gros orteil gauche (78). Il se trouve placé dans un lieu secret ; parfois on dit qu’il est toujours [p. 71] imprimé dans les parties honteuses soit antérieures, soit postérieures ; d’autres conteurs ajoutent que le signe n’est visible sur la peau que le vendredi : en tout autre temps, il serait invisible. Un paysan questionné à ce sujet nous disait : On ne sait ce que c’est, on ne sait où il est; on dit que les yeux des gens ,d’église peuvent seuls le voir. Mais on m’a dit que, sans être curé, on peut l’apercevoir en « chauffant » l’endroit où l’on sait qu’il peut être » (79).
Jules Lemoine nous donne ure intéressante précision : dans l’Entre-Sambre et-Meuse, on dit que le diable touche son nouvel adepte à un endroit quelconque du corps; la trace de l’attouchement subsiste sous la forme d’un très gros grain de beauté (80).
Pouvons-nous enfin rattacher à ces croyances celle qui, en divers endroits de Wallonie, attribue à la sorcière la particularité d’avoir des poils à la plante des pieds ? Ne spécifie-t-on pas, à Lincé-Sprimont, que les macrales ont à la plante des pieds trois poils divergents et partant de la même racine (81) ?
Que retenir de ces témoignages modernes ? Peut-être que lorsque le stigma diaboli est visible, il subsiste sous forme d’un gros grain de beauté. Le nævus ou la verrue que nous retrouvons sur le visage de la sorcière stéréotypée semble donc avoir aussi une longue histoire.
Faut-il voir de même le punctum diabolicum en filigrane dans ce qui se raconte au sujet de la peau des sorcières ? Il est en effet parfois question de taches noires plus ou moins étendues. Signes d’autant plus suspects que le diable avait la réputation de battre en certaines occasions ses suppôts désobéissants. A Lessines, en 1681, une inculpée porte mauvaise réputation parce qu’elle a des taches noires sur les bras et les cuisses ; ce sont des « taches des morts » affirme t-elle (82).La Noire Anne, de Mons, n’est guère mieux vue, car son visage est souvent décoré d’« œillades » (œil poché) et de « froisures » ; on la croit d’ailleurs battue par son amant diabolique (83).
La chevelure des sorcières
Les cheveux des sorcières, eux aussi, sont dignes d’intérêt. La croyance moderne attribue aux macrales des cheveux ébouriffés, non peignés, dégoûtants à voir (84). On dit même à Namur, en parlant de cheveux emmêlés, qu’ils sont èmacralés (85). [p. 72]
Ces problèmes capillaires n’ont guère préoccupé, me semble-t-il, les bonnes gens des XVIe et XVIIe siècles. Par contre, la littérature de l’Antiquité nous présente quelques spécimens de mégères maléfiques dont la chevelure en désordre est d’ailleurs emmêlée de vipères, à la manière de leur patronne commune. Hécate, reine de la magie (86). Quant à la fille du diable que contemple le chevalier Perceval, elle n’est guère plus élégante avec ses tresses semblables à deux queues de rat pelées (87).
Certes nous imaginons nos vieilles sorcières toutes chenues. Pourtant certains leur prêtent une tignasse rousse. Il est rossê, elle est rossète come ine macrale. dit-on (88). Il existe même, dans les environs de Dinant, un lieu appelé « bois des rossettes », en souvenir des sorcières qui y furent brûlées. Les phrases sentencieuses qui concernent les roux ne sont pas spécialement flatteuses : on les croit méchants, malodorants. L’adjectif de couleur se trouve même parfois associé à des noms injurieux du genre : rossia vèrboc (89). rossia tchin (90), rossê Djudas (91).
Ce préjugé à l’égard des cheveux roux n’a rien de récent. Ainsi, les Egyptiens faisaient périr tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains : c’est ce que dit Montesquieu (92), en reprenant les propos d’un historien grec de l’Antiquité (Diodore de Sicile). La rareté de cette pigmentation capillaire la rend tout à fait marginale, voire anormale aux yeux du vulgaire. Du point de vue biologique, il s’agit là d’un simple caractère récessif (93) dont la fréquence moyenne actuelle n’est que de 1 à 5 % (5 à 10% en Ecosse).
Oscar Colson, dans son portrait des sorcières wallonnes, signale d’autres particularités pileuses : les sourcils épais et proéminents, se rejoignant parfois par-dessus le nez ; enfin sous le nez long, sec et crochu — sur lequel nous n’épiloguerons pas — un menton aigu, couvert de longs poils, ce qui fait dire qu’elles [p. 73] sont barbues (94). Détail souligné aussi au Moyen Age par Gerbert de Montreuil qui parle, lui, d’un visage tout couvert de poils (95).
Ces pilosités en tous genres, les macrales les utilisent parfois pour ensorceler. Ainsi, en 1616, Josine Deblicq, de Marche-lez-Ecaussinnes, reconnaît avoir donné de ses cheveux à une de ses complices qui s’en est servie pour commettre un maléfice (96). Quelques procès nous parlent de sortilèges résultant de la présence maléfique de nouets emplis de poils, ou encore de touffes de cheveux (97).
La croyance existe encore de nos jours, si j’en crois le récit d’un instituteur de Lonzée, aujourd’hui retraité : Denis S., un jeune garçon, n’obtenait guère de brillants résultats scolaires ; sa famille le croyait atteint de la « fièvre lente », donc d’un maléfice ; un jour, la tante du garçon se présenta à l’école pour déclarer à l’instituteur : « A – c’t eûre, ça va aller mia avou l’gamin, nos avans trové dès tch’fias d’zos l’lét » ; on avait donc découvert sous le lit des cheveux probablement maléfiques ; en les détruisant, on pouvait espérer faire cesser le mauvais sort (98).
Conclusion
Que retirer de la modeste confrontation de ces quelques témoignages ?
L’image caricaturale de la sorcière paraît assez composite : si le stéréotype de la vieille femme, incarnation et agent des forces maléfiques occultes, remonte au moins à l’Antiquité, certaines particularités corporelles relatives à l’œil ou à la peau des adeptes du satanisme sembleraient plutôt d’origine chrétienne. Peut être se sont-elles ajoutées à l’archétype à l’époque des bûchers ?
Mais, sous le mythe de ces divers détails physiques, il faut d’abord je crois, démasquer cette peur viscérale et intolérante de l’homme pour tout ce qui est différent, marginal, contraire à la norme. Cette verrue nasale, ces yeux étranges, ces cheveux roux et parfois aussi cette bosse sur le dos, cette claudication dont nous n’avons même pas parlé, qu’est-ce donc aux yeux du vulgaire sinon des [p. 74] anomalies suspectes ? Or, les maléfices dont on croit capables les enfants du démon ne sont le plus souvent que des maladies ou des accidents bizarres que la médecine ou la science n’ont pas encore expliqués ou qu’elles ignorent purement et simplement (99). Entre alors en jeu le mécanisme des analogies simplistes qui établit des rapports injustifiés de cause à effet entre les gens estimés anormaux et les calamités jugées extraordinaires. Et le tour est joué : qui se ressemble s’assemble, n’est-ce pas ?
Mais heureusement, nos sorcières sont bien mortes, direz-vous en souriant : tout juste bonnes pour faire frissonner les gosses et amuser les parents !
Eh bien, ce n’est pas si sûr ! Avec leurs balais volants, elles ont conquis l’espace, siège des forces mythiques du mal. En effet, quand elle ne s’en prend pas encore et toujours haineusement aux nègres, aux Arabes ou aux Juifs, voire aux marginaux, la sacro-sainte peur de la différence s’invente de méchants extra-terrestres. Rares sont les films de science-fiction qui ne les affublent pas d’une personnalité satanique. L’enfer est devenu galactique. Les suppôts de Satan nous menacent du haut de leurs soucoupes volantes. Et comme par hasard, les envahisseurs extra-terrestres qui ont pris l’apparence humaine sont incapables de pleurer, tant ils sont inaccessibles au moindre sentiment. Ils ne peuvent davantage plier les phalanges de leurs auriculaires, et s’ils sont blessés à mort, ils se désintègrent, conformément aux lois de la métamorphose magique (100) !
Non décidément, on n’arrête pas le progrès !
NOTES
(1) Ce serait une grave erreur de croire que la sorcellerie contemporaine n’est qu’un tissu souvenirs estompés de la « grande époque » des bûchers. Elle comporte en effet de multiples aspects originaux dont on ne trouve nulle attestation au début des Temps modernes. C’est en tout cas la constatation que j’ai pu faire en confrontant, pour la province de Namur, des documents anciens et des témoignages modernes et ce dès le début de mes recherches (La sorcellerie dans le nord de la province de Namur, du XVIe siècle à nos jours, et particulièrement dans le village de Lonzée, mémoire de licence en philologie romane, Université de Liège. 1963-1964. 319 p.).
(2) Voir J. BECKMAN, Pathologie, thérapeutique et prophylaxie des maladies attribuées aux sortilèges, publié dans La Médecine populaire en Wallonie, vol. VIII de la collection « Contributions au Renouveau du Folklore en Wallonie », Ministère de la Culture française, 1978, pp. 47-58.
(3) O. Colson. La sorcellerie au paus wallon – Etat actuel de la croyance, dans « Wallonia », t. VI, p. 78.
(4) La plupart des textes de l’Antiquité auxquels il est fait allusion ci-après sont présentés dans un ouvrage très commode de J. Lovichi, La sorcellerie, Paris, Larousse (collection « Idéologies et Sociétés »), 1980, 192 p.
(5) Le personnage de Canidie apparaît également dans la cinquième épode d·Horace.
(6) On peut trouver de larges extraits de Perceval le Gallois, de Gerbert de Montreuil, à la suite de Perceval ou le Roman du Graal, de Chrétien de Troyes, publie chez Gallimard (collection « Folio », n° 537). 1977. p. 304 pour le passage ici repris.
(7) En particulier dans le Chant de Ladfafner, cité par J. CARO BAROJA. Les sorcières et leur monde. Paris. Gallimard. 1972. p. 67.
(8) K. BASCHWITZ, Procès de sorcellerie. Histoire d’une psychose collective. Paris, Arthaud, 1973. p. 113.
(9) Les propos de Weyer et de Scot sont cités par K. BASCHWITZ. op. cit., p. 113.
(10) L. P. GACHARD, Analectes belgiques, t. l, 1830, p. 212. note 1.
(11) J. DELUMEAU, La Peur en Occident (XIVe – XVIIIe siècle). Paris, Fayard, 1978. p. 361 ; R. MUCHEMBLED, La sorcière au village (XVe – XVIIIe siècle), Paris, Gallimard-Julliard, 1979. p. 131.
(12) M.-S. DUPONT-BOUCHAT, W. FRIJHOFF, R. MUCHEMBLED, Prophètes et sorciers dans les Pays-Bas (XVIe – XVIIIe siècle), Paris, Hachette, 1978, p. 138.
(13) O. COLSON. op. cit., t. IX. p. 189 et suiv. : J. BECKMAN: avec la collaboration de Fr. JACQUET-LADRIER. Magie, grimoires et trésors cachés, à Malmedy el à Marbais au XVIIIe siècle, dans les « Enquêtes du Musée de la Vie wallonne ». t. XII. n°s 133-144, 1973, pp. 121-163.
(14) Voir J. SPRENGER et H. INSTITORIS. Malleus maleficarum ; P. BINSFELDIUS. Tractatus de confessionibus maleficorum et sagarum.
(15) J. DELUMEAU. op. cit., pp. 305-345.
(16) S. DE BEAUVOIR. La vieillesse. Paris, Gallimard. 1970. p. 134.
(17) Archives de l’État à Namur (= A.É.N.). Creffes scabinaux (= CS.). Treignes (doc. inédit).
(18) A.É.N., G.S., Spy (doc. inédit).
(19) R. MUCHEMBLED. La sorcière au village (…). pp. 134-137 ; J. DELUMEAU. op. cit., p. 361.
(20) Ainsi à Braine-le-Comte, sur une vingtaine d’inculpées, la plupart sont sexagénaires, voire septuagénaires (Ed. Roland. Procès de sorcières à Braine-le-Comte (1585·1607), dans les Annales du Cercle archéologique du canton de Soignies ». t. XIII. 1953. p. 64).
(21) É. BROUETTE. Quelques cas d’enfants sorciers au XVIIe siècle. Dans « La Vie wallonne t. XXI. 1947. pp. 133-138 ; P. HEUPGEN. Les enfants sorciers en Hainaut au XIIe siècle, dans le « Bulletin de la Commission royale des Anciennes Lois et Ordonnances ». t. XIII. 1933, pp. 457-49 ; [en ligne sur notre site] BECKMAN. Une épidémie de sorcellerie à Noville-les-Bois au début du XVIIe siècle, dans les « Annales de la Société archéologique de Namur ». t. LIV. 1968. pp. 425·470 (cas de Jean Colau, Nicolas Doucet et Martin Jamart).
(22) Ch. DE VILLERMONT. Les procès de sorcellerie dans la baronnie de Vierves au XVIIe siècle, dans les « Annales de la Société archéologique de Namur ». t. XXIX. 1910. pp. 154-157.
(23) J. BECKMAN. Une épidémie de sorcellerie à Noville-les-Bois (…). p. 433 et suiv.
(24) Ibidem. p. 452 : É. BROUETTE. op. cit.
(25) J’ai pu relever toute une série de cas dans les procès du Namurois, notamment à Novilleles-Bois. Même constatation dans la province de Luxembourg : M.-S. DUPONT-BOUCHAT. La répression de la sorcellerie dans le duché de Luxembourg, aux XVIe et XVIIe siècles, thèse de doctorat en histoire. Louvain. 1977. ex. dactyl. I. pp. 248-250. Le phénomène apparaît aussi dans d’autres régions.
(26) O. COLSON. op. cit., t. VI. p. 76.
(27) Ibidem, p. 113.
(28) Ibidem, p. 79.
(29) Témoignage de Mme Rosalie L… de Lonzée, recueilli en 1963.
(30) J. LEMOINE. La sorcellerie contemporaine dans I’Entre-Sambre-et-Meuse, dans « La Tradition,t. VI. 1892. p. 105.
(31) O. COLSON, op. cit., t. XIV, pp. 246-251.
(32) E. DE MARTINO, Italie du Sud et magie, Paris, Gallimard, 1963, passim.
(33) Voir J. BECKMAN, Pathologie, thérapeutique et prophylaxie des maladies attribuées aux sortilèges.
(34) A.É.N., G.S., Spy (doc. inédit).
(35) A.É.N ., G.S., Haversin-Buissonville (doc. inédit).
(36) O. COLSON, op. cit., t. VI, p. 78.
(37) J. LEMOINE, op. cit., p. 104.
(38) A. CARLlER, Sorcellerie. Traditions recueillies au pays de Charleroi, dans « Wallonia », t. XVI. 1908. p. 92.
(39) Témoignage de M. Désiré A., originaire de Leuze-Longchamps (recueilli à Gembloux en 1963).
(40) O. COLSON. op. cit., t. VI. 78.
(41) Voyez le texte cité plus haut.
(42) O. COLSON. op. cit., t. VI. 78.
(43) A.É.N., Conseil provincial (doc. inédit).
(44) L. NAMÊCHE. La ville et le comté de Gembloux. Gembloux. Duculot. 1922. p. 323
(45) Témoignage de M. Désiré A. voir note 39.
(46) A.É.N. G.S., Oignies (doc. inédit).
(47) J. DEWERT. Un procès de sorcellerie à Lessines en 1681, dans « Wallonia », t. XVII. 1909. p. 12.
(48) A.É.N. G.S., Nismes (doc. inédit).
(49) L. MARQUET. Un procès de sorcellerie à La Roche-en-Ardenne en 1645, dans « La Vie wallonne », t. LI. 1977. p. 10.
(50) En 1612 : A.É.N. G.S., Boussu-en-Fagne (doc. inédit).
(51) É. DELCAMBRE. Le concept de la sorcellerie dans le duché de Lorraine au XVIe et au XIIIe siècle. Nancy, Société d’Archéologie lorraine, L II, 1950. p, 268 ; R, VILLENEUVE, Les procès de sorcellerie. Verviers. Gérard. 1974, p, 198.
(52) É, DELCAMBRE. op. cit., pp. 268-270,
(53) Voir procès d’Anne de Pris (1644), A.É.N. G.S., Vierves (doc. inédit).
(54) 0, COLSON. op. cit., t. VI. P. 80.
(55) Ibidem.
(56) Namur. Delvaux, 1906, pp, 61·66.
(57) R. MANDROU. Magistrats et sorciers en France au XVlle siècle. Une analyse de psychologie historique. Saint-Amand. Plon. 1968. pp. 101-102. ; R. VILLENEUVE. op. cit., pp. 173-183.
(58 R. MUCHEMBLED, (…), p. 108.
(59) É DELCAMBRE op. cit., t. I. 1948 ; La sorcière au village, p. 56 ; R. VILLENEUVE. op. cit., p. 174.
(60) É. DELCAMBRE, op. cit., t. I, 1948. p. 53.
(61) A.É.N. G.S., Dourbes-le-Val (doc. inédit).
(62) Ed. ROLAND. op. cit., p. 84.
(63) J. DEWERT. op. cit., p. 15.
(64) Cf. J. BECKMAN. Le diable d’après les procès de sorcellerie de Wallonie, publié dans « Le diable dans le folklore de Wallonie », vol. XII de la collection « Contributions au Renouveau du Folklore en Wallonie, Ministère de la Communauté française. 1980. p. 55, note 20 ; KAISIN. Les procès de sorcellerie à Monceau-sur-Sambre. Dans documents et rapports de la Société paléontologique et historique de l’arrondissement de Charleroi. t. III, 1870. pp. 142 et 165 ; M. PONTHIR. Quatre affaires de sorcellerie au Pays dans de Liège dans La première moitié du XIIIe siècle. « La Vie wallonne », t. XLIV. 1970. p. 10 ; P. BAUWENS. Ouffel, Ocquier el Jennerel, hauts lieux de La sorcellerie durant la première moitié du XIIe siècle, dans les « Annales du XL Congrés de la Fédération archéologique et historique de Belgique. Lège 1968 ». t. 1. 1969. p. 50. note 5 ; etc. Même constatation pour la Lorraine : É. DELCAMBRE. op. cit., t. 1. 1948. p. 55.
(65) Rousselet (poire à la peau rougeâtre) : cf. wall. liégeois teûtin (J. HAUST. Dictionnaire liegeois. Liège. Vaillant-Carmanne. 1933. p. 655).
(66) Tablier (du latin excurtiare : W. VON WARTBURG. Französisches Etymologisches Wörterbuch. t. III. p. 285 b).
(67) A.É.N. G.S . Philippeville (1616).
(68) N.E ., Un procès de sorcellerie en 1651 à Barvaux-Condroz. dans les « Annales de la Société archéologique de Namur ». t. XI. 1871. p. 430. La transcription St Sang donnée par cet auteur est erronée. Vérification faite sur le manuscrit (A.É.N. G.S., Buzin-Failon. reg. 7. fF° 69 v°). Il faut lire St Sacqz : c’est-à-dire Saint Sacre (Saint Sacrement du baptême).
(69) J. LECHANTEUR. Procès de sorcellerie (Contribution à l’élude de la langue écrite en Wallonie aux XVIe, XVIIe et VIIIe siècles), mémoire de licence en philologie romane. Université de Liège. 1959·1960. ex. dactyl., p. 13.
(70) A.É.N., G.S., Fenal (doc. inédit).
(71) A.É.N., G.S., Celles (doc. inédit).
(72) N .E., Un procès de sorcellerie (…), p. 456.
(73) X., Il y a 358 ans… Hubert Colin. sorcier de Roly, dans « L’Antiquaire », 6e année, 1965, p. 51.
(74) J. BECKMAN, Une épidémie de sorcellerie à Noville-les-Bois (…), pp. 440-442.
(75) É. DELCAMBRE, op. cit., t. I, 1948, p. 63 et p. 61.
(76) P. HEUPGEN, op. cit., p. 472 et 475.
(77) Th. BEHAEGEL. Les procès de sorcellerie en Belgique, dans « Annales d’Archéologie médicale », 1re année, n° 1, 1923, p. 48.
(78)) Précision embarrassante, car le diable wallon a des pieds de bouc ! Cf. J. BECKMAN. Le diable, d’après les procès de sorcellerie de Wallonie.
(79) O. COLSON. op. cit., t. VI, p.,7f}.
(80) J. LEMOINE. . op. cit., p.109.
(81) O. COLSON. . op. cit., t. VI. p. 79 ; J. LEMOINE. . op. cit., p.104.
(82) J. DEWERT. op. cit., p.12.
(83) L. DARRAS.Procès de sorcellerie à Mons, en 1683,dans « Wallonia », t. XVIII. 1910. p. 114.
(84) O. COLSON. op. cit., t. VI. p. 78.
(85) F. DANHAIVE. Mœurs et SpotS du terroir de Namur-Nord (vie rurale). Namur. Chantraine, 1925, p. 52.
(86) J. ANNEQUIN. Recherches sur l’action magique et ses représentations (Ier et II siècles après J.-C.), dans les « Annales littéraires de l’Université de Besançon », Paris, Les Belles Lettres, 1973. p. 87 ; voir aussi le texte d’Horace (satire 8), cité plus haut.
(87) Voyez le texte cité plus haut.
(88) O. COLSON. op. cit. t. VI, p. 79.
(89)) A Leuze-Loncharnps : F. DANHAIVE. op. cit. p. 51. Le vèrboc’ est un être fantastique (cf. allemand werbock « homme-bouc »).
(90) Le rossia tchin (chien roux) désigne un chien malfaisant, variante du loup-garou dans l’Entre-Sambre-et-Meuse et considéré comme le résultat de la métamorphose d’un suppôt de Satan. Faire des grimaces dè roussia tchin signifie, à Cerfontaine entre autres, avoir une attitude hypocrite (A. BALLE. Contribution au dictionnaire du parler de Cerfontaine, publié dans les « Mémoires de la Commission royale de Toponymie et de Dialectologie », n° 11, Liège. Michiels, 1963. p. 274).
(91) J. HAUST. op. cit. p. 566. Le traître Judas ne pouvait avoir que des cheveux roux ! Notez ici la même idée de fourberie que dans ràssia tchin.
(92) Esprit des lois, livre XV, ch. V.
(93) J. ROSTAND et A. TÉTRY. L’homme – Initiation à la biologie. Paris, Larousse, 1972, p. 97. On appelle gène récessif un gène qui ne produit le caractère qui lui est lié que s’il est le même sur les deux chromosomes appariés hérités des parents.
(94) O. COLSON, op. cit. t. VI, p. 78.
(95) Voyez le texte cité plus haut.
(96) J. MONOYER, Notices sur quelques points d’histoire el d’archéologie. Ill. La sorcellerie en Hainaut. Mons, 1886, pp. 27-36.
(97) R. V AN DER MADE, Note sur la sorcellerie à Saint-Séverin-en-Condroz, dans « La Vie wallonne », t. XXXV, 1961, p. 48 ; J. BECKMAN. Une épidémie de sorcellerie à Noville-les-Bois (…), p. 431 et p. 435.
(98) Témoignage de M. L., instituteur de Lonzée, recueilli en 1963 ; exemple analogue cité par O. COLSON. op. cit. t. XIV, p. 311. Pour la « fièvre lente », espèce de maladie de langueur souvent attribuée à un mauvais sort, voir É. LEGROS, La fièvre lente des enfants, dans les « Enquêtes du Musée de la Vie wallonne », t. VIII, n°s 93-96, pp. 293-380. et J. BECKMAN, Pathologie, thérapeutique et prophylaxie des maladies attribuées aux sortilèges, pp. 50-51.
(99) J. BECKMAN. Pathologie, thérapeutique et prophylaxie des maladies attribuées aux sortilèges.
(100) Ce sont les caractéristiques prêtées aux extra-terrestres dans un feuilleton télévisé américain diffusé il y a quelques années. La bonne vieille sorcellerie dûment modernisée fait donc encore recette !
Monsieur Collée, bonjour,
Je découvre avec surprise mon article (ci-dessus) sur votre site. Je n’ai nullement l’intention de vous reprocher de vous être passé de mon autorisation, estimant que si vous avez jugé bon de le reproduire, c’est que vous le trouvez intéressant et méritant d’être mieux diffusé. Dans cette logique-là, je vous suggérerais d’en améliorer la reproduction. En en commençant la relecture (avec plaisir d’ailleurs), j’ai pointé ici et là des coquilles (erreurs non rectifiées de reconnaissance de texte, sans doute) que je vous saurais gré de corriger sur base d’un relevé que je vous transmettrais. Les illustrations, quant à elles, pourraient être améliorées en repartant des originaux que je dois pouvoir retrouver dans mes cartons.
Si cette façon de voir les choses vous sourit, je vous suggère de me communiquer une adresse mail via laquelle nous pourrons correspondre plus facilement.
Bien à vous
Jacques Beckman
Professeur honoraire
Administrateur de la Société archéologique de Namur (Belgique)
Bonjour Monsieur Beckman,
Un grand merci pour votre indulgence au regard du fait que je ne vous ai pas demandé l’autorisation pour reproduite votre article. Vous avisez juste quand vous soupçonnez de l’avoir repris par intérêt pour votre travail. J’ai trouvé celui-ci tout à fait passionnant. Bien sur je vais ajuster sa publication en fonction des éléments et rectifications que vous voudrez bien me communiquer. Si vous le permettez je souhaiterais également reproduire les articles suivants :
– Le Diable, d’après les procès de sorcellerie de Wallonie.] in « Le Diable dans le folklore de Wallonie », (Bruxelles), 1980, pp. 52-67.
– Magie, grimoires et trésors cachés à Malmedy et à Marbais au XVIIIe siècle.] in « Mélanges de folklore et d’ethnographie dédiés à la mémoire d’elidée Legros », (Liège, Belgique), Musée Wallon, 1974, pp. 121-163.
Si vous en disposiez de copie ?
Mon adresse e-mail personnelle : mcollee@icloud.com
Michel Collée
26 boulevard de l’Horizon
4714Panne d’Agenais
France tel. 05 53 41 79 51
Avec mes remercient anticipés et mes respectueuses et chaleureuses salutations.
Michel Collée.