Hippocrate. Traité des songes. [-421/-377]

Hippocrate. Traité des songes. Extrait des « Œuvres d’Hippocrate. Traduction latine d’Anuce Foès (édition de Pierer). Traduction française de J.-B.  Gardeil, professeur de Médecine à l’Université de Toulouse ert de Coray, médecin grec. », Paris, chez M. Gautret, tome deuxième, 1838, pp. 85-94.

Ce texte nous informe sur la façon dont on approchait le rêve dans l’Antiquité grecque. Il faudra attendre le IIe siècle, avec Artémidore de Daldis, appelé plus couramment d’Éphèse, pour observer de nouvelles perspectives.

Hippocrate (Ἱπποκράτης) de Cos (vers 460 avant J.-C. – vers 370 avant J.-C.). Médecin et philosophe grec, considéré comme le père de la médecine.

De cette édition bilingue sur deux colonnes, latin-français, nous n’avons reproduit que le texte français, ce qui explique la numérotation de la pagination, [p., colonne] qui renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons renvoyé les notes originales de bas de page en fin d’article. – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

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TRAITÉ DES SONGES,

[On verra manifestement par la fin de ce traité, qui se trouve le troisième dans la quatrième section de Foès, qu’il est une suite du précédent ; mais il pourra paraître si plein de superstitions, qu’on ne sera pas disposé à le regarder comme une production du même médecin, auquel nous devons les excellents Traités qui se trouvent les premiers dans cette traduction, à moins d’en rejeter une foule de choses qui paraîtrons des misères, sur la faiblesse inséparable de la nature de l’esprit humain, et sur le siècle dans lequel Hippocrate vivait.]

  1. (Préliminaires sur les songes). Quiconque veut connaître les signes qu’on peut tirer des songes trouve d’abord qu’ils ont des rapports avec beaucoup de choses de la veille ; l’âme durant le sommeil veille librement. Mais tandis qu’elle est distraite par le service du corps, son existence est comme partagée ; elle n’est point entièrement elle-même. Se donnant en partie aux besoins du corps, elle sert les sens, tels que la vue, l’ouïe, le tact, la faculté des mouvements volontaire ; elle digère les diverses opérations que demande le soin des affaires, elle se prête à tout ce qui exige quelque Intelligence de la pari du corps , en sorte qu’elle ne peut en quelque manière penser par elle-même. Quand, le corps durant le sommeil la laisse en paix, s’étendant alors également sur toutes les parties du lieu qu’elle habite, elle visite sa demeure, elle en règle toutes les diverses fonctions. Le corps est dans le sommeil ; mais elle veille, elle possède toute son intelligence, elle voit les choses invisibles, elle entend celles qui sont du ressort de l’ouïe, elle touche, elle marche, elle s’afflige, elle s’irrite. Bref, l’âme fait durant le sommeil tout ce qui concerne et le corps et l’âme. Celui qui saurait la juger en cet état posséderait une grande partie de la sagesse. On voit des personnes fort adonnées à cet art, qui disent reconnaître et distinguer les songes envoyés par les dieux, pour annoncer d’avance les biens ou les maux dont sont menacés les villes ou les particuliers, souvent sans que ce soit par la faute de ces villes ou par celle de ces particuliers. Ces personnes disent même connaître quels changements dans le corps sont annoncés par l’âme [p. 86, colonne 2] dépendants d’excès de réplétion ou d’évacuation de choses naturelles, en dépendants même d’habitudes, non d’excès. Quelquefois on rencontre juste, d’autres fois ou se trompe. On ne sait cependant ni pourquoi cela arrive, ni pourquoi on s’est mépris. On dit qu’il y a à se garantir de certains maux ; et sans en connaître les moyens, on ordonne des prières aux dieux. Il est sans doute bon de prier les dieux, c’est toujours à propos. Mais il faut de plus concourir avec la divinité, et s’y aider en l’invoquant, Voici, quant à ce sujet, ce que je pense.
  2. (Induction que l’on peut tirer des songes pour connaître le bon ou mauvais état du corps, quand les songes sont naturels). Toutes les fois que, durant la nuit, l’âme repasse dans les songes les choses de la journée, et qu’elle les voit de la même manière qu’on les a faites, se les représentant dans leur ordre, et à propos ; c’est un signe de bonne santé, parce que l’âme, persistant dans les actions du jour, manifeste qu’elle n’a été surmontée, ni par excès, ni par défaut dans le corps, ni par rien d’étranger. Mais quand les songes sont en contradiction avec ce qu’on a fait dans la journée, que cela occasionne un combat intérieur ; s’il est violent, le mal est grand ; si le combat est médiocre, le mal du corps l’est aussi. Quant à l’action faite, était-elle juste ou injuste ; et dans le dernier cas, comment doit­ on la réparer ? Ce n’est point ce dont j’ai à m’occuper. Je ne donne de conseils, que relatifs au maintien de la santé du corps. Il doit y être arrivé quelque réplétion qui a donné lieu à des séparations d’humeurs, dont l’âme a été troublée. Lors donc que le combat qu’elles occasionnent est violent, il convient de prendre un émétique, et de s’en tenir, pendant cinq jours, à des aliments légers, de faire beaucoup de promenades, allant peu à peu d’un pas plus vif. On se livrera à des exercices médiocres, à mesure qu’on reprendra des aliments accoutumés. Quand le combat intérieur est médiocre, on supprimer l’émétique ; on prendra un tiers moins d’aliments, pour revenir insensiblement à la quantité ordinaire, dans l’espace de cinq jours, On fera beaucoup de promenades ; on fera beaucoup des exercices de la voix , ou doit aussi invoquer les dieux.
  3. (Considérations prises des songes où l’on voit le firmament 1° serein ou trouble) [p. 87, colonne 2]. Quand dans les songes on voit, ou le soleil ou la lune, ou le ciel et les astres purs et sereins, c’est un bon signe. Il indique la santé du corps. Il n’y a qu’à la maintenir par la continuation du même régime, Le contraire indique un état maladif. Plus le signe est violent, plus le dérangement dans le corps est grand. L’observation a appris que le firmament répond à la surface du corps, le soleil aux chairs, la lune aux cavités où sont les viscères. Quel de ces astres qui soit représenté altéré, obscurci, éteint ou arrêté dans sa course ; le siège du mal est dans la partie correspondante. S’il paraît un désordre dans le ciel occasionné par l’air ou par les nuages, le mal est moindre que s’il se montre produit par des eaux ou de la grêle : ceci désigne une séparation d’humeurs aqueuses, pituiteuses, qui se portent à la peau. Il faut, dans ce cas, faire des courses étant vêtu, commençant par aller doucement, puis vite, afin de suer abondamment. Au sortir du gymnase, on fera de longues promenades à jeun. On supprimera le tiers des aliments pour le reprendre peu à peu, dans l’espace de cinq jours. Si le signe a été fort, on prendra des fumigations humides. Il convient de purger par la peau, puisque le mal est dans la circonférence. On usera d’aliments secs, des amers, des astringents, des choses fortes et des exercices les plus propres à dessécher.

  1. (2° Quand dans les songes on voit des altérations de la lune.) SI, dans les rêves, les altérations dont je viens de parler se montrent dans la lune, il faut arracher les humeurs du dedans, en avalant un émétique après s’être rempli d’aliments âpres, salés et doux ; on fera ensuite der courses vives, beaucoup de promenades. On se livrera aux exercices de la voix. On ne dinera point. On supprimera de la nourriture, et au bout de quelque tempe on reprendra insensiblement le train de vie ordinaire. On travaille, dans ce cas, sur l’intérieur, parce que le mal est dans quelqu’une des cavités du corps.
  2. (3° Quand les altérations sont dans le soleil.) Quand les songes ont représenté des altérations dans le soleil, on doit alors agir sur la périphérie du corps et sur son intérieur. On usera des courses et des promenades ; on se livrera à tour les autres exercices. On supprimera une partie des aliments, pour revenir insensiblement à la quantité ordinaire ; après quoi on vomira, et l’on reprendra dans cinq jour le régime accoutumé.
  3. (4° Quand les songes représentent le firmament dans un état de sécheresse) Si l’on voit le ciel serein, et cependant les astres se serrer et s’affaiblir, avec des [p. 88, colonne 2] signes d’une extrême sécheresse, cela annonce quelque maladie prochaine, dont on pourra se préserver en usant d’un régime doux, humectant, des bains, d’un grand repos et d’un long sommeil, jusqu’à ce que le corps soit rétabli.
  4. (5° Quand on voit des feux dans le ciel.) Quand en songe, l’on voit dans le ciel des feux et de la chaleur, c’est un signe d’excès de bile. Si on voit ces feux s’éteindre, c’estI un avant-coureur de maladie mortelle. Si on les voit s’avancer, mettre en fuite la personne qui croit dans son songe s’échapper et courir, laissant derrière elle les feux qui la poursuivent, on est menacé de quelque maladie qui jettera dans la manie. Il faut, dans chacun de ces deux cas, commencer par prendre l’ellébore : sinon, il faut du moins se mettre à un régime aqueux, supprimer entièrement le vin, à moins qu’on en boive du blanc, léger, en petite quantité, qui soit mou et bien trempé, On s’abstiendra des choses piquantes, des séchantes, échauffantes, salées. On se livrera beaucoup à des exercices analogues à sa constitution. On fera les courses vêtu. Point de frictions, point de lutte, point de se rouler sur le sable. On dormira le plus tranquillement qu’il sera possible, et l’on le tiendra dans le repos, à la réserve des exercices analogues à la constitution de son tempérament. On se promènera après souper. Il sera même bon de prendre des fumigations humides et un émétique d’abord après. On laissera passer trente jours, avant que d’en venir à toute la quantité ordinaire d’aliments. Lorsqu’on y sera parvenu, on vomira deux fois dans le mois, après avoir avalé un mélange de choses douces, aqueuses, légères. Quand on voit les feux errer sans cause manifeste qui les entraîne, c’est un signe de troubles dans l’âme, causés par des soucis. Il faut alors divertir l’âme par des spectacles, aller surtout à ceux qui font rire ; si on le peut, l’on fera et l’on verra tout ce qui peut faire le plus de plaisir. Il suffit quelquefois de deux ou trois jours pour faire passer le chagrin, Dans le cas contraire, l’on a à craindre quelque maladie.
  5. (6° Quand on voit des astres tomber du firmament.) Quand on voit des astres beaux et brillants tomber du firmament, c’est, marque de bonne santé. Car lorsque ce qu’Il y a de plus pur dans le corps se porte de la circonférence aux viscères, dans l’espace de la nuit jusqu’au lendemain matin, cela va bien, y ayant un circuit continuel de sécrétions des humeurs dans le ventre, qui sont rejetées vers les chairs. Mais si l’on voit quelque chose de noir et d’obscur se porter ver le couchant, qui [p. 89, colonne2] finisse par tomber ou dans la mer, ou sur terre, ou dans les airs, ce sont autant de signes de maladie. La chute de ces tristes météores dans l’air désigne des fluxions à la tête. Leur chute dans la mer annonce des maladies dans le ventre ; enfin leur chute sur la terre annonce de amas d’humeurs à l’extérieur. Il est alors utile de prendre un émétique, après avoir supprimé un tiers des aliments pendant cinq jours ; On reviendra insensiblement à la quantité accoutumée dans l’espace de cinq autres jours, à compter depuis celui du vomissement. On prendra alors encore un second émétique, après lequel on retournera peu à peu au régime ordinaire.

  1. (7° Quand on voit des rosées). Lorsqu’en songeant, on voit comme une rosée pure, qui humecte l’atmosphère, c’est un signe de santé. L’âme aperçoit alors distinctement les heureuses influences que le corps reçoit effectivement du ciel ; mais si elle voit des vapeurs noires et impures, non transparentes répandues dans l’air, c’est un signe de mauvais état, qui ne vient ni de la réplétion, ni de vide dans le corps, et est causé par des émanations extérieures. Il faut dans ce cas se livrer aux exercices des courses rapides, tâcher de fondre en quelque manière les chairs, et y introduire un nouveau souffle, en mettant dehors celui qui est dedans. Après les courses, on fera des promenades à pas précipités. Les aliments seront doux et légers pendant quatre jours.
  2. (8° Quand on croit recevoir des dieux quelque don pur.) Toutes les fois que l’on songe que Dieu envoie quelque chose de pur, c’est un signe de bonne santé ; il annonce que les humeurs sont pures ; mais si l’on songe tout le contraire, cela n’est pas bon. On doit présumer qu’il se prépare dans le corps quelque maladie, qu’on tâchera de prévenir comme ci-dessus.
  3. (9° Quand on rêve des pluies douces ou des orages.) Enfin, s’il semble qu’il tombe, par un temps doux et clair, une légère pluie qui descend lentement, qui ne mouille guère, cela est bon. C’est un signe qu’on prend dans l’air un souffle pur et modéré. Lorsqu’au contraire, on croit voir des orages, des tempêtes, des averses d’eaux sales, c’est un signe que le souffle est trop dense. On doit encore dans ce cas combattre le mal, en utilisant que d’aliments légers
  4. (10° Addition du côté de prières aux dieux, après ce qui a été conseillé concernant le régime.) Telles sont les diverses méthodes à suivre au sujet des signes pris dans les songes, où l’on voit les astres [p.90, colonne 2] ou l’atmosphère. On y joint les prières aux dieux. Dans le cas des bons signes, on fait des sacrifices au Soleil, à Jupiter céleste, à Jupiter étésien, à Minerve étésienne, à Mercure et Apollon. Dans le cas de mauvais signes, on s’adresse aux dieux qui détournent les maux, à la Terre, aux demi-dieux, en les suppliant de préserver de tous les maux dont on est menacé.
  5. (Considérations prises des songes, qui présentent les divers états où l’on voit la terre.) Venant maintenant à la terre : lorsqu’on croit voir clairement ce qui s’y passe, l’entendre distinctement ; qu’on se croit en voyage, sans éprouver aucune inquiétude ; qu’on imagine courir rapidement, avec fermeté et sans peur sur un terrain plénier, égal, bien travaillé ; qu’on rêve des arbres verdoyants, chargés de fruits doux, ou bien des rivières qui coulent tranquillement, qui roulent de belles eaux sur un lit ni trop profond ni trop peu ; ou enfin des fontaines ou des puits agréables, ce sont autant de signes de santé et du bon état du corps. Ils annoncent que les circuits des humeurs, la distribution des sucs nourriciers et des sécrétions, se font comme il faut. Quand on songe le contraire, il y a quelque dérangement dans le corps. Si la vision ou l’ouïe sont perverties, le siège du mal est à la tête. II faut donc faire des promenades le matin, et beaucoup à l’issue des exercices, outre le régime déjà prescrit pour la tête affectée. Si dans le songe, on se sent les jambes prises, s’il semble qu’on ne peut s’en servir pour courir, il faut en arracher les humeurs par un émétique, par l’exercice de la lutte et par un régime à l’avenant. Si l’on songe qu’on est dans des lieux scabreux, c’est signe que les muscles sont pleins d’humeurs. On doit alors se livrer beaucoup aux exercices et aux promenades. Des arbres dépouillés de fruits sont des signes de manque de sperme. S’ils sont dépouillés de feuilles, ils désignent un excès d’humeurs froides. Quand ils sont chargés de feuilles et dépouillés du fruit, ils dénotent de la chaleur el de la sécheresse. Il faut, suivant les cas dessécher, échauffer, rafraîchir, humecter. La marche des eaux des fleuves est un indice de celle du sang dans son cours : quand elles sont abondantes, les vaisseaux sont pleins. Quand elles coulent en petite quantité, les vaisseaux manquent de sang. On doit donc suivre un régime propre à augmenter la [p. 91, colonne 2] quantité du sang dans ce cas, à la diminuer dans l’autre. Lorsque les eaux sont troubles, c’est un signe que le sang est bourbeux. On le purifie par des courses, par des promenades qui font prendre beaucoup de souffle. Les fontaines désagréables, les puits profonds vus en songe, dénotent des vents dans la vessie ; il faut la dégager par les diurétiques. Les agitations des flots de la mer sont des indices que le ventre est affecté ; il faut le purger avec des laxatifs doux et légers. Quand on voit la terre ou la maison trembler, si l’on est en santé, c’est un ligne de faiblesse dans le corps ; l’on est malade, c’est un signe de quelque révolution salutaire dans les humeurs. Celui donc qui est en santé doit alors changer son régime : il commencera par vomir, et il ne reviendra ensuite que peu à peu au régime accoutumé : tout son corps est agité par les humeurs en mouvement. Pour celui qui est malade, il continuera de se conduire comme ci-devant : car son corps tend de lui-même vers le mieux. Lorsqu’en songeant l’on voit des inondations, des déluges, c’est une marque de surabondance d’humeurs dans le corps, On doit prendre des émétiques, se priver de diner, se livrer aux exercices, user d’aliments qui dessèchent, et ne revenir que lentement à son régime ordinaire. Voir la terre noire brulée, c’est regardé aussi comme un signe de mauvais état, comme un avant-coureur de quelque maladie fâcheuse, peut-être mortelle : ce signe dénote une excessive sécheresse dans les chairs. On doit supprimer les travaux de toute espèce, et les aliments qui dessèchent, qui échauffent, qui sont agaçants, diurétiques. Il faut vivre du suc de tisane cuit, ne rien prendre que de doux et léger, boire abondamment de l’eau blanche, user de bains chauds, ayant l’attention de ne pas prendre le bain à jeun, passer le temps doucement, tranquillement, éviter et le froid et le soleil. On fera aussi des prières à la Terre, à Mercure, aux mânes des Héros. Lorsqu’on croit nager dans des étangs, dans la mer, dans des rivières, le signe est mauvais, en ce qu’il dénote la surabondance d’humidité. Il faut se livrer aux travaux, et user d’un régime desséchant, mais si l’on a la fièvre, le ligne est bon ; la chaleur de la fièvre cède à une humidité abondante.
  6. (Inductions prises des songes, relatifs à la constitution particulière du corps ; les songes qui présentent des objets étranges ; de ceux où l’on voit des morts, des monstres.) Toutes les fois que dans les songes on voit des choses analogues à sa constitution, qui se présentent dans l’état, [p. 92, colonne 2] ordinaire, ni plus ni moins, ce sont autant de signes d’état naturel et de santé. Si l’on se voit vêtu de blanc, magnifiquement paré, le signe est bon. Quand on se voit avec des membre trop grands ou trop petits, le signe est mauvais, On doit alors avoir recours à la gymnastique, pour augmenter ou diminuer l’abord des sucs nourriciers dans ces parties. La vue des objets noirs est en général un mauvais signe, qui annonce quelque danger : il y faut des humectants, des émollients. Toutes visions étranges dénotent quelque changement dans le corps : celles des morts qui se présentent en songe sans avoir rien de hideux, qui nous apportent quelque présent agréable, sont signe d’un, bon état du corps et de la salubrité des aliments ; car nous devons aux mânes des morts la nourriture, l’accroissement et les germes. Or, lorsqu’ils nous les donnent de bonne nature, nous jouissons de la santé. Quand au contraire on fait des songes opposés, qu’on voit des morts nus, noire, souillés d’ordures, qui viennent dépouiller, dévaster la maison, ce signe dénote un mauvais état du corps ; il menace de maladie ; il fait connaître que les aliments ne profitent point. Il faut purger le corps au moyen des courses et des promenades, prendre un émétique, et se nourrir avec des choses douces, légères. Lorsqu’on voit des monstres bizarres, des choses effrayantes, c’est un signe de plénitude d’aliments, et de quelque vice dans les sécrétions. On est menacé d’une maladie produite par la bile. On doit prendre un émétique, ne se nourrir pendant cinq jours que d’aliments très-légers, d’abord en petite quantité, les augmentant ensuite peu à peu, évitant tout ce qui dessèche ou qui échauffe, s’en tenir aux exercices qui conviennent le plus au tempérament, à la réserve des promenades de l’après­souper, qu’on ne fera point. On usera de bains, des lotions avec l’eau chaude. L’on se tiendra enfin fort en repos, évitant et le soleil et le froid.
  7. (Des songes où l’on croit manger et boire.) Lorsque dans les songes on croit manger ou boire des choses ordinaires, c’est un signe de besoin de nourriture, et d’un affaiblissement de l’âme. Si dans les songes on se voit les chairs extrêmement grosses, cela dénote une surabondance de nourriture, qui est moins forte quand les chairs paraissent moins excessives : car on voit en songe, suivant qu’on a besoin ou non de nourriture. Il faut dans le dernier cas retrancher des aliments ; il est un signe de nutrition trop [p. 93, colonne 2] grande. Il en est de même (1), lorsqu’on songe qu’on mange des pains prépares avec du lait et du fromage. Quant à la boisson, si l’on croit boire de l’eau pure, le signe est bon. Les autres boissons sont de mauvaise signification. Toutes les fois que dans un sommeil tranquille on croit voir des choses ordinaires, c’est une marque que l’âme les désire.
  8. 16. (Des songes où l’on rêve des massacres, des combats, des escalades.) Quand on voit des choses horribles qui jettent dans l’effroi, c’est un signe de quelques embarras dans le cours du sang qui se dessèche. Il faut humecter et rafraichir le corps. Lorsqu’on songe des combats, des blessures, qu’on se croit garrotté, il se passe, dans les sécrétions et dans le cours des humeurs, quelque mouvement en sens contraire. Il faut donc vomir, atténuer le corps, faire beaucoup de promenades, user d’aliments légers, et revenir peu à peu dans l’espace de cinq jours au régime ordinaire. Quand on se croit égaré, perdu, qu’on s’imagine escalader, ce sont tout autant de signes de mauvais état. Traverser les fleuves, se battre avec des ennemis, voir des gens armés, se trouver en présence d’objets hideux, épouvantables, sont des avant­coureurs de la manie. Il faut dans tous ces cas user d’aliments légers en petite quantité, vomir, revenir insensiblement au régime ordinaire dans l’espace de cinq jours après avoir vomi, faire beaucoup de travail suivant que le tempérament le comporte, excepté l’après­souper ; ne pas prendre de lotions d’eau chaude, fuir le soleil, le froid, l’oisiveté.

(Conclusion) Quiconque pratiquera ce que j’ai écrit sur cette matière jouira d’une bonne santé. Je crois avoir trouvé avec l’aide des dieux les règles du régime aussi bonnes qu’il est possible à un homme de les donner (2).

Notes

(1) Le sens en cet endroit n’est pas moins embarrassant dans le texte, qu’il pourra le paraître dans la traduction. Je croirais qu’il s’agit maintenant du cas où, loin que les songes avertissent d’augmenter la nourriture, ils désignent qu’il faut la diminuer. Du reste, tout ceci paraîtra sans doute bien peu important.

(2) Les dernières paroles de ce Traité, conférées avec ce qui est dit en différents endroits du Traité du régime, et notamment livre III, numéro 8, semblent prouver maifestement à mon avis que celui-ci est une continuation et la fin de celui qui précède. — Du reste, [p. 93, colonne 2] quelqu’extraordinaire que puisse nous paraître aujourd’hui cette doctrine des songes, je ne saurais me persuader que l’auteur, qui ne parait nullement visionnaire, l’eût débitée, s’il ne l’eût trouvée fondée sur des faits, peut-être mal éclaircis et trop généralisés. Je ne vois point même de preuves assez démonstratives de la fausseté des préceptes qui y sont donnés, pour qu’on doive absolument les rejeter. La patience et le temps nécessaires avant de pouvoir déterminer, d’une manière sage et décisive, à quoi s’en tenir là-dessus, seront vraisemblablement cause qu’on ne le saura jamais, parce qu’on croira devoir employer mieux son temps à d’autres choses. Pour ce qui est des prières à Jupiter, à Mercure, etc., elles ne prouvent point que l’auteur fût superstitieux. Il est, ce me semble, assez clair qu’il n’en parle que pur ménagement pour le peuple ou pour les prêtres du paganisme, et que le n° 12 est de surérogation.

 

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