Henri Gaidoz. Les noms du diable. III. En gallois (1). Extrait de la revue « Mélusine, recueil de mythologie, littérature populaire, traditions & usages », (Paris), tome VI, 1892-1893, colonne 79-81.
Élie Henri Anatole Gaidoz (1842 – 1932). A l’origine professeur de géographie et d’ethnologie, il est devenu celtiste et un folkloriste d’une érudition rare. Il occupa la chaire de philologie celtique à l’EPHE à partir de 1876. Ses contributions tant à l’ethnologie, qu’à la mythologie, qu’au domaine de la linguistique, émaillent son parcours éclectique. Il fur enfin un collaborateur attitré de Paul Sébillot. Il a fondé la Revue celtique en 1871 et la revue Mélusine en 1877.
Quelques publications retenues :
— Esquisse de la religion des gaulois avec un appendice sur le Dieu Encina. Extrait de l’Encyclopédie des Sciences Religieuses, Tome V. Paris, Sandoz et Fischbacher, 1879. 1 vol. in-8°, 24 p.
— (avec Sébillot). Bibliographie des traditions et de la littérature populaire de la Bretagne. Nogent-le-Rotrou, impr. de Daupeley-Gouverneur, 1882.
— (avec Sébillot). La France merveilleuse et légendaire, par H. Gaidoz et Paul Sébillot. Paris, éditions Le Cerf, 1884.
— Mélusine, recueil de mythologie, littérature populaire, traditions et usages. Paris, Viaut puis E. Lechevalier, 1878-1901. 10 volumes.
— Les noms du diable. II. En Breton. Extrait de la revue « Mélusine, recueil de mythologie, littérature populaire, traditions & usages », (Paris), tome VI, 1892-1893, colonne 64-66.
— Les noms du diable. III. En gallois (1). Extrait de la revue « Mélusine, recueil de mythologie, littérature populaire, traditions & usages », (Paris), tome VI, 1892-1893, colonne 79-81.
— De l’étude des traditions populaires ou folk-lore en France et à l’étranger. Extrait des Explorations Pyrénéennes, 3°série, Tome 1, 1906.-Bagnères-de-Bigorre, D. Bérot, 1907. 1 vol. in-8°, 2 ffnch., pp.175-193.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original., mais avons corrigé plusieurs fautes de composition – Par commodité nous avons renvoyé les notes originales de bas de page en fin d’article. –Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr
[colonne 79]
LES NOMS DU DIABLE
III
En gallois (1) :
En gallois les noms du diable sont, comme ailleurs, sortis de la tendance à l’euphémisme (2). On évite de [colonne 80] prononcer le nom de celui que l’on craint, de peur soit de l’évoquer, soit de l’offenser (3).
En devenant chrétiens, les Bretons de la GrandeBretagne avaient reçu le nom latin du diable, venu venu du grec où il signifie simplement « le calomniateur. » Ce nom est devenu en gallois moderne diawl (avec les variantes graphiques diafl, diafol, diafwl, WALT.) ; mais ce terme, dont l’étymologie était déjà oubliée en latin , paraissait un nom personnel , et pour cette raison on lui trouva bientôt des synonymes moins effrayants ; et diawl est aujourd’hui un terme assez grossier qu’une personne de bon ton évite de prononcer.
C’est certainement au nom du diable diawl qu’il faut rattacher le juron familier myn diawch litt. « par diawch ! ». Ce juron n’est pas plus mal porté que l’anglais by Jove ou le français parbleu ; et c’est sans doute sa respectability qui a mené autrefois M. J. Rhys (débutant alors dans les études celtiques où il devait devenir un maitre}, à l’expliquer comme étant un doublet de duwch, forme populaire de duw « Dieu » et où ch correspondrait il l’s de Diespiter et de Zeus (4), ce « Dieu suprême de la race indo-européenne » dont on nous a tant battu et rebattu les oreilles, et qui alors était au zénith de sa gloire. Mais il est plus que probable que le juron myn diawch est une différentiation euphémistique de myn diawl, comme en français diantre est pour diable, parbleu pour par Dieu, etc. Les articles de M. Rolland sur les serments et jurons, publiés ici même, ont fait la clarté la plus complète sur cette loi de déformation des jurons. — C’est également comme déguisements du même nom du diable que nous expliquons des jurons variantes du précédent : myn diachan (5), myn diaw (L. B.), myn diawst (M. T.), myn diain (M. T.). Le juron myn brain (M. T.), employé dans le même sens, peut se comprendre comme formé sur myn diain par différentiation du son initial.
De très bonne heure, et probablement avant le VIe siècle, les Bretons de l’Île, ancêtres des Gallois, avaient adopté le mot latin contrarius « l’ennemi », pour éviter d’employer le mot diabolus. C’est en effet par le latin contrarius que s’explique le mot gallois cythraul, nom en quelque sorte académique et de bonne société pour désigner le diable dans les circonstances solennelles, par exemple dans la chaire chrétienne.
Plusieurs dictionnaires gallois donnent comme nom du diable le mot andras (6), mais il faut remarquer que [colonne 81] ce mot n’appartient pas à la langue parlée, ce que les Anglais appellent words of mouth, et que c’est un mot de dictionnaire, un terme de lettré. Les lexicographes et les lettrés gallois y ont vu le nom de la déesse bretonne de la guerre Andrasta, mentionné par un écrivain grec : cela rend probable qu’Andras a été tout simplement fabriqué par l’un d’eux sur Andrasta. La méprise a été facilitée par le fait que le mot, restitué sur Andrasta, pouvait être compris comme un mot hypothétique anras qui aurait signifié « méchanceté » (7). Andras est, en somme, un de ces mots que les lettrés fabriquent quand ils croient les restituer, et qui n’existent pas.
cyhuddwr, DAV. WALT. « l’accusateur »
cam-gyhuddwr, WALT. « le faux accusateur ».
cablwr, DAV. WALT. « le calomniateur (ou le blasphémateur) ».
achwynwr, DAV. WALT. « l’accusateur ».
y faII, DAV. WALT. « le mal ».
y ddera, WALT. « la fureur, la démence ».
yr yspryd drwg, WALT. « le méchant esprit ».
y gwrthwynebwr uffernol, WALT. « l’adversaire infernal ».
athrodwr, athrodydd, WALT. « le calomniateur »
y gwr drwg, M. T., L. B. « le méchant ».
yr hen fachgen, M. T., L. B. « le vieux garçon ».
yr ben was, L. B. « le vieux camarade ».
yr hen frawd, L. B . « le vieux frère ».
yr hen ewythr, L. B. « le vieil oncle ».
y gelyn, L. B. « l’ennemi ».
y gelyn enhyd, L. B. « l’ennemi dangereux ».
Die ty poeth, L. B. « Dick de la maison chaude ». — Dick est un nom anglais fréquent.
Nic, L. B. vient de l’anglais ; Old Nick « le vieux Nicolas » est un des noms anglais du diable.
Bodsiei. L. B. vient de l’anglais bogy « croque-mitaine ».
BoloI, L. B. M. Davies suppose que c’est une forme corrompue de Belial.
H. GAIDOZ.
LAISSER UN COMMENTAIRE