Henri Claude et H. Biancani. Sur un cas d’obsession génitale avec angoisse et tendance à l’exhibitionnisme chez la femme. Article paru dans la revue « L’Encéphale, journal de neurologie et de psychiatrie », (Paris), seizième année, 1921, pp. 456-462.
Charles Jules Henri Claude (1869-1945). Médecin neurologue et psychiatre. Après avoir été initié à la médecine par Charles Bouchard il de vint l’assistant de Fulgence Raymond à la Salpêtrière et occupa la chaire de clinique des maladies mentales de 1922 à 1939 à l’hôpital Sainte-Anne à Paris. Il œuvra au développement des théories psychanalytique en France, malgré de sérieuses réserves, et créa la premier Laboratoire de psychothérapie et psychanalyse à la Faculté de Médecine de Paris. Il laissera son nom à plusieurs syndromes en neurologie.
Quelques publication parmi plusieurs dizaines :
— Les états anxieux. Paris, Maloine, 1938. 1 vol. in-8°, 431 p.
— A propos d’une bouffée délirante à contenu symbolique, essai d’explication biologique et psychologique d’un délire. Paris, Masson et Cie, 1923.
— (avec Adrien Borel et Gilbert Robin). Considérations sur la constitution schizoïde et la constitution paranoïaque. Genèse des idées délirantes. 1923. [en ligne sur notre site]
— (avec Raymond de Saussure). De l’organisation inconsciente des souvenirs. 1924. [en ligne sur notre site]
— La méthode psychanalytique. Par Henri Claude. Le Disque vert. 1924. [en ligne sur notre site]
— (avec Adrien Borel, Gilbert Robin). Démence précoce, schizomanie et schizophrénie. 1924. [en ligne sur notre site]
— Le délire d’interprétation à base affective de Kretschmer et ses rapports avec le syndrome d’action extérieure. Extrait de l’Encéphale, 1928. Paris, 1928. 1 vol. in-8°, pp. 411-414.
— (avec Jean Cantacuzène). Note sur un essai de prophylaxie des délires spirites. Extrait des « Annales médico-psychologiques », (Paris), XVe série, 94e année, tome deuxième, 1936, pp. 111-116. [en ligne sur notre site]
— Psychiatrie médico-légale. Paris, G. Doin et Cie, 1932. 1 vol. in-8°, 299 p. – Deuxième édition entièrement révisée. Paris, G. Doin et Cie, 1944. 1 vol. in-8°, 333 p.
— Thérapeutiques biologiques des affections mentales. Paris, Masson et Cie, 1940. 1 vol. in-8°, 2 ffnch., 336 p.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – La note de bas de page a été renvoyée en fin de texte. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr
[p. 456]
SUR UN CAS D’OBSESSION GÉNITALE
AVEC ANGOISSE ET TENDANCE
A L’EXHIBITIONNISME CHEZ LA FEMME
Par
Henri Claude et H. Biancani(1)
Le cas que nous rapportons nous a paru digne d’intérêt, car, à l’obsession génitale avec angoisse s’ajoutent des impulsions réfrénées qui portent en elle les ébauches du caractère du sadisme et de l’exhibitionnisme. Ces observations ont été faites chez une femme qui n’est pas inintelligente, quoique de conditions sociales modestes élevées ni une perverse ni une éduquée au point de vue des pratiques sexuelles. Aussi, son cas nous a-t-il paru assez curieux, lorsqu’on cherche à en expliquer la genèse et de développement. Nous avons cherché s’il était possible d’expliquer les manifestations que présente cette femme par des tentatives de psychoanalyse ; il ne nous a pas été donné de retrouver et d’isoler ces complexes que l’école de Freud met en relief avec tant de facilité, de même que nous avons relevé dans son histoire aucun de ces traumas affectifs ni aucun incidents d’éveil de la vie sentimentale. Bien au contraire, nous pensons, comme on le verra, que l’origine du trouble psychosexuel doit être cherchée dans un état cénesthopatique primitif d’origine sympathique, qui a entraîné des modifications d’ordre affectif que la psychologie traditionnelle permet d’expliquer très simple.
Mme S… est âgée de quarante-sept ans. Elle appartient milieu ouvrier, elle est mariée à un brave homme qui gagne bien sa vie. Elle a été autrefois en atelier, mais depuis longtemps, elle ne s’occupe plus que des soins de son ménage. Il n’existe pas de cas de troubles nerveux ou mentaux dans sa famille. Elle est en bonne santé physique.
Mme S… a eu une instruction primaire et son développement intellectuel et plutôt un peu supérieur à celui des personnes de sa condition sociale et notamment à celui de son mari. Son attitude dans le service a toujours été très convenable, très réservée, et rien ne permet de mettre en doute la sincérité de ses réponses ou des sentiments qu’elle exprime. [p. 457]
Antécédents personnel. — La malade nous déclare n’avoir jamais eu aucune maladie. Grossesse normale à l’âge de vingt-deux ans ; accouchement à terme est normal. Pas de fausses couches.
La malade a toujours été réglée normalement jusqu’à il y a deux ans, date de ses premières impulsions. À partir de ce moment, les règles sont venues des d’une façon irrégulière, tous les deux, trois mois et est peu abondante. La malade a constaté que ces impulsions sexuelles devenaient surtout intenses trois jours avant l’apparition des règles. Au moment des règles, elle disparaissait presque complètement. Mais deux à trois jours après leur terminaison, elle redevenait plus forte pour diminuer ensuite de nouveau.
État des collatéraux. — Son mari est en excellente santé.
Sa fille âgée de vingt-cinq ans, est, elle aussi, bien portante. Mais elle a le même tempérament qu’avait sa mère à son âge. Réglé à douze ans comme sa mère, elle a toujours été bien réglée, mais elle semble tout à fait indifférente pour tout ce qui touche la sexualité et n’a aucun désir de se marier.
Frères bien portants. Il ne soit pas nerveux.
Antécédents héréditaires. — Père âgé de soixante-treize ans.
Sa mère est morte : elle avait de l’albumine.
Antécédents personnels. — Il y a une quinzaine d’années, un jour, de façon soudaine, la malade éprouve une sensation de « boule qui, partie de l’abdomen, remonte vers sa gorge ». Cette sensation dure environ deux semaines, pendant lesquelles la malade est un peu excitée.
Examen de la malade.
L’examen fonctionnel et physique des appareils digestif-respiratoire, cardio-vasculaire et urinaire n’a décelé rien d’anormal.
Les organes génitaux ont été examinés par le docteur Siredey qui n’a constaté aucune lésion utéro-ovarienne, mais seulement un léger état congestif de la vulve et du vagin. Depuis deux ans, les règles étaient irrégulières, les ont cessés depuis février dernier.
Après les repas, le visage de la malade se congestionne, habituellement pâle, il devient très rouge, les yeux sont injectés, la température locale s’élève, la sueur apparaît. La malade se sont mal à l’aise, elle a très chaud. Cet état dur une demi-heure environ, puis s’atténue et disparaît. Cette femme n’est nullement suspecte d’alcoolisme. C’est poussé congestive, avec un régime d’hôpital modeste, mérite d’être mis en valeur par ce qu’elles traduisent un trouble de l’équilibre vaso-moteur.
La pression artérielle est normale : 15-9 au Pachon.
La balade réagit très fortement à l’épreuve de la pilocarpine (1 centigrammes en injection sous-cutanée). La réaction sudorale et salivaire abondante se prolonge pendant une heure avec quelques frissons. Le réflexe du plexus solaire et légèrement influencé dans le sens positif.
Sous l’influence de l’injection de 1 milligramme d’atropine, pas de réactions nettes. Le réflexe solaire n’est pas provoqué. L’épreuve de l’adrénaline, 1 milligramme en injection sous-cutanée après absorption de 150 grammes de glycose, est positive. Le pouls est accéléré de 75 à 92, la pression s’élève à 16 maximums. Le réflexe du plexus solaire n’est pas provoqué. La polyurie est très accusée, 825 centimètres cubes en sept heures, et 4gr. de glucose. [p. 458]
Ainsi ces épreuves biologiques montrent une certaine sensibilité à la pilocarpine et à l’adrénaline, ce qui concorde assez bien avec les réactions vaso-motrices, réflexes d’origine digestive, pour permettre d’affirmer un trouble de l’équilibre du système nerveux régulateur des fonctions végétatives. Après avoir caractérisé l’état de cette malade au point de vue biologique, voyons comment elle se présente au point de vue mental.
Examen psychiatrique. — La malade n’a eu aucun trouble nerveux ou psychique dans sa première enfance, par l’incontinence nocturne d’urine, pas de terreurs nocturnes. Elle rêvait beaucoup mais surtout de ses jeux, de ses occupations journalières. Elle a eu aucune curiosité sexuelle. À douze ans, les premières règles s’installent normalement ; la puberté ne provoque aucune appétence sexuelle et dans ses rêves elle ne peut citer aucune image qui puisse être interprétée comme ayant un symbolisme génital. D’ailleurs, elle se montrait tout à fait indifférente aux choses ayant trait à la sexualité. À l’école, elle entendait des jeunes camarades tenir des conversations licencieuses ; quelquefois, dans la rue, de jeunes garçons tournaient autour d’elle, l’un d’eux la poursuivit et tenta à quelques attouchements, mais elle n’y pris pas garde. Elle s’éloignait des uns et des autres, non pas par un sentiment de pudeur et de malaise affectif, mais parce que, dit-elle « tout cela ne l’intéressait pas ». De même, plus tard, à l’atelier, elle entendit bien des conversations à caractère érotique, souvent il est fait allusion aux choses de l’amour, aux rapprochements sexuel : l’idée est acceptée par son esprit avec indifférence, et son imagination ne s’en serve nullement.
À l’âge de vingt-deux ans, sa famille la marie un homme qui ne lui déplaît pas, qui ne se montra ni trop réservé, ni brutale ; elle accepta le mariage comme un acte naturel, et le coït comme le devoir conjugal, suivant l’expression consacrée, mais sans éprouver la moindre inclination amoureuse, et jamais, par la suite, elle ressentit aucune sensation voluptueuse ; elle est toujours, dit-elle, d’une froideur extrême. Jamais non plus, la vue d’un autre homme provoque chez elle aucun trouble, aucun désir. Elle vit chez elle, tranquille et heureuse et lorsque parfois elle entend des amies lui parler des jouissances qu’elles éprouvent, elle s’étonne bien un peu de ne pas être comme elles, mais ne s’en inquiète nullement. Aucune lecture, aucune image à caractère licencieux ou seulement romanesque ne peut être découverte dans cette analyse. Elle affirme n’avoir jamais pratiqué la masturbation. Mais une nuit, il y a de cela une dizaine d’années, elle éprouve des sensations nouvelles : elle ressent une vive chaleur au niveau de ses organes génitaux, son corps est animé de mouvements désordonnés, ces mouvements tremblent, et pour la première fois de sa vie, elle éprouve de vives jouissances. Elle se réveille et se trouve étendue les cuisses serrées compressant la bulle, mais rapidement l’orgasme diminue et disparaît. Toutefois le souvenir de ces sensations pas fait éclore dans son esprit un léger désir de les éprouver de nouveau.
À trois autres reprises, les mêmes phénomènes se reproduisent toujours dans les mêmes conditions, et toujours, après le réveil, l’état de jouissance s’évanouit. La malade a constaté que ces rêves survenaient deux ou trois jours avant l’apparition des règles.
Enfin, il y a deux ans, la balade éprouve pour la cinquième fois le même orgasme voluptueux, toujours dans les mêmes circonstances et revêtant toujours les mêmes modalités. Mais cette fois, après son réveil, tandis que l’état [p. 459] voluptueux disparaît comme les trois précédentes, l’état d’excitation persiste, et les jours suivants, loin de s’apaiser, il s’exagère. La malade éprouve d’une façon presque continue avec de temps à autre des paroxysmes, une tension douloureuse au niveau de ses organes génitaux externes : érection du clitoris, contractions spasmodiques des muscles périnéaux. En même temps, elle éprouve un besoin impérieux de remuer ses cuisses, de les rapprocher l’une de l’autre, de s’agiter. Elle se sent perpétuellement en imminence de crises convulsives et cet état provoque chez elle une angoisse croissante. Elle voudrait se calmer, redevenir ce qu’elle était autrefois, et lutte de toutes ses forces en appliquant son esprit sur les choses du ménage, sur les faits les plus insignifiants qui se déroulent autour d’elle. Et, par ses moyens de défense, elle arrive souvent à prévenir les crises. Mais la nuit, pendant le sommeil, elle cède : tout se déclenche alors et la jouissance apparaît.
Tel était l’état de la malade au début.
Par la suite, son rêve s’enrichit de nouveaux éléments : ce ne fut plus seulement une simple agitation du bas-ventre et des cuisses, pour ainsi dire dans le vide, mais les muscles en convulsions parurent en quête d’un point d’application pour intensifier leurs mouvements : alors, une des images, qui, la veille, avait occupé l’esprit de la malade, se présenta devant elle dans son sommeil : c’était une petite casserole. Elle se dirigea vers cet objet, qui appliqua ses organes génitaux et le serra fortement entre ces jambes. Et, le lendemain matin, un changement s’était produit dans son état impulsif : il était devenu plus complexe, car maintenant l’idée de l’objet qui avait favorisé durant la nuit l’orgasme génital se présenta à son esprit, ses yeux le cherchèrent, son regard le découvrit et s’y fixa, et à l’impulsion primitive de rapprocher ses cuisses et d’agiter son bassin s’ajouta maintenant celle d’aller frotter sa vulve sur cet objet, de le serrer entre ses cuisses. Et tandis que l’impulsion devenait plus complexe, l’état d’angoisse devenait plus intense : car, d’une part, la pulsion devenait plus impérieuse qu’elle s’intellectualisait en raison de la lutte plus difficile ; et, d’autre part, la malade avait conscience de la nature de plus en plus obscène de son impulsion en même temps que de la nécessité de plus en plus impérieuse de la maîtriser.
Au début, l’objet de ses convoitises était des êtres inanimés, mais bientôt ses impulsions devaient se diriger vers les animaux et voici dans quelles conditions : Un après-midi, tandis qu’elle regardait par la fenêtre de sa chambre, elle vit venir un cheval traînant une charrette et qui s’arrêtent sous sa fenêtre ; le charretier décharge la voiture, puis donne un coup violent de fouet au cheval qui repart. C’était, dit la malade, un beau cheval blanc, et le claquement du fouet sur le dos de la bête l’avait un peu ému. La nuit, elle rêve d’avoir des rapports avec ce cheval blanc et d’éprouver des jouissances, mais dans ce coït de cheval avait été passif ; c’était elle qui avait été, et qui avait accompli l’acte. Et le lendemain matin, la vue d’un animal quelconque devrait déclencher l’impulsion génitale.
Enfin, un peu plus tard, ce fut sur les êtres humains que se portèrent ses désirs.
Mais, tandis que la nature de l’objet de ses convoitises se modifiait, la nature de l’acte qu’elle était poussée à accomplir restait le même. À la vue d’un être humain, c’était toujours le même désir d’aller frotter sa vulve contre lui, et sur n’importe quel endroit de son corps (pas plus sur les organes génitaux [p. 460] ou sur ses fesses que sur sa face ou un membre). Parmi ses semblables, la malade éprouvait une excitation plus forte lorsqu’elle voyait un enfant qu’un l’adulte, une femme qu’un homme, et ce n’était pas la beauté du visage ou du corps qu’elle recherchait, mais bien à leur état de faiblesse. Plus, en effet l’objet de ses convoitises paraissait être passif et se prêter à recevoir des excitations étrangères et plus l’impulsion devenait forte. Aussi, la vue d’un homme grand et fort la laissait complètement indifférent.
La malade déclare qu’elle n’éprouvait aucune impulsion à porter ses mains sur ses organes génitaux, à se livrer à la masturbation, ni à appliquer sur eux des objets qui provoquaient l’exaltation génitale. Elle n’avait non plus aucun désir de recevoir d’autrui des excitations et les rapports avec son mari continuaient à ne lui procurer aucune satisfaction. Tel était l’état de la malade durant la première année de son affection.
Mais bientôt son obsession devait s’enrichir d’un nouvel élément, constituant dans l’idée de violenter l’objet de ses convoitises. Non contente de songer à le serrer, à l’étreindre et à s’y frotter, elle voulait désormais, si c’était un être animé, le faire criait, le passé, le mordre et si c’était un objet le déchirer, le couper, le briser.
Et nous pénétrons dans une seconde phase de l’évolution de l’obsession-impulsion génitale, dans laquelle survient une dissociation des différents éléments de l’impulsion, chacun de devenant indépendant et continuant à se développer pour son propre compte. Le besoin de violenter l’objet de ses désirs qui accompagnaient auparavant l’impulsion, non réalisée, à se frotter contre lui, constitue maintenant, par moments, le fond même de l’impulsion, de sorte que, se trouvant devant une personne, l’idée de lui faire du mal surgi dans son esprit, indépendamment de toute idée de contact sexuel.
La modalité de l’action malfaisante varie sans cesse, mais en gardant toujours plus ou moins une teinte génitale. D’abord, c’était un besoin de pincer, de mordre la personne devant laquelle se trouvaient ; par la suite, ce fut celui de proférer devant elle des paroles obscènes ; enfin, un jour, alors qu’elle se promenait dans un jardin, soudain elle se sent poussée, devant tout le monde, à se découvrir et, toute nue, à accomplir sur la pelouse des actes obscènes. Et depuis lors, maintes fois, lorsqu’elle se trouve devant plusieurs personnes, ce même désir s’empare d’elle.
Ces nouvelles impulsions n’ont pas fait disparaître les anciennes : tout ce présent tour à tour à son esprit et provoque chez la malade une angoisse intense. Sa poitrine est oppressée, son cœur animé de palpitations, une bouffée de chaleur lui monte au visage qui prend parfois une teinte rouge vif, son front se couvre de sueurs et la malade ressent de violents maux de tête dans la région frontale.
Cette angoisse est d’autant plus vive que la victime qu’elle choisit et plus digne de respect ; or, que l’objet de ses convoitises et respectable, que la jouissance nocturne est intense et plus l’impulsion du jour est impérieuse : et ainsi peu à peu son impulsion et dirigée dans le sens le plus grave et sa fille finit par devenir le point de mire de son appétit sexuel. Alors, au paroxysme de l’angoisse, notre malade qui avait toujours lutté victorieusement envisage l’idée du suicide. Et cette angoisse est peu à peu une telle acuité, que l’idée du suicide s’imposa à son esprit. Elle voulut s’étrangler et commença à réaliser l’acte. Mais elle n’eut pas le courage de continuer. [p. 461]
Le lendemain, 15 mai 1920, elle se présentait à la Salpêtrière dans un état de vive agitation. Elle fut aussitôt hospitalisée. Elle resta à l’hôpital neuf mois.
Le certificat portait à l’entrée : excitation génitale, état anxieux intense, idées de suicide et tentative.
Le certificat de visite mentionne (Dr Chaslin) : accès d’angoisse extrêmement intense avec actes désordonnés, impulsion au suicide, obsessions génitales accompagnant les crises d’angoisse.
À la sortie, 28 février 1921, le calme relatif est revenu, les obsessions ont néanmoins une tendance à passer à l’état chronique.
Rentrée chez elle, cette femme a pu reprendre sa vie normale dans son ménage, mais au bout de quelques semaines, et les rentrer dans notre service à l’hôpital Saint-Antoine en raison de la persistance de ses obsessions impulsives et de l’état d’angoisse provoquée par la honte, dit-elle, qu’elle ressent.
De fait mérite de retenir actuellement l’attention en dehors des obsessions.
Les obsessions, en effet, sont toujours du même ordre : la vue d’un objet, l’angle d’une table, une bouteille, le dossier d’une chaise pour lui servir à frotter ses organes génitaux, elle est attirée vers ces objets, mais résiste toujours. Récemment, aidant une infirmière a changé une malade, l’aspect du corps nu incite à se jeter sur elle pour se frotter contre son corps, elle doit lutter pour chasser l’obsession impulsive. Mais la nuit, dans ses rêves, l’acte se matérialise de nouveaux et est suivis de déclenchement voluptueux.
En dehors de ses obsessions génitales persistent les obsessions de faire du mal et de tuer. C’est ainsi que récemment, un matin au réveil, nous la trouvons sombre, car elle est obsédée par l’idée de tuer sa fille ; elle prétend d’ailleurs qu’elle ne peut penser à celle-ci sans que l’idée de meurtre surgisse dans son esprit. Elle accueille avec joie les visites de sa fille à l’hôpital, mais ne veut pas rentrer chez elle à cause de ses craintes d’homicide. D’ailleurs, ses obsessions se portent aussi sur d’autres objets, et la vue d’une paire de ciseaux lui est désagréable, car elle craint de s’en servir pour faire du mal. Pas d’autres impulsions, et notamment pas d’impulsion au vol.
Un autre fait sur lequel insiste cette malade, c’est que, d’après elle, son l’obsession impulsive et toujours la conséquence d’une sensation pénible dans la région fémorale et le bas ventre surtout du côté droit. Elle revient sans cesse sur le trouble qui émane des organes génitaux externes et vivante. De même qu’il lui semble souvent, la nuit, quand elle a des sensations voluptueuses qu’elle va uriner, et deux fois il y eu un commencement d’actes.
En raison de la persistance des troubles cénesthopathiques de la région perino-vulvaire, nous avons pratiqué une fois une rachianesthésie légère la résurrection de 2 centigrammes de nouveaux novocaïne dans le liquide céphalo-rachidien. Les troubles locaux ont disparu pendant quelques jours ainsi que les obsessions, mais la malade a souffert de réactions assez vives d’ordre général : céphalée, douleurs dans le bassin et les membres, et quelques vomissements.
En raison de l’amélioration de l’état psychique, nous avons recouru pour l’injection épidurale de sérum additionné de 4 centigrammes de novocaïne. La sédation des troubles locaux a été manifeste sans retentissement sur l’état général. On note incontestablement une accalmie de l’état obsédant. Les angoisses de son apparentes et la malade se montrent beaucoup plus [p. 462] active, causant, travaillant dans le service, alors qu’autrefois elle s’isolait et restait toujours couché, pleurant constamment.
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Sans vouloir insister davantage sur les résultats thérapeutiques, nous voulons surtout mettre en relief quelque. De cette observation psycho-biologique.
Nous pensons que ces produits chez cette femme, à l’époque de la ménopause, des troubles du sympathique pelvien qui se sont traduits par un état cénesthopathique spécial de la région des organes génitaux et du bas-ventre, d’abord obscur, puis de plus en plus accusé. Ces incitations cénesthopathique ont provoqué une activité onirique spéciale et dans le sommeil des réflexes voluptueux bien caractérisés, alors que l’acte génital normal conjugal ou extraconjugale n’est qu’accepté sans être désiré d’aucune façon.
Dans un deuxième stade, l’excitation psychique, provoquée et entretenue par le trouble cénesthopathique aggravé, revêt un caractère obsédant d’autant plus qu’un antagonisme s’est créé immédiatement entre l’incitation génitale et les habitudes mentales antérieures de la malade, sa personnalité morale. Ce conflit, cette critique, cette censure, si l’on veut, a été l’origine de l’état d’angoisse.
Mais ce qui nous paraît curieux dans ce cas, c’est que l’intensité de cette censure a toujours été assez forte pour que le sujet n’est pas cherché à assouvir son désir par des relations sexuelles de nature quelconque (masturbation, coït de conditions variées) mais qu’au contraire elle est écartée tout moyen de satisfaction de son hyperactivité.
C’est dans l’activité du rêve, d’une part, et dans les déviations complexes que nous avons indiquées que l’excès de la libido s’est déversé. Cette énergie c’est alors traduite spontanément par des débauches de déviations génitales qui peuvent rentrer dans la bestialité et le sadomasochisme alors que cette femme, par son éducation, ignore tout de ces pratiques anormales. Enfin la substitution a été poussée à Intel. Que les complexes, dérivé du trouble cénesthopathique, se sont effacés et ont laissé place à des éléments affectifs nouveaux dégagés de l’expression psychosexuelle et se traduisant uniquement par des impulsions à la violence, à l’homicide, au scandale, car les tendances exhibitionnistes ne peuvent être considérées ici que comme une expression de la charge psychomotrice.
Fait important. Malgré l’accumulation des éléments du syndrome obsession-impulsion, aucune manifestation extérieure, aucun acte la révéler l’existence de ce désordre mental, en dehors des sentiments d’angoisse et des phénomènes affectifs.
Les constatations cliniques relatives à la succession des éléments du syndrome mental, la prévalence du phénomène cénesthopathique dès le début, que nous avons mises en relief le conduisent à penser que si les manifestations se sont déroulées au point de vue psychologique dans un ordre de succession logique, elles n’ont pas été primitives, et ceci constitue un fait en faveur de la conception de l’origine biologique de certaines psychoses ou psychonévroses contrairement à la conception freudiste qui tend à accorder un rôle trop exclusive au complexe résultant de processus psychiques élaborés dans l’inconscient.
Note
(1) Communication faite au congrès du Luxembourg. Août 1921.
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