G. Ch. Delarive. Sur un nouvel établissement pour la guérison des aliénés. Genève, 1798.

G. Ch. Delarive. Sur un nouvel établissement pour la guérison des aliénés. Extrait de la « Bibliothèque britannique ; uu Recueil Extraits des Ouvrages Anglais périodiques et autres ; des Mémoires desTransactions des Sociétés et Académie de la Grande-Bretagne, d’Asie, d’Afrique et d’Amérique ; en Deux Séries intitulées LITTÉRATURE ET SCIENCES ET ARTS, rédigé à Genève, par une société de gens de lettres », (Genève), tome huitième, 1798, pp. 300-327.

 

G. Ch. Delarive. Médecin suisse.  Il eut l’opportunité de visiter l’asile fondé par Willam Tuke, appelé La Retraite, à York en Angleterre, qui ouvrit en 1796.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’ouvrage. – Par commodité nous avons renvoyé la note originale de bas de page en fin d’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. –  Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

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MÉDECINE.

AUX RÉDACTEURS DE LA BIBLIOTHÈQUE
BRITANNIQUE.

Sur un nouvel établissement pour la guérison
des aliénés, par le Dr. D.

Dans la relation que vous avez donnée au public des nouvelles méthodes suivies en Angleterre pour la guérison des aliénés, vous avez posé un principe qui mérite la plus haute attention, savoir, que la partie morale du traitement est aussi importante que la partie médicale. Je me propose de concourir à vos vues d’utilité publique, en vous communiquant à cet égard de nouveaux faits, et de nouveaux moyens, dont le succès s’explique par les principes de la physiologie.

Il n’y a pas longtemps que le traitement des personnes aliénées étoit conduit avec une barbarie révoltante ; les fouets, les chaînes, les cachots, formoient presque tout le systême d’administration des maisons de force : on n’auroit pas imaginé que c’étoit des hommes sensés qui soignoient des malades, mais on auroit cru voir des fous occupés à tourmenter d’autres fous ; de fausses idées sur l’aliénation d’esprit, jointes [p. 301] à la répugnance et à la crainte qu’inspiroit cette maladie avoient suggéré ces traitemens inhumains : ces victimes infortunées n’étoient plus regardées comme des hommes ; on les livroit presque partout à la curiosité publique comme des bêtes féroces dans une foire : leurs gardiens eux-mêmes, tirant un profit honteux de ce spectacle, excitoient leur fureur pour l’amusement des visiteurs oisifs. Je ne doute pas que cet usage n’existe encore en plusieurs endroits, mais il sera bientôt aboli par une police plus éclairée et plus humaine, puisque l’expérience a montré qu’un système de douceur étoit le moyen le plus sûr de rétablir la raison des malades, ou de prévenir au moins les symptômes les plus graves de la maladie chez ceux qu’on ne peut pas guérir.

L’établissement du Dr. Willis à Greatford, sur lequel vous avez donné des détails si intéressans, et celui du Dr. Arnold à Leicester, sont également bien entendus, et la bonté des méthodes est justifiée par ses grands succès : maiss ce sont des établissemens dispendieux qui ne peuvent convenir qu’à des gens riches. Les pauvres n’avoient d’autre azile que les maisons de force publiques : et·quoiqu’on ait banni de ces maisons les moyens cruels et violens, il y a encore des circonstances défavorables, une habitation triste, un emprisonnement perpétuel, des grilles, des verroux : tout cet appareil [p. 302] de contrainte, loin de guérir le mal, peut le prolonger et même le faire naitre.

La respectable Société des Quakers a essayé dernièrement de remédier à ces maux ; elle a désiré assurer à ceux de ses Membres qui auroient le malheur de perdre la raison sans avoir une fortune suffisante pour recourir aux établissemens dispendieux, toutes les ressources de l’art et toutes les douceurs de la vie compatibles avec leur état ; une souscription volontaire a fourni des fonds, et depuis deux ans environ, un établissement, qui paroit réunir beaucoup d’avantages avec toute l’économie possible, a été fondé près de la ville d’York. Le médecin qui en a la direction, est le Dr. Fowlen homme connu par ses lumières et ses talens (1) ; je dois à sa complaisance d’avoir vu cette maison détail, il m’a communiqué ses observations avec cet empressement d’un ami de l’humanité qui cherche à propager des idées utiles ; si l’ame se flétrit un moment à l’aspect de cette terrible maladie qui semble faite pour humilier la raison humaine, on éprouve ensuite de douces émotions en considérant tout ce qu’une bienveillance ingénieuse a su inventer pour la guérir ou la soulager. [p. 303]

Cette maison est située à un mille de York au milieu d’une campagne fertile et riante : ce n’est point l’idée d’une prison qu’elle fait naitre, mais. plutôt celle d’une grande ferme rustique, elle est entourée d’un jardin fermé par un mur à hauteur d’appui surmonté d’une, claire-voie. Point de barreau, point de grillages aux fenêtres, on y a suppléé par un moyen dont je rendrai compte ci-après. Nous sonnâmes, une jeune femme vint ouvrir la porte. « Cette femme, me dit le Dr., est une de mes malades, elle est assez bien pour faire le service de la maison, et je l’occupe autant que je puis. » Un homme, qui balayoit la cour et qui vint saluer le Dr, étoit aussi traité par lui. Nous entrames dans une salle meublée très-simplement, mais avec une grande propreté ; là nous, trouvames deux malades, une femme et un, homme, la femme faisoit du filet ,l’homme paroissoit absorbé dans ses rêveries : peu après arrivent l’Intendant, qui est en même temps l’apothicaire de la maison : c’est lui qui a toutes les clefs ; il nous accompagna partout.

Avant d’entrer dans le détail des méthodes employées pour la guérison, il convient pour le plus grand nombre de vos lecteurs, d’expliquer les diverses formes de cette maladie, afin qu’en comparant le but et les moyens, on puisse sentir tout le mérite de la partie morale du traitement. [p. 304]

L’aliénation d’esprit a différentes espèces et différens degrés : pour simplifier ce sujet on en distingue ordinairement trois genres que l’on subdivise en espèces ; ces trois genres sont la manie (ou folie proprement dite), la mélancolie, et l’hypochondrie. Ces trois maladies se confondent souvent et quelquefois se succèdent les unes aux autres. Tantôt, par exemple, la mélancolie se change en manie , tantôt elle se distingue difficilement de l’hypochondrie ; et· quelquefois aussi, c’est la manie qui, prenant une teinte plus douce, se change en l’un ou l’autre de ces deux genres.

La manie consiste ordinairement en accès de fureur qui alternent avec des momens d’abattement sans aucun retour de raison, dans certains cas ; mais plus communément lorsque le malade commence à guérir, il jouit pendant ces intervalles de l’usage de ses facultés intellectuelles. Les circonstances qui accompagnent le paroxysme du maniaque ont été si bien décrites par votre ingénieux correspondant qu’il est inutile d’en retracer les symptômes, il suffit d’observer que les objets extérieurs ne produisent plus sur l’esprit du malade la même impression que sur celui d’un homme sain ; ces impressions sont foibles et· il y fait rarement attention ; son esprit est presque totalement absorbé par la vivacité des idées que produit l’état dérangé de son cerveau, Ces idées ont un [p. 305] degré de vivacité tel que le malade croit qu’elles représentent des objets réels et juge en conséquence. Le maniaque, comme l’observe Locke, juge bien, mais ses conclusions sont fausses, parce que les prémisses dont il part sont fausses, et qu’il est trompé dans ses premières impressions ; il ne faut donc pas dire avec quelques auteurs que ce défaut de jugement provient d’un défaut dans cette faculté même, mais bien dans les matériaux sur lesquels cette faculté opère : ceci est de quelque conséquence dans la pratique, nous voyons par là qu’il est complètement inutile de raisonner avec les maniaques, et de vouloir les convaincre de leur folie ; ce sont les perceptions mensongères qu’il faut détruire, c’est en dominant la cause du mal que l’on opère la guérison.

J’ai dit, que les objets extérieurs ne font que peu d’impression sur l’esprit des maniaques ; il est cependant quelques cas où le contraire a lieu, c’est lorsque ces objets ont été associés ou par habitude ou par hasard avec les idées erronnées qui règnent dans leur cerveau : de pareilles associations se font avec facilité au commencement de la maladie, et d’après cela on comprendra aisément combien il est important de transporter le malade hors de chez lui, et d’éviter avec soin de lui présenter ces objets qui peuvent lui rappeler les idées absurdes qui constituent son mal. [p. 306]

Mais il est de la plus grande importance de ne pas laisser un libre cours à ses idées extravagantes, il faut, soit pendant l’accès de fureur, soit surtout après, réveiller son attention, et l’obliger ou par force, ou par artifice à la fixer sur les objets environnans. Or, peut se former une notion, imparfaite à la vérité, de l’état de l’esprit du maniaque, et des efforts qu’on peut produire sur lui de cette manière, par ce qu’on observe dans le délire qui accompagne souvent un léger accès de fièvre. Si on parle au malade, si on l’occupe, on préviendra ce délire, tandis que s’il est laissé à lui-même dans l’obscurité et sans bruit, il sentira bientôt qu’il perd toute espèce d’empire sur son esprit et qu’il bat la campagne.

Ces idées erronnées qui règnent dans le cerveau du maniaque sont dues à des causes morales ou physiques ; parmi les premières on compte le travail excessif de tête, les violentes passions ; parmi les secondes, une disposition héréditaire, une grande détermination du sang à la tête, l’usage immodéré des liqueurs spiritueuses, l’action de différens poisons ; quelle que soit la cause morale ou physique, la manie est toujours accompagnée d’un état morbide du cerveau, et c’est pour cela que différens remèdes tels que les évacuans, les antispasmodiques, les réfrigérans, et tous ceux qui produisent un grand changement dans le système, servent souvent [p. 307] à interrompre son cours et quelquefois à la guérir radicalement. Mais mon intention ici est de parler seulement du traitement moral ; quant à la partie médicale, comme plusieurs auteurs ont traité à fonds ce sujet, on me permettra d’y renvoyer le lecteur (2). [p. 308]

La folie dégénère quelquefois en mélancolie, et alors le malade n’est plus sujet aux accès de fureur, mais ses actions et ses pensées n’en sont pas moins extravagantes ; si au contraire, quoique abattu et triste, il commence à raisonner juste, c’est souvent un signe d’une prochaine guérison. La mélancolie est aussi une maladie idopathique ; dans quelques familles elle paroit être héréditaire ; quelquefois elle est due à des causes accidentelles. Quand le chagrin, le regret, l’amour-propre offensé, la crainte de quelque malheur futur, et autres passions du même genre, agissent continuellement sur l’esprit, elles produisent un dérangement remarquable dans l’état de l’ame et du corps ; cet effet est plus marqué chez les personnes qui retiennent avec force les impressions, et dont l’esprit passe difficilement d’une idée à l’autre ; une cause de chagrin ou d’inquiétude acquiert souvent une telle force sur les esprits de cette trempe, qu’elle exclud toutes les autres idées, excepté celles qui lui sont liées par le principe d’association. Une personne [p. 309] dans cet état éprouve une inquiétude, une espèce d’irritation mentale, qui lui fait éviter la société et rechercher le repos et la solitude. Cet état de l’ame produit un effet direct sur l’estomac, le malade perd l’appétit et le pouvoir de digérer ; la force qui fait circuler le sang, diminue, et en conséquence ce fluide s’accumule dans les grands vaisseau, et ceux de l’abdomen et du foie par leur grandeur et leur construction sont surtout sujets à être affectés par cette cause ; la sécrétion de la bile ne se fait plus comme dans l’état de santé ; ceci est un des effets et non une des causes de la maladie.

En même temps que le corps souffre, les facultés intellectuelles se dérangent de plus en plus : l’idée sur laquelle l’esprit se plaît à demeurer, acquiert un tel degré de vivacité qu’elle l’empêche d’être affecté comme il le devroit par les objets extérieurs ; le malade porte de faux jugemens sur tout ce qui a quelque analogie avec cette idée dominante, tandis que souvent iI ne montre aucun signe d’aliénation sur les sujets qui n’ont aucun rapport avec elle. Après avoir langui dans cet état plus ou moins long-temps, le mélancolique succombe enfin, victime des maux physiques que son mal a produite ; souvent il devient sujet à des paroxismes de fureur qui se terminent bientôt par un épuisement complet et par la mort ; le désespoir et le [p. 310] suicide sont aussi fréquemment les conséquences de cette maladie ; enfin, ces infortunés tombent quelquefois dans un état d’idiotisme complet. Tout les cas de mélancolie ne se terminent pas cependant d’une manière fatale, souvent ils se guérissent, quelquefois la maladie paroit long-temps stationnaire et se change enfin en hypocondrie. Si le désordre d’esprit provient d’un chagrin réel tel qu’un renversement de fortune, la perte d’une personne chérie, une espérance trompée, la probabilité de la guérison est beaucoup plus grande que si la cause du chagrin est purement imaginaire ; comme dans les cas où le malade est tourmenté de la crainte d’être méprisé, ou d’être réduit à l’indigence ; ou condamné aux peines éternelles. La superstition fait un grand nombre de fous incurables. Moins il y a de réalité dans l’objet de la crainte, plus il est difficile de se ménager des prises sur l’imagination des malades. L’amour malheureux est regardé comme une des causes les plus fréquentes de l’aliénation d’esprit ; il n’y a pas de doute qu’en concentrant toutes les facultés de l’ame sur une idée noire, il ne puisse altérer la santé, allumer one fièvre lente, porter au désespoir et au suicide, ou jeter daris la folie. Mais on prend souvent l’amour pour une cause du dérangement d’esprit lorsqu’il n’en étoit que l’effet. Aux approches de cette maladie [p. 311] l’imagination plus exaltée, la sensibilité physique plus vive disposent l’ame à cette passion ; alors un des premiers symptômes de folie est de se croire amoureux ou de l’être, mais l’aliénation se manifeste souvent dans le choix disproportionné de l’objet ; il n’y a point de convenances, il n’y a point de réciprocité : les moyens auxquels le soi-disant amant a recours pour réussir, sont aussi extravagans que ses désirs mêmes, et ses espérances déçues le conduisent à des accès de fureur. Nous venons de voir que la mélancolie est souvent due à une idée dominante qui s’emparant de l’esprit, borne ou diminue l’impression que les objets extérieurs devroient faire sur lui ; le même effet peut être produit d’une manière inverse, lorsqu’une personne se trouve tout d’un coup placée au milieu d’objets peu intéressans ou désagréables pour elle ; ce qui l’engage à s’occuper uniquement de quelque souvenir de bonheur passé, souvenir qui étant toujours accompagné de chagrin produira bientôt tous les symptômes d’une profonde mélancolie. Telle est la cause de la Nostalgie ou maladie du pays si commune parmi ceux qui sont nés au milieu des montagnes de Suisse ou d’Écosse. Le bonheur domestique du paysan Suisse et du montagnard Écossais, est fondé sur un petit nombre d’objets qui l’entourent auxquels il est accoutumé dès son enfance, et avec lesquels il a associé toutes ses [p. 312] idées de plaisir et de félicité. Ce même paysan transporté dans une grande ville au service d’un maître riche, ou dans une place de garnison, ne retrouve-la aucune analogie avec ses idées premières : langage, société, manières, tout est nouveau pour lui, cette nouveauté qui d’abord avoit piqué sa curiosité, le fatigue bientôt et l’épuise, l’oisiveté d’une vie inactive le fait tomber dans un état d’abattement ; alors si les souvenirs des objets chers à son cœur se réveillent dans son ame, toute l’activité de son esprit se porte sur eux, il s’en occupe exclusivement, et bientôt il en résulte un état de foiblesse et de marasme accompagné quelquefois des plus dangereux symptômes : personne n’ignore le pouvoir du fameux air Suisse ; la: cornemuse Écossaise produit souvent des effets analogues.

Pour réparer le mal que l’état de l’ame a fait au corps, il faut rétablir les fonctions vitales et naturelles toujours plus ou moins dérangées, mais il faut surtout attaquer la cause même de la maladie qui git dans l’état moral du mélancolique. Le but principal est de ramener son attention aux objets extérieurs ; d’opérer une diversion qua affoiblisse l’association funeste des idées fausses, d’introduire une nouvelle scène de pensées. Tout ce qui occupe son esprit d’une manière agréable, tout ce qui l’éloigne de ses fantaisies aura un bon effet. [p. 313] Les voyages sont d’une grande utilité. On recommande le cheval, moins peut-être pour l’exercice même, que pour les distractions qu’il procure : il faut s’en occuper, le guider, le veiller, et c’est autant de dérobé à l’ennemi intérieur. Aussi a-t-on observé qu’un cheval un peu rétif, un peu ombrageux, difficile à manier, un pays montueux, des routes escarpées, remplissoient mieux l’objet qu’on se propose. Mais rien ne va si bien au but qu’un travail commandé, auquel on joint quelque motif du genre agréable et rémunératoire.

Si la mélancolie a duré long-temps, si l’organisa ion de l’estomac ou de quelque viscère est essentiellement dérangée, il peut arriver que l’idée mélancolique soit presque entièrement détruite, et que le malade conserve encore un travers d’esprit, une marotte, et devienne hypocondre. L’hypocondrie est le plus souvent une maladie idiopathique ; dans certaines familles elle est héréditaire, et elle est presque toujours alliée à un vice organique dans les viscères abdominaux : lorsqu’elle est accidentelle, elle est en général la conséquence de quelque maladie qui a affecté ces parties.

Le malade commence ordinairement par se plaindre d’irrégularité dans ses digestions, de maux obscurs dans l’estomac ou dans quelque viscère. Ces symptômes dans les personnes foibles, sont suivis d’un affaissement d’esprit, d’une extrême inquiétude sur l’état de leur santé, d’une attention soutenue pour toute espèce de nouvelle sensation, et d’une totale incapacité de s’occuper de leurs affaires. Souvent la maladie ne va pas plus loin ; et lorsqu’il s’y joint un peu de mélancolie, elle constitue ce qu’on appelle des vapeurs. Mais quelquefois une idée absurde causée par une perception erronée, prend tout d’un coup naissance dans l’esprit de hypocondre. Ce seroit en vain qu’on essayeroit d’énumérer ces idées absurdes ; les uns s’imaginent que leurs jambes sont de verre, les autres qu’ils ont un démon logé dans leur corps, ceux-ci qu’ils- n’ont point d’ame, ceux-là que leurs parens ou amis veulent les empoisonner ; ils entretiennent une profonde défiance de tous ceux qui les environnent ; quelquefois ils croient qu’on les méprise, qu’on les tourne en ridicule, qu’on les regarde avec dédain jusques dans les rues : ils imaginent qu’il y a une conspiration contr’eux, dans laquelle ils font entrer tous ceux qui les approchent ; l’idée malade convertit tout en sa substance, elle attire tout à elle, il n’y a plus rien d’indifférent, tout est l’effet d’un système ; moins ils en peuvent trouver les preuves réelles, plus ils se persuadent que c’est un effet de l’art avec lequel on se cache pour les tromper ; ceci s’observe aussi dans la mélancolie ; ils soupçonnent qu’on cherche à les voler, ils vont jusqu’à [p. 315] se défier de leurs meilleurs amis, aucunes probité ne les rassure, ils épient sans cesse, ils tendent des pièges et ils se livrent à une colère continuelle dans toutes les transactions pécuniaires. Il arrive souvent que les vieilles filles à vapeurs sont tourmentées de regret d’avoir laissé échapper une occasion favorable pour se marier, mais ce qu’il y a de remarquable, c’est que quelquefois cette idée déchirante revient à des périodes régulières dans les intervalles desquels elles n’éprouvent rien de semblable.

Lorsque l’estomac, le foie et les intestins, ou quelque viscère est dans un état de maladie, les sensations que nous en éprouvons sont complètement différentes de celles que nous recevons par les sens, et même ces sensations sont différentes dans les différens viscères ; mais les idées qu’elles nous suggèrent sont très-obscures et ne nous donnent aucune notion des cause qui agissent sur ces parties. Le malade qui ‘est dans un état d’affaissement, est sans cesse tourmenté par ces douleurs obscures qu’il ne sait pas rapporter à leur vrai siège ; il n’est donc pas étonnant qu’il porte un faux jugement sur leur cause, et qu’il les associe avec quelque idée que le hasard, un accident, un préjugé ou l’habitude lui aura suggéré.

Un homme de bon sens convaincre à longtemps ses idées fantastique ; mais comme elle ne cessent de la l’assiéger, et que l’énergie de son ame est affoiblie, il finit [p. 316 enfin par céder, et prend pour une réalité la chimère enfantée par son imagination associée à une douleur réelle et maintenue par elle. Souvent même les hypocondres cachent à leur Médecin et à leurs amis, les idées fantastiques qui les tourmentent, ils en sont presque honteux et ne peuvent s’empêcher de les admettre.

Il est quelquefois possible de tracer jusqu’à leur source ces idées absurdes ; par exemple une personne superstitieuse, persuadée que certains démons ont le pouvoir de se loger dans le corps des hommes, prendra ces douleurs obscures pour l’action d’un esprit infernal et se croira possédée. Dans les mauvaises digestions l’air qui se dégage et qui passe d’un endroit à l’autre, occasionne un bruit dans les intestins: un jeune homme sujet à ces maux d’’estomac s’étant baigné dans un lac sur la surface duquel il y avoit du frai de grenouilles, crut avoir avalé de ce frai ; bientôt il se persuada qu’il avoit des grenouilles vivantes dans son estomac, et que ce bruit n’était autre que leur croassement. Pendant sept ans t il essaya toutes sorte. de remèdes, il étudia même la Médecine dans ce but, et !’écrivain qui raconte ce fait (3), consulté par ce jeune homme, essaya, mais en vain, de lui faire entendre raison sur la vraie cause de sa maladie. [p. 317]

Il est assez facile, dans certains cas, de détruire par un tour d’adresse, l’idée fausse qui règne dans l’esprit du malade ; mais si le mal physique n’est pas guéri, si l’on n’a pas détruit la cause même de cette erreur, la sensation qui constitue la maladie, on ne fait en détruisant cette idée fantastique que faire place à une autre plus absurde encore. Une femme hypocondre s’étoit imaginée qu’elle portoit un monstre dans son sein, cette idée fut aisément détruite par la dextérité de son Médecin, mais bientôt après elle en conçut une autre moins aisée à déraciner, elle s’imagina qu’elle étoit morte, mais qu’elle avoir été renvoyée sur la terre privée de son cœur qui étoit resté dans le Ciel (4).

Pour guérir l’hypocondrie, c’est donc le mal physique qu’il faut nécessairement attaquer le premier, c’est le vice organique qu’il faut détruire ; si l’on parvient à rétablir la santé, et ai la maladie n’a pas duré trop long-temps, le travers d’esprit disparoitra bientôt. L’état moral du malade n’est cependant pas à négliger, et d’après ce que nous en avons dit, il est aisé de conclure que le traitement est le même que dans la mélancolie. [p. 318]

Tels sont les divers états du moral chez ceux dont l’esprit est malade : dans la manie, un des principaux symptômes est une précipitation, une espèce d’inflammation de la pensée, qui revient pour l’ordinaire de temps à autre. La mélancolie est distinguée et souvent produite par l’intensité avec laquelle l’ame se fixe constamment sur la même idée : enfin l’hypocondrie semble résulter d’un faux jugement porté sur une douleur sourde et obscure, d’où il arrive que tant que cette douleur existe, le malade l’associe avec une idée erronnée qui n’a aucun rapport avec elle.

D’après l’apperçu que je viens de donner de l’état du moral chez les aliénés, on comprendra aisément le but des méthodes employées pour leur guérison. Dans votre ingénieux essai, vous avez fait voir qu’en inspirant au malade le sentiment de la crainte et celui de la nécessité on le forçoit à fixer son attention sur les objets extérieurs, et a là défourner des idées extravagantes qui assiègent son esprit. Un système de discipline doux et modéré, qui fait que le malade sent continuellement la contrainte, est le plan le mieux calculé pour réussir. Pendant les accès de fureur, il est convenable d’employer le gilet de force (5) et l’emprisonnement ; mais [p. 319] il faut éviter avec soin tous les moyens de terreur qui ne sont jamais exempts de danger. Avant d’avoir recours aux punitions, il est utile d’en menacer les maniaques ; souvent le sentiment de l’honneur est plus puissant pour les engager à faire des efforts sur eux-mêmes, que la violence et les châtimens auxquels ils résistent avec énergie et constance.

Ce sentiment de crainte, cette impérieuse nécessité, sont des circonstances qui contribuent à guérir les aliénés, quand ils sont transportés hors de chez eux ; demeurent-ils au milieu de leurs parens, de leurs amis et de leurs domestiques ? la maladie dérive une force additionnelle, de l’inquiétude et de l’attention dont ils sont alors les objets, et même de la complaisance avec laquelle on leur obéit. Se voyent-ils au contraire entourés d’étranger, et pour ainsi dire à leur merci ? les caprices diminuent, ils’ osent moins se livrer à la colère, ils sentent le besoin de penser, d’agir par eux-mêmes : ils cherchent [p. 320] à donner une meilleure opinion de leur état, ils connoissent la honte et les égards, ils se contraignent tant qu’ils peuvent. Ce respect qu’ils éprouvent, commence à rétablir une façon de penser plus régulière et plus suivie, qui est un des premiers symptômes de guérison. Une autre raison non moins forte pour dépayser ces malades, c’est que les objets extérieurs auxquels ils sont accoutumés, s’étant, comme je l’ai déjà remarqué, associés par habitude avec leurs idées erronnées, les rappellent et les reproduisent sans cesse : au lieu que le déplacement leur offrant de nouveaux objets, affoiblit les anciennes associations et en facilite de nouvelles. Lorsque le Dr. Willis entreprit de traiter la Reine de Portugal, ne pouvant la transporter hors de son palais, il fit changer tous les meubles, tous les domestiques, et substituer des objets nouveaux ; mais tout son pouvoir échoua quand il s’agit d’écarter le confesseur ; et comme la maladie étoit une mélancolie religieuse, on peut attribuer en partie à la présence continuelle du Prêtre, le peu de succès du Médecin.

Les moyens de sévérité et de contrainte ne sont pas les seuls ; l’accès passé, et lorsque le malade est dans l’état mélancolique, il faut le soutenir, l’encourager à faire des efforts sur lui même, lui montrer de l’estime, lui faire voir ses progrès, le récompenser par quelques gratifications, par des marques de distinction et de [p. 321] faveur. Les récompense, et les châtimens appliqués à propos, deviennent par là un des grands moyens de guérison ; mais la personne qui dirige ce plan doit le modifier suivant les caractères : il est important surtout que cette personne conserve toujours aux yeux des malades un air de supériorité, et qu’elle obtienne un ascendant décidé, une implicite confiance. Il ne faut jamais les tromper sur leur état qu’ils sentent très-bien eux-même, au contraire, lorsqu’on leur fait voir qu’on connoit à fonds leur maladie, on acquiert sur eux un empire absolu. Quoique le ton de l’autorité soit nécessaire, il faut cependant le tempérer par un mélange de bonté et de tendresse : ils ont en général une vive reconnoissance pour tous ceux qui s’intéressent à leur sort.

Dans les grands établissemens tels que celui du Dr. Willis, chaque malade a son gardien chargé d’exécuter les ordres sévères, tandis que le chef dispense les faveurs et les consolations ; mais ce plan très-bien entendu, est fort dispendieux, et dans l’établissement des Quakers à Yorck, il a fallu y suppléer par d’autres moyens. La personne chargée en chef du traitement moral des malades, est cet intendant, dont j’ai parlé, c’est un homme instruit qui paroît s’acquitter très-bien de ses fonctions.

Au rez-de-chaussée, il y a des cellules pour renfermer les maniaques dans les accès de [p. 322] fureur pendant lesquels leur liberté pourrait devenir dangereuse. Une petite fenêtre leur donne du jour qu’on peut leur ôter à volonté ; un guichet qui s’ouvre du dehors, les soumet à l’observation sans qu’ils puissent s’en appercevoir. Les cellules propres et boisées n’ont d’autres meuble qu’un lit. Les portes n’ont ni chaînes ni verroux. Par un ménagement utile pour ces· imaginations malades qui ne sont que trop effarouchées, on a évité tout ce qui rappelle une prison. Les serrures sont en apparence des serrures communes ; mais elles sont à ressort, et en poussant la porte sans bruit, elle se trouve fermée à clef. Cette petite attention épargne au captif une humiliation pénible.

Le malade est-il à ce point de fureur où il pourroit se nuire à lui-même ? il faut nécessairement lui ôter l’usage de ses sens et lui passer le gilet de force. Dans les cas où son agitation est extrême, on le couche sur son lit dans une position horizontale, la tête relevée (6). Ce lits ne sont autre chose que des caisses quarrées [p. 323] d bois dont les bords sont rembourrés. Mais en cherchant à tenir le malade dans la plus entière dépendance, ou a évité avec soin tout ce qui pouvoit offrir à ses yeux des objets de terreur. Il n’est pas lié par des cordes, il n’est pas garotté comme un criminel. Deux fortes lisières sont clouées au plancher, on les fait passer par dessous le lit sans qu’il s’er appeçoive ; au dos du gilet il y a deux boucle, qui reçoivent ces lisières, et le malade se trouve ainsi enchaîné plus ou moins, de maniera à être immobile, ou à pouvoir se tourner à droite et à gauche selon le besoin. Les pieds sont assujettis de la même manière. On exerce sur lui la contrainte la plus forte ; mais le moyen ne paroit pas. Il est retenu dans son lit par une espèce d’enchantement. Il ne tarde pas à reconnoitre qu’il est à la discrétion de ceux qui l’environnent. Cette nécessité qui le presse de toutes parts dompte bientôt les volontés les plus furieuses et les plus malfaisantes. Un moyen facile et ingénieux sert à le maintenir dans un état de propreté, et à éloigner tout objet de dégoût dont l’effet seroit nuisible en humiliant le malade, et en achevant de détruire les idées de bienséance. Voilà le châtiment le plus sévère que l’on employe, il est rare qu’on ait besoin de le prolonger.

L’autre partie du traitement moral consiste dans l’emploi des moyens agréables et rémunératoires.[p. 324] Dès que le malade est calme, dès qu’il est revenu à lui-même, on lui ôte le gilet de  force, on lui permet de se lever, de sortir de sa cellule, de se promener au grand air une ou deux fors par jour, dans une grande cour environnée d’un mur. S’il se conduit bien, on lui fait espérer une chambre au premier étage. On la lui donne ensuite. C’est une espèce de promotion honorable qui excite son émulation. Ces chambres, plus grandes, plus agréables, que les cellules garnies de quelques meubles, offrent partout l’image de la propreté. Cette propreté est d’autant plus importante dans ce cas, qu’ elle tient à des idées d’ordre, de décence, de bien-être et de respect pour soi et pour les autres. Cependant la plupart de ces chambres ferment comme les cellules ; les fenêtres ne sont point grillées, mais les panneaux sont petits , et je fus fort étonné en observant que les cadres que j’avois pris de loin par leur forme et leur. Couleur pour des cadres de bois, étoient de fer fondu : les fenêtres elles-mêmes se ferment à clef, ensorte que le malade sans aucune apparence de contrainte n’a cependant aucun moyen d’échapper. Un ventilateur renouvelle l’air. La succession des faveurs que l’on accorde aux malades, s’ils se conduisent bien, consiste à voir leurs parens, leurs amis, à se visiter les uns les autres, à se promener librement dans la maison et les jardins ; pour la sureté du voisinage [p. 335] on ne les laisse jamais sortir hors de l’enceinte sans un gardien (7).

Aussitôt que les malades sont en état de s’occuper, on cherche à les faire travailler ; les femmes font du filet, les hommes des ouvrages de paille et d’osier. L’Intendant avoit fait depuis quelques jours une expérience qui lui avoit très-bien·réussi. La maison est environnée-de quelques acres de terrain qui lui appartiennent, il avoit entrepris de faire cultiver ce terrain par les malades en donnant à chacun une tâche proportionnée à ses forces ; il avoit trouvé qu’ils  aimoient cet exercice et qu’ils étoient beaucoup mieux après une journée passée à ce travail que lorsqu’ils avoient demeuré à la maison, ou même avoient eu la liberté de faire une promenade. Tandis qu’ils sont à cet ouvrage, ils sont toujours accompagnés de quelques surveillans. J’allai les voir travailler, ils étoient au nombre de 12 ou 15, et paroissoient aussi satisfaits et aussi· contens que leur état pouvoir le comporter (8). [p. 326]     •

Par le moyen de ces méthodes et de quelque remèdes pharmaceutiques, le Dr . Fowler me dit, qu’il avoit eu le bonheur de rendre à leurs familles un grand nombre d’aliénés confiés à ses soins (9 ; cette maison peut contenir 40 à 50 malade ; les frais d’achat et de bâtisse ont passé 4000 £ivres sterl. ; une collecte nouvelle fournit aux frais journaliers ; lorsque la maison est pleine, chaque malade coûte entre cinq et neuf shellings par semaine.

Vous voyez, que dans le traitement moral, on ne considère pas les fous comme absolument privée de raison, c’est-à-dire comme inaccessibles [p. 327] aux motifs de crainte, d’espérance, de sentimens et d’honneur. On l’es considère plutôt ce semble, comme des enfans qui ont un superflu de force et qui en faisoient un emploi dangereux. Il leur faut des peines et des récompenses présentes : tout ce qui est un peu éloigné n’a point d’effet sur eux. Il faut leur appliquer un nouveau système d’éducation, donner un nouveau cours à leurs idées ; les subjuguer d’abord, les encourager ensuite, les appliquer au travail, leur rendre ce travail agréable par des moyens attrayans. Je pense que si on pouvoit encore trouver des mobiles plus forts pour exciter en eux la bienveillance, on accélérerait leur rétablissement par les sentimens agréable qui accompagnent toutes les affections sociales. Mais on sent bien au moins que toute contrainte inutile, excitant chez eux les passions vindicatives auxquelles ils ne sont que trop portés, prolonge la durée de la maladie.

J’ai l’honneur d’être, etc.
G. Ch. DELARIVE.

Londres le 1 juillet 1798.

Notes

(1) L’Auteur des Medical reports on the effects of arsenic ; et  des Medical reports on the effects of Bloodlatting g, Sudorifics, etc. ( Voyez Bibliothèque Britann. Sc. et Art., Vol. II. pag., 109.)

(2) Le Dr. Ferriar, Médecin de l’Hôpital des fous à Manchester, a publié dans ses Medical histories and reflexions, un détail des essais qu’il a fait des diférens remèdes qui ont été proposés dans cette maladie. Le Tartre émétique donné au commencement lui a réussi ; (*) administré de manière à ne produire que des nausées, ce remède n’a eu quelque effet salutaire qu’une fois sur six. — Le camphre donné dans huit cas n’a eu aucun effet. — L’opium donné en grande dose n’a pas réussi, non plus que là digitale. — Le régime antiphlogistique accompagné d’évacuations a souvent guéri ses malades. — Le kina avec l’opium, dans les cas accompagnés de foiblesse, a souvent été-très-utile. (J’ai donné le Kina et la valériane en grandes doses avec le plus grand succès à un homme de 60 ans, qui étoit tombé dans un état de manie obscure et d’imbécillité presque complette à la suite de l’usage immodéré de liqueurs pendant plusieurs années.) — Le bain chaud avec une éponge imbibée d’eau froide, posée sur la tête du malade lui a réussi. — Les cautères ont été très-utiles dans deux cas dans lesquels la cause de la maladie étoit la suppression subite d’une éruption [p. 308] cutanée. — Lorsqu’il veut purger le malade il lui donne du calomel. — Le calomel donné en petites doses pendant long-temps, a paru produire quelques bons effets dans deux cas sur sept, il le conseillé alternativement avec l’opium et le kina. — Vid Mediical histories and reflexions by J. Ferriar. 1792 , 1795.
(*) C’est un des remèdes favoris du Dr. Willis ; on sait qu’il est très-difficile de faire vomir les fous, et qu’on leur a donné quelquefois jusqu’à 10 ou 15 grains de Tartre émétique sans produire cet effet. Le Dr. W. a découvert que souvent la dose ordinaire opéroit d’une manière efficace si l’on donnoit auparavant au malade 1 ou 2 grains d’opium.

(3) Platerus,vol. I, pag. 43.

(4) Ce fait ainsi que plusieurs de ces idées sur l’hychondrie sont tirées d’un ouvrage qui vient d’être publié récemment, intitulé : An inquiry into the nature and origin of mental derangement, by A. Crichton M. D. Physician to the Westminster Hospital, etc. 2 vol. 1798.

(5) Le gilet de force est d’une grande utilité en empêchant le malade de se livrer à tous es mouvemens que sa fureur lui inspire ; ces mouvemens mêmes augmentent cette fureur : tout le monde sait qu’une personne un peu irritée, peut se monter et se mettre réellement en colère en se démenant, en jurant et en s’agitant : lorsque le célèbre Burke essayoit d’imiter les traits et les gestes d’un homme en colère, il se sentoit lui-même agité de cette passion. Ce fait est cité par le Prof. Stewart d’Edimbourg, dans ses excellentes leçon de Philosophie, lorsqu’il parle de ce singulier phénomène physiologique.

(6) Cette méthode a quelques inconvéniens auxquels ii seroit aisé de remédier. On a observé que souvent l’état du malade empire quand il est placé dans une position horizontale, à l’Hôpital de Bedlam on a remarqué que pendant l’accès de fureur, plusieurs maniaques paroissoient éviter avec soin cette position, s’ils sont retenue dans leur lit, ils cherchent à y rester assis et refusent de se coucher.

(7) Pour éviter tout inconvénient de cette espèce, on a choisi en Ecosse, pour un établissement de ce genre, une des Isles du beau lac Lomond , cette Isle s’appelle Inch-Mullan.

(8) Cette idée d’employer les fous à labourer la terre pour les guérir, n’est pas nouvelle. Le· Dr. Gregory raconte qu’un fermier dans le Nord de l’Ecosse avoit acquis une assez grande réputation dans l’art de guérir la folie. Il n’entendoit rien à la Médecine, mais [p. 326] c’étoit un homme de bon sens, très vigoureux et assez brutal. Sa méthode consistoit simplement à roccuper ses malades à cultiver ses terres, les uns lui servoient de domestique de campagne, les autres de bêtes de somme ; il les atteloit à sa herse et à sa charrue, après les avoir réduit à l’obéissance la plus complète par une volée de coups qu’il leur donnoit au premier acte de rébellion.
J’ai ouï-dire qu’une méthode semblable, mais plus douce est suivie avec succès, par plusieurs habiles Médecins de ce pays, ils cherchent à inspirer à leurs malades le goût de l’Agriculture, et les engagent à mettre eux-même la main à l’œuvre.

(9) Je ne dois pas omettre un fait qui me parut singulier. Il me dit que jusqu’à présent il n’avoit pas observé que le nombre des malades dont la folie consistoit dans une exaltation religieuse, fût proportionnellement plus grand parmi les Quakers que parmi les autres individus.

 

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