Folie sympathique [Une observation de possession démoniaque]. Par M. Teilleux. 1861.

TEILLEUXOBSERVATION0001Dr Teilleux. Folie sympathique. Article parut dans les « Archives cliniques des maladies mentales et nerveuses », (Paris), tome 1, 1861, pp. 522-533.

Nous n’avons pas trouvé d’indication biographiques sur le Dr Teilleux, sauf sur l’indication d’un de nous lecteurs, ses prénoms : IsidoreAlmire. On sait qu’il a travaillé sur les progrès de l’électricité et ses applications possibles au traitement des maladies mentales. Nous avons repéré la publication ci-dessous :
Electricité dans le traitement de l’aliénation mentales. in L’Union médicale, nouvelle série, tome troisième, 1859.

Un remerciement spécial à Nicole Humbrecht qui est à l’origine de cette mise en ligne. – Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original, mais avons corrigé les fautes d’impression.
 – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

[p. 522

ASILE D’AUCH. ― M. TEILLEUX.

Folie sympathique.

L’accomplissement normal et rationnel des fonctions qui constituent la vie dans l’organisme, semble éprouver parfois des modifications si importantes, subir une dérogation si contraire aux saines lois qui y président, que les connaissances anatomiques invoquées ne peuvent complètement arriver à fournir les moyens de résoudre la difficulté posée, sans compter que la physiologie, si téméraire jadis dans ses interprétations, si grave, si justement douteuse aujourd’hui dans ses explications des phénomènes de l’existence et de la maladie, hésite en face de la question soulevée, attendant à plus tard pour rendre compte des manifestations anormales connues, affirmer leur cause, préciser leur mode d’être et de se comporter dans l’économie.

A chaque époque de l’histoire de la médecine, le mot de sympathie a été employé pour exprimer toute sensation produite, tout état pathologique survenu par le fait d’une cause existant dans un point de l’organisme plus ou moins éloigné de la partie secondairement affectée, sans que les tissus ou organes intermédiaires aient conscience de la transmission opérée et en éprouvent quelque modification que ce soit.

Ce n’est point ici le lieu de raconter tout ce que l’on sait relativement à la sympathie, expression un peu mystérieuse, mais nécessaire, au moyen de laquelle on parvient à s’entendre par rapport à tout un ensemble de manifestations insolites survenant dans l’économie. Bornons-nous à dire qu’il n’est point de partie de l’organisme qui se montre complètement inhabile <522><523> et réfractaire, à céder à l’exigence des lois inconnues qui régissent cette étrange fonction, dépendant certainement du système, et ayant quelque affinité sans doute avec la sensibilité réflexe.

Les Asclépiades croyaient à la sympathie. Peut-être les premiers ont-ils édifié à la théorie qui en découle, si toutefois la science des thérapeutes indiens et des prêtres de Saïs ne leur en a pas révélé l’existence. Hippocrate en fait mention dans ses œuvres. Galien s’arrête, on dirait avec complaisance, sur tout ce qui, selon lui, a rapport à la sympathie : il en parle notamment livre II, chapitre X de son Traité des lieux affectés ; il y signale, comme étant sympathique, le délire concomitant à certaines cas maladifs des poumons ou de la plèvre. Archigène est très explicite relativement à ce qui concerne les sympathies, et trop enclin, comme la plupart de ses devanciers, à leur attribuer la cause de manifestations qui n’en dépendent point. Le moyen âge médical a fait jouer un rôle exagéré aux sympathies. Boerrhaave, Barthez, Bichat, Broussais leur ont concédé, malgré le temps où ils vivaient une trop grande importance.

Quant aux doctrines physiologiques au moyen desquelles on a cherché à rendre compte des sympathies et de leur mode de se transmettre dans l’économie, il n’en est pas une, depuis les temps anciens jusqu’à nos jours, qui puisse comprendre la série des faits qui leur sont propres et les expliquer tous d’une façon rationnelle. Galien admettait le transport des vapeurs subtiles d’un organe vers un autre organe. Cette idée a longtemps régné dans l’école : Grecs, Arabes et le moyen âge s’en sont contentés. La découverte de Harvey fit considérer comme cause des sympathies, la circulation du sang. Bichat estimait qu’elles étaient le résultat d’observations des forces vitales ; d’ailleurs, il ne les regardait pas comme ayant pour agent unique le système nerveux, les sensations intérieures pouvant arriver, disait-il, au cerveau par d’autres intermédiaires que par les nerfs. Haller professe que l’action de transmission des sympathies <523><524> s’effectue par le système nerveux, mais il admet l’existence de plusieurs causes organiques susceptibles d’engendrer ces étranges phénomènes.

Quoi qu’il en soit, et quoique la science n’ait point dit son dernier mot sur ce sujet, il serait oiseux d’aller chercher ailleurs que dans les nerfs la raison d’être et la faculté de transmission des sympathies de sensibilité ou de douleur. Anormale en apparence, mais destinée à rentrer prochainement, en grande partie du moins, dans le cadre des fonctions rationnelles dont l’ensemble, s’exerçant harmonieusement, constitue l’état de santé, dont les dérangements sont les éléments générateurs des maladies, la sympathie a besoin encore d’être sérieusement étudiée, rigoureusement observée dans toutes ses manifestations, afin que, s’appuyant de plus en plus sur des faits et jugeant par induction d’ailleurs, on explique complètement ses modes de se produire et de se transmettre dans l’économie.

Dans l’hystérie, on remarque des douleurs sympathiques ; dans la phtisie, on en observe également ; l’épileptique en est souvent affecté ; l’amputé lui-même est sujet à une sorte d’état que j’oserai appeler sympathique, et qui est caractérisé par une continuité de sensibilité partant du moignon et s’irradiant vers l’extrémité du membre qui fait défaut à l’organisme ; enfin, les blessures de la sclérotique provoquent, dans la plupart des cas, des contractions de l’estomac qui ont pour cause la sympathie.

Mais, pour en revenir aux névroses, parmi ces dernières l’aliénation mentale est l’une de celles où il est le plus facile de faire toucher du doigt la puissante et trop fréquente intervention de la sympathie ; et il est bon d’ajouter que cette sorte d’entité inconnue, cette sorte d’influence morbide peut souvent elle seule, en raison de sa propre virtualité, engendrer et faire développer tous les désordres psychiques et somatiques qui constituent la folie : incohérence des idées et des actes, fausses perceptions, excitation, dépression mentale, etc., etc.

Chez la femme, on le comprend, l’utérus doit jouer un rôle <524><525> important comme cause première des troubles intellectuels et moraux survenus sympathiquement par suite d’états physiologiques et pathologiques dont cet organe peut avoir à souffrir. M. le docteur Marcé a publié un travail sur la folie puerpérale. Il ne s’agit point pour nous d’aborder cette question si largement et si rationnellement traitée par notre collègue. Nous ne voulons point non plus tenter de développer un nouveau point de doctrine relatif à l’influence de la sympathie dans les affections de l’utérus. Plus modeste dans nos visées scientifiques, nous rattachant aux saines idées émises dans la thèse inaugurale de notre collègue et ami le docteur Loiseau, dont la plume autorisée a étudié scrupuleusement, recherché avec soin, groupé habilement un grand nombre de faits et d’observations affirmant la fréquence de la sympathie comme étiologie de l’aliénation mentale, nous désirons seulement apporter quelques éléments nouveaux à la discussion soulevée lors de l’apparition de son livre auquel nous aurions un reproche à faire, celui d’être un peu concis dans l’examen des doctrines qu’il réfute, et trop bref quelquefois dans les explications et observations qui y sont consignées.

TEILLEUXOBSERVATION0002Christina Bothwell

Sommaire. ― Constitution maladive nerveuse, crises hystériformes. ― Veuvage, chagrins, dénûment. ― Lypémanie, hallucinations de la vue, de l’ouïe et du sens génital, possession diabolique charnelle. ― Dégénérescence cancéreuse du col de l’utérus, etc. ― Plaque squirrheuse de l’intestin grêle. ― Amaigrissement des circonvolutions cérébrales, adhérences des méninges et friabilité de ces membranes.

D… (Jeanne-Marie), veuve T…, entrée d’office, le 6 août 1860, à l’asile du Gers, nous est adressée avec un certificat ainsi conçu : La susnommée est atteinte d’accès hystérique, se renouvelant à époques variables, s’accompagnant, depuis quelque temps, de troubles intellectuels sous l’influence desquels cette femme oublie tout sentiment de pudeur. Les moyens thérapeutiques<525><526> mis en usage pour combattre cet état de folie ont échoué ; pour ces raisons, nous estimons qu’il y a urgence d’interner la veuve T… à l’asile départemental. Les renseignements que nous pouvons nous procurer relativement à cette malade, de la part de la personne qui nous l’a conduite, sont excessivement peu explicites. Nous apprenons d’elle seulement qu’après être devenue veuve, il y a quelques années, D… (Jeanne-Marie) n’a pas toujours mené une conduite très régulière, et qu’elle disait avoir le diable dans sa maison. Point d’antécédents de folie ni de névrose quelconque dans sa famille.

D…. (Jeanne-Marie) a un tempérament nerveux-lymphatique, les cheveux bruns, les yeux rous, le teint légèrement coloré, la peau fine et blanche, la taille moyenne, un peu d’amaigrissement, la physionomie s’anime facilement. Quoique élevée à la campagne, les allures de notre malade, dont le facies révèle la souffrance, ont une sorte de distinction, doigts longs, effilés, articulations fines. Elle était ménagère, son mari était cultivateur ; il y avait peu d’aisance dans la maison, elle ne sait ni lire ni écrire, et ne parle guère que patois : elle comprend assez bien le français cependant. Sa venue à l’asile ne la surprend que médiocrement, à peine nous adresse-t-elle quelques récriminations à ce sujet, elle aime à vivre à l’écart, le travail pénible lui est impossible ; aussi l’occupons-nous à coudre et surtout à tricoter, ce qu’elle aime mieux faire.

Les premiers jours qui suivent son admission, nous remarquons chez elle des bizarreries de caractère, des appétits insolites, des refus de manger, des colères sans motif ; elle jette son ouvrage par terre, elle insulte les gardiennes à la moindre contradiction qu’elle éprouve de leur part. Parfois elle remue les lèvres, ses yeux restent fixes, ou bien bouche close ou entr’ouverte, elle écoute et voit des êtres imaginaires avec qui elle s’entretient ; sa figure s’anime, ses traits se contractent, la colère, la haine, le dédain se lisent sur sa physionomie, le contentement <526><527>, le sourire bien rarement y apparaissent, et font épanouir son visage ; elle est complètement concentrée en elle-même et parfaitement indifférente à tout ce qui se dit et se fait autour d’elle lorsque ces hallucinations extatiques la surprennent. (Pouls rapide, alors anesthésie presque complète, pâleur des téguments et refroidissement périphérique le plus souvent. Satan la poursuit de ses obsessions, et le curé de sa paroisse, complice de Belzébuth, aide à l’accomplissement de l’œuvre charnelle, monstrueuse, que l’ange des ténèbres a résolu de perpétrer sur elle. Autrefois, dans son village, pendant la nuit et le jour même, depuis qu’un sort avait été jeté sur elle, depuis qu’un soir surtout, elle avait vu un chat, blotti dans son lit, en sortir précipitamment pour aller se jeter dans l’âtre de sa maison, et grimper de là dans la cheminée où elle l’avait perdu de vue, Satan était devenu son maître, il s’emparait d’elle quoi qu’elle fît, et malgré sa résistance, elle subissait ses lubriques embrassements. C’est quand il en était de la sorte, avant qu’elle fut internée à l’asile, qu’elle se livrait publiquement à des acte d’immoralité, relevant ses robes et pratiquant sur elle des attouchements obscènes.

La surveillance exacte, le régime de la maison avaient modifié ce qu’avaient de par trop anormal les habitudes fâcheuses de notre extatique, mais les faits ne s’en effectuaient pas moins de même façon que naguère, la succube n’en continuait pas moins à succomber aux désirs de son possesseur surnaturel, grâce à l’auxiliaire indispensable du curé de la paroisse de notre aliénée, seulement alors les hallucinations étaient plus rares.

Mariée à vingt-deux ans, D… (Jeanne-Marie) était devenue veuve à trente et un ans, et pendant ces neuf ans d’union, elle n’avait eu qu’un seul enfant, mort lorsqu’il était encore au berceau ; quinze ans avaient été pour elle l’âge de puberté, étant encore fille et avant le décès de son mari, elle était souvent sujette à un état leucorrhéique, à des défaillissements d’estomac, à des fatigues dans la région des reins, et ses règles n’avaient ni <527><528> toute la régularité voulue dans leur périodicité, ni dans leur quotité découlement, des pertes en blanc très abondantes les précédaient habituellement, et les suivaient toujours ; enfin, avant son veuvage on avait aussi remarqué chez cette femme des crises nerveuses, une impressionnabilité excessive et une violence extrême de caractère.

Le célibat irrita encore cette nature maladive ; la solitude lui pesait horriblement, la culture de la portion de terre qu’elle possédait et qui aurait pu suffire ses besoins, lui étaient impossible, elle recourut à des habitudes fâcheuses et à l’inconduite pour satisfaire les ardeurs génésiques que sa constitution appelait, et afin de soulager les ennuis que sa viduité lui rendait intolérables ; enfin, ne pouvant s’occuper de la totalité de mise en rapport des parcelles de sol qui lui appartenaient, elle ne leur faisait produire que bien moins que ce qu’elle aurait pu en retirer, elle rendit difficile sa position matérielle, et subit les atteintes de la misère sans être réellement dans le dénûment.

La santé psychique de la susdite, sous l’influence des diverses causes énoncées plus haut, pouvait, sans conteste, s’altérer promptement, et cependant il n’en fut point de la sorte, tant que les progrès toujours croissants de la dégénérescence de l’utérus et des intestins ne vinrent point solliciter la sympathie de l’encéphale.

A la fin de juin, moins de trois semaines, par conséquent après son internement à l’asile, grâce aux soins thérapeutiques donnés et à la régularité de vie et de régime imposés à la malade, D… (Jeanne-Marie) sembla reprendre une santé meilleure, l’écoulement utérin n’existait presque plus, les digestions devinrent plus faciles, les douleurs d’estomac avaient cédé, les quelques occupations auxquelles se livrait notre hallucinée la fatiguaient rarement, et son état psychique lui-même semblait participer à l’état de bien-être qui surgissait au sein de l’économie.

Des bains de siège tous les jours d’eau de son et de morelle <528><529> noire, trois cautérisations du col de l’utérus au moyen de l’azotate acide liquide de mercure, des injections vaginales faites matin et soir, enfin l’emploi de l’iodure de potassium et des préparations de ciguë à l’intérieur, nous paraissaient avoir enrayé la marche de la dégénérescence organique que nous cherchions aussi à combattre en mettant la sus-nommée dans l’impossibilité de ses livrer à ses mauvaises habitudes, enfin en lui prescrivant le plus possible le repos horizontal et une alimentation analecptique et lactée.

Quelques mois se passèrent ainsi : la puissance de la médication contre-balançait la tendance à l’envahissement de l’affection idiopathique de l’utérus, du moins nous le pensons, et rien ne venait comme symptômes infirmer notre conviction à cet égard. Mais en octobre, une teinte caractéristique des téguments commença à se montrer ; les ulcérations du col de l’utérus, à peu près cicatrisées, se couvrirent de bourgeons mollasses et grisâtres ; le museau de tanche était violacé, dur, mamelonné, son état d’hypertrophie allait croissant ; le toucher était un peu douloureux ; le poids du corps de la matrice s’était considérablement augmenté, et le toucher rectal indiquait également un accroissement de volume de l’organe utérin. Des hémorrhagies rares et peu abondantes apparurent de nouveau, et un écoulement blanchâtre, sanieux parfois, toujours fétide, salissant incessamment le linge, de la malade, reparut plus intense qu’autrefois. Voici la note que nous trouvons inscrite sur notre registre matricule à la date du 15 octobre : Chloro-anémie par suite de diathèse cancéreuse très prononcée ; convulsions nerveuses rappelant la forme hystérique ; constipation, refus de manger ; bruit cataire des carotides, perte sanieuse utérine continuelle, impossibilité presque de palper l’abdomen ; caractère capricieux, fantastique.

Les hallucinations persistaient toujours, et l’état de dépérissement progressait de jour en jour. T… (Jeanne-Marie) pouvait à peine se lever.

En décembre, la constitution était complètement délabrée ; la <529><530> malade ne pouvait plus prendre qu’un peu de semoule au gras, de la viande de poulet, du bouillon froid et quelques cuillerées de vin de Malaga : l’estomac se refusait obstinément à toute autre espèce d’alimentation. L’emploi de l’eau de Seltz, la glace, l’acétate de morphine ne parvenaient même pas toujours à empêcher les contractions stomacales de se produire après l’ingestion des aliments sus-indiqués.

En janvier, le marasme était absolu ; pouls filiforme ; l’affection squirrheuse du col de l’utérus continuait à se développer, et les douleurs viscérales, malgré l’état de faiblesse excessive de la malade, lui arrachaient des plaintes fréquentes. Etat presque continuel de demi-sommeil.

En février, la situation maladive reste à peu près de même que dans le mois précédent. Commencement d’œdème des extrémités pelviennes et des parties génitales externes.

En mars, œdème plus considérable des membres inférieurs ; bouffissure de la face d’une pâleur de cire un peu jaune ; infiltration croissante des organes extérieures de la génération. Amaigrissement arrivé à la dernière limite ; pouls à peine perceptible ; quelquefois un peu de diarrhée ; hallucinations persistantes.

En mai, la diarrhée devient habituelle ; assoupissement continuel, face grippée, œil s’éteignant, voix à peine perceptible.

8 juin. ― Mort.

L’autopsie, faite trente heures après la mort, en présence des docteurs Rivière, Nassans et Samalens (d’Auch), a offert les particularités suivantes :

Cadavre. ― Point de rigidité, pâleur anémique des téguments ; à peine trace d’infiltration dans les membres pelviens et vers la vulve. Tissu musculaire flasque, brun rougeâtre. Presque pas de traces de tissu cellulaire ou adipeux, comme dans les cas de marasme, du reste.

Crâne. ― De consistance éburnée, le diploé y fait à peu près complètement défaut.<530><531>

Encéphale. ― Environ 75 grammes de sérosité s’échappent de l’intérieur des membranes à l’ouverture de la boîte crânienne. Les méninges sont rosées, adhèrent faiblement à la substance cérébrale, sont peu résistantes et se déchirent par petits lambeaux sous les mors des pinces qui les touchent. Ces membranes enlevées, la substance nerveuse corticale se montre pâle, et les circonvolutions encéphaliques paraissent amaigries. A peine existe-t-il de la sérosité dans les ventricules. La substance grise est légèrement rosée et quelque piquetée de sang ; toute la substance blanche offre un ton mat. On remarque un peu d’endurcissement général de la masse encéphalique.

 

  1. ―Un peu pâle ; consistance normale.
  2. ―Sains.

Cœur. ― Presque atrophié.

Utérus. ― Vaste ulcération fougueuse ayant en partie détruit les deux lèvres du col ; bords et surface restant manifestement indurés. L’ulcération pénètre dans la cavité utérine, dont la muqueuse hypertrophiée, mollasse, est recouverte d’une matière blanchâtre muco-purulente. Le volume de l’utérus est augmenté de près de moitié ; son tissu est blanchâtre, induré, criant légèrement sous le scalpel. Trompe de Fallope gauche de la grosseur du petit doigt ; au niveau de son insertion avec l’utérus se rencontre un abcès dont les dimensions sont celles d’une amande ; un second s’observe aussi à la hauteur du pavillon ou extrémité libre de la trompe ; ce dernier a le même volume que le premier. Trompe droite offrant un abcès de dimension égale aux précédents ; pavillon sain, ovaires sains ; traces cicatricielles de nombreuses sorties d’ovules. Dans la fosse iliaque, de chaque côté, existe un ganglion gros comme une noisette ; son tissu est jaunâtre et lardacé.

 

  1. ― Dans la seconde moitié de l’intestin grêle, on voit à la surface extérieurement des plaques noirâtres, au centre desquelles se remarquent de petites tumeurs blanchâtres, dures, faisant saillie du côté de la séreuse. L’intestin incisé, on observe <531><532> de larges ulcérations, au nombre de huit ou dix, comprenant tout le pourtour de l’iléon et ayant de 3 à 4 centimètres de hauteur. Les bords de ces ulcérations sont indurés ; leur surface est mollasse, fougueuse, parsemée de points blancs ; leur aspect rappelle celui du squirrhe ulcéré de l’utérus. Chapelet de ganglions mésentériques depuis le volume d’un pois jusqu’à celui d’une aveline ; leur tissu est blanchâtre lardacé.

La relation de cause à effet dans cette observation est assez manifeste, ce nous semble, pour que nous négligions de la faire longuement ressortir, et le fait maladif primordial qui constitue la genèse pathologique de l’affection ci-dessus relatée, s’y précise trop nettement pour qu’elle puisse laisser un doute, quel qu’il soit, dans l’esprit. Au début, menstruation, digestions difficiles, troubles nerveux ; intelligence saine, volonté libre. Plus tard, des symptômes graves décèlent une affection de l’utérus ; les intestins eux-mêmes subissent un commencement de désorganisation. La malade est devenue veuve, la solitude lui pèse, le dénûment l’atteint ; un retentissement sympathique a lieu vers l’encéphale, et des anomalies psychiques traduisent en dehors l’affection cérébrale, alors incontestablement purement dynamique. L’état pathologique idiopathique du cerveau n’aura lieu que longtemps après, quand, par la virtualité propre de la sympathie, en raison de sa continuité d’action sur le cerveau, cet organe aura perdu toute force de réaction contre le principe morbide, j’ose dire qui le sollicite. Une remarque à faire aussi, c’est que, à peine une halte dans le mal initial arrive-t-elle, dès que l’on observe un peu d’amélioration du côté de l’utérus, même lorsque l’affection cérébrale existe depuis de * longues années déjà, les troubles intellectuels semblent eux-mêmes subir une modification corrélative à celle qui est survenue dans l’état de l’organe primitivement affecté.

Parmi les observations de folie sympathique recueillies dans les différents services confiés à nos soins, nous avons cru devoir choisir celle-ci la première pour la publier ; son historique médico-psychologique <532><533> et l’examen nécroscopique qui en furent le complément final, y témoignent, ce nous semble, d’une manière absolue de la justesse de nos appréciations en ce qui a égard au rôle joué parla sympathie dans la production, non seulement de lésions fonctionnes, d’affections dynamiques cérébrales, mais encore dans le fait de la génération de désordres idiopathiques du centre encéphalique et d’altérations anatomico-pathologiques de cet organe.

Prochainement, nous espérons pouvoir mettre en ordre, pour les faire paraître, quelques autres faits de pathologie mentale de même nature que l’observation qui précède. Mais, dans ceux-là, l’affirmation de nos idées concernant l’influence de la sympathie comme cause étiologique de troubles intellectuels et moraux ne se déduira plus spécialement de l’examen nécroscopique des parties affectées ; dans ces divers cas ultérieurs, en effet, la guérison des organes primitivement malades ayant amené la cessation des anomalies psychiques développées secondairement dans le fonctionnement de l’encéphale.

TEILLEUXOBSERVATION0001

 Attaque Demoniaque; A. Delahaye et E. Lecrosnier

 

 

 

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