Fassou. Rêves lilliputiens. Extrait du « Journal de psychologie normale et pathologique », (Paris), dixième année, 1913, pp. 242-243.

Fassou. Rêves lilliputiens. Extrait du « Journal de psychologie normale et pathologique », (Paris), dixième année, 1913, pp. 242-243.

 

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FASSOU. Rêves lilliputiens. — Il s’agit d’un malade atteint d’un accès subaigu d’alcoolisme survenu au cours d’une intoxication déjà ancienne, accès qui s’est traduit par des rêves professionnels, par des cauchemars et, principalement, par des rêves lilliputiens. Voici comment le malade lui-même les raconte : « Je me voyais en chemin de fer, assis tout seul dans un compartiment. Je croyais que le train me ramenait chez moi, au retour de la fête de Gentilly. Je regardais par la portière de gauche, dans la campagne, lorsque, tout d’un coup, sur une grande pelouse verte, j’ai vu grouiller une nuée de petits bonshommes ; il y en avait des centaines, des milliers. Ils étaient minuscules, grands comme le doigt. Ils couraient dans tous les sens, criant, s’interpellant, car ils avaient l’air de se connaître tous. Ils portaient des vêtements de couleurs très variées : bleus, rouges, mais la note dominante était le gris-vert. Ils étaient coiffés de casquettes anglaises. Quelques-uns, parmi eux, avaient le pantalon serré dans de très élégantes molletières et, semblait-il, commandaient aux autres.

Tous ensemble ils jouaient au foot-ball et le ballon dont ils se servaient, proportionné à leurs dimensions, n’était pas plus gros qu’une noisette.

Je les regardais jouer sur la pelouse où ils étaient si nombreux qu’ils paraissaient avoir surgi de terre.

Au premier arrêt du train, je remarquais qu’une vingtaine de ces minuscules personnages étaient montés sur le marchepied du wagon et là se livraient à toutes sortes d’acrobaties; on aurait dit des clowns, tant leur agilité était grande. Je les voyais de très près et pouvais me rendre compte qu’ils étaient correctement vêtus. Ils parlaient une langue que je ne comprenais pas, mais j’entendais parfaitement leur voix, moins accusée [p. 243] que celle d’un homme normal ; mais plus forte que n’aurait pu le faire supposer l’exiguïté de leur taille.

Le conducteur du train qui était, lui, d’une stature ordinaire, les chassait doucement avec le pied ; mais dès que le convoi se remettait en marche, les petits bonshommes sautaient à nouveau sur le marchepied et, jusqu’à la station prochaine, jouaient entre eux avec de grands mouvements des bras ; cela m’amusait de les regarder.

En arrivant aux fortifications, ils disparaissaient tous comme par enchantement. »

M. F. insiste sur la nature toxique de ces rêves qu’il rapproche des hallucinations lilliputiennes signalées par Lasègue dans l’éthylisme subaigu et étudiées par M. Leroy à la Société médico-psychologique en juillet 1909 : « hallucinations de la vue, petites, portant généralement sur des personnages animés, multiples, mobiles, fugaces, souvent coloriés, ayant presque toujours un caractère agréable. »

 

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