Edgar Bérillon. Rêves spontanés et suggérés dans le sommeil hypnotique. Extrait de la « Revue de l’hypnotisme et de psychologie physiologique, 1893-1894 », quatrième année, 1893, pp. 18-20.
Just Edgar Eugène Bérillon (1859-1948). Neurologue de formation, spécialisé en hypnotisme expérimental (hypnose), Bérillon est le principal disciple et collaborateur de Victor Dumontpallier au sein de l’École d’hypnologie de la Pitié. Secrétaire général de la Société d’Hypnologie et de Psychologie il enseigne l’hypnotisme et ses applications thérapeutiques à l’École de psychologi, à l’École pratique de la Faculté de médecine, et fonde en 1887 et dirige la « Revue de l’Hypnotisme ». Il est en outre le fondateur de la Société de pathologie comparée. Bérillon occupe également les fonctions de Médecin-Inspecteur des Asiles publics d’aliénés, et dirige à partir de 1901 un établissement médico-pédagogique consacré à l’éducation et au traitement des enfants et des adolescents anormaux, à Paris. Il se positionne comme adversaire convaincu de consommation du vin. Enfin il défend des théories fumeuses, sur la « Bromidrose fétide » ou encore « la Polychésie » de la « race allemande ». De ce fait, Bérillon échappa de peu à la déportation sous l’Occupation. La photographie représente Edgar Bérillon, lors d’une séance de traitement d’un alcoolique par l’hypnotisme (reproduite avec l’aimable autorisation de la B.I.U.M., Paris).
Quelques publications :
— La Léthargique des Thenelles. Article parut dans la « Revue de l’Hypnotisme », (Paris), première année, 1887-1888, pp. 289-296. [en ligne sur notre site]
— Les indications formelles de la suggestion hyonotique en psychiayrie et neuropathologie. Extrait de la Revue de l’Hypnotisme. Paris, Aux bureaux de la Revue de l’Hypnotisme, 1891.
— La science de l’hypnotisme. L’hypnotisme expérimental. Paris, Librairie Jouve et Cie, 1944. 1 vol. in-18, XX, 262 p. 1 fnch.
— De la suggestion et ses applications à la pédagogie, avec quatre figures dans le texte. Extrait de la Revue de l’Hypnotisme. Paris, Aux bureaux de la Revue de l’Hypnotisme et Jacques Lechevalier, 1888. 1 vol. 15/23.5 [in-8°], 16 p.
— Histoire de l’hypnotsime expérimental. 1°. Les précurseurs. – 2°. L’œuvre de Charcot à la salpêtrière et de Dumontpallier à la Pitié. Conférence faite au deuxième Congrès de l’Hypnotisme, avec 21 figures dans le texte. Extrait de la Revue de l’Hypnotisme. Paris, Revue de l’Hypnotisme et Vigot Frères, 1902. 1 vol.
— Dédoublement de la personnalité et phénomènes subconscient, provoques par des manœuvres de spiritisme. Article paru dans la revue « Annales médico-psychologiques », (Paris », huitième série, tome dix-huitième, soixante et unième année, 1902, page 516. [en ligne sur notre site]
— Hypnotisme et suggestion. Théorie et applications pratiques avec 12 figures dans le texte. Conférence recueillie par Henri Crouigneau. Paris, Société d’Editions Scientifiques, 1891. 1 vol. 14/22.5 [in-8°], 39 p.
— Hypnotisme expérimental. La duélité cérébrale et l’indépendance fonctionnelle des deux hémisphères cérébraux. Précédé d’une lettre préface de M. le Dr Dumontpallier. Paris, A. Delahaye et E. Lecrosnier, 1884. 1 vol.
— Auto mutilation survenant sous l’influence de rêves, chez un hystéro-épileptique.] Extrait de la « Revue de l’Hypnotisme », (Paris), I, n°3, 1899-1900, mai 1900, p. 278. [en ligne sur notre site]
— Hypnotisme expérimental. Application de la méthode graphique. Influence de la suggestion hypnotique sur la circulation. Extrait du Bulletin de la Société de Médecine et Chirurgie pratiqu-Paris, Revue et l’Hypnotisme et Vigot Frères, 1903. 1 vol.
— L’aphronie et les anomalies du jugement. Leur traitement par la méthode hypno-pédagogique. Extrait de la Revue de l’Hypnotisme. Paris, Revue de l’Hypnotisme, 1913. 1 vol.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr
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Rêves spontanés et suggérés dans le sommeil hypnotique
par M. de Dr BÉRILON.
Comme on le sait, l’aptitude au rêve est extrêmement variable selon les individus. Tandis que certaines personnes se mettent à rêver dès qu’elles sont endormies, il en est d’autres qui ne se souviennent pas d’avoir jamais eu le moindre rêve.
À plusieurs reprises nous avons une occasion de constater cette attitude au rêve chez des individus plongés dans le sommeil hypnotique. Le premier sujet sur lequel nous avons observé l’existence de rêves survenus spontanément dans l’état d’hypnotisme, était une jeune fille de seize ans qui nous avaient été adressés par M. le Dr Vandenabeele et qui présentait des accidents convulsifs d’hystérie et de la diathèse de contracture.
Plongée facilement dans un état pour le fond d’hypnose, Elle restait quelques temps tranquille, puis tout en dormant Elle se mettait à prononcer des mots inarticulés, elle remuait les lèvres, s’agitait sur son siège. Peu à peu elle s’animait, et par quelques-unes des paroles quel émettait, il était facile de constater que son rêve portait sur ses préoccupations journalières. Chez ce sujet, le rêve était tellement absorbant qu’il était très difficile de l’interrompre. Il était même difficile de réveiller la malade pendant qu’elle rêvait ainsi. À son réveil, elle ne se souvenait pas de l’objet de son rêve et semblait surprise lorsqu’on lui disait qu’elle avait parlé en dormant.
La mère de la malade nous avait appris que sa fille parlait souvent en dormant.
Depuis quelques temps, j’observe la même aptitude au rêve chez un jeune homme que je soumets à l’examen de la Société. Il habite le département du Loiret. Atteint the depuis plusieurs années d’une incontinence nocturne d’urine réfractaire à tous les procédés employés, il m’a été envoyé par M. le Dr Landry, de Courtenay. Il a été promptement débarrassé de son incontinence par suggestion hypnotique.
Au début du traitement, il fut assez difficile a hypnotiser. Ce ne fut qu’à la troisième séance, après avoir été ébloui par la lueur du magnésium, qu’il tomba dans un sommeil profond avec amnésie au réveil et anesthésie à piqûre.
Un jour, je l’avais laissé endormi dans une pièce voisine de celle où je me trouvais, et il y dormait depuis une demi-heure, je fus surpris d’entendre sortir de sa bouche un susurrement formé de mots et inarticulés. Je m’approchai de lui et je vis que sa tête était agitée de mouvements saccadés ; en [p. 19] même temps ses mains se soulevaient. Sa physionomie avait revêtu une certaine expression de gaieté.
Je l’observai sans rien dire et sans qu’il ce doutât de ma présence. Peu à peu je vais qu’il s’animait, le rêve se déroulait s’accompagnant d’une mimique de plus en plus expressive ; on pouvait comprendre l’objet de son rêve aux mots qui lui échappaient. Le rêve avec trait aux divers incidents qui l’avaient frappé pendant ses promenade à travers Paris. Pour le moment il était avec des camarades à la foire au pain d’épice, et sa jeune d’imagination provinciale était véritablement éblouie par la splendeur des baraques de la foire.
Depuis lors je l’ai toujours vu rêver un quart d’heure après le début du sommeil provoqué. Pour interrompre leur rêve, il suffit de lui crier : Silence ! d’une voix impérative. Mais l’interruption n’est que passagère ; au bout de quelques instants sont susurrrement reprend de plus belle.
J’ai voulu m’assurer si je pouvais, par suggestion, modifier le cours et l’objet de son rêve ; j’ai constaté qu’il tombait très facilement dans l’ordre d’idées suggérées.
Ainsi, je lui parle devant vous d’une lutte survenue entre deux hommes et donc il est témoin. Ces deux hommes ce sont donné des coups de couteau. Son visage exprimait l’effroi, il est haletant, ses paroles sont entrecoupées. Laissé à lui-même, le récit continuera pendant quelques temps dans le même sens :
« Mon vieux, il est tué…. cela n’est pas fort….. C’est malheureux te tuer un homme pour si peu…. Ce n’est pas drôle de mourir comme cela… »
Je change le cours de ses idées et lui parle d’une parade de la foire : de clowns amusent la foule en faisant des grimaces. Immédiatement il s’esclaffe de rire. Sont encore tressaute, sa physionomie prend un caractère malicieux. Le spectacle l’intéressé au plus haut point :
Ah ! que c’est drôle, dit-il. Pour sûr, c’est drôle ! Mon vieux, ce qu’il a dit de fortes. Où va-t-il chercher tout cela…. Ah ! Ah ! Ah ! »
Il ne cesse de ricaner. On voit que le spectacle des clowns l’intéresse énormément.
Passant à un autre ordre d’idée, je lui dis : « Allons, descends vite ; les gendarmes t’attendent pour t’interroger. Allons, avoue que c’est toi qui a volé à ton patron le chocolat et le cognac. »
Il se met à trembler :
« Ce n’est pas moi, dit-il, je n’ai rien pris ; d’ailleurs, je n’aime pas le cognac ni le chocolat. Je n’ai rien appris.»
Il ne se défend avec énergie et véhémence. Il est haletant : il souffre véritablement.
Je continue : « Cependant, on va trouver du chocolat dans votre malle.»
Il répond :
« C’est l’autre commis qui l’a mis de là ; mais cela m’étonne, Il n’a pas le [p. 20] chocolat. Pour le cognac, je ne dis pas. Ah ! Mais non, c’est bête d’accuser les gens comme cela toi… puisque je vous dis que je n’ai rien pris ! »
À son réveil, il ne se souvenait parfois de l’objet son rêve ; mais souvent il l’oubliait.
On peut varier les expériences à l’infini ; elles montreront que chez ce jeune homme, l’aptitude des rêves, dans le sommeil hypnotique, est très développée.
Elle est en rapport avec l’aptitude qu’il présente dans le sommeil normal. En effet, ses camarades lui ont souvent dit qu’il parlait à haute voix en dormant. Ils se sont amusés à lui faire raconter diverses choses. Dès qu’il est mis sur ce sujet il devient intarissable. En un mot, grâce à cette aptitudes à rêver, ce jeune homme n’a pas de secrets à lui. On peut lui faire dire tout ce qu’on veut. Cela est en rapport avec l’opinion courante j’ai beaucoup de gens qui, lorsqu’on leur parle de les endormir, s’empressent de vous dire : « Surtout, vous ne me ferez pas parler en dormant ».
Chez les deux sujets que nous avons observés, le rêve ne survenait que lorsque le sommeil était profond ; il était d’origine psychique, et lorsqu’il était spontané, il empruntait ses éléments à des faits de mémoire. Il nous reste à étudier les rêves je pourraient amener, chez ces sujets, diverses impressions sensorielles, indépendamment de toute suggestion. Cette étude fera l’objet d’une prochaine communication.
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