E. Berger E. & Robert Lœwy. L’état des yeux pendant le sommeil et la théorie du sommeil.] Extrait des« Comptes rendus des séances de la Société de biologie et de ses filiales », (Paris), tome cinquième, dixième année, (cinquantième de la collection), 25 avril 1898, pp. 448-450.
Cité par Freud dans son ouvrage : La Science des rêves. 1900.
[p. 448]
L’ÉTAT DES YEUX PENDANT LE SOMMEIL ET LA THÉORIE DU SOMMEIL,
par MM. E. BERGER et ROBKRT LOEWY.
Nous avons examiné l’état des yeux pendant le sommeil physiologique, pendant le sommeil hypnotique, dans l’état de stupeur des fiévreux, et dans l’agonie.
Les recherches que nous avons faites et qui paraîtront dans le Journal d’Anatomie et de Physiologie, nous ont donné des résultats intéressants dont nous donnons ici quelques points. Les phénomènes du sommeil physiologique résultent en partie de 1 interruption de la contiguïté des neurones, en partie de l’auto-intoxication par les substances narcotiques du sommeil. Les manifestations de l’auto-intoxication précèdent [p. 449] fréquemment le sommeil, et persistent après ce dernier pendant un laps de temps variable.
Les substances narcotiques du sommeil ont deux périodes d’action : 1° une courte période d’irritation plus ou moins prononcée suivant les cas : symptômes de picotement dans les yeux, de sensations diverses dans les différentes branches du trijumeau, spasmes musculaires (bâillements, crampes chez quelques sujets avant le sommeil) ; 2° une période de diminution de la fonction de la fibre nerveuse (affaiblissement des muscles, diminution de la sécrétion de la sensibilité). Cette diminution de la tension des éléments nerveux est encore plus accentuée par interruption de la contiguïté des neurones. Les substances narcotiques agissent sur le système nerveux entier, partie périphérique et partie centrale. Chez les uns, les phénomènes de diminution de la sensibilité se manifestent d’abord dans la partie périphérique (diminution de la fonction rétinienne, par exemple), chez les autres, au contraire, dans la partie centrale (corticale).
La disposition des mouvements des yeux pendant le sommeil et la diminution des différents mouvements réflexes prouvent que la fonction des centres sous-corticaux est également modifiée.
La théorie qui admet par exception, au lieu du relâchement des sphincters pendant le sommeil, les contractions de ces muscles, est erronée. Si les paupières, par exemple, sont closes pendant le sommeil, c’est que nous les avons volontairement fermées avant de nous endormir.
Le myosis pendant le sommeil ne présente nullement les symptômes d’un myosis spasmodique ; il est dû à une parésie des vaso-constricteurs de l’iris. Celle-ci est provoquée par une modification de la fonction du bulbe, et, probablement aussi, de la partie supérieure de la moelle cervicale accompagnée d’autres modifications dans la respiration, dans la circulation du cerveau, de la face, de la conjonctive, et des artères en général.
Toutes ces modifications disparaissant brusquement au moment du réveil, ce réveil ne peut être expliqué par la disparition immédiate de l’auto-intoxication ; il faut faire intervenir le mécanisme invoqué par la théorie des neurones.
La dilatation de la pupille au maximum, au moment du réveil, est due à la mise en action subite des vaso-constricteurs de l’iris. La dilatation pupillaire pendant le sommeil, provoquée par une excitation périphérique des organes des sens, ou par un rêve, et accompagnée de modifications dans les caractères du pouls qui devient plus fort et plus fréquent, est due à une diminution de l’intensité du sommeil (demi-réveil).
Pendant le sommeil, les yeux sont, chez les adultes, portés en haut et en dehors, chez les enfants en bas âge, en dehors et seulement très légèrement en haut ou simplement en dehors. [p. 450]
De la cessation d’influx nerveux central au moment de la fermeture des paupières, résulte que les yeux ne sont plus que sous l’influence du tonus physiologique des muscles.
Il résulte de ce fait que, pendant la croissance, ce tonus augmente en faveur des muscles qui portent le globe en haut, phénomène qu’il faut expliquer par les changements survenant dans les insertions musculaires et la forme de l’orbite durant la croissance, et probablement aussi par une augmentation proportionnelle plus considérable du volume de ces muscles. Les symptômes que l’on constate pendant le sommeil hypnotique peuvent être expliqués par l’interruption de la contiguïté des neurones provoquée par les manœuvres de l’hypnose : la disparition de certains phénomènes (anesthésies, spasmes, etc.), pendant l’hypnose est due à la cessation de fonction de certaines parties corticales qui agissaient à l’état de veille soit par excitation soit par inhibition sur d’autres parties du système nerveux.
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