Diderot & Menuret. Rêve. Extrait de « l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers… par Diderot et D’Alembert », (Paris), Tome quatorze, 1751, pp. 223.
Denis Diderot (1713-17484). Philosophe, écrivain et encyclopédiste.
Quelques publications :
—(Anonyme) De l’interprétation de la nature (1753) puis sous son nom : Pensées sur l’interprétation de la nature. 175.
—Jacques le Fataliste et son maître, paru d’abord en feuilleton dans la « Correspondance littéraire » de Melchior Grimm entre 1778 et 1780. Puis posthume en France en un volume en 1796.
Jean Joseph Menuret (1739-1815). Médecin et encyclopédiste français.
—Essai sur l’action de l’air dans les maladies contagieuses, Paris, rue et hôtel Serpente, 1781.
—Essai sur l’histoire médico-topographique de Paris, Paris, 1786. —Nouvelle édition, augmentée de quelques lettres sur différents sujets, Paris, 1804.
—Essai sur les moyens de former de bons médecins, Paris, 1814,
—Essai sur la ville de Hambourg, considérée dans ses rapports avec la santé, ou Lettres sur l’histoire médico-topographique de cette ville, Hambourg, 1797, in-8°
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr
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RÊVE, s. m. (Com.) ancien droit ou imposition qui se lève sur les marchandises qui entrent en France, ou qui en sortent. On dit ordinairement rêve & haut passage ; ces deux droits autrefois séparés, ont été depuis réunis : on appelloit anciennement ce droit jus regni, droit de règne ou de souveraineté, d’où par corruption on a fait droit de resve. Voyez Traité foraine. Diction. de Com.
Rêve, s. m. (Métaphysique.) songe qu’on fait en dormant. Voyez Songe.
L’histoire des rêves est encore assez peu connue, elle est cependant importante, non-seulement en médecine, mais en métaphysique, à cause des objections des idéalistes ; nous avons en rêvant un sentiment interne de nous-même, & en même-tems un assez grand délire pour voir plusieurs choses hors de nous ; nous agissons nous-mêmes voulant ou ne voulant pas ; & enfin tous les objets des rêves sont visiblement des jeux de l’imagination. Les choses qui nous ont le plus frappé durant le jour, apparoissent à notre âme lorsqu’elle est en repos ; cela est assez communément vrai, même dans les brutes, car les chiens rêvent comme l’homme, la cause des rêves est donc toute impression quelconque, forte, fréquente & dominante.
Rêve, (Médecine.) Voici le sentiment de Lommius à ce sujet.
Les rêves sont des affections de l’âme qui surviennent dans le sommeil, & qui dénotent l’état du corps & de l’âme ; sur-tout s’ils n’ont rien de commun avec les occupations du jour ; alors ils peuvent servir de diagnostic & de prognostic dans les maladies. Ceux qui rêvent du feu ont trop de bile jaune ; ceux qui rêvent de fumée ou de brouillards épais, abondent en bile noire ; ceux qui rêvent de pluie, de neige, de grêle, de glace, de vent, ont les parties intérieures surchargées de phlegme ; ceux qui se sentent en rêve dans de mauvaises odeurs, peuvent compter qu’ils logent dans leur corps quelque humeur putride ; si l’on voit en rêve du rouge, ou qu’on s’imagine avoir une crête comme un coq, c’est une marque qu’il y a surabondance de sang ; si l’on rêve de la lune, on aura les cavités du corps affectées ; du soleil, ce seront les parties moyennes ; & des étoiles, ce sera le contour, ou la surface extérieure du corps. Si la lumière de ces objets s’affoiblit, s’obscurcit ou s’éteint, on en conjecturera que l’affection est légère, si c’est de l’air ou du brouillard qui cause de l’altération dans l’objet vu en rêve, plus considérable si c’est de l’eau ; & si l’éclipse provient de l’interposition & de l’obscurcissement des élémens, en sorte qu’elle soit entière, on sera menacé de maladie ; mais si les obstacles qui déroboient la lumière viennent à se dissiper, & que le corps lumineux reparoisse dans tout son éclat, l’état ne sera pas dangereux ; si les objets lumineux passent avec une vitesse surprenante, c’est signe de délire ; s’ils vont à l’occident, qu’ils se précipitent dans la mer, ou qu’ils se cachent sous terre, ils indiquent quelque indisposition. La mer agitée prognostique l’affection du ventre : la terre couverte d’eau n’est pas un meilleur rêve, c’est une marque qu’il y a intempérie humide ; & si l’on s’imagine être submergé dans un étang, ou dans une rivière, la même intempérie sera plus considérable. Voir la terre séchée & brûlée par le soleil, c’est pis encore ; car il faut que l’habitude du corps soit alors extrêmement sèche. Si l’on a besoin de manger ou de boire, on rêvera mets & liqueurs ; si l’on croit boire de l’eau pure, c’est bon signe ; si l’on croit en boire d’autre, c’est mauvais signe. Les monstres, les personnes armées, & tous les objets qui causent de l’effroi, sont de mauvais augure ; car ils annoncent le délire. Si l’on se sent précipité de quelque lieu élevé, on sera menacé de vertige, d’épilepsie ou d’apoplexie, sur-tout si la tête est en même tems chargée d’humeurs. Lommius, Méd. obs.
Nous avons tiré de Lommius ces observations, elles sont toutes d’Hippocrate, & méritent une attention singulière de la part des Médecins ; car on ne peut nier que les affections de l’âme n’influent sur le corps, & n’y produisent de grands changemens. En effet, bien que ces observations paroissent de peu d’importance, & devoir être négligées d’abord, on sera détourné de penser de cette façon, pour peu que l’on réfléchisse sur les lois qui concernent l’étroite union de l’âme avec le corps. (m)
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