Désiré Monnier. Influence de la lune. Extrait de l’ouvrage « Traditions populaires comparées – Mythologie – Règnes de l’air et de la terre…. aidé de la colaboration de M. Aimé Vingtrinier », Paris, Chapitre LVIII, 1854, pp. 234-236.
Désiré Monnier (1788-1869). Folkloriste tueur de plusieurs recherches sur les traditions populaires. Un des premiers historien du Jura. Quelques publications :
— Les Jurassiens recommandables par des bienfaits, des vertus, des services, etc, 1828.
— Du culte des rochers dans la Séquence, 1833.
— Du culte des Esprits dans la Séquence, T.2, 1834.
— Études archéologiques sur le Buggy, 1841.
— Annuaire du département du Jura pour l’année… avec Henri Damelet, 1849.
— Traditions Populaires Comparées, 1854.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Par commodité nous avons renvoyé la note originale de bas de page en fin d’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr
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INFLUENCE DE LA LUNE.
Quant à la théorie des influences lunaires sur
les maladies, elle compte encore un bon nombre de
partisans. En vérité, je ne sais trop si l’on doit
s’en étonner? N’est-ce donc rien d’avoir pour
soi des opinions des deux plus grands médecins
de l’antiquité eét parmi les modernes, celle de Mead,
d’Hoffman et de Sauvage ?
Arago
Le mot lunatique, appliqué à l’individu qui passait pour subir, dès son berceau, la maligne influence de Ja planète sous laquelle Dieu l’avait fait naître, malo sidere natu, vient de l’opinion où l’on était naguère que sa raison s’altérait d’une manière plus ou moins fâcheuse, suivant les phases de la lune. L’épileptique et l’insensé étaient des lunatiques. Cette qualification n’est plus donnée qu’aux monomanes, et ne serait plus comprise sans des explications.
Guérison d’un lunatique.
Nous voyons par la vie de saint Eugende, abbé de Condatiscone (1) au VIe siècle, qu’il existait à [p.235] Condes une lunatique. Elle était de famille patricienne. En la voyant possédée du diable et atteinte de démence furieuse, on avait été contraint de la contenir par des chaînes de fer et de l’enfermer. Tous les remédes de la science d’Hippocrate avaient échoué dans le traitement; on eut l’heureuse pensée de recourir au taumaturge. Trop humble pour croire à sa propre vertu, celui-ci refusa d’abord de tenter Dieu par la demande d’un miracle; mais, à la fin, cédant à des sollicitations dictées par une foi vive, il consentit à donner cet exorcisme écrit de sa propre main: « Eugende, au nom du Père †, du Fils †, et du Saint-Esprit †, je t’adjure, ô esprit de gourmandise, de colère, de fornication, esprit lunatique et frénétique, démon du midi, démon du jour, démon de la nuit, en un mot, qui que tu sois, esprit immonde, sors de la personne qui portera sur elle ce bulletin ! » — Inutile d’ajouter le succès qu’obtint ce commandement : le commissionnaire, porteur du billet de saint Eugende, n’avait pas encore remis le pied sur Je seuil de la porte, que la lunatique était déjà soulagée et guérie.
A présent qu’on n’observe plus, comme chez les peuples de la Germanie et chez les nations civilisées de l’Italie et de la Grèce, les phases de l’astre des nuits, pour livrer bataille ou pour entreprendre des travaux, la lune est veuve de ses pouvoirs aux yeux de l’Institut de France ; mais [p. 236] elle n’est pas encore détrônée dans les campagnes où son influence s’exerce toujours sur les semences, sur les végétaux, sur les œufs et sur les sourds.
Note
(1) Appelé depuis Saint-Oyen du nom de ce même saint et enfin Saint-Claude, au département du Jura.
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