Henri Claude, Adrien Borel, Gilbert Robin. Démence précoce, schizomanie et schizophrénie. Article paru dans la revue « L’Encéphale », (Paris), dix-neuvième année, 1924, pp. 145-151.
Article pour faire suite à : Henri Claude, Adrien Borel Adrien et Gilbert Robin. Considérations sur la constitution schizoïde et la constitution paranoïaque. Genèse des idées délirantes. Article paru dans la revue « L’Encéphale », (Paris), dix-huitième année, 1923, pp.482-493. [en ligne sur notre site]
Charles Jules Henri Claude (1869-194). Médecin neurologue et psychiatre. Après avoir été initié à la médecine par Charles Bouchard il de vint l’assistant de Fulgence Raymond à la Salpêtrière et occupa la chaire de clinique des maladies mentales de 1922 à 1939 à l’hôpital Sainte-Anne à Paris. Il œuvra au développement des théories lytique en France, malgré de sérieuses réserves, et créa la premier Laboratoire de psychothérapie et psychanalyse à la Faculté de Médecine de Paris. Il laissera son nom à plusieurs syndromes en neurologie. Quelques publications parmi de très nombreuses :
— Les états anxieux. Paris, Maloine, 1938. 1 vol. in-8°.
— Psychiatrie médico-légale. Paris, G. Doin et Cie, 1932. 1 vol. in-8°. — Deuxième édition entièrement révisée. Paris, G. Doin et Cie, 1944. 1 vol. in-8°.
— Thérapeutiques biologiques des affections mentales. Paris, Masson et Cie, 1940. 1 vol. in-8°.
— Sur un cas d’obsession génitale avec angoisse et tendance à l’exhibitionnisme chez la femme. Article paru dans la revue « L’Encéphale, journal de neurologie et de psychiatrie », (Paris), seizième année, 1921, pp. 456-462. [en ligne sur notre site]
Adrien Borel (1886-1966). Psychiatre et psychanalyste français. L’un des membres fondateurs de L’Evolution psychiatrique puis de La Société Psychanalytique de Paris (S.P.P.). Son principal ouvrage : Les rêveurs éveillés. Paris, Editions Gallimard, 1925. Et en collaboration avec Gilbert-Robin (1893-1967), Les rêveurs : considérations sur les mondes imaginaires. Paris, Payot, 1925.
Gilbert Robin (1893-1967). Psychiatre spécialiste de l’enfance et de l’adolescence. Il écrit sous les pseudonymes de Gil Robin et du Docteur G. Durtal. Il s’intéresse très tôt à la psychanalyse et au surréalisme, rencontre les premiers membres fondateurs du mouvement, et visite Freud en 1928. Il cherche à conjuguer la compréhension des troubles mentaux au carrefour d’autres disciplines, comme la philosophie.
Quelques publications parmi les nombreux travaux :
— Les rêveurs éveillés. Paris, Gallimard, 1925. 1 vol.
— Les haines familiales. Paris, Gallimard, 1926. 1 vol.
— Précis de neuro-psychiatrie infantile. Paris, G. Doin, 1939. 1 vol.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original. – Nous avons renvoyé la note de bas de page en fin d’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr
DÉMENVE PRÉCOCE, SCHIZOMANIE
ET SCHIZOPHRÉNIE
par le professeur Henri CLAUDE,
A. Borel et Gilbert ROBIN
[p. 145]
La question de la démence précoce est encore l’une des plus obscurs et des plus controversées de la psychiatrie et si la plupart des auteurs français contemporains admettent, tout en la restreignant, la conception Kræpelin et sa division en trois formes principales : hébéphrénie, catatonie, paranoïde ; il est clair toutefois que, pour beaucoup, ce n’est là qu’une classification d’attente. Nombre d’aliénistes, en effet, hésitent à ranger sous le même vocable des cas éminemment disparates, dont certains même n’offrent qu’une apparence de démence, sans même correspondre à un affaiblissement intellectuel véritable. Kræpelin basait sa théorie sur la notion d’évolution et admettait que, présentant au début des symptômes divers, groupés selon des modalités très variables, les déments précoces finissaient par arriver au bout d’un temps plus ou moins long à un état terminal identique, véritable démence qui caractérisait ainsi l’affection. Mais, outre que l’on ne voit pas bien dans sa description en quoi cette démence terminale présente des caractères véritablement spécifiques, on se rend compte du même coup de l’excès où cette manière de voir peut conduire. Toutes les affections psychiques ne relevant pas d’un processus bien déterminé et aboutissant à un affaiblissement intellectuel ou même à une simple diminution des facultés pourraient être considéré comme appartenant à la démence précoce.
Cette délimitation insuffisante d’une part, entraînant une extension abusive, jointe à l’impropriété du terme démence servant à qualifier des sujets pouvant (durant des années et parfois durant toute leur vie) ne pas présenter d’affaiblissement intellectuel, a suscité de de nombreux travaux tant en France qu’à l’étranger. On s’est efforcé surtout de mieux caractérisait l’affection, de marquer ce qui fait l’unité du groupe. Les expressions de dissociation (Claude, 1910), ataxie intrapsychique (Erwin Stranski), dysharmonie (Arstein), discordance (Chaslin, 1912), furent proposés pour en qualifier le trouble essentiel. En 1911, Bleuler fit une remarquable étude de la question et publia une nouvelle description de la démence précoce. Il apportait une conception extrêmement originale et, pénétrant plus avant que ses devanciers dans le psychisme même de ces malades, essayait à son tour de réduire la diversité clinique un petit nombre de symptômes cardinaux. Insistant sur l’impropriété du terme démence, il proposait celui de schizophrénie.
Ni le père, ni les conceptions de Bleuler ne furent cependant adoptées par [p. 146] les aliénistes français. Il est vrai que de nombreuses objections pouvaient y être faites. Autant et plus peut-être que Kræpelin, Bleuler étendait le domaine de la démence précoce. Et, d’autre part, s’il est vrai que ces théories apportaient des notions nouvelles, elle ne pouvait que difficilement s’appliquer indifféremment à la totalité des cas cliniques. Nous avons l’intention d’exposer comment, à notre avis, on peut envisager cette notion de schizophrénie et quelles restrictions nous proposons de lui donner.
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La schizophrénie de Bleuler se caractérise par une altération spécifique de la pensée et du sentiment et des relations avec le monde extérieur. La « dislocation » (Spaltung) des fonctions psychiques en est le caractère essentiel. Les fonctions simples altérées sont : les associations (afflux de pensées, barrage, écholalie, stéréotypie, incapacité d’associés, saute d’idées, « bizarrerie » intellectuelle) ; l’affectivité, obtusion complète, ou bien dissonance dans le temps des manifestations, versatilité, humeur capricieuse. L’ambivalence et la tendance à marquer toutes manifestations psychiques à la fois d’un signe positif et d’un signe négatif. Pour Bleuler, sensations et perceptions, orientation, mémoire, conscience, motilité sont conservés. Les fonctions complexes, troublées dans l’exercice de l’affectivité et de l’attention, sont principalement atteintes dans les rapports avec le monde extérieur et sous le nom d’autisme Bleuler désigne « le faite que les malades rompent avec la réalité et ne vivent plus que d’une vie intérieure ». La conséquence, c’est une désagrégation de l’individu en noyau profond ayant perdu le contact avec la réalité et en couche superficielle qui l’entoure… La couche superficielle, tournée vers la réalité et de ce fait aussi vers nous, réagira à sa façon aux excitations du dehors et nous fournira une série de symptômes qui, mesurer à nos manifestations psychiques normales, portent le cachet de perte de contact avec la réalité. Mais cette couche superficielle se trouvera en même temps prise entre la réalité d’un côté et le noyau profond qui se trouve être soustrait à celle-ci, de l’autre ; ce noyau agira lui aussi sur la couche superficielle et viendra parfois se manifester à travers elle au-dehors. De là instabilité et discordance des symptômes (Minkowski). Le contenu du noyau, ce sera la « pensée autiste » opposée à la « pensée réaliste ».
Les conceptions de Freud n’ont pas été négligées par Bleuler : l’ensemble des idées, représentation, souvenir douer d’une forte charge affective qui constitue le « complexe » remplit la pensée autiste ; et l’énergie affective qui n’a pu se manifester d’une manière normale vient s’exprimer à la surface en symptômes morbides. Au terme de ces états s’installe la démence schizophrénique, démence sans démence, démences partielles, relatives à certains moments à certains complexes.
Bleuler admet les formes de schizophrénie : a) paranoïde ;b) catatonique ; c) hébéphrénique ; d) schizophrénie simple. Les trois premières formes se comprennent aisément ; les cas qu’elles visent ressemblent aux types de la classification française encore que l’hébéphrénie de Bleuler englobe notre démence vésanique. Quant à la schizophrénie simple, elle comprend ce qu’on a mis « sous la bannière de la psychopathie, de la dégénérescence, de la folie morale, de l’alcoolisme et peut-être aussi, et c’est le plus grand nombre, de la [p. 147] santé » (Bleuler). Bleuler explique que s’ils ne rattachent pas cette forme à l’hébéphrénie, c’est pour des raisons plus pratiques que théorique, la schizophrénie simple étend carrément observée à l’asile et visant des individus plus ou moins instables, incapables de s’adapter à l’ambiance, négligeant la réalité extérieure ». À l’État le plus léger, ce sont les « schizophrénies latentes » de Bleuler, les « schizoïdes » de Kretschmer, opposées aux sujets « syntones », c’est-à-dire adaptés, offrant une vive plasticité aux modifications du monde extérieur.
La conception de Bleuler s’étend à la majorité des psychoses. L’alcoolisme chronique, le délire de préjudice présénile, certaines mélancolies ou manies « impures » des autres écoles, écrit Bleuler, la plupart des confusions hallucinatoires, beaucoup de ce qu’on appelle par ailleurs « amantia », une partie des formes qui étaient attribuées au délire, les obtusions primaires et les psychoses hystériques, presque toutes les « hypocondries » inguérissables, beaucoup de malades « nerveux » et impulsifs, les formes de masturbation juvénile, une grande partie des psychose des dégénératrices de Magnan, etc., relève de la schizophrénie.
Le plus grand reproche qu’on puisse faire à Bleuler, c’est d’avoir fait entrer dans une vaste synthèse des maladies diverses. Comme l’a fait très judicieusement remarquer Trénel (1), l’analyse psychologique à dépasser la clinique. Au lieu d’arriver à la « délimitation plus précise d’une entité morbide mentale, il aboutit à un élargissement extrême, excessif, du domaine de ce qui n’est plus une maladie proprement définie, mais un vaste genre ». En somme, la schizophrénie englobe la majeure partie de la dégénérescence mentale et des psychoses. Bleuler dépasse les excès de Kræpelin. Chaslin lui reproche, à juste titre, une telle extension et surtout de faire entrer dans sa synthèse l’amentia, c’est-à-dire les états correspondants au délire d’épuisement et aux délires toxiques.
Mais limitons nos critiques au strict terrain de la démence précoce. Nous sommes, dès l’abord, arrêté par ce fait que « le déséquilibre profond du contact avec la réalité est, dans la schizophrénie, non pas une conséquence d’autres troubles psychiques, mais un point essentiel d’où découlent, ou tout au moins à partir duquel se laisse envisager d’une façon uniforme tous les symptômes cardinaux de cette affection mentale » (Bleuler). Nous ne pensons pas qu’une telle conception soit susceptible d’être appliqué indifféremment a tous les cas qu’on range dans la démence précoce. Cette notion, en effet, qui représente la part la plus originale des idées de Bleuler semble méconnaître les caractères de la forme simple hébéphrénique, dans laquelle l’affaiblissement intellectuel, contrairement à ce qui se passe pour les autres formes de démence précoce, est le phénomène initial prédominant. Ce n’est pas de « discordance » (Chaslin), de dissociation (Claude et Lévi-Valensi), de dislocation (Bleuler), qu’il faut parler. Il y a démence vraie. Le trouble des relations avec le monde extérieur n’est pas de trouble initial invoqué par Bleuler dans sa conception. Il n’est qu’une conséquence au même titre que chez un paralytique général ou un paiement organique.
Une autre objection, non moins grave, c’est la notion de l’autisme et [p. 148] retrait de la réalité, appliquée à tous les cas de démence précoce demeure une hypothèse, une tentative d’explication psycho-pathologique. Bleuler ne tient pas compte les démences précoces post-confusionnelles, des confusions mentales secondaires. Quand il envisage pour tous les corps observer la rupture avec le monde extérieur comme le trouble primitif, quand il explique une fois pour toutes la dislocation de la pensée exprimée par le lien entre une pensée autiste et une pensée réaliste, il fait une supposition gratuite. Il reste bien des individus pour lesquels la psychose et une réalisation morbide deux tendances schizoïdes constitutionnelles, c’est-à-dire deux tendances à s’évader de la réalité et à vivre d’une vie intérieure plus ou moins imaginative. Ils sont en petit nombre. Ce sont ceux qui méritent, à notre avis, de relever de la schizophrénie simple de Bleuler, de celle-là seule.
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Ces objections n’empêchent que Bleuler eu le mérite de montrer le premier l’existence de deux caractères fondamentaux chez un certain l’individu : la perte du contact avec la réalité et l’existence d’une pensée autistique. Nous ne pensons pas qu’il est été autorisé à ériger une constatation clinique – si exacte pour la schizophrénie l’attente et la schizophrénie simple – en concept et à étendre ce concept à presque toutes les psychoses. Aussi bien, si nous arrivons à apporter quelques éclaircissements au sujet des démences précoces et quelques précisions cliniques sur notre conception de la « schizophrénie » dérivée de la schizophrénie simple, c’est à Bleuler que nous le devons. Notre conception de la schizophrénie et beaucoup moins extensive que celle de Bleuler. À notre avis, la notion de schizophrénie n’est pas applicable, car un certain nombre d’individus pour l’existence clinique serait-ce envisagé avec précision et pour lesquelles le mot démence apparaît le plus impropre. L’anamnèse que des individus, avant l’éclosion d’aucun accident morbide, présentaient, en même temps qu’un passé héréditaire fréquemment observé, une constitution spéciale : la constitution schizoïde sur laquelle Kretschmer a insisté. Dès l’enfance, tendance à la solitude, ou au recueillement, à la méditation, à la rêverie. Des conceptions imaginaires s’élaborent, que le sujet ne livre pas facilement. Plus tard le contact avec la réalité exige un effort, une tension. La vie intérieure et délibérément préférée, par dilection. L’activité pragmatique et réduite par rapport à l’activité intellectuelle sans que la discordance entre ces deux modes d’activité soit incompatible avec une existence normale. L’adaptation aux exigences extérieures reste en apparence suffisante.
Un stade de plus, tantôt sous une influence affective (complexe), tantôt à la faveur d’un État toxi-infectieux, tantôt parfois sans motif appréciable, la schizomanie représente l’état pathologique du schizoïde qui a cessé de s’adapter alors bien sûr. La réalité est de plus en plus négligée. Les malades sont inertes, inactifs, l’air absent et donnent l’apparence de l’inaffectivité puisqu’il ne s’intéresse pas à ce qui se passe autour d’eux. L’intégrité des fonctions intellectuelle et cependant parfaite. L’interrogatoire, parfois un peu difficile en raison du manque d’attention que montrent les sujets ou de leur reploiement sur eux-mêmes, donne des réponses correctes, adéquates, logiques. L’élément « dissociation » qui se révèle dans l’appréciation non plus des fonctions [p. 149] psychique prises isolément mais dans la synthèse intellectuelle supérieure existe au plus haut point entre l’activité pratique et le noyau de la personnalité quittant à vivre dans un monde intérieur, selon un mode de pensée « autiste ». Les malades ont en général conscience d’un état morbide, mais se complaisent dans l’inactivité et, quand la réalité extérieure leur est imposée, ils essaient parfois de s’y soustraire par des fugues, par des crises d’exaltation confusionnelle on parle de suicide. Ils ont des tendances à la claustration, qu’ils ne réalisent pas toujours sous une forme apparente, mais dans une condition qu’il leur donne l’illusion. La pensée « autiste » ce développe dans la solitude. Le thème qu’elle a adopté et souvent en rapport avec un complexe affectif. Dans les cas assez nombreux des éléments, un tel complexe peuvent être le point de départ de créations imaginaires plus ou moins fantaisistes qui créent une vie intérieure fictive et cette psychose de rêverie explique que les malades aient l’air distrait, indifférent, semblant sourire parfois à leurs conceptions imaginaires.
Un de plus et schizomane devient schizophrène. L’être psychique est bouleversé. La dissociation intellectuelle qui apparaissait surtout dans la mise en œuvre des fonctions synthétiques atteint ici à une véritable « dislocation » des fonctions psychiques, thème adopté par Bleuler et que nous adoptons. Non seulement l’individu a perdu complètement contact avec la réalité, mais il semble même avoir perdu l’intérêt de sa propre existence, il néglige les soins les plus élémentaires de sa personne, jusqu’à refuser toute nourriture, et à présenter du gâtisme. Il passe ses journées au lit, pareil désorienté, réalisant souvent un type de pseudo-confusion mentale ; parfois il ne répond pas aux questions, au fait des réponses à côté. Il a l’air absent, lointain, il est sujet au rire et aux pleurs sans motif apparent ; il donne l’impression d’être inaffectif, tantôt dissonant dans le ton des manifestations affectives. Et cependant le « schizophrène » n’est pas un paiement tout simplement, mais relativement à certains moments, à certains complexes. « Tel qui paraît dans l’obtusion absolue peu d’un moment à l’autre faire par exemple une opération compliquée, exprimer des idées complexes. » (Trénel). « La démence schizophrénique avancée est caractérisée par le fait que, parmi la totalité des pensées et des actions des sujets, il y a, au point de vue numérique, beaucoup de faux résultats. » (Minkowski).
En effet, bien que le malade ait toute l’apparence d’un dément précoce classique (en dehors de la forme hébéphrénique simple que nous avons étudiée) l’interrogatoire nous démontre parfois l’existence d’une pensée autiste. Dans l’apparente incohérence des propos nous avons pu trouver le fil conducteur d’un thème unique relier en général un complexe affectif que révèle l’anamnèse. Nous avons eu la bonne fortune de mettre en évidence par un nouveau procédé d’investigation, l’éthérisation, donc nous publierons les résultats dans une étude prochaine, d’une part que ces complexes étaient fréquents et que les malades sous l’influence de l’anesthésie nous en livraient les détails ; d’autre part qu’il n’existait pas ici de démence vraie et que les fonctions psychiques disloquer étaient capable, à la faveur de l’éthérisation, de contribuer à une synthèse normale.
Ce n’est pas dire qu’à une période ultime d’affaiblissement ne soit pas réel. Il se produit une fixation des symptômes morbides, une stéréotypie à froid des idées « paranoïdes », comme si l’autisme avait perdu tout potentiel, tout [p. 150] dynamisme, et, dans ces cas, la capacité des réponses normales est réduite au minimum.
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Telle est schématiquement exposé l’évolution de ces schizoïdes constitutionnels passant par un stade plus ou prolongé de schizomanie avant de tomber dans la dislocation schizophrénique. Les choses ne vont pas toujours aussi simplement. Bien que le décours de la psychose en trois périodes soit ce qu’on observe habituellement, l’affection n’est pas fatalement progressive. Un schizoïde peut resté parfaitement adapté pendant toute son existence ; un schizomane ne pas évoluer vers la démence schizophrénique. D’autres au contraire brûler les étapes vers la schizophrénie.
La durée théoriquement indéfinie d’un de ces trois états explique qu’on puisse voir les premiers accidents morbides à un âge indifférent. Rien n’empêche un schizoïde, jusqu’alors normal en des manifestations extérieures, d’attendre trente ou quarante ans pour se livrer à des actes pathologiques. De même chez quelques-uns des accès schizomaniaques peuvent surgir, comme s’il s’agissait d’un état périodique. Il n’est pas impossible d’ailleurs que les éléments de la constitution cyclothymique puissent s’associer à ceux de la constitution schizoïde.
Notre notion de la schizomanie permet aussi d’expliquer ces cas bizarres pour lesquels on était obligé, faute de mieux, de porter le diagnostic de démence précoce, d’hébéphrénie, malgré larges souvent avancés des malades, qui démentait une telle épithète. Ces cas ne constituent évidemment qu’un nombre assez limité de « déments précoces ». Il ne saurait en aucune manière être confondu avec ce qu’on appelle en France la forme simple, constitutionnelle, dégénérative (idiotie acquise d’Esquirol, démence juvénile de Morel, hébéphrénie de Kahlbaum et Hecker). C’est la vraie démence précoce, et nous serions tentés d’ajouter la seule démence précoce. Chaslin admet son existence à côté de ces psychoses discordantes. Il faut élargir la conception de Régis en démence précoce constitutionnelle et démence précoce post-confusionnelle et à mettre que des cas de démence précoce simple sont susceptibles de débuter par une confusion mentale ou à la faveur d’un processus toxi-infectieux tel que l’encéphalite épidémique. Il est vrai que, dans la plupart des cas, le processus fédéral paraît avoir suffi à déterminer chez les jeunes gens, plus ou moins menacé par une hérédité souvent chargée, mais demeurés jusqu’alors normaux, l’apparition d’un État démentiel indubitable ou l’affaiblissement intellectuel est initial est prédominant, les autres symptômes de la maladie n’étant que secondaires. Il y a ici vraiment démence, et la démence précoce des auteurs français, type Morel, nous paraît une entité clinique immuable, caractérisée par l’effondrement primitif, global et rapide du psychisme.
Bien entendu, à côté du type Morel d’une part et des états schiozomaniaques d’autre part, états pouvant évoluer plus ou moins rapidement vers la schizophrénie où s’arrêter dans leur marche à des stades divers, il existe toute une série d’états qui constituent, il faut bien le dire, le plus grand nombre des cas de démence précoce et qui se présentent en clinique sous les formes connues : paranoïde, catatonique et hébéphrénique délirante. Ces malades mérite bien les épithètes de dissociés, de dysharmoniques, de discordants, [p. 151] mais il ne semble pas qu’on puisse interpréter leurs troubles selon la conception de Bleuler.
Somme toute, la schizophrénie, un autre sens, n’est qu’une forme clinique des démences primaires. Elle nous paraît avoir une existence indubitable et relever du processus particulier que nous avons indiqué. Ce qui paraît surtout intéressant, c’est la notion de constitution à la base des états qui nous fait présumer qu’il s’agit dans cette forme d’une pathogénie bien différente de celle de la forme simple type Morel et les autres formes de psychose discordante. Il nous faudrait toutefois connaître maintenant la formule anatomique ou biologique qui permettra de distinguer ces diverses formes cliniques.
NOTE
(1) Trénel., La schizophrénie, d’après les conceptions de Bleuler. (Revue neurologique, 1912).
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