L’abbé Jacques Siozard fut successivement curé de Saint-Romain de Bordeaux, et de Blaye. Nous n’avons aucune données biographiques supplémentaires. Il est connu pour ses publications sur la mendicité, plus particulièrement pour : Projet d’établissement d’une société philanthropique pour détruire la mendicité, et procurer plusieurs objets utiles au public. Bordeaux, 1787. 1 vol. in-12.
Cranologie du docteur Gall, d’accord avec les plus saines notions de philosophie et de la morale. Paris, Fréchet, 1808. 1 vol. in-°, 2 ffnch., 19 p., plaquette que nous proposons ici manque à la B. n. F. – Nous ne l’avons trouvée répertoriée que par Joseph-Marie Quérard dans La France littéraire ou dictionnaire bibliographique des savants, historiens. 1838. Et par le Journal typographique et bibliographique rédigé par Dujardin-Sailly, onzième année, Volume 11, a Paris, 1808, n° 326.
C’est plus un texte rare et curieux que réellement une source de réflexion.
Les notes entre crochets [], sont de nous. Les [p.] renvoient aux numéros de pages originaux. Les autres indications sont nos notes. Nous avons respecté l’orthographe et la grammaire de l’époque.
[p. 1]
CRANOLOGIE
du docteur Gall
D’accord’ avec les plus saines notions de la philosophie et de la morale.
Le docteur Gall fixe l’attention des journalistes, par conséquent celle de leurs lecteurs : les uns le traînent dans la boue, le couvrent de ridicule, lui disent des injures ; les autres lui prodiguent des louanges comme à un nouveau philosophe qui est venu défricher un nouveau terrain, et le remercient de faire hommage de ses découvertes à la nation Française, comme la seule capable d’en apprécier le mérite et d’en suivre les corollaires ; quelques-uns plus sages suspendent leur jugement, et soupçonnent des découvertes vraiment précieuses et utiles aux connaissances de détails propres à augmenter les moyens curatifs contre les diverses maladies qui affligent le cerveau de la pauvre humanité.
Pour moi, spectateur bénévole de cette lutte lutte scientifique, où je crois que personne ne s’entend, et où le docteur lui-même pourrait bien s’égarer dans les nouvelles routes que [p. 2] lui offrent ses nouvelles observations, je voudrais que homme laborieux cherchât, découvrit, et appliquât les divers remèdes qui pourraient convenir au rétablissement des divers organes qu’il prétend avoir découverts en correspondance aux diverses facultés dont nous sommes doués par la nature.
Mais comment parvenir à ces résultats heureux, si les hommes de l’art découragent par des sarcasmes virulens cet homme infatigable, et dont, à mon avis, les recherches pourraient être utiles à notre conservation, et à notre perfection tant physique que morale ?
Parmi ses censeurs, il en est un qui lui dit les injures les plus piquantes, tout en protestant qu’il blame ceux qui se les permettent. Il s’exprime ainsi, dans un Journal du département de la Gironde : « On est fâché que le Journal de l’Empire, se soit laissé emporter à quelques injures, qui pourraient faire penser à certains crânomanes qu’il n’a plus rien à dire. »
En effet, dans toutes disputes, celui qui dit des injures est vaincu ; on n’a recours à ces armes usées que faute de bonnes raisons.
D’après cette donnée, avouée par le [p. 3] censeur, que penserons-nous de la bonté de ses raisons, lorsque nous entendrons traiter le docteur Gall de visionnaire ; donner à ses auditeurs de Paris les bosses protubérantes de la sottise et de la crédulité, et engager le docteur délirant, couvert de ridicule, d’aller chercher ailleurs des auditeurs doués de bosses protubérantes de l’analyse et de l’observation ?
Ces injures, pour être enveloppées, d’un métaphore agréable, n’en sont pas moins des injures, par conséquent des preuves qu’on n’a rien à objecter au docteur Gall.
Comment en effet convaincre de fausseté un système purement métaphysique, surtout à l’égard d’un homme qui établit ses abstractions sur les données incontestables, soutenues par l’universalité, et la perpétuité de la plus haute antiquité. —Le docteur Gal le sait. Point de peuple, point de secte qui n’ayent reconnu la spiritualité et l’immatérialité de l’esprit qui, réuni à la matière organisée, forme l’être que nous appelons l’homme. Avant le christianisme, Cicéron concluait la spiritualité de l’ame, de l’aveu de tous les peuples tant policés que barbares, à reconnaître [p. 4] l’existence d’un Dieu ; n’importe quelle fut son erreur sur sa nature (1).
Aristote concluait cette même spiritualité par les diverses connaissances de notre ame, et par ses observations sur plusieurs objets totalement étrangers à la matière. « A la vue, dit-il dans sa physique, du mouvement des cieux qui frappent nos regards, notre esprit en conclut une puissance indépendante des cieux, une intelligence séparée de la matière, de son étendue et de ses formes ; substance que j’appelle Dieu.
Cicéron revient sur cette matière dans son livre des offices, et conclut la spiritualité de notre ame, de son amour pour l’ordre, pour les arts et pour les’ sciences, sentimens tous opposés aux combinaisons de la matière organisée dans la bête (2).
[p. 5] Le libre arbitre, les déterminations réfléchies sur les opérations humaines, le désir de la vertu, les abstractions des choses, etc., etc., ont fourni d’autres preuves à d’autres philosophes non moins célèbres, de manière que les plus grands génies de l’antiquité et des divers siècles qui se sont succédés jusqu’à nos jours, se seraient crus dignes petites maisons, s’ils avaient établi, comme bases de l’ordre social, la croyance en un Dieu, celle en la spiritualité de l’ame, et en son immortalité : ces précieuses vérités seront toujours le domaine et la propriété la plus sacrée pour tout homme qui aura des yeux pour contempler la beauté des cieux, et une langue, pour publier la gloire de leur auteur.
Le comment des opérations de l’ame, concurremment avec le corps, fera toujours un mystère que nous ne comprendrons jamais ; Mais du moment que le docteur Gall, vous annonce un organe que sert d’instrument matériel à notre ame pour les opérations intellectuelles, relatives à la morale [p. 16] et à la religion ; du moment qu’il prétend ajouter de nouvelles preuves à celles de la révélation, il ne peut-être soupçonné de matérialisme : le monde savant est revenu de ces imputations hazardées, propres uniquement à ameuter conte l’homme à talens la tourbe hypocrite et à préjugés.
Le docteur Gall marche avec le flambeau qui a conduit les plus grands médecins et les plus habiles anatomistes, dans l’énoncé des divers organes, qui servent de moyens à notre ame pour manifester en dehors des facultés intellectuelles ; il peut se tromper dans la désignation précise du lieu où l’ame est affectée par ses divers organes, et de la manière dont ils influent que ses opérations ; c’est un système, nous le répétons encore, inconnu à nos faibles lumières. Si le
docteur Gall, plus hardi que ses prédécesseurs, veut franchir cet Océan de ténèbres, il travaille pour nous ; ne soyons injustes, ni ingrats.
En attendant des résultats plus satisfaisans, il sera toujours vrai que, l’ame raisonnable, opérant dans notre tête au moyen des organes intérieurs et extérieurs qui y ont leur siège, vous n’êtes pas fondés à nier la réalité des illusions du docteur Gall, qu’il ne l’est [p. 7] à les affirmer, parce que la manière dont l’ame spirituelle est réunie à un corps matériel, et s’en sert pour ses opérations libres, méritoires ou coupables, est et sera toujours au-dessus de nos connaissances.
Comment cela ne serait-il pas ? Lhomme ne peut manifester le résultat de ses pensées qu’au moyen des organes extérieurs qui entrent dans la composition de son corps ; il ne peut donc se former ni communiquer une idée précise de la spiritualité de son ame, ni de son immatérialité, puisque rien de ces qualités substantielles ne tombe sous nos sens ; elle ne peut donc être pour nous qu’une vérité de sentiment, que chacun de nous éprouve, soit par les douces satisfactions que nous donne la vertu, ou par les cuisans remords que laisse dans nos cœurs l’oubli de nos devoirs,
Le docteur Gall a donc un avantage sur ses censeurs. .
1er. Ils admettent avec lui l’existence de l’ame raisonnable, ayant son siège principal dans le cerveau. 2°. L’existence des organes constitutifs de otre corps, connus sous le nom des cinq sens, et dont elle se sert pour manifester ses opérations intellectuelles au-dehors. 3°. Une autre existence de quelques organes [p. 8] intérieurs placés sur le cerveau, propres à servir d’instrument matériel à d’autres opérations particulières, que quelques, grands hommes ont soupconné avant lui.
Mais le docteur Gall diffère de ses antagonistes par la hardiesse de ses observations, par sa sécurité a en annoncer les résultats : par cela seul doit flatter la curiosité de ses lecteurs, intéressés à ce qu’il ait raison comme pouvant leur être utile.
Si une mère voyant son enfant attaqué de folie, par conséquent, de dérangement dans les organes de son cerveau, porte cet enfant, au docteur Gall, qu’elle le prie d’examiner les différentes protubérances qui peuvent se manifester au-dehors ; le docteur examine l’enfant ; Tranquilisez-vous, dit-il à la mère, mon art peut lui être utile : si, après un traitement fini, l’enfant se trouve guéri, j’interroge le docteur, je lui témoigne ma surprise : Que cela ne vous étonne pas, me répond·il, l’organe de l’éducabilité est remis à sa place, son dérangement donnait lieu à la folie. Je ne suis guères satisfait ; la guérison me surprend : je ne crie pas pour cela de suite au miracle ; parce que je sais que la nature a tant de moyens pour rétablir notre santé, et conserver notre vie, même contre les [p. 9] écarts du médecin, même contre la fausse application des remèdes que cette guérison pourrait bien être attribuée à la nature seule, à la bonne organisation de l’individu, à quelques crise salutaires, dont la cause et le mode d’action échappent au philosophe le plus éclairé , comme au médecin le plus instruit.
Poursuivons nos suppositions, elles ne sortent pas de la classe des possibilités ordinaires.
Qu’un père de famille, dont l’enfant n’a développé aucune aptitude aux sciences, même après plusieurs années de soins inutiles, tant de la part des divers maîtres qu’on a employés à son, éducation, que de la part de ses parens ; que ce père, inquiet sur le sort de son fils, s’adresse au docteur Gall : si, après avoir suivi les traces extérieures d’un organe quelconque le docteur s’arrête devant le père attentif à l’aspect d’une protubérance que lui seul peut soupçonner qu’à quelques manipulations extérieures, ou à l’application de quelques corps extérieurs, ou de quelques remèdes, j’aperçoive que l’enfant donne quelques signes de plaisir, quelque attention à quelque raisonnement simple, mais dont le père n’a pu
encore tirer parti à l’égard de ses facultés intellectuelles, si enfin le traitement se fait d’après [p. 10] une méthode suivie, et que l’enfant devienne un homme ordinaire dans ses conceptions ; si encore, après plusieurs essais faits sur d’autres sujets, suivis d’autres succès plus marquans encore, je vois des résultats heureux ; alors mes doutes se dissipent, et le docteur Gall devient à mes yeux un homme vraiment estimable.
Nous sommes loin, me direz-vous, de pareils résultats ?
Mais comment y parvenir, si vous persécutez, si vous découragez cet étranger, surtout si vous lui opposez les armes les plus redoutables : le ridicule et l’imputation d’impiété.
Quelques observations philosophiques viennent à notre appui (3). Les anciens croyaient que l’homme faisait une classe à part ; un [p. 11] règne séparé, de trois parties réellement distinctes, comme sous les noms d’ame, d’esprit et de corps ; de là les trois ames de l’école, l’ame végétative, l’ame sensitive, et l’ame raisonnable.
[p. 12] L’homme possède ces trois ames à un degré éminent : il croît comme la plante, son corps pompe par tous ses pores les vapeurs de l’atmosphère ; il présente divers canaux intérieurs pour recevoir divers sucs qui entrent dans sa composition.
Cette ame végétative, parvenue au dernier degré de perfection nécessaire au corps qu’elle doit animer, passe par une anastomose imperceptible et inconcevable à la propriété de l’ame sensitive : c’est-à-dire que là où finit l’ame végétative, là commence l’ame sensitive : cette ame est commune et propre à tous les animaux. L’homme la partage avec eux, il est doué comme eux de divers organes, de divers sens qui constituent le règne animal : cette grande chaine qui réunit tous les animaux qui lient les divers animaux plus ou moins parfaits, est l’ouvrage de celui qui a tout produit par le seul acte de sa volonté avec la plus grande sagesse et la plus grande intelligence.
Si un horloger imite sur son cadran les mouvemens des cieux que le premier être leur a imprimés pour manifester sa gloire ; si le mécanicien imite les mouvemens intérieurs et extérieurs tant de l’homme que de la bête, que ne pourra donc pas faire le [p. 12] grand architecte de l’univers, grand architecte de l’univers, lorsqu’il voudra faire produire à la bête, dans ses actions vitale, tout l’extérieur de la pensée, tous les dehors de la réflexion et du jugement ; le tout si parfaitement, qu’un œil peu, attentif pourrait les confondre avec les véritables opérations de l’ame spirituelle qui anime le corps de l’homme.
Si l’homme peu instruit confond l’automate de Vaucanson avec son semblable, comment ne nous méprendrons-nous pas, à la vue des opérations, de la bête qui vit, croît, se nourrit, souffre, et meurt comme, nous.
Si Dieu a crée les animaux avec une ame sensitive, pour former des êtres vivans et animés, propres à nous soulager dans nos travaux, à augmenter nos plaisirs dans nos délassemens, et à prolonger notre existence, par l’usage de leur chair, il a dû leur donner tous les organes propres à leur reproduction, à leur conservation ; de là l’instinct, ou le sentiment, ce mouvement que la nature donne aux animaux pour leur faire connaître et chercher ce qui leur est bon, et éviter en même tems ce qui leur est nuisible ; de là la recherche, l’attachement, les ruses des divers animaux selon le plus ou le moins de perfectibilité que l’Etre Suprême a voulu donner à chacun de ses ouvrages, [p. 14] tant pour leur reproduction que pout leur conservation.
Depuis l’huitre jusqu’à l’ourang-outan, premier et dernier anneau du règne animal, tout est aussi admirable dans la petitesse des êtres, que dans leur plus grande dimension, dans la mite comme dans l’éléphant. Tous ces êtres naissent, croissent, souffrent et meurent sans cesser d’être matière. Leur ame, dit Moyse, est dans leur sang : anima eonun est in sanguine.
La matière s’étend, se plie, s’organise, pour exécuter, pour imiter les opérations qui paraissent les plus spirituelles, sous la main puissante qui la façonne.
L’homme partage toutes les sensations physiques avec la bête ; il est animé, il est sensible et organisé comme elle, il a donc une ame sensitive pour toutes ses opérations extérieures, tant de production et de conservation, que de destruction ; sous ce rapport, il est confondu avec la bête, il n’a pas besoin pour
tout cela d’une ame raisonnable, spirituelle et immortelle. — Cette ame, souffle de la divinité, son plus parfait ouvrage, n’a besoin d’intervenir dans ces actions matérielles, que pour les diriger vers une fin morale ou surnaturelle, digne de son auteur.
[p. 15] C’est par là que l’homme, fait par sa structure pour contempler le ciel, d’où est sortie la plus noble partie de lui-même, devient et forme un règne à part. C’est celui de créature raisonnable, c’est un être humano-intellectuel ; à l’ame sensitive ou à cette force qui anime son corps est réunit un esprit immatériel, et par suite immortel. Cet esprit, dit Moyse, est le souffle de Dieu, inspiravit super
faciem ejus spiraculum vitae, l’ordre, la vertu, l’amour de son auteur, celui du prochain, ce principe commun tous les hommes. – Ne fais pas à autrui, ce que tu
ne voudrais pas qu’on te fit ; la liberté de nos actions, les combats intérieurs de nos remords, la découverte des arts et des sciences, tout cela est du ressort de notre ame raisonnable, spirituelle, et immortelle.
Le corps de l’homme, formé de la main de Dieu même, achève le dernier anneau en perfectibilité des choses crées. Réuni à notre ame spirituelle, il compose cet ouvrage admirable, que nous appelons l’homme, que nous ne nous lassons jamais de contempler, et qui mérite la préférence sur tous les êtres crées. Les organes destinés aux opérations de notre ame, .ont dû être aussi parfaits que l’ouvrage lui-même.
[p. 16] La main dont Dieu a fait présent à l’homme, annonce sa suprématie sur tous les animaux ; c’est avec elle qu’il les dompte, qu’il fabrique toutes les armés, tous les lacets, tous les instrumens propres à les subjuguer ? Ce sont nos mains qui sont l’instrument naturel dont notre ame spirituelle se sert pour inventer tout, pour tout perfectionner, pour maîtriser la nature entière ; et depuis que le monde nous présente ses annales, et les voyageurs leurs découvertes, l’homme conserve et n’a jamais perdu sa suprématie sur la bête même la plus féroce, quoiqu’il se trouve dans son état de sauvage, plus isolé et plus faible.
L’espèce humaine n’a donc pas besoin d’organes matériels pour établir ses privilèges au-dessus de la bête ; il les tient de celui qui la crée avec une ame raisonnable, spirituelle et immortelle : c’est à l’homme à reconnaître son origine et sa dignité, et à ne jamais se dégrader en se plaçant au-dessous de la bête, en se détruisant lui-même.
Que dirons nous d’un organe encore plus digne de Dieu ? Cette langue qui, par ses mouvemens articulés, forme des sons, messagers de notre ame, cette pensée immatérielle qui portée sur des ondulations de l’air à notre oreille, et de ce canal à notre ame, [p. 17] pour ne faire qu’une famille de l’espèce humaine par les communications réciproques de pensées et de découvertes ; pourquoi faut-il qu’elle serve plus à propager l’erreur, qu’à défendre la vérité ; pourquoi a-t-elle plus d’attraits pour nous quand elle distille son venin sur l’innocence, que quand elle fait entendre ses accens plaintifs pour la soutenir et la protéger au défaut de l’organe de l’oreille ; ma pensée se repose sur le papier, sur le marbre
et sur l’airain, elle présente à l’œil étonné les résultats de nos travaux spirituels ; l’œil ainsi que l’oreille transmettent à mon ame, les affections de mes semblables avec leur découvertes. Cette ame, pur esprit, s’en forme une idée au moyen de cette faculté que nous appelons entendement. Le souvenir lui en reste par la seconde faculté, appelée mémoire. Après ces deux opérations elle prend un parti, elle agrée ou rejette l’objet qui est porté à son jugement par les deux premières facultés. Alors sa troisième faculté, que nous appelons volonté, consomme son
action, intérieure et spirituelle ; c’est cette dernière faculté qui constitue le mérite ou le démérite sur cet être spirituel, que j’appelle ame raisonnable ou esprit.
Mais comment les sens extérieurs qui [p. 18] forment notre corps ou les intérieurs qu’on prétend découvrir dans notre cerveau, peuvent-ils agir sur un être spirituel ? Comment celui-ci à son tour peut-il se servir de nos organes comme instrument matériel pour manifester ses opérations intellectuelles ? Nous n’en savons rien : Lesage nous dit que le monde a été livré à la dispute des hommes : mundum traditit disputationi eorum. Ce mystère impénétrable sera toujours l’écueil des plus grands génies. Le docteur Gall prétend avoir soulevé un coin du voile qui nous cache cette anastomose admirable qui unit la matière à l’esprit, et qui lui sert de moyen pour manifester ses pensées au-dehors.
Ce sont, dit-il, les organes intérieurs, dont est enveloppé le cerveau, et dont la réunion entière s’amalgame dans le cervelet, comme dans une niche propre à la demeure de l’ame d’où elle reçoit toutes ses sensations ; le cerveau est son clavier. Quoique je n’en sois pas plus avancé, quoique le docteur Gall ne fasse
que reculer la difficulté sans la résoudre comme il m’annonçe que c’est aux protubérances extérieures qu’il découvre quel est l’organe intérieur plus ou moins affecté, l’espérance naît dans mon ame, que ces découvertes [p. 819 pourront m’être utiles, et que l’hygiène augmentera ses domaines curatifs.
Je désire donc bien sincèrement, pour l’intérêt que je prends à ma conservation et à celle de mes semblables, que les hommes estimables qui s’occupent de prolonger notre frêle existence, déposant toute espèce de prévention, se réunissent au docteur Gall pour écarter de son système tout ce qui sent l’empirique, pour ne s’appliquer qu’à la recherche des remèdes physiques et moraux, propres à rétablir le calme dans notre imagination : nous l’éprouvons tous, elle est la plus cruelle comme la plus importune ennemie que nous
ayons dans nos maladies, sans nous épargner dans notre santé.
(1) Itaque ex tot generibus, nullum est animal praeter hominem, quod abeat notitian aliquam dei : ipsis que in hominibus nulla gens est, neque tam immensuets, neque tam fers, quae non, etiamsi ignoret qualem habere, deum deceat, tamen habendum sciat. Ex quo elficitur illud, ut is agnoscat deum, qui unde ortus sit quasi record etur et agnoscat.
(2) Nec vero illa parva vis naturae est, rationis que quod unum hoc animal sentit quid sit ordo, quid deceat infactis, dictis que qui sit modus. Itaque ex ipsis quae
aspectu sentiuntur, nullum aliutd animal pulchritudinem, venustatem, convenientiam partiuin sentit.
(3) M. de Lisle de Lasale, [Jean-Baptiste Isoard de Lisle, dit Jean-Baptiste-Claude Delisle de Sales (1741-1816] dans son Histoire philosophique du monde primitif, réfléchissant qu’il n’est accordé qu’à l’homme de vivre sous tous les climats, tandis que les races animales et les végétaux s’anéantissent en passant de l’équateur vers les pôles, ou des pôles vers l’équateur, en conclut que l’homme a une prééminence physique sur les individus du règne végétal et animal.
Mais, ajoute un philosophe chrétien, cette prééminence physique est bien mieux prouvée dans la Genèse, puisque tout ce qui existe sur le globe, a été formé du limon de la terre et de l’eau. L’homme seul a été formé du gnaphar-min ha-adhamah, c’est-à-dire de la quinte essence du sel visqueux de Ladhamie. On
voit donc qu’indépendamment de notre ame immortelle, nous faisons dans la nature un quatrième règne physique, distinct des trois autres. — L’homme continue cet observateur, est le microcosme le plus parfait, contenant dans sa formation en miniature des portions du macrocosme, ou grand monde. Le mot macrocosme n’appartient qu’à l’univers, et désigne la nature entière. Celui de microcosme, qui veut dire petit monde, s’applique à 1’homme, n’étant que le résultat, quant à son corps, de ce qu’il y a de plus parfait dans la nature ; quant à l’avantage de vivre et de se reproduire sous la zone torride, et sous les zones glaciales, c’est une prééminence morale ; l’homme périrait, comme tout ce qui a vie, en passant de l’équateur aux pôles, ou des pôles à l’équateur, si l’industrie qui vient de son intellect ne lui donnait les moyens de se garantir des rigueurs du froid, par des vêtemens, s’il n’adoptait un régime convenable aux prodigieux changemens de température, par les combinaisons et amalgames de ses boissons, et s’il ne jouissait du privilège exclusif de se nourrir au besoin de presque tous les individus du règne végétal et animal.
LAISSER UN COMMENTAIRE