Angelo Hesnard & René Laforgue. Contribution à la psychologie des états dits schizophréniques. Article parut dans la revue « L’Encéphale », (Paris), dix-neuvième année, 1924, pp. 45-50.
Angelo Louis Marie Hesnard (1886-1969). Médecin-Général de la Marine Nationale, neuropsychiatre, membre fondateur de la Société Psychanalytique de Paris (S.P.P.), président de la Société Française de Psychanalyse (S.F.P), professeur de neuropsychiatrie et de Médecine légale ) l’Ecole de Santé Navale de Bordeaux et à l’Ecole d’Application du Service de Santé de la Marine. Il reste une figure de l’introduction de la psychanalyse en France, même si, a y regarder de plus près, il présenta de nombreuses ambiguïtés. Il fut un de ceux qui souhaitèrent réserver la pratique de la psychanalyse exclusivement aux médecins (comme nous pouvons dans l’article ci-dessous). Assistant d’Emmanuel Régis à Bordeaux, il publiera avec lui un de ses ouvrages de référence, premier ouvrage important en langue française, après trois articles communs parus dans la revue l’Encéphale : La Psychanalyse des névroses et des psychoses, 1914.
René Laforgue (1894-1962). Médecin et psychanalyste, en 1925 il fonde avec Angelo Hesnard et quelques autres collègues, l’Evolution psychiatrique. L’année suivante avec René Allendy et Edouard Pichon il fond la Société psychanalytique de Paris (SPP). Puis en 1927 il fonde avec quelques membres de cette nouvelle société, il fonde la Revue française de psychanalyse. En 1953 il rejoindra la Société française de psychanalyse, crée par Daniel Lagache et Jacques Lacan.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original, mais avons corrigé plusieurs fautes de composition. – Par commodité nous avons renvoyé la note originale de bas de page en fin d’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr
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Contribution à la psychologie
des états dits schizophréniques
Par A. Hesnard et R. Laforgue
Les très consciencieuses études du professeur Bleuler commencent enfin à se rependre dans note pays. Et il faut reconnaître que, si nos auteurs classiques ont laissé des descriptions cliniques parfaites des syndromes variés réunis actuellement sous le terme générique de démence précoce, certains symptômes morbides utiles à la compréhension de ces états ont été vraiment révélés par l’école de Zurich.
Tel est l’autisme, cette tendance foncière ; — névropathique ou psychopathique — parfois lointainement constitutionnelle, à ce que H. Claude a nommé l’intériorisation mentale, au repliement sur un monde intérieur, imaginaire, dont rien parfois ne transparaît au dehors de l’individu. Certains psychopathes, apparemment obnubilés ou absents, présentant ou non une sorte d’activité de surface mal adaptée réel (réactions inadéquates, langages et gestes en rapport avec une interprétation symbolique de l’entourage, etc.) vivent en réalité une vie imaginaire intense, un rêve tenace, dont la connaissance importe essentiellement ay psychiatre (1).
L’existence de ce monde intérieur chez certains malades dits grands névropathes ou même schizophrènes — monde prodigieusement complexe parfois et qui dépasse les limites d’un simple délire — indique en effet qu’il n’y a pas chez eux (au moins dans les premières phases de la maladie) de détérioration vraie, de déficit des fonctions affectives ? Apparemment éteinte en ce qui concerne les objets extérieurs, leur affectivité est conservée, en ce qui concerne les personnes et les choses qui animent ou meubles leur rêve morbide ; et on a l’impression, en pénétrant dans cet univers intérieur, que le sujet y prend un intérêt assez puissant pour renoncer, parfois sans autre raison, à s’occuper sérieusement de la vie réelle. [p. 46]
Ce mécanisme, que révèle une analyse attentive de la mentalité de certains schizophrènes, est-il constant ou même spécifique ? Cette force encore mystérieuse qui retranche la malade de la réalité en éparpillant sa personnalité dans le chaos du rêve délirant, était-elle ou non secondaire à des causes plus générales et d’ordre plus matériellement biologique ?Nous n’avons nullement l’intention d’aborder ici ce gigantesque problème de psychiatrie générale.
Nous voulons seulement, à propos de deux cas choisis parmi les états atténués de transition ente la névrose et la psychose, — que Bleuler revendique comme les formes initiales ou frustres de la schizophrénie — préciser un peu le mécanisme psychique en vertu duquel le monde imaginaire tend à se substituer au réel.
Nous cherchons surtout à dénoncer le moment critique où, malgré la conscience très active et parfois même protestataire du sujet, le rêve morbide, organisé habituellement à l’insu du malade et dans les profondeurs de son affectivité, semble parvenir à se faire jour par poussées, à faire échec à la pensée rationnelle et consciente, puis à s’imposer à sa place à titre de réalité vivante et vécue.
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Observation I. — Il s’agit d’une jeune fille, Mlle Z…, qui présentait, au moment où nous la vîmes pour la première fois, le tableau clinique suivant (très résumé) : Impuissance intellectuelle non seulement subjective, mais affective et l’ayant contrainte à abandonner son travail. Elle inquiète son entourage par des périodes de plusieurs heures, durant lesquelles elle est « dans le vague », l’air absent ou absorbé, ne répondant pas aux questions, immobile. Interrogée sur son état d’esprit durant ces sortes d’absence, elle répond qu’ « elle croit ne penser à rien », qu’elle s’aperçoit cependant que le temps passe sans savoir comment. Elle se sent dans un état complet d’ »abrutissement », est arrivée à s’isoler complètement et la plus grande partie de la journée dans une vague rêverie, et déclare qu’elle a souvent le sentiment de « flotter à la dérive ». Parfois, elle se sent prise soudain de terreur, parait alors réagir par des mouvements d’effroi, puis tombe dans de violentes convulsions suivies d’inconscience assez prolongée ; elle dit ne conserver aucun souvenir des représentations apparemment terrifiantes qui doivent la hanter pendant la crise. D’autres fois, les crises convulsives font place à des tics multiples, avec mouvements stéréotypés et sans signification expressive nette, des épaules et de la tête, qui peuvent durer plusieurs heures. Dans ces moments d’agitation motrice, Mlle Z… devient entièrement indifférente à l’entourage, éprouvant seulement, parfois, des sentiments de dépersonnalisation (trouvant le monde extérieur « étrange, lointain », percevant tout « comme en rêve », « comme si ce n’était pas la réalité ») ; d’autres fois encore, elle accuse des visions hallucinatoires horribles : têtes dans lesquelles sont implantées des épingles, squelettes rampant par terre, un enfant sans tête… un diamant qui scintille devant ses yeux et l’observe… et quantité d’autres images qu’elle n’arrive pas à classer ou à désigner. Elle n’émet aucune hypothèse sur la [p. 47] cause de ces impressions morbides, de ces crises ni de ces mouvements ; elle a seulement le sentiment qu’elle finira par sombrer dans l’aliénation mentale.
Nous avons pu, chez cette malade parfaitement lucide, en dehors des symptômes ci-dessus mentionnés, reconstituer, par une analyse psychique minutieuse, la plupart des événements apparemment importants de la vie affective intime — dont on commence aujourd’hui, sous l’influence de Freud, et malgré certaines outrances de ses enseignements, à comprendre le grand intérêt diagnostique chez les psychopathes. Après avoir acquis un certain entraînement à la reconstitution de ses propres souvenirs, Mlle Z… nous fit, entre autres, connaître, sans qu’on put suspecter sa bonne foi ni attribuer ses souvenirs à des artifices d’imagination — certains événements impressionnants contemporains de son éveil sexuel. Ils sont dignes d’être rapportés, tant le lien entre ces événements infantiles et la nature actuelle de ses rêveries délirantes s’impose (quelle qu’en soit la nature exacte) : à l(âge de neuf ans, elle avait contracté des habitudes solitaires qui, chose curieuse, s’accompagnaient de représentations, — à ce moment-là intentionnelles et conscientes — dans lesquelles la note sadique dominait ; la volupté avait pour support, dans cette imagination précocement déviée, un jeu d’images de cruauté, en particulier de scènes de violence où des femmes enceintes étaient soumises à la torture et réagissaient par des cris de douleur ; et le plaisir organique ressenti dans ces évocations librement acceptées devint si tyrannique par leur répétition qu’elle en arriva à se livrer à son vice imaginatif durant plusieurs années avec une véritable frénésie.
Notons ici que cette pernicieuse culture de sa sensualité avait un autre sens : elle ne respectait pas certaines images familières aux rêves infantiles, comme celle de la mère ; nous comprendrons plus loin pourquoi.
En grandissant, l’imagination de la fillette élargit la scène de ses évocations sensuelles ; d’autres personnages vinrent l’animer, parmi lesquels, aux environs de la puberté, des images masculines ; mais ces pâles représentations n’avaient pas l’attirance irrésistible des premières, qui, à plusieurs reprises, la tentèrent de nouveau. D’un autre côté, ayant acquis la notion des valeurs morales, elle prit peu à peu honte d’elle-même, se prit à résister très sincèrement à son vice, et finalement, à éprouver pour se s rêves sensuels une profonde horreur. Elle réussit à peu à peu s’abstenir de ses tristes habitudes. Mais devenue jeune fille, les déboires commencèrent pour elle dans ses premiers contacts avec la vie. Elle eut à subir plusieurs déceptions affectives dont nous ne pouvons donner les détails. Finalement, dégoûtée de l’existence, affaiblie au surplus physiquement par une maladie grave, elle renonça au mariage qui la révoltait pour diverses raisons et se réfugia à nouveau dans ses rêveries. C’est alors — à l’âge de vingt-cinq ans — qu’un beau jour une crise la saisie, et que s’installa la symptomatologie dont nous avons parlé plus haut.
Nous fûmes frappés de ce fait qu’en insistant pour avoir une idée de ce qui pouvait se passer en elle durant les absences, les rêveries diurnes et les crises, nous parvînmes à découvrir qu’elle était, au cours de ces paroxysmes de la névrose, le jouet de rêves à la fois obscurément voluptueux et nettement terrifiants ; ceux-ci la reportaient en imagination aux « anciennes histoires », aux « choses horribles » qui occupaient son imagination d’enfant ; mais es scènes de torture qu’elle avait jadis, au moment des premières expériences [p. 48] sensuelles, recherchées, surgissaient alors en elle d’elles-mêmes, matérialisées et compliquées par l’angoisse et s’imposaient en elle sous la forme déguisée d’un cauchemar. Eveillée, après sa crise, elle n’en accusait pas le souvenir au cours des premières séances d’examen mental. Mais elle finissait par en retrouver la trace dans sa mémoire, quand mise sur la voie par l’évocation de ses terreurs, elle s’abandonnait aux associations d’images qui lui venaient à l’esprit ; à la manière d’un dormeur qui, revenu à l’état de veille reconstitue — d’abord avec effort, puis avec des éclairs soudains d conscience — les péripéties d’un songe nocturne.
Ce résultat nous engagea à poursuivre notre analyse en recherchant suivant quel mécanisme ces imaginations infantiles, apparemment assoupies durant de longues années, pouvaient ainsi revivre de façon si fâcheuse pour son équilibre psychique.
Notre étude de son évolution mentale nous apprit que c’était bers la douzième année qu’étaient apparues les premières manifestations de sa personnalité sociale. À ce moment-là, elle avait renoncé, sinon à ses pratiques solitaires, du moins à ne plus provoquer consciemment ces écarts d’imagination qu’elle considérait depuis un certain temps déjà comme abominables. Or, c’est à ce moment précis de sa vie que commencèrent à se manifester les premiers signes extérieurs de sa constitution mentale défectueuse : isolement, rêverie, tempérament maladif. Il est possible, sinon probable, que cette tendance à l’intériorisation fut chez elle, à ce moment, et resta, depuis, en parallélisme — malgré l’ignorance de la malade — avec les hantises imaginaires datant du jeune âge.
Il nous restait à préciser la genèse, dans son cerveau d’enfant, de ce complexe d’images impressionnantes relatives aux préoccupations sadiques et à sa mère. Or, à l’âge de cinq ans, la fillette s’était trouvée, durant un accouchement de sa mère, dans une chambre à côté et avait été très profondément troublée par les bruits mystérieux qu’elle y entendait et par les cris terrifiants de sa maman chérie. Très attachée à celle-ci, elle avait éprouvé, toute son enfance, une certaine antipathie secrète contre son père, motivée — dans sa logique sentimentale d’enfant — par des quantités de petits faits qu’il serait trop long de rapporter et qui sont très significatifs de l’influence paternelle défavorable sur la malade. — Ajoutons qu’en dehors de sa névrose, la malade avait toute sa vie trahi, par diverses particularités de son bizarre caractère, l’existence, en elle d’une contradiction, d’un antagonisme ente certains de ses sentiments très violents et la personnalité morale sévère qu’elle s’était imposée en grandissant.
Pour les psychanalystes, une telle observation serait un précieux argument : le refoulement d’un complexe maternel sadique, c’est-à-dire d’une déviation de la tendresse infantile (avec régression) de l’énergie affective non sublimée vers les formes inférieures de la sexualité par la censure morale, créerait en pareil cas une ambivalence, c’est-à-dire un partage des forces morales en deux directions : l’une imposée par le besoin organique du plaisir physique, très solidement inscrit dans sa constitution mentale malléable de l’enfant, l’autre tentée par les [p. 49] exigences ultérieures de la personnalité morale. C’est ce conflit qui s’exprimerait par la lutte des énergies inconscientes, du rêve autistique, contre l’activité consciente ; lutte qui tendrait à dissocier la personnalité pour aboutir àa la schizophrénie.
Mais cette explication en apparence très simple, qui fait appel à des quantités d’hypothèses psychologiques et paraît pouvoir se passer facilement de toutes les conditions biologiques de la névrose, nous semble pour le moins inutile ici. Sans fournir aucune interprétation, nous nous bornons à souligner dans cette observation, parmi tant d’autres, deux faits intéressants ; en ce qui concerne seulement le « contenu » de la psychose ; l’identité apparente du monde imaginaire qui peuplait l’autisme de cette jeune fille et celui de ses rêveries infantiles d’une part ; et de l’autre, le parallélisme assez manifeste du développement de sa névrose avec le refus de l’évocation consciente touchant ses imaginations sensuelles.
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Observation II. — Un jeune homme, M. J…, dont l’inintérêt pour la réalité est encore plus prononcé que dans le cas précédent, est venu consulter pour une dépression psychique profonde avec impuissance sexuelle. Cette dépression, accompagnée de divers symptômes, entraine chez lui un tel état de distraction qu’il lui arrive — fait contrôlé par l’entourage — de s’arrêter dans une lecture, au milieu d’une phrase, de rêvasser durant deux ou trois heures sans s’apercevoir que le temps passe, puis de reprendre son livre, persuadé de ne s’être interrompu que durant un bref instant. Cette rêverie, qu’il croit inconsistante, ne lui laisse pas de souvenirs ; et ce fait est d’autant plus remarquable qu’il s’git d’un intellectuel qui passe, dans un milieu, pour supérieurement doué. Il ne s’intéresse plus à rien dans la vie. De plus, son caractère a changé et il existe chez lui, entre autres signes cliniques objectifs, un certain degré de maniérisme dans les gestes et la façon d’être en général. Si bien qu’un pronostic assez sévère a été porté au sujet de ce malade, qui présente un syndrome dépassant assez notablement le cadre de la simple névrose et ressemble assez à un état schizophrénique.
Ayant procédé à son égard comme à celui de Mlle Z…, nous fûmes vite renseignés sur les terribles circonstances qui avaient présidé au développement de ses premiers sentiments familiaux. En résumé, l’amour maternel, et, par suite, toutes les aspirations de la tendresse infantile, s’étaient révélés pour lui sous la forme particulièrement odieuse : sa mère haïssait son mari de toutes les forces de son âme et de sa féminité, et avait reporté sur l’enfant l’implacable antipathie qu’elle éprouvait pour le père. Sa jeunesse s’était écoulée dans les affres d’une misère morale indescriptible et il semble bien qu’il était vraiment dans l’intention inavouée de cette malheureuse femme de laisser mourir son fils en le privant des soins les plus élémentaires de propreté comme en lui faisant endurer les brutalités les plus révoltantes. Notre malade porte d’ailleurs les cicatrices des nombreuses blessures qui résultèrent de ce traitement ; et, sans l’intervention énergique de son oncle, il n’aurait probablement pas résisté à ce genre d’éducation. Or, ses rêveries morbides le reportent régulièrement à [p. 50] cette période critique de sa formation morale ; comme dans l’observation précédente, le sujet, en pleine distraction apparente, a l’esprit occupé d’une sorte de hantise imaginative, dont les scènes reproduisent des thèmes variés sur un même motif : la volupté par le sang et la violence, le viol avec meurtre.
Voici par exemple, quelques associations (très résumées) recueillies au cours de ses « absences » : « Une femme… il faudrait qu’elle soit morte… jeune encore, je la vois nue… Il me semble que j’aurais pu la tuer. Aucune saveur n’égale celle de la mort… la mort dans la volupté. Je suis sûr que si je ne devais pas connaître l’amour autrement, je serais capable de cela… Aimer une femme en la haïssant… tout ce besoin de destruction qui est en moi… etc… »
Prenant un jour plus conscience de son état, il ajoute : « Depuis que je fais attention à mes pensées, je commence à m’en apercevoir… Et ce qu’il y a de pire, c’est que je n’est pas de remords. Comment voulez-vous qu’on ait d’autres idées si l’on n’a connu les premières tendresses que sus cette forme. »
Il est évident que cet homme bien élevé et doué d’un sens moral supérieur, quand la lucidité lui revient se révolte contre les tendances qui ne font pas jour dans ses rêveries. Mais cette confrontation du sujet avec lui-même n’a, pour ainsi dire jamais lieu. Nous insistons en effet sur ce fait de la dissociation frappante chez lui, du rêve inavouable et l’activité consciente : les préoccupations érotiques choquantes apparaissent et se réalisent au cours d’une sorte d’état second, come par suite d’un clivage de la personnalité, et le sujet n’arrive, avec l’aide du médecin, à les évoquer que comme l’homme normal parvient à percevoir un songe. Plus même, notre malade a l’impression, devant ce monde imaginaire dont il a peine à accepter l’existence en lui-même, de pensées étrangères à sa propre nature morale ; et s’il lui arrive d’être obligé de les constater clairement dans son souvenir, il les rejette de sa propre personne en les considérant alors comme des réalités extérieures à lui, c’est-à-dire en les interprétant comme des scènes objectives jouées devant ses yeux ; ce qui rend délicat le problème de savoir s’il n’est pas parfois, au cours de ses absences, plus halluciné que rêveur.
Cette deuxième observation, que nous avons dû considérablement résumer, est partiellement superposable à la première, en ce qu’elle met en évidence, comme elle, l’importance, dans la détermination du contenu de la psychose, des conflits d’ordre affectif, sexuel notamment. En outre, elle offre ceci d’intéressant que le monde imaginaire morbide qui peuple la rêverie du malade l’absorbe à un point tel qu’il compromet déjà gravement l’harmonie de son être psychique.
Comme précédemment, il serait un intérêt psychiatrique capital de savoir dans quelle mesure cette hantise des scènes de son enfance est, chez notre malade, une cause de la psychose, ou quel rôle peut jouer dans la pathogénie de ses symptômes mentaux la mauvaise orientation imprimée accidentellement à son affectivité par les misères de son éducation morale. Mais, encore une fois, cette question n’est pas du cadre de notre travail, qu’inspira uniquement le désir de projeter quelque lumière — ne fût-ce que par une étroite fissure — dans le mystère de la conscience individuelle.
NOTE
(1) Voyez l’intéressante et originale étude du professeur Claude et de ses élèves Borel et Robin : Considérations sur la constitution schizoïde, etc… (Encéphale, sept.-Oct. 1923). Elle fera comprendre que l’analyse de la pensée autiste peut servir de guide dans une tentative légitime de délimiter le domaine nosologique de la schizophrénie, et d’en isoler, notamment, les états psychogènes et accessibles à la psychothérapie.
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