Codet et Laforgue. Influence de Charcot sur Freud. Extrait du « Le Progrès médical », (Paris), n° 22, 30 mai 1925, pp. 801-802.

Codet et Laforgue. Influence de Charcot sur Freud. Extrait du « Le Progrès médical », (Paris), n° 22, 30 mai 1925, pp. 801-802.

 

Henri Codet (1889-1939). Dès ses premières année de philosophie il fut attiré par la psychiatrie, à la suite de la lecture de Pierre Janet. Il fut l’élève de Séglas et de Souques à la Salpêtrière. Chef de clinique de Henri Claude, il soutint une thèse qui restera une référence, tant pour le sujet traité, que par la forme, Le collectionnisme normal et pathologique (1921). Il fut avec son épouse, un des fondateurs du groupe de l’Evolution psychiatrique en 1925. Il sera parmi les fondateurs de la Société psychanalytique de Paris. Il mourra dans un accident de voiture le 19 décembre 1939. Nous avons retenus quelques publications :
— Aperçu sur le freudisme. Article parut dans la journal «Le progrès médical», (Paris), 12 mai 1923, pp. 236-238. Sur-titré : « Le mouvement psychiatrique ». [En ligne sur notre site]
(avec Laforgue R.) Le transfert dans la psychanalyse. Article parut dans la journal «Le progrès médical», (Paris), n°7, 12 février 1925, pp. 239-241. 
— Psychiatrie. Paris, G. Doin et Cie, 1926. 1 vol.
— La pensée magique dans la vie quotidienne. Revue française de psychanalyse, vol. 7, n° 1 (1934) [En ligne sur notre site]. Tiré-part dans la « Dans la Bibliothèque psychanalytique. [En ligne sur notre site].
— La sexualité dans les névroses. Article parut dans la revue «Evolution Psychiatrique», tome I,  avril 1925, pp. 55-67.
— Les arriérations affectives: la schizonoïa (essai pathogénique sur les états de dissociation névrotiques et psychotiques). Article parut dans la revue «Evolution Psychiatrique», tome I,  avril 1925, pp. 102-126.
— Le freudisme en psychothérapie. L’Evolution Psychiatrique, n° 3 (1936).
— Problèmes actuels sur l’hystérie. Evolution Psychiatrique, n° 2 (1935)

René Laforgue (1894-1962). Médecin et psychanalyste, en 1925 il fonde avec Angelo Hesnard et quelques autres collègues, l’Evolution psychiatrique. L’année suivante avec René Allendy et Edouard Pichon il fond la Société psychanalytique de Paris (SPP). Puis en 1927 il fonde avec quelques membres de cette nouvelle société, il fonde la Revue française de psychanalyse. En 1953 il rejoindra la Société française de psychanalyse, crée par Daniel Lagache et Jacques Lacan. Quelques publication de l’auteur :
– Contribution à la psychologie des états dits schizophréniques. Article parut dans la revue « L’Encéphale », (Paris), dix-neuvième année, 1924, pp. 45-50. (En collaboration avec )Angela Hesnard.  [en ligne sur notre site]
– Les causes psychologiques des résistances qui s’opposent à la diffusion des idées psychanalytiques. Article paru dans la publication « Le Disque vert », (Paris-Bruxelles), deuxième année, troisième série, numéro spécial « Freud », 1924, pp. 95-98. [en ligne sur notre site]
– La pensée magique dans la religion. Article parut dans la « Revue française de psychanalyse », (Paris), tome septième, n°1, 1934, pp. 19-31. [en ligne sur notre site]
 Le rêve et la psychanalyse. Introduction de Mr le Dr Hesnard. Paris, Maloine, 1926. 1 vol.
– Libido, Angoisse et Civilisation. Trois Essais psychanalytiques. Paris, Editions Denoël et Steele, 1936. 1 vol. in-8°, 48 p.
– Devant la Barrière de la Névrose. Etude psychanalytique sur la névrose de Charles Baudelaire. S. l. [Paris], Les Editions Psychanalytqiues, 1930. 1 vol. in-8°,
– Freud et son génie. Article parut dans la revue créée et dirigée par Maryse Choisy, revue chrétienne de psychanalyse « Psyché », (Paris), 1e année, numéro 107-108, numéro spécial FREUD, 1955, pp. 457-466.[en ligne sur notre site]
– Psychopathologie de l’échec. Nouvelle édition revue. Paris, Payot, 1950. 1 vol. in-8°.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination du tiré-à-part de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original, mais avons corrigé les fautes de frappe.
– Par commodité nous avons renvoyé la note de bas de page en fin d’article.  – Les images ont été rajoutées par nos soins. . – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

[p. 801, colonne 1]

L’influence de Charcot sur Freud
Ρar H. CODET et R. LAFORGUE.

Si il ne nous appartient pas d’étudier dans son ensemble l’œuvre de Charcot et d’apprécier ce qu’il en subsiste de intangible, nous voulons seulement indiquer la part de notables qui lui revient dans un ordre de recherche déterminée. En effet, en ce moment où les doctrine est la méthode psychanalytique en de plus en plus connues, discutées, étudiées en France, il n’est pas sans intérêt de se rappeler que Freud travailla en 1885 et 1886 à la Salpêtrière. Lui-même il se plaît à un évoquer le souvenir et insister sur l’influence qu’a eu le « Maître Charcot » dans l’orientation de ses recherches personnelles. Naguère (1), il affirmait l’impression profonde que je lui avais laissée, entre autres, ces deux enseignements : « on ne doit jamais se lasser de considérer toujours à nouveau le même phénomène (ou d’en subir les effets) et l’on ne doit pas se soucier de la contradiction même la plus générale quand on a travaillé d’une façon sincère. »

Il n’est pas contestable que chaque joueur ou le capital [p. 801, colonne 2] dans la formation méthodique de générations médicales. Mais encore était-il intéressant de chercher à préciser la part de son influence dans la genèse de la psychanalyse elle-même et de connaître sur ce point, l’opinion de son créateur. Interrogé à ce sujet, aime. M. le professeur Freud nous a fort aimablement répondu que son jugement n’avait point varié depuis l’époque de la mort de Charcot, jugement qu’il avait publié dans un article (2).

Il rappelle d’abord l’influence personnelle considérable que le Maître avait acquise sur son entourage, grâce à sa puissante personnalité. Il l’attribue, principalement, « au rayonnement de son être, à son aimable franchise, à la bonté avec laquelle il était à la disposition de ses élèves et à l’amitié qu’il leur a témoignée pendant toute sa vie. Le temps qu’il passait dans son service était caractérisé par une collaboration affectueuse avec ses élèves ; il ne refusait son conseil à personne. »

Abordant ensuite le côté du problème qui nous intéresse plus spécialement ici, Freud parle de l’action de Charcot dans l’étude de l’hystérie. Il est certain que, depuis l’époque où les manifestations hystériques avaient cessé être considérées comme de d’origine surnaturelles, l’attention médicale était plutôt sévère pour elle. On ne reconnaissait aucune incapacité pathologique à l’hystérique, on accordait aucun crédit à ses allégations. « Grâce à influence de Charcot, on en vint à des conceptions plus scientifique. Le médecin chercha à faire abstraction du sourire ironique, qu’il avait pour l’hystérique. Celle-ci n’était plus considérée comme obligatoirement simulatrice, depuis que Charcot garantissait, avec toute son autorité, la réalité est objectivité des phénomènes hystériques ». Certes, l’étude dogmatique qu’il en a laissé plus sujette à la révision. Il n’en reste pas moins qu’il a envisagé l’hystérie comme un chapitre particulier de la neuropathologie. C’est par sa méthode elle-même que ses élèves et continuateur ont pu réviser une part de son œuvre propre.

Cherchant à la délimiter, en préciser les formes, Charcot c’est appliqué également à établir la nature même de l’hystérie, et il fut, d’après Freud, le premier à fournir une explication générale des phénomènes hystériques. Il eut « l’idée géniale de reproduire ces symptômes d’une façon expérimentale chez les malades, en les mettant par l’hypnose, en état de somnambulisme. Il trouva ainsi que les paralysie sont le résultat de représentations qui dominent l’esprit de malade se trouvant dans une disposition spéciale ». Pour la première fois, il y avait une interprétation pathogénique des manifestations hystériques. La description et l’interprétation des faits ont pu être reprises, soumises à la critique, mais une voix importante était ouverte aux recherches. Frais le rappel, non sans modestie : « C’est grâce à ces conception que Pierre Janet, Breuer et d’autres ont pu esquisser une théorie des névroses des névroses susceptibles de satisfaire l’esprit scientifique ».

Quant à la cause de l’hystérie et de ces accidents, Charcot la plaçait dans un état héréditaire, les circonstances ne jouant qu’un rôle accessoire d’agent provocateur. Mais néanmoins, dans son enseignement oral, il ne manquait pas d’affirmer que, pour les cas de cet ordre, il faut toujours chercher une explication dans la sexualité ; et Freud rappelait ce principe dans une étude ultérieure sur les obsessions. Mais, il a poussé plus loin que son maître l’investigation pathogénique, cherchant à préciser [p. 802, colonne 1] l’importance des circonstances extérieures et de leur répercussion affective. Aussi écrivait-il : « Quand on observe chez un être humain tous les signes d’un état affectif douloureux, ce manifestant par des larmes, des cris, de la colère, on est en droit de supposer l’existence chez lui d’un processus psychique extériorisant par des phénomènes physiques. Un homme sain, dans cette situation, capable de dire quel conflit de torture ; l’hystérique répondrait qu’il ne comprend rien à sa douleur. Le problème est de savoir comment il se trouve engager dans un conflit qui qu’il ignore et dont il souffre sans savoir pourquoi. En observant consciencieusement, en étudiant sa vie, on trouve dans son comportement inconscient l’origine d’un conflit qui, précisément, se manifeste d’une façon analogue au système observé. On n’en arrive à admettre qu’il se trouve dans un état d’esprit spécial qui ne lui permet pas d’établir à un moment précis toutes les relations entre la cause et les effets d’un conflit moral ».

Partant de cette notion, il était intéressant de comparer les diverses attitudes psychologiques observées dans une telle situation, avec celle de la veille ou du sommeil, lorsqu’un sujet est capable d’extérioriser une quantité de sentiments, sans en prendre conscience. Ainsi devenait possible la théorie de dissociation de la personnalité pour expliquer les manifestations que nous observons dans l’hystérie.

Certes, Freud reconnaît bien, tout le premier, que ses propres théories sont sujette à transformation et à évolution. Mais il se plaît à rappeler que son maître Charcot, donts le portrait domine son cabinet de travail, lui a enseigné que les théories, si précieuse soit-elle, « n’empêche pas les faits d’exister. » en tout cas, on peut reprendre ce qu’il écrivait en 1893 : « Quoique le progrès de la science doive transformer beaucoup de ce que nous lui devons, il n’est pas douteux que la gloire de Charcot est toujours au-dessus du changement des opinions et du temps ».

Notes

(1) Le Disque vert, 2e année, 3e série, 1924. Paris-Bruxelles.

(2) S. Freud. — Charcot, in Wiener medizine Wochenschrift, 1893.

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