Christian Carette. Une saison en enfer. Nicole Obry, Vervins-Laon 1565/1566. – Janvier 2012.


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Christian Carette. Une saison en enfer. Nicole Obry, Vervins-Laon 1565/1566. Ce texte destiné aux membres d’une association d’histoire locale est paru dans le numéro 48 de « L’ami du laonnois » en janvier 2012.

Psychiatre, praticien hospitalier, ancien responsable du secteur de Laon à l’hôpital de Prémontré (Aisne). Lacanien de formation, j’ai écrit cet article au décours du congrès que l’association patrimoniale dont je suis membre a consacré en 2011 à l’œuvre du célèbre juriste – et démonologue – Jean Bodin qui fit carrière à Laon et y mourut de la peste en 1596. Il se trouve que Laon est aussi la ville où s’est déroulée une des plus célèbres affaires de possession des Temps Modernes, qui fournira l’archétype des futures « invasions mystiques ». Nicole Obry ayant également servi de modèle à Gilles de la Tourette pour sa description de la crise d’hystérie au XIX°siècle il était tentant de profiter de l’unité de temps et de lieu pour articuler l’ensemble. 

Les notes de bas de page ont été renvoyées en fin d’article. – Les images sont celles proposées par l’auteur. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire fourni par l’auteur.   – © Christian Carette et © histoiredelafolie.fr

UNE SAISON EN ENFER

Nicole Obry, Vervins-Laon 1565/1566

« Femmes infames de faict »

   Jean Bodin

Universellement reconnu comme un des premiers penseurs de l’État, Jean Bodin est aussi l’auteur d’un imposant traité de démonologie où sont « diligemment » collationnées toutes « les choses que font les Sorciers » en même temps que l’ensemble du phénomène s’y trouve examiné avec un zèle scrupuleux. Le génial auteur de Les Six livres de la République se montre ici d’une crédulité et d’une cruauté telles que ses admirateurs ont quelque peine à le lire aujourd’hui. Dans ce qui paraît n’être qu’un indigeste ramassis de toutes les superstitions les plus grossières de l’époque recueillies sans le moindre esprit critique[1], on a en effet autant de mal à comprendre la démonomanie des sorciers soit «la rage qu’ils ont de courir après les diables », que la rage de Bodin à courir après les dits sorciers et son acharnement à « faire cognoiste au doigt & à l’œil ,qu’il n’y a crimes qui soyent à beaucoup pres si execrables que cestuy-cy, ou qui meritent peines plus griesves » (5), supplices et tortures à l’appui.

En définissant la souveraineté, comme la « puissance absolue & perpetuelle d’une Republique … le poinct principal, & le plus necessaire d’estre entendu au traitté de la Republique » (6) avec une rigueur et une précision inédites [2] Jean Bodin invente un concept novateur qui est encore aujourd’hui à la base du droit constitutionnel international. Pourtant on semble avoir un peu oublié, que le fondement, le point principal et le plus nécessaire de la souveraineté est pour son auteur « la loy de Dieu » qu’il invoque à maintes reprises.

Pour Bodin en effet un État aussi bien démocratique que monarchique n’est souverain que s’il agit selon sa propre volonté qui est – Bodin insiste – sans partage « les marques de souveraineté sont indivisibles » et à bien des égards sans limites « la souveraineté n’est limitée, ni en puissance, ni en charge, ni à certain temps » (6). La souveraineté ainsi définie autorise toutes les audaces de gouvernement et une grande créativité législative : « les Princes souverains… ne font jamais serment de garder les loix de leurs predecesseurs, ou bien ils ne sont pas souverains », mieux « le roy ne peut estre subject à ses loix »(6).

Sans loi donc le prince n’est pourtant pas sans foi et si le prince souverain jouit d’un pouvoir absolu à l’image de Dieu, il ne peut précisément contrevenir à la loy de Dieu»[3] : «car si la justice est la fin de la loy, la loy œuvre du Prince, le Prince est image de Dieu, il faut par mesme suite de raison, que la loy du Prince soit faicte au modelle de la loy de Dieu. »[4] (6).

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Étendu sur « une charrette couverte d’un drap menée à troys chevaux
devant une foule immense « plus de vingt mil personnes »
et l’ensemble des autorités de la ville, la martyre catholique

Or, en cette époque où la crise n’a pas figure économique mais religieuse, la « loy de Dieu» précisément vacille, pervertie de mille manières, malmenée par les blasphémateurs qui prolifèrent, tant il est vrai que « les Demons & Demoniaques se font principalement cognoistre aux changements de religion » (5). Les « pouvoirs » des sorciers apparaissent alors pour ce qu’ils sont aux yeux de Bodin, l’envers du Pouvoir dont il a dans sa République tenté de fonder la légitimité, sa dangereuse caricature, son « Coche-mare » [5]. Un cauchemar qui aujourd’hui paraît bien dérisoire mais qu’on ne peut méconnaître sauf à faire preuve d’anachronisme : le Diable est alors une affaire sérieuse et à proprement parler une affaire d’État.

La lecture du récit d’une histoire démoniaque survenue en 1565 sur les lieux même où Bodin écrit son ouvrage va nous permettre, en nous plongeant au cœur de la mentalité et des mœurs de cette époque de mieux comprendre pourquoi la science du Démon n’est absolument pas indigne d’un théoricien de la chose publique à l’orée des Temps Modernes.

Nicole Auberi 

La très célèbre affaire de la possédée de Vervins « Nicole Auberi  » a eu lieu, une douzaine d’années auparavant, Bodin l’évoque à peine car elle est encore dans tous les esprits : « l’histoire est notoire à toute la France, je n’en diray autre chose… ». Le pape et le roi s’en sont occupés et « il y en a plusieurs livres imprimez » (5) sur le sujet.

« Premier modèle de ce spectacle moderne où les diables s’exhibent sur l’échafaud pour confirmer, publiquement devant des foules de spectateurs, la vérité de la doctrine catholique de l’eucharistie contre les huguenots » (15) l’histoire de la possession de cette jeune Vervinoise « épisode central des violences confessionnelles à venir » (15) est en effet particulièrement significative.

La chose eut lieu en 1565, voici ce que consent tout de même à nous en dire Bodin :  « M Barthelemy Faye President des Requestes en Parlement, escrit que Nicole Auberi native de Vervin, priant sur la fosse de son ayeul, il se leva comme sortant de terre un homme envelopé de son drap, disant à la jeune femme qu’il estoit son ayeul, & que pour sortir des peines de Purgatoire, il falloit dire plusieurs Messes, & aller en voyage à nostre Dame de liesse : Et apres avoir faict cela, il se descouvrit, & sembla estre l’ayeul d’icelle & continu de faire dire force Messes : & quand on cessoit de dire Messes la jeune femme se trouvoit tourmentée : Enfin (que Satan) dit qu’il estoit Beelzebud. »(5).

Comme il se doit Bodin cite ici un de ses confrères mais ce n’est en effet là qu’un des écrivains qu’a suscités l’événement. Au terme d’une analyse d’autant plus critique de cette littérature abondante qu’elle est professeur d’Histoire de la Reformation à Genève, Irena Balkus constate qu’il est en définitive bien difficile, en 1994, de savoir ce que fut « l’événement de base … l’événement X » (2) qui se déroula à Laon en 1565 tant celui-ci fut instrumentalisé au service des causes les plus diverses.

Entre le récit illuminé du cabaliste chrétien qu’est Guillaume Postel qui voit dans le « miracle de Laon » le signe du début d’une ère nouvelle pour la chrétienté, la chronique officielle de Christophe de Héricourt, le texte prudent de Barthelemy de Faye et les multiples écrits de Jean Boulaese, il est en effet difficile de choisir. Pourtant, même si elle regrette que cela fut surtout pour lui « un moyen de promouvoir sa carrière » Irena Balkus doit reconnaître que ce dernier est assurément « le chroniqueur le plus zélé du miracle » (2).

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ILLUSTRATIONS BIBLIOTHEQUE LAON
(Laon Bibliothèque municipale MS 644)
Carte
Que le désir de persuader, de convaincre les incrédules soit au cœur de toute cette entreprise
ne fait aucun doute. Et le terme de pithiatisme cher à Babinski n’est au fond pas si mauvais sauf à y inclure sa propre démarche qui a le même but : emporter la conviction des sceptiques.
Pour obtenir ce « Croyre » décidément si fragile, Boulaese ne néglige aucun moyen
rhétorique pour nous faire « ouyr » la chose mais aussi pour nous la faire « veoir ».
Il n’hésite ainsi pas à illustrer son texte d’une image « carte …représentant au vif tout le Miracle…
pour mieux loger, placer & demonstrer toutes nos histoires  ».
La table représente les quinze derniers jours du périple de Nicole, singulièrement dans la
nef de la cathédrale où a eut lieu « la souveraine & finale VICTOIRE ».
Très didactique avec lettres, chiffres et légendes à l’appui précisant le moindre détail,
cette ultime mise en scène achève de nous convaincre que l’essentiel ici n’est pas tant
dans ce qu’il s’agit de montrer que dans le corps de la monstration elle-même,
l’Au delà trouvant paradoxalement sa légitimation dans le témoignage des sens,
l’Invisible dans le visible. « Pourquoi donc quittes tu le corps de Nicole ? »
interroge incrédule, l’évêque victorieux : «Beelzebud respond : Ha Ha,
j’y suis contrainct il y a Hoc ; il y a Hoc . Ce qu’il repete par plusieurs fois.
Dont les assignes grandement s’esmerveillent. »  (hoc est corpus meus)
précise, la carte de Boulaese est incidemment le dernier témoignage qui nous reste du jubé et du chœur médiéval de la cathédrale (Cf. Martine Plouvier in Laon Cahiers du patrimoine 1995).
Jovet, qui écrit un siècle plus tard, précise que « cette histoire admirable se voit
en relief dans l’enceinte du Choeur de l’Eglise, derrière l’endroit où repose le S. Sacrement
dans le tems de l’octave, qui est encore un monument authentique de ce miracle »(17).
Un monument qui semble avoir disparu aux approches de la révolution : Vox populi vox dei.

Jean Boulaese

Élève de Postel, Boulaese fut prêtre dans la région de Laon en 1566. S’il n’y assista pas lui-même, il se passionne pour l’événement, s’informe des plus menus détails le concernant, rencontre les principaux acteurs et témoins, confronte les divers comptes-rendus écrits, accumule enfin les preuves les plus certaines de l’authenticité du miracle. Et c’est ainsi que la même année il fera paraître à Cambray un opuscule détaillé sur l’affaire. Soucieux de permettre au monde catholique de partager la leçon de ce prodige, il va soumettre au pape le fruit de ses abondantes recherches. On lui recommandera, « pour rendre la lecture moins laborieuse » d’élaguer un peu son travail et c’est après bien des aléas que le « Professeur des Sainctes Lettres Hébraïques, pauvre du Collège de Montaigu »[6] parviendra en 1575 à éditer son « Manuel de l’admirable victoire du corps de Dieu sur l’Esprit Maling Beelzebub, obtenue à Laon en 1566 » (7). Ce livre (pas son dernier sur le sujet…) incorpore « autant de données que possible sur tous les entretiens que Boulaese avait tenus avec les témoins lors de ses deux séjours à Laon en 1566 et surtout en 1569 »(2). C’est ce texte que nous proposons de lire.

S’il est difficile malgré les scrupules du chroniqueur de préciser tous les détails de l’événement, sa nature ne fait par contre aucun doute : il s’agit d’un authentique cas de possession diabolique. Nicole Obry est en effet une possédée, non une sorcière, la nuance est de taille : « Le sorcier est celuy qui par moyens Diaboliques sciemment s’efforce de parvenir à quelque chose » (5). Par contre Bodin ne met pas en dispute, « toutes les histoires divines et humaines en sont pleines » le fait qu’en dehors de ceux qui ont « convention expresse » avec le Diable il y a ceux qui « sont assiegez et forcéz par les malins esprits…comme vierges pudiques ravies par force ». Les premiers méritent assurément le bûcher et là il est impitoyable, pour les seconds il convient de se montrer plus circonspect d’autant que Dieu lui-même peut aussi s’emparer d’une personne : « ainsi estoyent les prestresses Pythiatiques en Grece. On pensoit que Dieu possedoit leurs personnes, & appeloyent cela Enthousiasme[7] »(5).

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Signature de Jean Boulaese.

Malgré la cruauté de ses conclusions, le texte de Bodin témoigne d’une finesse d’analyse du phénomène que ne désavouerait pas la science contemporaine quand elle s’attache à définir cette forme élémentaire de la vie religieuse qu’est la transe ou la possession. Car, si depuis toujours, les dieux ou les diables s’incarnent chez les humains, les chevauchent ou comme le dit Bodin les « assiègent », il s’en faut qu’on ait bien saisi en quoi consistait cette articulation primitive et essentielle du corps au sacré, cet « état rituel dans lequel un sujet, sans préjuger de son état psychologique, est considéré dire ou faire des choses qui ne proviennent pas de lui mais d’une puissance extérieure présente dans son corps »(3).

La possession

Le phénomène est universel, présent dans toutes les cultures à toutes les époques, il peut être volontaire, provoqué, le shaman ou medium cherchant par divers procédés à inviter la puissance à s’exprimer par sa personne. Mais elle est, dans la plupart des cas, involontaire, le sujet étant alors envahi par la puissance extérieure qui peut être perçue comme bénéfique ou au contraire maléfique. Expérience individuelle, la possession est toujours, comme le note encore l’ethnologue Daniela Berti, éminemment socialisée, inscrite dans des rituels bien précis et participe de l’histoire du groupe qui intervient à toutes les étapes du processus et pour lequel elle fait intensément sens.

De manière schématique et pour des raisons presque physiologiques, on peut ici distinguer trois phases. Une phase préalable de dépossession condition sine qua non pour que la  puissance extérieure s’empare d’un individu : il faut nécessairement un temps où il n’est plus maître de lui-même. Une telle phase peut être provoquée par des chants, des danses, des substances chimiques (on a ainsi accusé l’ergot de seigle d’être à l’origine de certaines épidémies démoniaques) ou s’observe chez certains sujets prédisposés. La seconde phase, phase de possession proprement dite, la transe, où la personne n’est plus elle-même mais l’incarnation de la puissance qui a pris le pouvoir sur son corps et son esprit. Une troisième phase de résolution enfin où la puissance la quitte spontanément ou du fait d’interventions extérieures (exorcisme). Avec plus ou moins de bonheur, le sujet reprend alors la maitrise de lui-même et retrouve un comportement normal. Cette phase peut évidemment manquer si l’âme s’est perdue dans une aventure dont nul n’ignore qu’elle est redoutable.

Même s’il est confus, partial, « obscurci par une foule de détails qui n’ont que peu de rapport avec l’événement principal »(2), le « laborieux » Manuel de Boulaese constitue un témoignage précieux pour comprendre la manière dont se déroulait une possession en Europe au XVIe siècle, siècle par excellence de l’invasion mystique[8].

Boulaese nous donne peu de précisions sur la personnalité de Nicole Obry nous apprenons simplement qu’elle est la fille légitime de Pierre Obri « marchant bouchier » à Vervins et de Catherine Willot, qu’elle a reçu, comme il se doit, une éducation « catholique ». Aînée de la famille, elle vient « sur les quinze ou seize ans de son age » d’être mariée à « Loys Pierret sortys aussi d’honnestes parents ». Et c’est « environ trois mois après leur assemblée » après qu’ils aient commencé « à faire leur petit mesnage a part eulx » que va se produire la rencontre avec le spectre. Le mariage avec le changement de maisonnée, le remaniement des liens familiaux et affectifs qu’il produit est un facteur de déstabilisation et les jeunes mariées sont classiquement reconnues comme des candidates privilégiées aux phénomènes de ce genre. On peut également penser que Nicole Obry est une femme particulièrement sensible. Quelques années plus tard (1577), elle sera à nouveau victime de ce type d’agression : devenue soudain aveugle elle sera fort heureusement guérie par la fameuse relique de St Jean Baptiste en la cathédrale d’Amiens.

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Rouleau original destiné à l’affichage dans la cathédrale de Laon ( 10 novembre 1566)
par Monsieur de Héricourt, doyen de l’église cathédrale de Laon

Le spectre

Quoi qu’il en soit l’événement déclenchant est incontestablement la rencontre avec le spectre au cimetière : « le Sabmedy[9] troysiesme jour de Novembre du susdict an mil cinq cens soiante cinq le lendemain de la feste des trepasez,sur les troys heures apres midy » agenouillée sur la tombe de son grand père maternel Joachim Willot elle « advisa devant soy comme un homme droict ensepuely en linge blanc, luy disant : Nicole je suis vostre grand père ». On notera ici l’extraordinaire souci de précision dont fera constamment preuve Boulaese dans son effort pour décourager les incrédules.

La chose débute donc comme une banale affaire de revenants, quoi de plus banal en effet que la rencontre dans un cimetière du spectre d’un ancêtre ? La sagesse universelle recommande de ne pas trop fréquenter ces lieux où rodent, nul ne l’ignore, les esprits des morts surtout si ceux-ci ne furent pas enterrés dans les règles.

C’est assurément le cas ici où « l’ensepuely » qui confirme être « l’Ame de Joachim Willot » nous révèle les raisons de son errance : «Ma femme devint malade, & si fort, que j’allay querir son suaire en son coffre à Vervin. Et en revenant je feis vœu d’aller à Sainct Jacques, s’il plaisoit à DIEU la renvoyer en santé  » Sa femme retrouva la santé mais malheureusement c’est son dévot de mari qui mourut : « il y avaoit environ deux ans à un soir apres avpoir soupé sans parler à aulcun » ce qui ne lui permit pas d’accomplir les pèlerinages promis et c’est pourquoi il «  estoit en Purgatoire ». C’est ainsi qu’il indique à sa petite fille « les Pelerinages qu’il falloit donner, & les Messes ou service general qu’il falloit dire » pour qu’il puisse reposer en paix et gagner « le Parady ».

Tout cela ressemble fort à un drame shakespearien d’autant que le spectre ajoute qu’après que sa femme lui eut servi le fatal souper non sans lui avoir administré son « petit traictement…au pire jour de la sepmaine » il avait « beaucoup enduré & faicte amere & griesve penitence soubz (son) four aupres du tonnelet à verjust. Et apres que ma femme a esté remariée à Adam Coulon, je l’ai faicte souz une bricque dessoubz son four ». A l’évidence ce n’était donc pas la première manifestation de l’âme de Joachim Willot et sa femme qui ne sait que trop de quoi il parle, en est bouleversée: « Henriette Catillon entendant la verité du suaire croyoit comme aussi presque tous les assistans que de vray c’estoit l’Ame de son defunct Mary».

Comme au royaume de Danemark y avait-il quelque chose de pourri chez la famille Willot ?[10] Les viandes rôties des funérailles avaient-elles été là aussi « servies froides au repas du mariage » ? Quoi qu’il en soit après la rencontre avec le spectre notre petite Hamlet Thiérachienne est troublée[11]. « Pensive…elle commenca à plorer se deshabiller, puis se coucha. Et soudainement elle sentit sur soy une griefne pesanteur, comme d’une grosse pierre, qui presque l’estoufoit tellement qu’elle ne se pouvoit mouvoir ne parler…De cet heure là Nicole ne peult plu dormir, voyant soudainement par foys cet ensepuely; duquel elle se sentoit chargée tantost devant tantost derriere sur les costez ». Elle finit par perdre l’appétit, « transie & evanouye ».

La famille « perplexe » tente alors de satisfaire aux demandes du grand-père. Afin de guérir Nicole, l’oncle, le mari, le beau-frère accomplissent des pèlerinages dans la région, on dit quelques messes. Mais le fantôme du grand-père ne s’en trouve pas satisfait, menace de lui « tordre les bras & les jambes », bouscule Nicole dans l’escalier, la traîne « dessoubz le lit de son Pére » laissant à chaque apparition la tourmentée « roide et dure comme une pierre ». A sa décharge, il faut reconnaître qu’on n’avait pas hésité à le tromper en lui faisant croire que des pèlerins étaient partis pour Saint Jacques avec « un coquelet et une poulette » alors qu’ils étaient rentrés le soir même chez eux.

Les parents désemparés vont s’en remettre aux autorités ecclésiastiques et c’est alors, et seulement alors, que la sombre affaire de famille va se muer en affaire d’État. Comme l’observe fort justement Irena Backus « ce que -Boulaese -ne parvient pas à fournir est l’essentiel : la preuve objective qu’une véritable possession ait eu lieu au moment où Nicole se trouvait au cimetière » (2) et de fait terrorisée, écrasée, tourmentée bousculée, par un fantôme clairement extérieur à elle, Nicole n’en est en aucune manière possédée.

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Devant une foule immense « plus de vingt mil personnes »
et l’ensemble des autorités de la ville, 
la martyre catholique

Beelzebub

La possession n’apparaîtra en réalité que progressivement et par un remaniement subtil du phénomène. Ainsi un jour où « ayant les mains tant etroitement serées que personne ne les pouvoit ouvrir…le maistre d’escole Prestre nommé maitre Guillaume Lourdes soudainement fut appelé s’en vint & tenant les mains de la patiente il dist : Esprit quiconques tu soys je te commande de par DIEU de laisser ouvrir ces mains. Apres lesquelles parolles, il les ouvrit facilement sans aucune violence ny effort ».

Pourtant Nicole voit toujours son grand-père à sa « dextre…parlant de DIEU et de choses bonnes » lui apparaissant à de nombreuses reprises. Quelque temps plus tard un autre religieux « frère Pierre de la Motte » sera plus ferme et c’est lui véritablement qui instaurera la possession en même temps qu’il en fera le diagnostic : «Jamais un corps n’entre en un autre…jamais une ame n’entre dans le corps d’un autre…les bons Anges ne possedent jamais les corps comme tu fais cestuy cy le tourmentant. Ergo tu n’es ne l’un ne l’autre. Mais un Menteur, & Diable. Cet Ange respondit : je ne suis pas dans le corps mais aupres. Le Religieux luy dist Tu en as menty. Car visiblement & perceptiblement tu le possedes & empeche. Je te jeure sur les Sainctz Evangiles (frappant dessus le livre) que tu es un Diable ».

Toujours plus insistant dans leur « conjuration » les prêtres vont finalement amener le Diable à se démasquer : « Le Diable donc (apres avoir bien reculé & tergiversé par tous moyens empeschant d’estre cogneu). Finalement contrainct respondict estre Beelzebub. Et que seul il possedoit le corps de Nicole. Lors le Religieux commença & enseigna à brusler ce Nom, Beelzebub, escrit en papier. Et cependant que ce Nom brusloit, Beelzebub cryoit come une femme en travail d’enfant[12] ».

La Cause enfin nommée, un mois précisément après le début du trouble, le mot créant la chose, le cérémonial de la possession peut véritablement commencer. La jeune femme poursuivie par le fantôme de son grand père s’efface alors derrière la démoniaque, soit le démon qu’elle incarne. Plus question désormais de revenant mais du Diable qui de son propre aveu est installé en elle. Nicole n’est plus elle-même mais la puissance extérieure, elle agit parle et se comporte comme il est convenu que Beelzebub se comporte et par delà la spasmophilie commune aux shamans[13], Nicole va perdre « figure humaine » pour n’être plus que le « grand Diable qui ainsi au vif en elle se representoit ».

Tandis qu’il nous relate l’événement historique Boulaese dans son souci d’affirmer l’authenticité de la présence du Diable prend alors soin de détailler les stigmates de longue date reconnus comme spécifiques de celle-ci. Ainsi au terme de son Manuel il recense soigneusement la liste des 22 « causes et signes qui vous font CROYRE que c’estoit un Diable…soubz le Veoir, l’Ouyr, & le Toucher » et qu’il a scrupuleusement détaillés tout au long de son récit.

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Quand l’hostie s’approche d’elle Nicole/ Beelzebud « hideusement esgarouillée »
profère « horribles & espouventables criz & hurlements, estant presque
renversée en cercle les piedz à la teste, le ventre eslevé, & tenue de plusieurs ».

C’est ainsi que dès le début de la « conjuration » à Vervins et des premières tentatives d’exorcisme, Nicole/Beelzebub fait preuve d’une force surhumaine et doit être « portée à l’Eglise par six hommes des plus fortz de toute la ville de Vervin qui y ahannoyent beaucoup à cause de la grande pesanteur & resistence que elle faisoit ». Le Diable s’exprime en elle de manière effroyable « le Diable furieusement se tourmentoit buglant, rugissant…come un Taureau , un Lion, un Ours, un Chien ou autre beste»[14]… diverses & horribles mines & grimaces de bouche d’yeulx, & de tout le visage faisoit eslever la pauvre Nicole sur les piedz, & encontre toutes leurs forces, elle se roidissoit sur les piedz à demy droite se tenant le ventre en haut…l’horrible deformation, les os de la pacient croquoient comme qui romperoi un baston en plusieurs pieces…enflée par le ventre, & l’estomac, gorge visage yeulx & langue ».

Emportée dans les airs, Nicole « comme volant » est retrouvée un jour dehors dans la neige : on « feist clouer toute les fenestres & de cest heure là l’on ne la laissa plus sans bonnes & fortes gardes ». Elle lévite aussi « en un instant sans s’ayder des pieds ny des bras…se tenoit droicte sur le lict sans y toucher »[15].

Bien que souvent rendue sourde, muette et aveugle « perdant ces trois sens l’un apres l’autre, comme l’experience l’a enseigné » elle acquière ce don des langues si caractéristique de l’invasion étrangère : « nous luy avons ouy prononcer devant L’Evesque les conjurations Latines…et toutefoys Nicole n’entend Latin » de même elle s’adressera à un Allemand alors qu’elle « n’entend aucunement l’Alemant ». La glossolalie, la psychokinèse et la voyance dont fait preuve Nicole à maintes reprises sont les trois symptômes principaux de la possession dans le rituel romain et ils sont évidemment présents ici avec bien d’autres.

Les Huguenotz

Expérience individuelle « le théâtre de la possession » (10) met en scène les idéaux du groupe, s’y articule étroitement, représentant les malaises et contradictions qui le traversent. Il possède littéralement l’ensemble des spectateurs, qui le vivent avec la même ferveur que les acteurs principaux, avec l’espoir, par ce mouvement cathartique, de les maîtriser, les conjurer, les exorciser. A l’orée des guerres de religions en France, cette histoire cristallise tous les enjeux du siècle en même temps qu’elle est la terrible préfiguration des drames à venir.

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A chaque étape une joute terrible s’engagera contre les diables qui devront
céder un peu de terrain – de corps – ainsi à Liesse où Beelzebub
renvoie « vingt six Diables à Geneve » non sans avoir « emporté troys escailles » du toit de l’église

Car Beelzebud n’en fait pas longtemps mystère : « les huguenotz estoyent des siens ». Ainsi ce dialogue avec l’allemand où (Nicole/ Beelzebud) désigne le Christ Jehan le blanc : « Ainsi l’ay-je apris à nommer à mes Escolliers les Huguenots, qui sont en ton pays, aussi bien qu’en France, & si j’y estois, je parlerois mieux allemant que toy ». De fait les Huguenots sont nombreux dans la région singulièrement en Thiérache, la patrie de la catholique Nicole, où il existait (et existe encore) une solide communauté protestante issue principalement des journaliers qui allaient s’employer dans la région de Meaux. Tout alors témoigne que « la triomphante victoire du corps de Dieu sur l’esprit maling Beelzebub obteneue à Laon »(24) n’est avant tout pour les « pretenduz reformez (que) la honteuse destruction de leur faussement appelée religion ». On le savait déjà : l’enfer, c’est les Autres.

Quand il prétend être au Purgatoire le grand-père de Nicole se place d’emblée au centre du débat théologique et de la querelle religieuse. Comme le note Jacques le Goff dans une étude célèbre : « Jusqu’à la fin du XIIe siècle le mot purgatorium n’existe pas comme substantif. Le Purgatoire n’existe pas »(21). L’invention de ce lieu intermédiaire entre l’Enfer et le Paradis où l’âme du défunt va subir un processus de purification, de rachat lui permettant ainsi d’éviter la damnation va très vite déboucher sur «l’infernal système des indulgences…pour l’Église, quel instrument de pouvoir ! Elle affirme son droit –partiel- sur les âmes du Purgatoire comme membres de l’église militante, poussant en avant le for[16] ecclésiastique au détriment du for de Dieu »(21). Il est désormais possible d’intervenir sur le destin céleste de l’âme (indulgence)[17], en rachetant ses fautes par une action de grâce, un pèlerinage, une prière, une messe voire une aumône, l’ensemble pour le plus grand bénéfice du clergé.

Luther puis Calvin condamneront ces « remèdes expiatoires pour délivrer les pécheurs des peines dont ils sont redevables envers Dieu » (8). Ils stigmatiseront les pèlerinages « remplis d’impiété manifeste » (la tentative de mystification du spectre à Vervins en témoigne ici éloquemment…), les paillardises auxquelles ils donnent lieu, les reliques dont ils entretiennent le culte. Dans son « Traité des reliques » sans doute son ouvrage le moins austère, Calvin n’a de cesse de dénoncer les errances de cette religion populaire qui n’hésite pas à idolâtrer des fétiches aussi étonnants que « la queue de l’âne sur lequel notre seigneur fut porté », les innombrables dents, cheveux et autres prépuces du Christ. Quant aux morceaux de la vraie croix « si on voulait ramasser tout ce qui s’en est trouvé, il y en aurait la charge d’un bon grand bateau »(9).

Mais il y a plus grave. Dans leur souci de dénoncer les excès de ce culte idolâtre, qui pour reprendre le style de Boulaese se déroule sous « le Veoir, l’Ouyr, & le Toucher », les « diables de Genève » [18] vont jusqu’à mettre en cause le dogme de l’Eucharistie.

Le semblant

La messe est une cérémonie au cours de laquelle se célèbre l’eucharistie (εὐχαριστία, action de grâces) renouvelant le geste du Christ lors de la dernière Cène : « Pendant le repas, Jésus prit du pain et, après avoir prononcé la bénédiction, il le rompit ; puis, le donnant aux disciples, il dit : « Prenez, mangez, ceci est mon corps Hoc est corpus meum ».Puis il prit une coupe et, après avoir rendu grâce, il la leur donna en disant : « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude, pour le pardon des péchés. » Matthieu (26/ 26 28).

Le concile de Trente (1563) vient en des termes strictement aristotéliciens de réaffirmer contre les Huguenots ce fondement du dogme « Par la consécration du pain et du vin s’opère le changement de toute la substance du pain en la substance du corps du Christ notre Seigneur et de toute la substance du vin en la substance de son sang, ce changement, l’Église catholique l’a justement et exactement appelé transsubstantiation. » avec la même rigueur logique Thomas d’Aquin précise : « Toutefois, les apparences sensibles du pain et du vin, c’est-à-dire les espèces eucharistiques, demeurent inchangées ».(27).

Que le Christ soit présent réellement dans l’hostie c’est bien ce que contestent les Huguenots. Certes prudemment car pour une religion où le Verbe s’est fait chair, qui repose sur l’incarnation de Dieu dans le corps du Christ, contester la transsubstantiation de l’hostie risque par contagion de mettre en cause la nature divine du Christ lui-même. Néanmoins pour nous en tenir à Calvin dont la position est la plus ferme il s’agit simplement là d’une « métonymie »[19].

« Nous croyons en Jésus Christ et ainsi nous le recevons par foy nous scavons en le recevant ce que nous pensons : nous prenons un petit morceau de pain et nous sommes rassaiez au cœur. Parquoy ce n’est pas ce qu’on voit qui repaist mais ce qu’on croit…le pain et le sang sont signes visibles, lesquels nous représentent le corps et le sang », en somme le Christ « on le mange du cœur et non pas des dents »(8).

Boulaese qui, pour sa part, explique en des termes plus bucoliques la transsubstantiation : « comme la seve de la greffe franche change en soy la seve de l’arbre sauvage, dont par apres on en recueille le fruict franc…sur le mesme arbre sauvage » s’oppose évidemment en honnête catholique à la thèse calviniste. A la présence ô combien remuante et charnelle du Diable qui s’incarne en Nicole ne peut répondre que la présence tout aussi réelle du Christ en l’hostie, qui plus est négation de la thèse métonymique des Calvinistes dont le Diable est le héraut. Quand l’hostie s’approche d’elle Nicole/ Beelzebud « hideusement esgarouillée » profère « horribles & espouventables criz & hurlements, estant presque renversée en cercle les piedz à la teste, le ventre eslevé, & tenue de plusieurs ». Ingéré le Christ triomphe bientôt réellement de son ennemi naturel en un combat inégal dont le corps de la possédée est le théâtre.

L’évêque

Au fur et à mesure que le combat prend de l’ampleur, le prince des esprits renforce ses troupes. « Tu te fortifies contre moy : Mais aussi me fortifieray-je contre toy car j’appelle tous les Diables à mon ayde contre toy [20]». Et bientôt on ne comptera pas moins de 26 diables qui se partageront l’anatomie de Nicole, Beelzebub se réservant, quant à lui, le bras gauche (Nicole est gauchère). Étendu sur « une charrette couverte d’un drap menée à troys chevaux » montré à la vue de tous, le corps de Nicole infesté de diables comme la région l’est de Huguenots sera transporté en procession et exposé dans les lieux sacrés du diocèse, Pierrepont, où sont des reliques, Liesse le célèbre pèlerinage. A chaque étape une joute terrible s’engagera contre les diables qui devront céder un peu de terrain – de corps – ainsi à Liesse où Beelzebub renvoie « vingt six diables à Geneve » non sans avoir « emporté troys escailles » du toit de l’église. Sans cesse menacée de mort par les Huguenots qui échouent dans leurs tentatives de meurtre comme les diables qui se disputent son corps, Nicole ne sera délivrée de ses envahisseurs, Beelzebud l’a annoncé, qu’au chef lieu de l’évêché en la cathédrale à Laon.

Depuis la discrète installation, en décembre 1565, de la possession diabolique devant quelques membres de la famille sur l’estrade d’une petite église face à un modeste prêtre, à l’apothéose de la délivrance de Nicole sur « l’eschaffaut », dans la cathédrale de Laon le « Vendredy huictiesme de Fevrier » Beelzebud lui-même étant vaincu après quinze adjurations épiscopales par l’hostie que lui tendait l’évêque de Laon, Jean de Bours, devant une foule immense « plus de vingt mil personnes » et l’ensemble des autorités de la ville, la martyre catholique aura, en victime expiatoire, parcouru tout le territoire et la hiérarchie du diocèse, comme pour en recueillir et engranger tous les démons.

On imagine combien ces processions continuelles, cette St Barthelemy des diables trouble un ordre public si difficilement reconquis par la paix d’Amboise (1563) signée deux ans plus tôt entre Condé le chef des protestants et le catholique Anne de Montmorency. « Aussi s’efforcerent les Huguenots tant qu’ils peurent par lettres…au nom du Gouverneur escriptes & envoyées tant à l’Evesque qu’à la Justice, de les faire cesser ». Le duc de Montmorency lui-même gouverneur de l’Isle de France obtient que les processions se limitent à l’enceinte de l’église, tente de tempérer l’enthousiasme épurateur de ses coreligionnaires si prompts à diaboliser les Huguenots et finalement on n’aura d’autre recours que de chasser la trop bruyante énergumène de la ville de Laon.

Nicole, devenue anorexique, va alors dépérir ne se sentant « saine et gaillarde » que par la seule « manducation de l’EUCHARISTIE ». Après bien des péripéties, la jeune Thiérachienne, sera transférée à La Fère entre les mains de Condé le prince des Huguenots qui tentera de lui faire avouer son imposture mais malgré un interrogatoire serré il devra se résoudre à l’évidence : il n’y a là  « aucun abus » ni « finesse ou fausseté ».

Pourtant, fort curieusement, soudain et sans raison apparente, Nicole recommença à nouveau à boire et à manger normalement recouvrant la santé malgré l’environnement hérétique « et ne parla plus d’avoir DIEU ». Etrange revirement d’attitude, et si au fond Nicole n’avait été qu’une faible d’esprit, une « melancholique » comme on disait alors ?

Les petits médecins

Voila une hypothèse qui a le don de mettre Bodin en fureur car autant il se montre mesuré à l’égard des Huguenots qu’il n’attaque jamais dans son traité, autant il ne supporte pas ceux qui ne voient dans ces phénomènes que folie ou mélancolie. Ainsi il n’hésitera pas à retarder la parution de son livre pour y adjoindre une violente diatribe contre Jean Wier, un médecin, qui vient de faire paraître « Cinq livres de l’imposture et tromperie des diables » (1570) où il prétend que toutes ces diableries sont en réalité causées par « un humeur melancholique respandu dedans le cerveau (de ces démoniaques) lequel leur charge tellement l’esprit que quelques uns d’entre eux pensent estre bestes desquelles mesmes ils ensuivent la voix & les gestes »(28). Déclarés alors malades il en résulte « que les Sorciers & Sorcières ne doivent être punis »(5) mais soignés.

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Bodin n’a pas de mots assez rudes pour condamner les blasphèmes de ce «petit medecin » dont les « sophisteries pueriles » (5) plus encore que le Diable et ses émules mettent en péril « la loy de Dieu ». Car à la différence de Boulaese qui nous décrit les médecins catholiques ou huguenots, qui seront convoqués auprès de la possédée, comme des Diafoirus aussi incapables que dangereux qui manqueront d’ailleurs à plusieurs reprises de l’empoisonner, Bodin a bien compris que ce petit médecin en niant le Diable n’est pas loin de nier Dieu lui-même : « (Il) n’y a pas gueres moins d’impiété de révoquer en doubte, s’il est possible qu’il y ait des Sorciers, que revoquer en doubte, s’il y a un Dieu, celuy qui par sa foy a certifié l’un a aussi certifié l’autre » (5). Il faut préserver le Diable en somme car « la plus forte superstition du monde n’est pas à beaucoup pres si detestable que l’atheisme » [21](6).

Que le Diable se fasse le meilleur avocat de Dieu, c’est bien tout de même ce qui chagrine dans le miracle de Laon où il apparaît que c’est la défaite spectaculaire, du Diable qui prouve la réalité de la présence du Christ dans l’hostie, Beelzebud montrant par ailleurs tout au long du récit une étrange complicité avec son « Maître ». Enfin il est pour le moins contradictoire d’admettre comme parole d’Evangile les ignominies que le Diable répand sur les Huguenots dès lors que comme Boulaese nous le rappelle : « Le mensonge est le propre du Diable », ce que ce dernier confirme d’ailleurs, quand parant des charmes de l’Enfer le célèbre paradoxe d’Épiménide il profère, superbe : « Je suis menteur vrayment  ».

Laissons à Pierre de l’Estoile le soin de tirer la morale -cynique- de cette histoire : « Celui qui conduisoit La Démoniaque de Laon, fit le sot de lui apprendre à dire qu’il falloit extirper les Huguenots ; car, comme remarque Postel, cela sonneroit que le Diable fut Seigneur de notre bien »(22). [22]

La démoniaque de Laon suscitera par contagion quelques émules locales singulièrement en 1582 où on publiera « L’histoire admirable du beau Miracle de la reale presence du precieux corps de Jesus Christ au Sainct Sacrement de l’Eucharistie faict en un jeune enfant possedé du diable, qui soubs l’apparence & nom de verd-vestu avoit couru és quartiers de Noyon & Compiégne l’espace de 14 mois »(4). Les invasions mystiques et diaboliques seront nombreuses dans ce siècle aussi illuminé que flamboyant et, après que Nicole eut rencontré le roi lui-même, on oubliera bientôt l’événement.

Il n’en demeure pas moins que cette affaire est le modèle d’un genre « qui a pris corps avec le livre de Laon, qui réunit tous les « acteurs » et fournit les règles des représentations à venir des pseudo-spectacles métaphysiques » (15).

La Salpetrière

Il faudra attendre le XIXe siècle pour qu’on parle à nouveau de notre héroïne, précisément chez ceux-là même que Bodin redoutait le plus : les petits médecins. Il est vrai qu’entre temps ils sont devenus grands et que le désastre qu’il pressentait s’est accompli : « Les Dieux aussi se décomposent ! Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c’est nous qui l’avons tué ! »(23).

L’année même où Nietzsche fait ce constat navré, en1882, s’ouvre à La Salpetrière la « chaire de clinique des maladies du système nerveux », immédiatement offerte au professeur Jean Martin Charcot, qui règne déjà sur cet « emporium des misères humaines »(11) tel un Bonaparte de la Science. Figure emblématique du patron de la médecine positiviste du XIXe siècle Charcot le Consolateur nommé au cœur de ce « musée pathologique vivant » qu’est le plus grand hospice de femmes de France avec ses 5000 « aliénées…anormales constitutionnelles » et autres « incurables », va s’attacher, fidèle à la méthode anatomo-clinique à élaborer «une physiologie rationnelle de l’écorce cérébrale »(11).

Découvreur de nombre de syndromes dont certains portent encore son nom, Charcot n’hésitera pas à affronter la « bête noire » de la médecine, une maladie dont les symptômes sont innombrables fugaces, labiles, variables, flottants, mobiles, récurrents et qui paraît se refuser à trouver dans l’anatomie sa raison. Ce diable nosographique ce « Protée qui se présente sous mille formes et qu’on ne peut saisir sous aucune » on le nomme depuis Hippocrate, hystérie car on en supposait alors le siège dans l’utérus.

Depuis elle est devenue l’archétype des maladies des nerfs, la « névrose » par excellence. Avec Charcot cet insupportable chaos nosologique va enfin trouver son maître : « il importe qu’on le sache, l’hystérie a ses lois, son déterminisme, absolument comme une affection nerveuse à lésion matérielle »(11). Dès lors ce qui n’était que « notre ignorance élevée à la hauteur d’un caractère nosologique » va se trouver arrimé à quelques « invariants cliniques » : les stigmates, que grâce à l’hypnose, on pourra « reproduire artificiellement…ce qui est le sublime du genre et l’idéal en fait de la physiologie pathologique »(11).

Bref « avant les recherches de Charcot et de son Ecole, rien ne paraissait plus variable que les phénomènes de l’attaque d’hystérie convulsive. Il semblait qu’il fut impossible de reconnaître une loi quelconque d’évolution au milieu de ces convulsions, de ses poses extatiques, de ce délire, qui constituent le paroxysme » (19). Désormais sous la férule du maître de la Salpetrière tout devient limpide et quelle meilleure preuve de sa clairvoyance que ces « relations des temps passés dans lesquelles une hystérique – Nicole Obry, 1578, Françoise Fontaine 1591, sœur Jeanne des Anges, 1633 – est longuement mise en scène par des observateurs, la plupart du temps ignorants des choses de la médecine, et qui par cela même se contentent de noter les faits qu’ils ont observés. Au courant de notre description, il nous sera facile de montrer, par comparaison, que les hystériques du seizième ou du dix-septième siècle présentaient de la façon la plus frappante et la plus régulière les phénomènes constitutifs de la grande attaque hystérique telle que l’a décrite M Charcot »(19).

Et de fait Gilles de la Tourette dans son « Traité clinique et thérapeutique de l’hystérie, d’après l’enseignement de la Salpetrière » articulera scrupuleusement sa description de la « grande attaque hystérique » au texte de Boulaese dont il ne cesse d’admirer la pertinence et qu’il cite intégralement en regard des diverses phases de la crise (tonique, clonique, etc.). Notant au passage comme on le fit autrefois que ces mouvements insensés sont « d’une violence inouïe, et plusieurs hommes vigoureux suffisent à peine à maîtriser une femme débile à l’état normal »(19). Ainsi par la grâce de la science, la possédée démoniaque Nicole Obry est maintenant devenue la reine des hystériques.

Las ! tout ce bel ouvrage ne survivra guère au prestige du maître et, à peine Charcot disparu (1893), ses élèves ne vont pas tarder à saper l’édifice. A commencer par le meilleur d’entre eux son successeur à la Salpetrière Joseph Babinski qui va s’attacher à « démembrer l’hystérie traditionnelle » (1) rangeant l’ensemble de la symptomatologie isolée par Charcot sous l’égide du « pithiatisme » (πείθω «je persuade»)[23] autrement dit de l’autosuggestion plus ou moins volontaire. Aux douteuses gesticulations de la « grande simulatrice »(1) répond alors l’extension « lente et majestueuse » du gros orteil dans le fameux « signe de Babinski »[24] terrassant définitivement le dragon du mensonge et du simulacre pour la plus grande gloire de la science. Les sceptiques de toujours triomphent, «Nihil a demone. Multa ficta. A morbo pauca. »[25]. Le geste de la possédée /hystérique, autrefois comble du sens, a désormais perdu toute signification pour n’être plus que misérable supercherie et si le terme dans cette acception péjorative demeure solidement établi dans la conscience commune, la maladie va peu à peu disparaitre tant dans ses manifestations les plus spectaculaires que dans la classification médicale.

Das sexuale Moment

En 1885 un jeune étudiant neurasthénique va assister timidement à ces fameuses leçons du mardi où, tel Jean de Bours dans la cathédrale de Laon, le professeur Charcot sur « une estrade, entouré de ses élèves (dans un) amphithéâtre rempli jusqu’aux derniers gradins…la face sombre…les sourcils sévères…les yeux scrutateurs, profondément enfoncés dans l’ombre des orbites » (11) fait comparaître, à demi pâmées, les meilleurs sujettes de son musée pathologique. Sigmund Freud qui prénommera son fils Jean Martin en hommage à Charcot, ce grand médecin « dont la raison confine au génie » va trouver dans la fascination, la sorte d’envoûtement que suscitent en lui ces présentations spectaculaires de la Salpêtrière, la clef qui va lui permettre de nommer le diable qui ici mène la danse : « le facteur sexuel »(14).

« Doulcin, quand quelquefois je voy ces pauvres filles qui ont le diable au corps…d’une horrible façon corps & teste mouvoir…quand le blanc des yeux renverser je leur voy…tout le poil me hérisse & ne sçay plus que dire…mais quand je voy un moyne avecque son latin leur taster hault & bas le ventre & le tétin, ceste frayeur se passe, & suis contraint de rire.»(12). Bien avant Freud et sans doute pas le seul, Du Bellay avait perçu l’importance du dit facteur au cœur du cérémonial, mais il faut reconnaître que le savant Viennois sera le premier à en mesurer l’importance dans la genèse de ces troubles et en tirer toutes les conséquences. Ayant compris que l’hystérique souffre de « réminiscences » de « pensées (qu’elle) se refuse toujours de reconnaître comme siennes » désirs inavouables, souvenirs inassimilables, « pensées inconscientes »(14) toujours en rapport avec la sexualité réprimée, Freud parviendra, en luttant contre leur répugnance, à les faire exprimer ces pensées refoulées. Comme par enchantement, elles se trouveront alors libérées de leurs symptômes…c’est en tout cas ainsi que cela se passait en 1895, quand dans l’enthousiasme de la découverte il publiait les « Studien über Hysterie » où est décrite la première cure analytique.

Le psychanalyste qui assure que « le lit conjugal est, chez les femmes, à l’origine de la plupart des névroses graves »(14), aurait sans doute trouvé dans le cas de Nicole Obry quelques arguments cliniques. Les troubles sont en effet apparus trois mois seulement après que le jeune couple eut commencé « à faire leur petit mesnage a part eulx ». Quant au premier symptôme : « elle sentit sur soy une griefne pesanteur, comme d’une grosse pierre », il n’est pas interdit d’y reconnaître l’affligeante pesanteur d’un conjoint d’autant plus pétrifiant que c’est là son nom.[26]

Ce qui est remarquable dans la découverte freudienne c’est que dans un contexte historique et intellectuel tout à fait différent, elle retrouve la même structure que celle décrite par les démonologues du XVIe siècle. Ce dont Freud lui-même va très vite s’apercevoir : « les névroses de ces temps lointains se présentent sous un vêtement démonologique…la théorie démonologique de ces sombres temps avait raison contre toutes les interprétations somatiques de la période des sciences exactes…pour nous les démons sont des désirs mauvais, réprouvés, découlant d’impulsions repoussées, refoulées.»(13). En effet l’hypothèse de l’inconscient en inscrivant au sein de chacun une « autre scène », un lieu où une puissance étrangère a priori perçue comme menaçante est susceptible d’exercer sur pensées actes et sentiments une influence déterminante, est en effet très proche de la logique de la possession. Avec les réserves d’usage on peut dire que le moderne sujet freudien est possédé par son inconscient comme les démoniaques d’autrefois l’étaient par Beelzebud. Le psychanalyste faisant alors figure d’exorciste ou plus exactement de sorcier en amenant le « possédé » à laisser sa part au diable et avoir une relation plus pacifiée avec un Démon pas toujours aussi aimable que celui de Socrate[27]. Non sans risques néanmoins.

« Flectere si nequeo superos Acheronta movebo » [28] , en plaçant en épigraphe de son œuvre cette allusion aux Enfers, Freud n’ignorait pas les dangers qu’il y a à approcher ces espaces méphitiques où règnent les diables dans la compagnie des femmes : sorcières qui, depuis l’orée des temps minent, Bodin ne le savait que trop, le parady du Souverain Bien tel que nous le promet, une et indivisible, sa République.

La transverbération

C’est pourtant la psychanalyse qui nous permet de déchiffrer un des plus étrange épisode de cette histoire, souvent négligé par les commentateurs et qui au moins autant que la possession diabolique doit retenir notre attention, soit le curieux état dans lequel se trouvait Nicole après sa délivrance. Boulaese avec sa précision et son honnêteté habituelle nous la décrit « comme aux souspirs de la mort (qui) revient a soy approchant de l’eglise…ils la voyoient revenir en belle couleur & devenir rouge & vermeille » plusieurs fois on l’a crue morte mais elle « revenoit de son rapt ecstase ou esvanouissement à la presence & reception de notre seigneur JESUS-CHRIST ». En somme submergée par la présence réelle du Christ dans « l’hôtellerie de son âme » (26), « enthousiasmée », Nicole se trouve à n’en pas douter « transverbérée[29] » comme son exacte contemporaine Thérèse d’Avila.

Elève de Freud, le très faustien docteur Lacan lui-même troublé par la « transverbération » de sainte Thérèse du Bernin exposée à l’église Santa Maria della Vittoria à Rome (1652)a fortement mis l’accent sur ces singulières extases féminines qui ont si peu à voir avec la sexualité et encore moins avec le simulacre. Selon le célèbre psychanalyste, la femme pourrait bien éprouver en cette occasion une jouissance supplémentaire, au-delà du phallus. Les mystiques souvent des femmes « mais il y a des hommes qui sont aussi bien que les femmes » l’éprouvent électivement. Dès lors « pourquoi ne pas interpréter une face de l’Autre, la face Dieu, comme supportée par la jouissance féminine ?»(20).

« Les effets du Diable (sont) impossibles à l’hôme » constatait déjà Boulaese et rapportant les propos d’un chanoine, témoin médusé du drame, il ajoutait : « il n’y a homme au monde qui puisse dire, faire devenir & endurer, ce qu’il avoit Ouy, Veu & Touché en la Femme ». Alors pourquoi ne pas imaginer notre Nicole au terme de son épreuve plongée dans les transports et le ravissement dont parle si magnifiquement, en 1565 précisément, la géniale mystique Castillane? « A moins de l’avoir éprouvé, il est impossible de se faire une idée de l’impétuosité de ces transports…on dirait que le feu se trouvant allumé on nous y jette soudain pour y brûler. Ce n’est pas l’âme non plus qui, par son action, ravive la plaie que lui a faite la privation de son Dieu. Mais voici qu’une flèche vous pénètre jusqu’au plus intime du cœur et des entrailles. L’âme ne sait ni ce qu’elle a ni ce qu’elle veut. Ce qu’elle sait fort bien, c’est qu’elle veut son Dieu, et elle sait bien aussi que le suc où cette flèche a été trempée la porte à s’abhorrer elle même, pour l’amour de son Maître, effectivement c’est de grand cœur qu’elle donnerait sa vie pour lui. Non il n’est pas possible de décrire et d’exprimer de quelle manière l’âme est ainsi blessée par son Dieu, non plus que l’excès de douleur qui l’emporte et lui dérobe en quelque sorte la conscience d’elle même mais cette douleur est si savoureuse qu’elle surpasse tous les plaisirs de la vie. L’âme je le répète, voudrait mourir sans cesse d’un tel mal.»(26).

Nicole parviendra tout de même, nous l’avons vu, lors de son séjour chez le prince de Condé à La Fère à s’arracher aux délices de ce céleste amour, et comme il convient aux fées des contes, rejoindra son Pierret de mari « en leur accoustume mesnage » pour lui donner de beaux enfants issus néanmoins comme nous le suggère in fine, le texte décidément si pénétrant de Boulaese : « de la souveraine grace & misericorde de Dieu ».

Christian Carette

 

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Nicole Aubry ne devait pas être bien différente d’une de ces pieuses jeunes femmes
figurant sur les fresques de l’église Notre Dame de Vervins exécutées entre 1566 et1590.

Bibliographie

  1. Babinski, Joseph. Démenbrement de l’hystérie traditionnelle; Pithiatisme. Paris : La semaine médicale, 1909. [en ligne sur notre site]
  2. Backus, Irena. Le Miracle de Laon. Paris: Librairie philosophique J.Vrin, 1994.
  3. Berti, Daniela. La parole des dieux. Paris: CNRS, 2001.
  4. Blendec, Charles. Cinq histoires admirables… Paris : Guillaume Chaudiére, 1582.
  5. Bodin, Jean. De la demonomanie des sorciers(1580). Paris: Antoine de Harsy, 1587 (4°edition).
  6. —. Les Six livres de la République(1576). Lyon: Jean de Tournes, 1576.
  7. Boulaese, Jean. Manuel de l’admirable victoire du corps de Dieu sur l’Esprit Maling Beelzebub, obtenue à Laon en 1566 . Paris: Denys du Val, 1575.
  8. Calvin, Jean. Institution de la religion chrétienne(1535). Genève: Guers, 1818.
  9. —. Traité des reliques(1543). Paris: Bossard, 1921.
  10. Certeau, Michel de. La possession de Loudun. Paris: Editions Gallimard (folio), 2005.
  11. Didi-Huberman, Georges. Invention de l’hystérie. Paris: Macula, 1982.
  12. Du Bellay, Joachim. Les Regrets. Genéve Paris: Librairies Droz Minard, 1960.
  13. Freud, Sigmund. Une névrose démoniaque au XVIIe siècle(1923). Paris: Editions Gallimard (idées), 1971. [en ligne sur notre site]
  14. Freud, Sigmund, et Joseph Breuer. Etudes sur l’hystérie(1895). Paris: Presses Universitaires de France, 1956.
  15. Houdard, Sophie. Les invasions mystiques. Paris : Les Belles Lettres, 2008.
  16. Jacobsen, Mogens Chrom. Jean Bodin et le dilemme de la philosophie politique moderne. Copenhague: Etudes Romanes, 2000.
  17. Jovet, Jean. Le Triomphe du S. Sacrement sur le Demon. Laon: Rennesson, 1682.
  18. Jurbert, Odile. «Protestants de l’Aisne sous l’Ancien Régime:de la persecution à la renaissance.» Fédération des Sociétés d’Histoire et d’Archéologie de l’Aisne, 2010: 21-143 Tome LV.
  19. La Tourette, Gilles de. Traité clinique et thérapeutique de l’hystérie. Paris: Librairie Plon, 1895.
  20. Lacan, Jacques. Encore; Le seminaire Livre XX. Paris: Editions du Seuil, 1975.
  21. Le Goff, Jacques. La naissance du Purgatoire (1981) in Un Autre Moyen Âge. Paris: Quarto Gallimard, 1999.
  22. L’Estoile, Pierre de. Journal de Henri III(1621). La Haye: Pierre Gosse, 1744.
  23. Nietzsche, Friedrich. Le Gai Savoir(1882). Paris: Editions Gallimard ( idées), 1970.
  24. Postel, Guillaume, et Jean Boulaese. De summopere et Le Miracle de Laon. Genève: Librairie Droz S.A., 1995.
  25. Shakespeare, William. Hamlet Prince of Denmark(1603). London: Chancellor Press, 1982.
  26. Thérèse d’Avila. Livre de la vie(1565) in Oeuvres complètes. Paris: Les Editions du Cerf, 1995.
  27. Thomas d’Aquin. Somme Théologique (1266) III Question LXXV. Paris: Librairie Louis Vivès, 1859.
  28. Wier, Jean. De l’imposture des diables(1567). Paris: Analecte, 1970.

[1] « Pendant que j’escrivais ceste histoire on m’advertit qu’une femme enfanta d’un crapaud près de la ville de Laon. Dequoy la sage femme estonnée et celles qui assistèrent à l’enfantement déposèrent et fut apporté le crapaud au logis du Presvot » Bodin (5) — Bodin est mort en 1596 à Laon.

[2]           « Il n’y a ny Jurisconsulte, ny philosophe politique, qui l’ayt définie » (6). La notion de souveraineté est tellement devenue la caractéristique de l’État qu’elle suffit à le définir, on pense par exemple à l’expression « fonds souverain » : fonds détenu par un État.

[3]           Pour Bodin ce sont les préceptes issus des écritures saintes.

[4]           On a justement résumé cette doctrine comme étant un « volontarisme théologique » (16).

[5]           « Au pays de Valois & de Picardie, il y a une sorte de sorcières qu’ils appellent Coche-mares » Bodin (5).

[6]           Situé sur la montagne St Geneviève à l’emplacement de l’actuel Panthéon cet austère collège a vu passer des élèves aussi prestigieux qu’Érasme ou Calvin avant de devenir un des premiers collèges jésuites.

[7]             ἐν « dans » et θεός « dieu ».

[8]           Henri Bremond 1923

[9]           « En plusieurs procez j’ai trouvé que les malefices estoyent donnez ordinairement le Samedy » Bodin (5).

[10]          On lit dans les archives que le 11juillet 1596 un certain « Nicolas Coulons, frère de Guiot Coulons, de Tyerache s’est présenté au consistoire » pour abjurer le protestantisme (18).

[11]          “It harrows me with fear and wonder” (25).

[12]          « Bahal, c’est-à-dire, Seigneur, d’où est venu Bahalzebus, qui veut dire Maistre mouche, par ce qu’il n’y avoit une mouche en son temple » Bodin (5).

[13]          Saman est un mot de la langue evenki qui signifie « danser, bondir, remuer, s’agiter ».

[14]          « Tous Anges bons & mauvais, ont puissance par leur vertu naturelle, de transmuer nos corps…la Lycanthropie (est) chose tres certaine, véritable & indubitable » Bodin (5).

[15]          « Les Theologiens …sont d’accord, que le Diable transporte les Sorcieres en corps » Bodin (5).

[16]          Tribunal.

[17]          L’affichage le 31 octobre 1517 sur les portes du château de Wittenberg des 95 thèses contre les indulgences, rédigées par Martin Luther, marque, on le sait, le début de la Reforme.

[18]          Les Calvinistes résident à Genève.

[19]          « Par une figure qu’on dit métonymie, le signe emprunte le nom de la vérité qu’il figure » Calvin. « Terme de rhétorique .Figure par laquelle on met un mot à la place d’un autre dont il fait entendre la signification…l’aigle signifie l’Allemagne; c’est le signe pour la chose signifiée… » Littré.

[20]          « La Monarchie Diabolique, avec les noms & surnoms des soixante & douze Princes, & de sept millions, quatre cens mil neuf cents vingts six Diables, sauf l’erreur du calcul » Bodin (5).

[21]          « Tout ainsi que le Createur, Père & generateur, est necessaire pour la creation & generation, aussi est le Corrupteur à la corruption successive en ce monde elementaire » Bodin (5).

[22]          Les curieuses hypothèses cartésiennes sur le Dieu trompeur et le Malin génie (1641) font écho à ces ambiguïtés, le Cogito se trouvant comme la souveraineté de Bodin articulé à la nécessaire innéité de l’idée de Dieu.

[23]          On se souvient des prêtresses « pythiatiques » de Bodin !

[24]          Normalement, lorsqu’on frotte le bord externe de la plante du pied avec une pointe mousse, en allant du talon vers les orteils, le gros orteil se dirige vers la plante du pied (flexion) pendant que la voûte plantaire se creuse. On appelle signe de Babinski le réflexe inverse signe d’une « vraie » lésion de la moelle épinière.

[25]          « Rien du diable, beaucoup de faux, de maladie bien peu » Michel Marescot, Discours véritable sur le faict de Marthe Brossier de Romorantin prétendue démoniaque. Paris ; Mamert Patisson, 1599.

[26]          Comme le veut l’usage Boulaese désigne les épouses par leur nom de jeune fille ainsi jamais il ne parlera d’une Nicole Pierret.

[27]          « Il oyoit une voix, par laquelle il cognoissoit, qu’il ne devoit pas faire ce qu’il vouloit entreprendre » Bodin (5).

[28]          « Si je ne peux fléchir les dieux d’en haut, je saurai mouvoir l’Achéron » Virgile ; Eneide, Chant VII.

[29]          « Lat. transverberare, de trans, à travers, et verberare, frapper » Littré.

 

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