Charles Trepsat. Traitement d’un tiqueur par la psychanalyse. Extrait du « Progrès médical », (Paris), 1922, pp. 182-184.

Charles Trepsat. Traitement d’un tiqueur par la psychanalyse. Extrait du « Progrès médical », (Paris), 1922, pp. 182-184.

 

Charles-Louis Trepsat (1879-1929). Docteur en médecine de la Faculté de Paris en 1905 il exerce toute sa carrière à la maison de santé de Rueil-Malmaison, une polyclinique sélecte et réputée spécialisée dans le traitement des affections du système nerveux et des troubles de la nutrition. De très nombreuses personnalités y séjournent en tant que pensionnaire de maison de repos(Paul Deschanel, Paul Valéry, Georges Feydeau, Pierre Louÿs, Georges Halévy, Maurice Ravel…). Il est une un des tout premiers aliénistes à porter un intérêt à la psychanalyse et à publier sur la question.. Bien avant la guerre découvre les travaux de Freud et utilise dès 1914 certains principes comme la méthode d’association libre sur le rêve.
Quelques travaux :
− Dessins et écrits d’un dément précoce. Article paru dans la revue « L’Encéphale, journal mensuel de neurologie et de psychiatrie », (Paris), septième année, deuxième semestre, 1913, pp. 541-544, 3pl. ht. [en ligne sur notre site]
− (avec Ernest Dupré). La technique de la méthode psychoanalytique dans les états anxieux. Article paru dans la revue « L’Encéphale, journal mensuel de neurologie et de psychiatrie », (Paris), quinzième année, 1920, pp. 169-184. [en ligne sur notre site]
− Du traitement des états anxieux par la méthode psycho-analytique. Article paru dans la revue « L’Encéphale, journal mensuel de neurologie et de psychiatrie », (Paris) quinzième année, 1920, pp. 35-48. [en ligne sur notre site]

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

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Traitement d’un tiqueur par la psychanalyse.

Par Ch. Trepsat.

Jusqu’à ce jour, la littérature médicale française a été bien peu féconde en travaux originaux concernant l’application de la méthode freudique. La récente traduction de « l’Introduction à la psychanalyse » de Freud semble intéresser autant les écrivains et les auteurs dramatiques que les médecins eux-mêmes, et il est à craindre que la littérature romanesque freudique ne prennent bientôt le pas sur la littérature médicale proprement dite.

Ne joue-t-on pas en ce moment, à Paris, un drame intitulé : « Le mangeur de rêve », qui est une simple transposition au théâtre d’une observation clinique ? Et ne publie-t-on pas aussi des tomans comme ceux de M. Estaunié : « La Vie secrète », « l’Appel de la route » dans lesquels se retrouvent, d’une façon plus ou moins explicite, les principes mêmes de la psychologie freudique ?

Il semble cependant qu’il y ait quelque avantage à ne pas laisser aux seuls écrivains l’usage ou même l’abus de celle théorie psychologique si vivante. C’est pourquoi il m’a paru intéressant de reproduire ci-dessous l’observation résumée d’un grand tiqueur radicalement guéri en quelques jours par l’application de la méthode psychanalytique.

OBSERVATION

Il s’agit d’un homme de 27 ans, M. Paul C… ingénieur, à la tête d’une importante Industrie. C’est un homme intelligent, instruit, qui serait le plus heureux du monde si son existence n’était empoisonnée depuis 12 ans par un tic d’une intensité et d’une fréquence remarquables.

Description du tic.—Le 1erfévrier, le malade arrive à la Malmaison, il s’assied dans un fauteuil et commence à me raconter sa triste histoire. Au milieu de la conversation, il s’arrête soudain de parler, les membres supérieur et inférieur droits se contractent en adduction et extension forcée. La moitié droite du corps se porte en quelque sorte en rotation en avant et à gauche. En même temps la tête est tournée à gauche et on constate un mouvement conjugué des globes oculaires du même côté. On croirait voir le début d’une attaque d’épilepsie Bravais-Jacksonienne. Au bout de 4 ou 5 secondes, le spasme cesse brusquement, le malade se détend, pousse un soupir, dit tout haut timidement : « Ah ! c’est fini ». Mais à ce moment les mains sont couvertes de sueur, le facies est vultueux et l’émotion empêche le sujet de reprendre la conversation à l’endroit même où le tic l’a interrompue.

Ce n’est d’ailleurs pas un tiqueur ordinaire, c’est surtout un grand émotif. Quand il est entré dans mon cabinet tout à l’heure, j’ai pu remarquer une certaine raideur de l’attitude et de la démarche, un sourire timide et gêné. Il ne n’est pas assis tranquillement et carrément, mais de biais ; il était embarrassé par son chapeau que j’ai dû lui enlever ; et ce n’est qu’au bout de quelques minutes d’entretien que le ton de sa voix s’est affermi. Le tic décrit plus haut a éclaté juste au moment où le malade me racontait dans quelles circonstance de sa vie il était apparu. Enfin, détail digne de remarque, aux entrevues suivantes, le tic s’est produit quand je frappais à sa porte ou quand j’abordais avec lui quelque point se rapportant à l’époque même où le tic s’est manifesté.

Son histoire est des plus intéressantes, mais beaucoup plus par ce qu’elle laisse deviner que par son contenu lui-même. Sa mère, nous dit le malade, est une nerveuse, irritable, impressionnable ; Paul s’est toujours asses mal entendu avec elle. Le père, mort de cancer, quand le malade avait 15 ans, était un homme calme et pondéré.

A l’époque du décès du père, Paul a eu, dit-il, une « petite » idylle avec une jeune fille de son village qu’il voyait surtout aux vacances. Bien entendu, cette intrigue a été soigneusement cachée aux parents. Pendant 8 ans, toutefois, les jeunes gens [p. 182, colonne 2]

n’ont cessé d’échanger secrètement une correspondance fréquente, nourrie de poésie et de sentiments élevés. Aujourd’hui, le malade ne pense plus à cet amour platonique. Il est marié, père d’une fillette de trois ans, il est très heureux.

On ne saurait se dispenser de remarquer cependant que c’est à l’époque où il a aimé cette jeune fille, à 15 ans, qu’il a été pris de phénomènes spasmodiques de la main droite. Quand il prenait son cours au lycée, il était tout à coup obligé de s’arrêter d’écrire pendant quelques secondes. Peu à peu le tic s’est généralisé, a intéressé les muscles du bras et de l’épaule, puis atteint la jambe droite, si bien que deux ans après son apparition, il s’est constitué tel que nous le voyons aujourd’hui.

Les médecins du lycée ont considéré Paul comme un hystérique. A 18 ans il est venu à Paris consulter le docteur Babinski qui lui a appris qu’il était atteint de tic. Ces derniers temps, il a dû se livrer à un travail plus intense, a fait des abus de café, et il a pris l’habitude d’absorber 3 à 4 grammes de chloral par jour. Certains jours il n’a qu’une ou deux crises. D’autres fois,

il en a toutes les demi-heures. Lorsqu’il est très occupé il n’a pas de tic. C’est dans les jours où il se livre à un travail de réflexion, ou les jours de congé, que le tic est le plus marqué. Il l’a plus souvent devant son directeur ou sa femme que devant ses ouvriers. Il peut « courir » à son travail, mais il est incapable de se promener, de donner le bras à quelqu’un. Quand le tic le surprend dans la position debout il s’approche d’un meuble ou de la muraille. A bicyclette il est obligé de descendre de machine. Il n’est jamais tombé, ne s’est jamais fait mal au cours des accès.

Quand je lui donne un ordre brusque : se lever, tendre Ia main, ramasser par terre un objet, il présente un léger spasme du membre qui entre en action et un arrêt d’une demi à une seconde.

Si je lui ordonne de reproduire la contraction spasmodique et de simuler le tic, il se livre à un exercice hésitant qui ne ressemble en rien au tic lui-même. Au premier essai dans ce sens c’est tout le côté gauche qu’il a contracté, au lieu du côté droit.

Tel est notre malade. Fallait-il se contenter de le déshabituer de son usage du chloral et lui faire un traitement calmant hydrothérapique ? On bien, allant plus loin, devait-on rééduquer, comme on dit, sa volonté, lui donner des leçons d’énergie, le soumettre à la discipline psycho-motrice et compter sur les bienfaits de l’isolement dans une maison de santé pour lui assurer une amélioration notable, mais uns doute momentanée ? J’ai pensé qu’il valait mieux essayer d’aller au fond des choses, et rechercher avec le malade l’origine vraie du phénomène spasmodique.

Je n’ai pas dit à Paul qu’on allait lui appliquer la méthode de Freud qu’il ignore complètement, et, je ne lui ai point recommandé de rechercher dans la mémoire de son propre passé, jusque dans sa petite enfance, tous les chocs traumatiques et tous les souvenirs d’ordre sexuels plus ou moins refoulés dans son inconscient. Je lui ai recommandé simplement de me dire au matin les rêves de la nuit ; et entre temps, j’ai appliqué la méthode préliminaire de Yung sur les associations spontanées (1). Voici quelques associations à complexe sentimental qui ont commencé à éclairer notre route :

Le mot, « gêne » a amené, après 60 cinquièmes de seconde et une forte émotion, les mots « contrée, pays ». Le mot « ennemi », a donné « non » ; « triste » —« pourquoi » ; « jaunisse » — « ça me déroute » ; « caprice » — « qui ? » —puis à « la reproduction », « fou » ; « mouche » « verte ».

Les explications fournies par Je malade au sujet de ces réactions inattendues et anormales sont les suivantes : « gêne —contrée » : il s’agit dit-il, de mon pays natal où j’ai vécu, au fond, très malheureux à cause de ma timidité naturelle,… « ennemi »—« non » ; je ne me connais pas d’ennemis, et pourtant j’ai toujours craint la calomnie, la méchanceté humaine ou divine, je ne sais pas. Je ne suis pas religieux…  « triste » —« pourquoi ? » : c’est peut-être mon tic qui me rend triste ; et pourtant ce n’est pas mon tic seulement ; au fait, [p. 183, colonne 1] pourquoi me suis-je toujours senti si triste, surtout depuis l’âge de l5 ans… « jaunisse » —ça me déroute » ; ce n’est pas le mot jaunisse qui me déroute j’ai pensé à une figure fatiguée, fripée, à quelqu’un qui fait la noce… « caprice —qui ? » vous m’avez fait penser à Anna, mon amourette de jeune homme. Elle était capricieuse et j’en ai souffert longtemps. Oh oui, j’en ai souffert ; « mouche —verte », il s’agit de ma passion, qui est la pêche à la ligne ; je regrette d’ailleurs encore plus la chasse. Mon père était grand chasseur. Son fusil a été donné après la mort de mon père, le 3 juillet, à M. D… C’est ma mère qui l’a donné pour que je ne chasse plus. Elle n’aimait pas davantage que j’aille à la pêche d’ailleurs. Tout l’énerve ma mère : quand je devais me lever à 3 heures du matin pour aller à la pèche, elle ne dormait pas de la nuit et me le reprochait ensuite amèrement.

Lorsqu’on est un peu habitué aux recherches psychanalytiques, ces renseignements sont déjà très intéressants. Paul n’a fait qu’effleurer dans ses explications des sujets fort pénibles pour lui : son village ou il craignait la calomnie et se sentait si triste, si timide, hante souvent ses rêveries on peut en être convaincu, et il a dû y souffrir des drames intimes ,violents. Le souvenir d’Anna est loin d’être effacé, et il doit être associé à d’autres souvenirs d’un ordre particulier pour rester aujourd’hui aussi vivace. Enfin la mère de Paul, en bonne névropathe, a uns doute élevé son fils d’une façon à la foi très tendre et très sévère.

Voyon à présent quelques rêves : je n’en reproduis que deux à titre d’exemple :

1e Rêve du 12 février : « C’est pendant la guerre, je suis en Italie dans une famille… on fume la pipe… il n’y a qu’une seule pipe qui fait le tour de la famille… Fumer la pipe d’un autre ç’est dégoûtant. »

Associations libres sur le rêve : L’Italie… dans une ferme… la pipe c’est dégoutant… Quand je me suis fiancé je suis rentré par Venise… air d’opérette, d’opéra comique … la Traviata, Faust, Mireille… on connait trop de monde à Angers… tout le temps des coups de chapeau… vive le petit village… Nos deux jardins se touchaient… bien des gens nous mariaient… drôle de maison… la campagne… Anna… elle est partie, elle était riche, le dimanche j’attendais la fin des vêpres ; elle ne m’a pas attendu, elle est mariée, elle est heureuse … (larmes).

2e Le 1er mars le malade me demande de venir le voir d’urgence, Je le trouve très agité, mais content, sa figure rayonne, mon arrivée n’a pu provoquer le tic comme chaque jour au moment où j’ouvrais la porte.

« Voici, me dit-il, vous allez être bien étonné. mais peut-être pas autant que moi. Enfin, j’ai fait un drôle de rêve cette nuit qui a tout déclenché.

« J’ai rêvé que j’aimais la caissière de maman, celle qu’elle avait lorsque j’étais enfant, et que je caressais l’espoir de l’épouser. Je venais de pêcher la carpe et je rentrais chez nous… Il faisait presque nuit… Je l’ai embrassée sans trop savoir comment m’y prendre, c’était la première fois… mais nous avons eu peur que maman ne nous voie… elle noua a vus !…

« Je me suis réveillé avec angoisse et n’ai pu réussir à retrouver le sommeil tant ce rêve m’obsédait ; je me suis même trouvé mal à l’aise. Je me suis levé, et comme je ne pouvais vous voir tout de suite, j’ai fondu en larmes comme un entant. Pour me détendre, j’ai noté sur une feuille de papier ce qui m’étreint le cœur. »

Le malade se cache le visage à plusieurs reprises au cours de ce préambule, et de grosses larmes coulent sur ses joues. La petite confession, sans doute très banale pour le médecin, est bien dure pour lui. Il cherche son papier « qu’il a mis dans sa poche » mais ne le trouve pas. Au bout de quelques minutes, le précieux document est enfin découvert dans un portefeuille caché sous le traversin. Parlant des actes manqués, Freud dirait que le malade avait un secret désir que cette confession ne soit jamais faite.

Voici la copie exacte de la page qu’il m’a enfin remise :

« Châtiment ! … pour deux motifs :

1e« J’avais 6 ans, peut-être moins. une petite fille un peu plus [p. 183, colonne 2] grande que moi m’apprit l’acte lui-même… et dire que nous l’avons essayé plusieurs fois ensemble, heureusement sans réussir, naturellement.

« Quand je la rencontrais ensuite, il me semblait que tout le monde allait lire ma honte sur ma figure, et elle ?… elle ne bronchait pas.

2e « L’onanisme… est-ce certain que je n’ai pas frisé « l’habitude » au moins pendant une courte période… je ne sais plu bien exactement. En tous cas dès que j’ai aimé Anna, j’ai voulu cessé complètement… et j’ai cessé longtemps… mais pas toujours… c’était une preuve pour moi que je l’aimais… pourquoi est-on formé si tôt ?…

Ces deux taches-là sont et restent indélébiles. J’ai été très bon élève au lycée et ailleurs ; j’ai toujours élevé mon esprit vers de nobles idées, mais quand ma pensée se pose sur ces souvenirs, quelle honte… et j’ai une femme et surtout une petite fille !…

« A toi, papa, aurais-je osé avouer ?… non sans doute ; et pourtant tu m’aurais aidé à supporter ce fardeau !… je ne veux pas y penser ».

Pendant que je lis, Paul pleure avec abondance, puit se met à parler vite pour tromper son émotion : « Vous allez me mépriser ; vous n’oserez plus me serrer la main ». Mais il se rassure peu à peu et veut bien admettre finalement qu’il a toute sa vie exagéré la gravité de ce faits. Il est cependant bien loin d’être convaincu.

Toute sa vie, il a porté en lui-même l’idée du châtiment, et il a vécu dans les transes. Pour éviter le « châtiment »  il prenait souvent des procédés de conjuration, répétait par exemple un nombre de fois déterminé tel geste, tel chiffre, tel nombre de jours, à la manière des obsédés ordinaires.

La pensée d’ Anna s’impose encore aujourd’hui tellement à son esprit qu’il se répète en lui-même constamment un vers très quelconque d’un poème qu’il lui avait dédié : « Je n’en retrouve plus l’ardente poésie ». Et cette réminiscence s’accompagne toujours du souvenir très précis du village où ils ont vécu ensemble, des prairies, du ruisseau, des genêts et des odeurs de la campagne.

Son idylle avec Anna n’a cessé d’être troublée par la crainte que celle-ci n’apprenne l’incident malheureux de l’âge de 6 ans, d’autant plus que les deux enfants avaient été aperçus une fois par un petit garçon (le malade se le rappelle aujourd’hui seulement). Mais sa plus grande crainte était qu’Anna ne soit mise au courant des habitudes d’onanisme.

A ce moment, le malade se trouble davantage. Il ne peut presque plus parler : « Mon Dieu, gémit-il, que de chose a à vous raconter, encore. J’ai un phimosis qui m’a tourmenté toute ma jeunesse, car je ne me croyais pas bâti comme les autres, j’appelais cela moi-même ma maladie, et j’ai cru que c’était le châtiment de mon incident de l’âge de 6 ans, aggravé par mes habitudes d’onanisme. Je n’ai été rassuré à cet égard qu’a l’âge de 18 ans, quand un médecin m’a dit que c’était une simple anomalie fréquente et anodine.

A présent, je peux vous raconter mon histoire avec plus de précision ,que je ne l’ai fait jusqu’à présent : c’est curieux, les dates se placent dans ma mémoire avec une extrême facilité. Tout était trouble et tout s’éclaircit :

« A 15 ans je fais la connaissance d’Anna. Je reste inquiet pendant un an à cause des craintes qui m’assaillent qu’elle n’apprenne tout mon passé sexuel. Ce n’est qu’à 16 ans qu’apparait le tic, un an après le début de mon idylle, la semaine avant Pâques, un matin à 11 heures, pendant un cours de mathématiques ;  j’étais distrait, je pensais à Anna, à notre prochaine entrevue, et je tremblais à l’idée du châtiment qui m’attendait.

« Mon père est mort, non quand j’avais 15 ans, mais 16 ans, quelques semaines après l’apparition du tic. Et j’ai considéré cette mort comme un effondrement de toute ma vie, la fin de mes espérances de rénovation et de rachat vis-à-vis de ma conscience. C’était encore un châtiment ».

Dans les semaines qui ont suivi le rêve du 1ermars, le rôle du médecin bien simplifié a consisté à remettre au point toutes choses. Paul a tenu à tout raconter à sa femme, qui a considéré ces faits comme de purs enfantillages sans conséquence et a paru heureusement très étonnée que son mari, qu’elle juge [p. 185, colonne 1] intelligent, se soit tant tourmenté pour des motifs aussi futiles. Tout est donc en ordre, et le malade pour la première fois depuis 12 ans va et vient sans appréhension, se distrait sans arrière-pensée, perd peu à peu sa timidité. Il lui reste seulement, au moment où il entre chez lui, une certaine raideur dans la démarche.

Cette observation est intéressante surtout au point de vue pratique : 1° il convient d’abord, quand on traite les tiqueurs de rechercher si on le peut l’origine du tic, non pas seulement l’incident fortuit et sans intérêt véritable qui l’a fait naître : poussière dans l’œil, douleur, démangeaison, crampe, etc., mais le complexe sentimental qui s’y est accroché et qui a été pour le malade, au début tout au moins, le refuge, l’échappatoire du problème insoluble posé devant sa conscience troublée. Le tic est toujours à son début l’indice d’un refoulement psychique.

2° Le tiqueur est en règle générale un déséquilibré moteur, un spasmodique de la musculature striée : partant de là, un débile de la volonté consciente. Mais il faut aussi rechercher chez lui les autres déséquilibres : vaso-moteurs et sécrétoires si fréquents, indices d’un déséquilibre de l’émotivité ; il faut donc rééduquer non seulement sa volonté, mais surtout son émotivité.

3° Pour atteindre ce but, les procédés de la psychanalyse paraissent souvent les plus commodes à employer. Mais comme je l’ai dit au début de ce travail, je suis bien près de regretter la diffusion actuelle donnée à ces principes est à ces méthodes. J’estime qu’en présence d’un malade (tout au moins d’un français ou d’un italien) il faut « faire la psychanalyse » sans crier sur les toits, sans le dire au patient lui-même ; l’employer quelquefois et n’en parler jamais.

Note

(1) E. DUPRÉ et C. TREPSAT. —La technique de la méthode psychanalytique dans les états nerveux. L’Encéphale, Mars 1920.

 

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