Charles Marc. De la monomanie religieuse et de la démonomanie. Extrait de : De la folie, considérée dans ses rapports avec les questions médico-judiciaires. 1840.

marcdemonomanie0001Charles Marc. De la monomanie religieuse et de la démonomanie. Tome II. Chapitre XII. Extrait de : De la folie, considérée dans ses rapports avec les questions médico-judiciaires. Paris, J.-B. Baillière, 1840. 2 vol. in-8°, (XXIII p., 560 p.). + (2 ffnch., 738 p.).

En qualité d’expert auprès des tribunaux, Marc se fit connaître comme spécialiste des monomanies, concept qu’il avait emprunté à Jean-Étienne Esquirol et qu’il continua à développer, en décrivant les symptômes de différentes formes d’obsessions. On lui doit également d’avoir précisé les concepts de « kleptomanie » et de « pyromanie ». Il contribua longtemps aux Annales d’hygiène publique et de médecine légale.

Charles-Chrétien-Henri Marc (1771-1840). Médecin français, né à Amsterdam le 4 novembre 1771, mort à Paris le 12 janvier 1841. Il a fait ses études, enfant à Schepfenthal, en Saxe, plus tard à Erlangen, en Bavière en 1792, et a pratiqué à, Bamberg et en Bohême. En 1795, il arrive à Paris, où, il se fixe à la mort de son père en 1798. Il fonde, en 1797, avec Cabanis et Pinel, la Société médicale d’émulation. Dès 1829 il participe avec Esquirol à la rédaction des Annales d’hygiène publique et de médecine légale. La parution du traité dont nous avons extrait le chapitre si dessous, fut une étape décisive dans l’histoire de la médecine légale en s’imposant dorénavant dans le système judiciaire.
Avec Fourcroy, Cabanis, Desgenettes, et d’autres Vienne, il a fondé la Société Médicale d’émulation. Depuis plusieurs années, il a eu un dur combat, mais en 1811 son poste était devenu sécurisé; ses livres lui ont valu la célébrité, et il est devenu un membre du Conseil de la Santé (1816) et de l’Académie de médecine (peu de temps après sa fondation, en 1820). En 1829, avec Esquirol, Parent-Duchâtelet, Orfila, et d’autres, il a fondé le « Annales d’Hygiène Publique et de Médecine Légale, » à laquelle il a écrit l’introduction. Après la Révolution de Juillet 1830, il est devenu le premier médecin de Louis Philippe. Il a embrassé le christianisme.

[p. 222]

CHAPITRE XII.

De la monomanie religieuse et de la démonomanie.

Quoique le sujet dont je vais m’occuper fournisse matière à d’amples développements de haute philosophie, quoiqu’il abonde en faits d’un immense intérêt, non-seulement pour l’histoire des vicissitudes de la civilisation, mais encore pour celle de l’intellect humain et de ses aberrations, je me propose de ne l’examiner que sous le rapport des généralités, ainsi que des détails qui touchent de plus près le but auquel je désire d’atteindre dans cet ouvrage.

Si, en effet, il entrait dans mon plan de composer un traité complet de l’aliénation mentale, je serais obligé de donner une grande étendue au développement du sujet en face duquel je me trouve. Mais on n’oubliera pas que je me suis engagé à n’envisager les lésions de l’entendement que dans leur seul rapport avec les questions médico-judiciaires, et que je n’aurai par conséquent à parler de la monomanie religieuse, que dans l’intention d’en apprécier la réalité, afin qu’on ne la confonde pas avec les manœuvres – de la simulation, et d’en examiner les actes sous le point de vue de l’état où, [p. 223] pendant leur exécution, se trouve la liberté morale.

Ce travail n’offrira pas de bien grandes difficultés ; car la monomanie religieuse étant constamment une monomanie raisonnante, elle se caractérise toujours par des manifestations qui la rendent évidente, et n’admet de doute que dans les cas seulement, où elle serait feinte et n’aurait servi qu’a l’exécution de projets frauduleux, et plus ou moins criminels.

La monomanie religieuse consiste en un délire résultant, soit exclusivement soit en grande partie d’idées religieuses fausses ou exaltées, qui germent dans l’esprit de ceux qui en sont atteintes, et varient à l’infini, selon les dogmes que chacun d’eux professe, des interprétations qu’ils leur donnent, et des conséquences qu’ils en tirent. En parlant des dangers de perdre la raison, M. Esquirol (1) ajoute : Le danger est bien plus grand, bien plus imminent si l’attention se concentre sur les idées religieuses. Quand le fanatisme est la cause de tous ces désordres, la lypémanie religieuse éclate avec tous ses travers et tous ses excès c’est ce qu’on a vu chez les brahmines, les faquins, dans l’Inde, chez les méthodistes, en Angleterre, chez les martinistes en Allemagne. M. Esquirol aurait pu grossir considérablement la liste de ces exemples car chaque religion, chaque secte a fourni les siens. [p. 224]

Il est extrêmement rare que la monomanie religieuse se rattachent des idées gaies expansives moins qu’elles ne dépendent d’hallucinations ou d’illusions agréables. Dans ces cas, il arrive parfois que l’érotomanie, et même l’aidoiomanie, compliquent les idées religieuses, circonstance qui en général, est moins fréquente parmi les protestants que parmi les catholiques, chez lesquels, entre autres causes, soit dit en passant, la contemplation des peintures sacrées semble avoir exercé quelque influence sur cette complication.

(Obs. 108.) J’ai connu une demoiselle, âgée d’environ vingt ans, que l’abandon de son amant avait plongée dans une profonde tristesse. Elle chercha des consolations dans ses principes religieux mais bientôt ils s’exaltèrent au point de troubler sa raison, et de donner lieu a des hallucinations érotiques, pendant lesquelles elle croyait entendre et voir son amant qui avait obtenu du ciel la permission de passer les nuits avec elle aussi était-elle gaie et heureuse. On conçoit cependant que l’érotomanie dut bientôt passer à l’état d’utéromanie, et que dès lors son amant n’était plus l’objet exclusif de ses désirs. Cependant le temps, et l’application, sagement combinée, de moyens hygiéniques et thérapeutiques, terminèrent favorablement cette situation.

Toutefois, les idées graves et tristes sont, il beaucoup près, le plus souvent, les compagnes de [p. 225] la monomanie religieuse, qui, alors, prend tous les caractères d’une véritable mélancolie ou lypémanie. A cette lypémanie se rattachent ordinairement des craintes de la damnation chez le catholique des idées de mysticité et de prescience chez le protestant. Je l’ai déjà dit ailleurs, chap. V, p, 305, le catholique devient fou parce qu’il se croit damné : le protestant, parce qu’il se croit prophète.

Il n’est peut-être pas de forme de l’aliénation mentale, où les hallucinations et les illusions, celles surtout des sens de l’ouïe et de la vue, jouent un plus grand rôle, ou elles contribuent autant à nourrir et à exalter les conceptions du délire, que dans la monomanie religieuse. C’est surtout a cette fâcheuse influence qu’il faut, selon moi, attribuer la conversion si fréquente de cette monomanie eu un délire maniaque, général, et en une démence, particulièrement lorsque ces erreurs sensoriales produisent l’apparition de démons persécuteurs. Alors on donne aussi à la monomanie religieuse le nom de démonomanie dont la meilleure description est, sans contredit, celle que nous devons à M. Esquirol (2). C’est encore là l’origine des obsessions dans toutes les croyances religieuses. Oreste, se croyant poursuivi par les Euménides était un possédé. Les possédés, chez les peuples orientaux, sont [p. 226] très-communs. Les obsessions, si fréquentes au temps de la réforme de Luther et de Calvin, dont le premier, traduisant la Bible dans le château de Wartebourg crut lui-même apercevoir lé diable qui voulait l’empêcher de la traduire, et lui jeta l’encrier à la tête, partaient de la même source. Heureux encore les pays où ces infirmités de la raison humaine ne firent pas dresser des échafauds et allumer des bûchers, sur lesquels périrent tant de démonomaniaques qu’on prenait alors pour des sorciers voués au malin esprit !

marcdemonomanie0003

Le Diable noir, qui n’a rien d’humain avec ses ailes de chauve-souris, ses griffes,
ses petits yeux, entraîne sa victime vers les bas fonds.

Ce fut encore de ces hallucinations que naquirent tant de religions, tant de sectes religieuses, dont les chefs étaient véritablement des monomaniaques visionnaires, lorsqu’ils n’étaient pas des fourbes. J’engage à consulter sur ce sujet ce qui en a été dit dans le chapitre III (pag. 176 et suiv.).

Aussi n’est-il pas de monomanie plus aisément transmissible par imitation, qui devienne plus facilement épidémique, que la monomanie religieuse : je reviendrai sur ce sujet, lorsque je traiterai de la transmission, par imitation, de l’aliénation mentale. Les exemples de crimes monstrueux devenus la conséquence de la monomanie religieuse ne salissent malheureusement que trop souvent les pages de l’histoire humaine. Le meurtre, le suicide, l’adultère, l’incendie, les cruautés les plus atroces, les plus contraires aux sentiments affectifs, n’ont eu fréquemment d’autre origine. Si je voulais produire ici des faits à l’appui de cette assertion, il faudrait [p. 227] les multiplier, en raison, même de la diversité des motifs que l’égarement de la raison peut suggérer. Or, cette entreprise serait sans bornes et n’aurait pas de but utile, puisqu’il n’est aucun de mes lecteurs qui n’en connaissent des exemples, que j’en ai déjà cité plusieurs, et que j’aurai encore l’occasion d’en exposer d’autres.

C’est surtout dans la mélancolie religieuse, qu’elle soit contemplative ou, accompagnée des terreurs de la démonomanie, qu’on remarque les aberrations les plus extraordinaires de la sensibilité percevante, et où se manifeste particulièrement une insensibilité, plus ou moins complète, aux impressions extérieures, même les plus douloureuses, surtout pendant l’exaltation du paroxysme, de l’extase ou des visions. On en trouvera un exemple fort remarquable dans l’histoire du crucifiement de Mathieu Lovat (obs. 61 chap. V, p. 348). Un autre, non moins instructif, a été observé par M. Esquirol (3). Cet exemple mérite d’autant mieux d’être placé dans cet ouvrage, qu’il offre un tableau frappant, en quelque sorte un type. de démonomanie et des phénomènes les plus essentiels qui caractérisent cette affection mentale.

(Obs. 109. H… âgée de cinquante-et-un ans, marchande foraine, n’ayant été menstruée qu’à l’âge de vingt-quatre ans, sujette, à la céphalalgie [p. 228] aux coliques, est mère de trois enfants. Pendant sa dernière grossesse, à l’âge de trente-six ans, elle lisait l’Apocalypse et des livres de revenants et de sorciers ; souvent elle était effrayée de ces lectures ; sa dernière couche fut laborieuse, et après elle eut plusieurs syncopes ; de temps en temps, elle croyait voir des flammes. A l’âge de trente-sept ans, elle emprunte de l’argent pour obliger un parent le créancier l’inquiète, la menace ; tourmentée par cette dette, et se promenant dans le jardin de sa maison, le diable lui apparaît, lui propose de signer un papier avec du sang tiré du petit doigt de la main gauche, et lui promet la somme d’argent quelle doit. Après bien des débats, H…. écrit sa renonciation à Dieu, et son dévouement au diable ; aussitôt la terre tremble sous ses pieds et autour d’elle, sa maison est entourée par un tourbillon qui l’ébranle et brise les toits. Dans cet instant, le malin esprit disparaît, emportant son corps, et n’en laisse que le simulacre ; toutes ses voisines ont été les témoins effrayés de ces phénomènes. Son corps étant au diable, son image est tentée de se jeter dans l’eau, de s’étrangler ; le diable l’excite à divers crimes ; se sentant dévorée pas les feux de l’enfer, elle s’est jetée dans une mare, et brûle davantage depuis ; elle n’a point de sang, elle est absolument insensible ; je traversai la peau de son bras avec une épingle sans qu’elle parût éprouver de la douleur. « Je resterai, dit-elle, éternellement sur la terre, [p. 229] jusqu’à ce que des hommes aient trouvé le moyen de contraindre le diable à reporter sur la terre mon corps créé. Tout ce que je dis m’a été enseigné par le corps qui n’est plus, et qui, avant mon malheur, était sur terre. »

Cette femme est très-maigre, sa peau très-brune, hâlée ; le chagrin et le désespoir sont peints sur sa physionomie, sa face est ridée, contractée ; elle se promène paisiblement en tricotant, elle évite ses compagnes ; ne se croit point malade, et gémit sur son état misérable, que rien ne saurait changer. Elle est tranquille, supporte la contrariété, et a un grand désir de se guérir. En flattant cet espoir, elle a consenti à se faire magnétiser quatre fois, sans éprouver les moindres effèts du magnétisme. Dans l’espérance que son portrait serait porté à M. l’archevêque, elle s’est très-bien posée pour se faire dessiner. Ce serait ici, ou plutôt lorsque j’arriverai à la monomanie par imitation, l’occasion de parler des lycanthropies, des choréomanes, des convulsionnaires, etc. ; mais je me réserve d’examiner ces névroses dans l’ouvrage qui suivra celui-ci.

L’amour du merveilleux, la crédulité et la superstition ont singulièrement favorisé la monomanie religieuse ; et les hallucinations, les illusions qui l’accompagnent, presque toujours, ayant été prises pour des réalités, sont devenues les principales sources de préjugés les plus extravagants. Les croyances aux démons, aux revenants, aux vampires, aux [p. 230] métamorphoses d’hommes en animaux, etc., naquirent d’erreurs sensoriales des monomaniaques, se répandirent par tradition, avec une déplorable facilité, et se maintinrent à travers les siècles, parmi les classes ignorantes, jusqu’à l’époque où nous vivons. Toutefois, s’il me paraît vraisemblable que de pareilles erreurs aient dû leur première origine aux hallucinations de la monomanie religieuse, il est permis aussi de penser qu’elles ont dû à leur tour exercer une grande influence sur le développement de cette dernière. Il y a eu ici, et il y a encore une réciprocité d’action entre la cause et les effets, et cette réciprocité a formé un cercle vicieux.

Mais de toutes ces croyances absurdes, celle qui admet le pouvoir de la magie est, sans contredit, la plus générale et la plus enracinée, -puisque chaque année fournit des exemples- de sévices, de cruautés, et même de meurtres commis .par des gens de la plus grossière ignorance, sur de prétendus sorciers ou sorcières, qu’ils regardent comme les auteurs des maux et des infortunes qui leur arrivent. Mais, plus souvent encore, ils deviennent les dupes de fripons qui, au moyen d’un pouvoir surnaturel qu’ils s’arrogent, leur promettent de guérir leurs maladies et celles de leurs bestiaux, de leur faire découvrir des trésors cachés, des objets volés, de maîtriser le sort, lors du tirage pour le service militaire, etc., etc.

Pour juger de la fréquence de pareils méfaits, il suffira de consulter les feuilles publiques et particulièrement [p. 231] la Gazette des Tribunaux. On trouvera, en même temps, qu’ils ont, le plus souvent, lieu dans les campagnes éloignées des villes, et parmi les populations les plus abruties par le fanatisme et l’ignorance.

Je ne reproduirai ici aucun de ces exemples nombreux, qui tous se ressemblent plus ou moins. Je me bornerai seulement à en exposer un seul dans tous ses détails, parce qu’il est piquant, tout à fait insolite, et qu’il prouve jusqu’où peuvent aller la crédulité et la superstition, puisqu’elles sont capables de faire taire un des sentiments les plus vifs, les plus passionnés chez l’homme social, celui de la possession exclusive de la personne à laquelle l’attachent les liens du mariage. Il confirme, d’ailleurs, ce que j’ai dit plus haut de la direction ordinairement différente des idées religieuses, lorsqu’elles troublent la raison d’un protestant ou celle d’un catholique. Ce fait enfin est intéressant sous le rapport de l’incertitude qui a régné sur la véritable situation mentale de l’individu qui y a joué un des trois principaux rôles. Il se trouve consigné dans l’ouvrage Eisenhart : Erzühlungen, etc., cest-à-dire, Relation de procès remarquables, et a été aussi rapporté par Müller (4).

(Obs. 110.) Deux époux. Elevés, dès leur enfance, dans la superstition, et sacrifiant tout aux idées qui [p. 232] avaient dû naître d’une semblable éducation, accueillirent, par compassion, un voyageur qui ne devait séjourner que quelques jours dans l’endroit qu’ils habitaient. Cet étranger ne s’était pas occupé de sciences, et ne pouvait être compté parmi les savants ; il possédait néanmoins quelques connaissances en théologie, qu’il avait puisées dans les œuvres de célèbres théologiens, et savait la Bible presqu’en entier par cœur. Comme les deux époux avaient l’habitude de lire chaque soir un chapitre de l’Ecriture-Sainte, et de le commenter, selon ce que leur imagination leur suggérait, l’étranger en prit occasion de devenir leur instituteur. Souvent, au milieu de ses discours, il tombait brusquement à terre et semblait être frappé d’une raideur générale ; mais bientôt après, il se relevait brusquement et assurait avoir eu des inspirations divines que, pendant son extase, Dieu lui envoyait. Il continuait ensuite son sermon et indiquait celles des révélations que Dieu lui avait permis de faire connaître à ses hôtes. Il poussait en outre des cris la nuit, pendant qu’il était dans sa chambre à coucher, ou y faisait un vacarme tel, que ces bonnes gens passèrent plus d’une nuit sans dormir. On voulut savoir la cause de ce tapage, et il assura avoir été tourmenté par des spectres, que le démon, contrarié par ses prières, déchaînait contre lui. Une autre fois, on l’entendit pendant toute la nuit, prier et chanter à haute voix, disant, le lendemain, qu’il avait vu trois fois le bon Dieu, deux anges [p. 233] et le diable au milieu d’une lumière. Le malin esprit avait voulu, à deux reprises, le précipiter au fond de l’abîme infernal ; mais, sur l’ordre divin, les deux anges s’y étaient opposés. Sur ce, Dieu lui aurait révélé qu’il le destinait à être son apôtre et son prophète chargé de faire des miracles et autres choses extraordinaires devant les hommes, afin que ceux-ci eussent a se convertir et à faire pénitence, attendu que la fin du monde approchait. Ce lunatique dépravé finit par devenir amoureux de la femme de son bienfaiteur, et comme jusque-là elle avait été stérile, il profita de cette circonstance pour exécuter son dessein immoral, qui était de se substituer à l’époux débonnaire. A cet effet, il resta pendant une journée seul dans sa chambre, occupé à prier et à chanter des cantiques. Sur sa demande, on lui avait envoyé à manger dans cette chambre, et la servante chargée de lui apporter des vivres, l’y trouva à genoux, récitant des prières. Vers le soir il arrive, ayant la mine d’un inspiré, tenant une bible la main, dans la pièce qu’occupait son hôte. Celui-ci et sa femme lui font, comme à l’ordinaire, un bon accueil. Après avoir observé pendant quelque temps un silence absolu, et n’avoir répondu à aucune des questions qui lui sont adressées, il rompt à la fin ce silence, s’avance à pas précipités sur l’épouse de son ami et l’accoste avec ces paroles d’Isaac à Jacob : Que Dieu tout-puissant te bénisse et te rende féconde. Il s’adresse ensuite au mari et lui raconte [p. 234] que, la nuit dernière, Dieu s’est derechef fait voir à lui pour lui ordonner d’aviver la vertu prolifique de son hôte ; que lui, l’étranger, est le prophète du Tout-Puissant ; qu’en cette qualité, il exige toujours d’après l’ordre divin, que lui, mari, lui livre sa femme, et qu’en cas de refus de part ou d’autre, les époux périront de mort subite, devant lui prophète, ainsi que périrent Ananias et sa femme Saphira.

marcdemonomanie0002

Saint-Mathurin exorcise Théodora – Eglise Saint Martin à Nonancourt (Eure – France).

Ces prétendues visions avaient tellement ensorcelé le pauvre mari qu’il prit l’étranger réellement pour ce qu’il se disait être, écouta non-seulement avec calme l’allocution jusqu’à la fin, mais donna tout de suite son consentement, renonça par écrit à tous ses droits conjugaux, et livra aussitôt sa femme à l’amant inspiré. Celle-ci, toutefois, ne montra pas tout à fait la même résignation ; elle refusa d’abord, très-positivement, de consentir aux désirs du fanatique, en déclarant que sa conscience lui reprocherait a jamais un péché si énorme, et quelle aimait mieux mourir que de le commettre. Mais cette résistance de sa part ne servit à rien : le regard sombre et la voix tonnante du fanatique ajoutèrent à l’énergie de ses paroles et fléchirent le cœur de la jeune femme, que la conduite de son mari détermina d’ailleurs à faire consentir. Le faux prophète la prit aussitôt par la main et la conduisait dans la chambre qu’il occupait. Le mari les suivit, tenant d’une main une chandelle et de l’autre un réchaud allumée. Dès que ces [p. 235] trois personnes furent entrées dans la pièce occupée par le prophète, celui-ci posa au milieu de cette pièce une table sur laquelle il avait mis une bible, se plaça ensuite genoux devant la table et fit agenouiller les époux derrière lui. Il fait des prières à haute voix, se lève et leur ordonne d’en faire autant. A cette première cérémonie succède une seconde. ll embrasse son hôtesse en lui disant qu’il lui donne le baiser céleste, débite des propos extravagants et récite des formules de prières inintelligibles. Les époux sont obligés de se mettre de nouveau à genoux, mais cette fois en face de lui. Il leur donne sa bénédiction et fait le signe de la croix au-dessus de leurs têtes, prend ensuite le réchaud, y jette une poignée de baies de genièvre et le porte dans la chambre à coucher, afin, dit-il, de la purifier et d’en chasser le diable et ses suppôts. Cette fumigation dure plus d’un quart d’heure, et pendant ce temps il improvise quantité d’oraisons absurdes, telles que son imagination les lui inspire. Après avoir rejoint les époux, restés seuls, il leur fait le récit d’apparitions effrayantes que le diable et une légion de mauvais esprits lui ont suscités, mais qu’il a heureusement dissipées. Ces apparitions, ajoute-t-il ne se reproduiront plus, puisque l’archange Michel et l’ange Gabriel, armés de glaives flamboyants, se sont postés près du lit, pour en éloigner les démons ; mais il est grand temps qu’il se repose auprès de sa fiancée céleste, car c’est ainsi qu’il appeler la  [p. 236] victime de sa séduction. Il ordonne alors a l’époux de se retirer celui-ci obéit sans hésiter.

Le lendemain de grand matin, le prophète conduit sa céleste amie, c’est ainsi qu’il la qualifie maintenant auprès de son époux, prononce un discours embrouillé, fait mettre à genoux l’homme ainsi que la femme, et les bénit. Il souhaite surtout à son amie de cœur, sa fiancée céleste, que le ciel miséricordieux la conserve longtemps saine d’esprit et de corps, afin qu’elle soit longtemps encore sensible à son amour. Toutefois, celle-ci a déclaré, par la suite, qu’en la reconduisant auprès de son mari, le prophète lui avait avoué qu’il n’ignorait pas avoir mal agi, mais qu’il n’avait pu résister au feu céleste qui l’enflammait. Mais il n’en resta pas la ; il continua pendant longtemps encore ses excès, jusqu’à ce qu’à la fin, lassé de libertinage, il restitua la femme à son mari. L’intervalle de continence ne fut cependant pas long ; car, après quelques jours, et pendant que tout le monde était encore profondément endormi, il se présenta un matin, à la suite d’une nuit sans sommeil, à l’aube du jour, devant le lit des époux, les réveilla en leur disant que le démon lui avait apparu sous la forme d’un dragon pour l’avaler, mais, qu’à force de prières, Dieu avait pris son prophète en pitié, que l’archange Michel était accouru, et avait par sa présence mis en fuite le démon ; que toutefois l’archange lui avait annoncé que Dieu était en colère contre lui, de ce [p. 237] qu’il avait interrompu son union divine, et que, pour se réconcilier avec la divinité, et en éviter les punitions, il fallait qu’il se livrât à l’instinct de son âme en renouvelant ses rapports avec sa fiancée céleste. Il ordonne en conséquence au mari de quitter la couche conjugale, de lui céder sa place et le menace enfin de toutes sortes de malheurs et de châtiments, s’il oppose la moindre résistance. Il assure, en outre, avoir reçu du ciel l’ordre d’éprouver sa résignation. L’époux, fasciné, lui obéit en tous points, et, comme il est encore de très-bonne heure, il s’assied dans un fauteuil, n’hésite pas à être témoin de l’entrée du prophète dans la couche conjugale, et de la consommation de l’acte de débauche. A peine le prophète a-t-il assouvi sa passion qu’il retourne dans sa chambre, s’y remet au lit et y reste jusqu’à l’heure du dîneur. Après le repas, il fait entendre qu’un autre ange lui est apparu pour lui intimer l’ordre de convertir les Juifs. Le prophète demande en conséquence, qu’on lui fasse confectionner un habit galonné d’or, et qu’on lui procure une canne à pomme d’argent, parce que l’ange lui a ordonné de se présenter aux Juifs dans ce costume. Ce bavardage absurde est encore pris pour l’expression de la vérité, et en peu de jours le costume est prêt.

Le voyage pour la conversion des Juifs est entrepris, et, pour prouver que l’affaire est sérieuse, le prophète, tenant une bible sous le bras, prend congé [p. 238] de ses hôtes, et promet de revenir bientôt. Son absence, en effet, ne fut pas longue ; car il revint au bout d’une demi-heure, et voici ce qui avait donné lieu à un aussi prompt retour. Dans l’endroit qu’il quittait, demeurait une femme divorcée à cause de la dissolution de ses mœurs, et dont le libertinage lui avait valu la plus mauvaise réputation. Le prophète, se rend chez cette femme, fixe longtemps ses regards sur elle, et lui demande où elle en est, sous le rapport de la religion ? Elle lui répond que sa religion se trouve en bon état, et lui demande à son tour, en quoi cela le regarde, il lui dit qu’il est un envoyé du ciel, chargé de convertir le genre humain, que Dieu vient de lui intimer l’ordre qu’il donna autrefois au prophète Osée, et qu’il est chargé de lui faire connaître. Elle lui demande quel est cet ordre. Il ouvre la Bible, y cherche le premier chapitre du prophète mentionne, et y lit ce passage : Va prendre une prostituée et des enfants nés de la prostitution. Il ajoute qu’elle est la prostituée qu’il doit prendre, et exerce aussitôt sur elle des tentatives ayant pour but de se livrer à l’assouvissement de projets impurs. Elle résiste, et ses cris ayant fait arriver des voisins, il se retire et retourne chez ses hôtes, où l’on ne tarde pas à le découvrir et à l’arrêter. On les interroge sur l’origine de cet homme, dont ils avouent bientôt la conduite scandaleuse, pendant qu’il demeurait chez eux.

Le défenseur a fondé principalement la, défense [p. 239] sur l’état de folie et de mélancolie on se trouvait son client, qui, disait-il, était plutôt digne de compassion que de blâme, et n’avait, à bien dire, aucune part volontaire aux actes incriminés, puisqu’il avait agi étant privé de sa raison et sans savoir ce qu’il faisait. Le défenseur demanda en conséquence, que l’inculpé fût visité par deux médecins, qui le soumirent à plusieurs investigations. Les conclusions de leur rapport furent, que l’inculpé ne pouvait être considéré comme entièrement privé de sa raison ; mais que ses facultés intellectuelles étant naturellement restreintes, il s’était attiré lui-même, l’égarement de son intelligence, en nourrissant son âme d’idées fantastiques. Peu satisfait de ces conclusions le défenseur envoya le rapport médico-légal avec les actes de la procédure une faculté de médecine, en y ajoutant les déclarations de personnes dignes de foi, qui toutes attestaient que, dès son enfance, on avait remarqué chez l’inculpé des traces de mélancolie. Cependant le défenseur ne fut pas assez heureux pour obtenir complètement ce qu’il désirait, savoir, la mise en liberté de son client ; car la décision de la faculté fut à peu près la même que celle des premiers experts. Son avis portant, que l’inculpé était naturellement disposé à la folie, et qu’il avait augmenté cette disposition par sa propension aventureuse ainsi que par ses méditations soutenues sur des sujets chimériques ; enfin, que cette disposition pourrait encore s’accroître par [p. 240] la suite. Cette décision s’opposant à la mise en liberté de l’inculpé, le défenseur sut faire valoir des doutes sur la justesse d’une pareille réponse.

L’inculpé, dit-il, est déclaré fou mais l’on prétend qu’il l’est devenu par sa faute comme si cela était possible. Peut-on soutenir qu’un individu né dans un pareil état a pu se priver lui-même de la raison ? Les médecins, ajoute-t-il, n’ont pas contesté chez l’inculpé l’existence de la raison ; mais il y a une différence entre la raison et la faculté de s’en servir (5). Si la nature a doué l’inculpé de l’une, il ne s’ensuit pas qu’elle lui ait accordé l’autre ; que si l’inculpé a senti en lui un instinct qui le poussait aux actes de luxure qu’il a commis, il ne s’ensuit pas que, du moins, dans l’instant de leur perpétration, il fût maître de sa raison ; qu’ayant, d’ailleurs, éprouvé, dans sa jeunesse, une maladie grave de la rate, on ne pouvait soutenir qu’il s’était attiré sa position par sa faute que cette maladie devait nécessairement avoir affaibli son esprit de manière à laisser, par la suite, plus aisément germer en lui les idées mystiques qui lui avaient fait croire aux révélations divines et à la réalité de sa mission comme prophète que ces idées absurdes étaient tellement enracinées en lui, que rien ne pouvait les lui ôter de l’esprit ; enfin, que l’agitation de nuits passées sans sommeil avait dû, en échauffant son [p. 241] imagination malade, les exalter davantage encore, et lui occasionner des visions d’anges et de combats à soutenir contre les spectres et les démons. Les conclusions définitives du défenseur furent donc qu’il fallait libérer l’inculpé de toute punition, et l’envoyer dans le sein de sa famille pour y être soigné ; toutefois, la faculté de Helmstaedt n’ayant pas partagé cet avis, elle conclut à ce que l’inculpé fût reclus dans une maison de correction, pour y être occupé à de légers travaux.

Bien qu’il ait existé quelque incertitude sur la véritable situation mentale du personnage qui a provoqué cette singulière aventure, on peut toujours conclure du fait exposé, avec quelle facilité les fourbes peuvent parvenir à duper des esprits faibles et dominés par le fanatisme et la superstition. Au reste, tout me porte à croire que, dans cette affaire, le principal acteur était réellement en délire, sans qu’on puisse néanmoins avoir une opinion bien arrêtée à cet égard, puisque l’observation, telle qu’elle vient d’être rapportée, ne renferme des documents ni assez détaillés, ni suffisamment développés, pour qu’on puisse en déduire des arguments positifs. En effet, pour arriver un semblable résultat, il aurait fallu rechercher, avec plus de soin qu’on ne l’a fait, les circonstances commémoratives, s’enquérir du genre de vie, de l’état physique de l’inculpé, et surtout étudier avec plus de persistance sa situation mentale, depuis les actes qui lui on t été reprocher. [p. 242] Je pense, toutefois, que l’ensemble des détails dont se compose ce fait, prouve plutôt contre que pour la simulation. Si, en effet, elle semblait résulter de cette extase tétanique arrivée à point, devant les époux ; on sait que ce phénomène s’est présenté chez certains sectaires au moment de la prédication, et sans qu’il fût feint. Si la feinte semblait surtout résulter de ce que les hallucinations n’avaient pas lieu toutes les fois que le fanatique passait les nuits dans les bras de l’objet désiré, ce fait pouvait aussi s’expliquer, à la rigueur, d’une part, par le changement qui s’opérait dans les idées de cet homme, lequel croyait, dans ces moments de bonheur, satisfaire aux volontés de Dieu, qui alors le protégeait contre les approches de Satan et de ses suppôts ; d’un autre côté, par les préoccupations lascives qui l’emportaient sur tout autre écart de sou imagination.

Le reste de sa conduite et ses antécédents témoignaient plutôt pour la réalité que pour la simulation d’un délire. Ainsi, les cérémonies absurdes auxquelles il s’est livré, et dont quelques-unes retardaient sans nécessité le moment désiré le tapage nocturne auquel on ne dit pas que le repos et le sommeil ayent succédé pendant le jour ; sa visite tout à fait extravagante chez la femme qui fut la cause de son arrestation, me semblent constituer de véritables actes de folie. On considérera, en outre, qu’il n’a jamais été question chez lui, de tentatives d’escroquerie ; car il [243] eut obtenu des époux trompés, aussi aisément des sommes d’argent, que son costume pour convertir les Juifs. Enfin, l’on se rappellera que cet individu d’un esprit assez borné et manquant d’instruction, a passé la plus grande partie de sa vie à la lecture d’ouvrages de théologie et à des méditations prolongées sur l’Écriture-Sainte, qu’il savait presque par cœur. Or, lorsqu’on met tontes ces circonstances en rapport entre elles, on doit regarder comme très-vraisemblable que l’inculpé était réellement atteint de mélancolie religieuse compliquée d’hallucinations, et, jusqu’à un certain degré, de fureur génitale.

 

 

Les questions médico-judiciaires qui se rattachent aux actes résultant dé la monomanie religieuse et de la démonomanie sont, devenues aujourd’hui beaucoup plus simples qu’autrefois. Ainsi, dans les temps de superstition générale, où les tribunaux accueillaient encore la croyance aux causes surnaturelles, il arrivait que les médecins, étaient souvent obligés d’intervenir, pour examiner judiciairement les sorciers et les possédés (6) qui n’étaient que de pauvres démonomaniaques ou des fous hallucinés, afin de constater, à certains caractères physiques, si les accusés devaient être convaincus de magie et de maléfices. Aujourd’hui que les sorciers, les faiseurs de miracles [p. 244] ne sont considérés que comme des fous ou des fourbes, les actes, même les plus criminels des véritables monomaniaques, ne sont plus appréciés que sous le rapport de la situation mentale de ces inculpés, et la justice n’a plus a s’enquérir que de la question de savoir, si les crimes et délits, attribués aux sorciers, aux possédés et aux démonomaniaques, appartiennent à la perversité et à la fraude, ou au délire et à la superstition.

Le médecin chargé d’intervenir en pareille occurrence devra donc, lorsqu’il s’agira d’éclairer les juges, s’attacher, en cas de doute, à découvrir la vérité en ce qui concerne l’état mental de l’inculpé. S’agit-il de grands crimes, comme, par exemple, d’homicide, le plus fréquent de ceux que produit le délire fanatique, ou encore, d’incendie ; il faudra faire une attention particulière aux moyens de constater la réalité de la lésion de l’entendement, pour ne pas confondre avec elle la ruse et la simulation. Je crois devoir renvoyer ici aux règles qui ont été tracées, lorsque, j’ai parlé dés moyens de distinguer, en général, la monomanie réelle de celle qui est imitée ou prétextée ; et lorsque, sous le même rapport, j’ai traité en particulier de la monomanie homicide. Je ferai, toutefois, observer que la monomanie religieuse appartenant, ainsi que je l’ai déjà dit, aux monomanies raisonnantes ne se développe pas sans avoir été précédée de manifestations qui confirment son existence, surtout si l’on a la patience, [p. 245] après la perpétration de l’acte incriminé de soumettre l’inculpé à une observation suivie, est si l’on tire convenablement parti, dans l’espèce, des moyens généraux d’investigation qui lui sont applicables, et qui se trouvent indiqués dans le cinquième chapitre.

Les mêmes principes peuvent aussi être mis en pratique dans les procès pour magie. Toutefois, ces procès sont presque toujours terminés sans qu’il soit besoin de recourir aux connaissances médicales, parce que, presque toujours, on ne découvre dans la vie des thaumaturges aucune trace de désordre mental, mais qu’on y reconnaît plutôt de l’immoralité ainsi que de la ruse, et surtout un intérêt pécuniaire si manifeste, que lui seul suffit pour établir la culpabilité.

C’est aux législateurs qu’il appartient de juger la question de savoir à quel degré sont punissables les individus qui, sans être précisément considérés comme des aliénés, exercent néanmoins, par suite de leurs opinions superstitieuses, les plus grandes cruautés sur ceux qu’ils s’imaginent leur avoir nui et leur nuire encore, par des maléfices. Comme médecin, je suis porté à l’indulgence envers ces malheureux, qui, à bien dire, ne se rendent coupables que par la plus déplorable ignorance. De pareils faits, malheureusement trop fréquents prouvent, au reste, combien il est nécessaire, sans avoir la prétention de faire des gens de la campagne des savants, de les [p. 246] éclairer sur les objets qui touchent de plus près leurs intérêts, et pour, détruire surtout en eux cette foule d’erreurs, de préjugés et de superstitions si nuisibles à leur moralité ainsi qu’à leur bonheur.

NOTES

(t) Maladies mentales, tom. I pag. 42.

(2) Dict. des Scienc. médic., au mot Démonomanie. Maladies mentales, tom. I pag. 482.

(3) Maladies mentales, tome I, p. 496.

(4) Médecine légale, tome II, p. 194.

(5) J’avoue ne pas bien saisir cette subtilité métaphysique.

LAISSER UN COMMENTAIRE