Carpentier J. Les idées d’un homme de rien sur l’artillerie. Avec documents authentiques du directeur général de Bressoles, du secrétaire de l’empereur Favé, du maréchal de France vaillant. Réformes nécessaires. Reproduction autorisée. 1883. Par Marc Ways. Mai 2015 de l’Ère Vulgaire.
CARPENTIER, J.
LES IDÉES D’UN HOMME DE RIEN SUR L’ARTILLERIE.
Avec documents authentiques du directeur général de Bressoles, du secrétaire de
l’empereur Favé, du maréchal de France vaillant.
Réformes nécessaires. Reproduction autorisée.
Hesdin, Imprimerie lithographique et typographique Capy Frères, 1883. In-8°.Broché. 110 pages. 1 feuillet d’errata par l’auteur, illustrations. Couverture imprimée sur papier vert. Édition originale
Notice Malombra
Sous un titre faussement modeste, il s’agit des récriminations d’un vieil inventeur « républicain » (il rappelle… en 1883, avoir été arrêté et emprisonné pour cette raison lors du coup d’État de 2 décembre 1851) de soixante-dix ans, né et mort à Hesdin (Pas-de-Calais). Il admet avoir émis « quelques conjectures et soumis quelques créations que les temps et les événements (lui) ont fait reconnaître fausses et impraticables », mais il s’agit d’erreurs « dues à une imagination qui ne savait point se contenir, et dues d’ailleurs à l’excessive confiance que j’avais dans la puissance du principe de mes inventions »…
Pour le reste, il estime qu’on a toujours voulu altérer la vérité dans le but d’étouffer ou de profiter à son insu de ses nombreuses découvertes. Il a d’abord inventé vers 1850 une « petite charrue toute en fer », une « turbine à vent économique », etc. Mais sa véritable vocation lui vient pendant la guerre de Crimée, quand il constate les sacrifices que réclame « une si petite chose qu’une ville à détruire » (il s’agit de Sébastopol !) : il sera inventeur d’engins de guerre. La brochure relate ses démêlés avec l’armée et les administrations auxquelles il va proposer en vain et pendant près de trente ans ses obus, sa « fusée fusante », ses projets de « fusée percutante » et autres projectiles « cylindroconiques »…
Dès 1856, le maréchal VAILLANT, qu’il a inondé de lettres, lui avait pourtant écrit : « Restez dans votre croyance, mais ne cherchez pas d’avantage [sic] à nous la faire partager, vous n’y parviendrez pas ». Peu rancunier, il proposera quand même à Napoléon III une de ses dernières trouvailles, « l’alliance » de sa fusée fusante à sa fusée percutante, pour venir à bout de l’aigle noir de la Prusse « dont l’œil sanglant et vigilant ne s’endort pas sur les lauriers cueillis » ! Page 25, il donne la « Figure de notre Obus du 21 janvier1856 ».
De quelques lignes nécessaires
« Je suis né à Hesdin petite ville du Pas-de-Calais, et je compte en 1883, soixante-dix années qui ont vu bien des choses ; conçu bien des espoirs et rencontré bien des déceptions. Suffisamment instruit à mon entrée dans la vie, pour m’agiter dans la foule tout comme un autre, je manquais absolument de la science acquise sur l’art de lancer les projectiles à l’aide de la pondre.
Je ne pouvais donc supposer, qu’un jour, je fûsse entraîné à m’occuper de tirer de leur trajectoire et de leur explosion le maximum d’effets utiles.
Comment cela est-il arrivé ? Je vais le dire aussi brièvement que possible. Bien qu’au préalable, il m’apparaisse nécessaire de faire connaître à mes lecteurs quels étaient mes goûts et mes sentiments, et comme conséquence, combien cet écrit est digne de leur confiance : Toutes les citations entre guillemets qui figurent dans cet écrit, étant puisées dans une longue correspondance que j’ai entretenue avec le comité de l’artillerie ; et plus particulièrement avec ses sommités le général de division de Bressolles ; et le ministre de confiance de l’empereur, le maréchal de France, Vaillant.
Il est vrai qu’à mes premiers débuts, j’ai émis quelques conjectures et soumis quelques créations que le temps et les évènements m’ont fait reconnaître fausses et impraticables : Mais pour un petits nombres d’erreurs, dues à une imagination qui ne savait point se contenir, et dues d’ailleurs à l’excessive confiance que j’avais dans la puissance du principe de mes inventions, principe qu’on me contestait en altérant la vérité, combien de faits surgiront démontrant que j’étais dans le vrai, contrairement à l’esprit d’erreur et de routine du comité.
C’est ainsi qu’à mes premiers pas dans la vie, voulant adjoindre à mes occupations d’affaires un but utile, je résolus d’être le premier dans le Pas-de-Calais, à propager dans le nord de la France, les instruments aratoires perfectionnés à Nancy, dont les ateliers étaient encore sous la direction du vénérable et savant agronome Mathieu de Dombasle ; lequel daignait bientôt dans ses lettres intimes, m’appeler l’un de ses meilleurs correspondants. Initiative assez féconde pour que je fusse peu de temps après, imité par les différentes sociétés d’agriculture de la région du nord.
C’est ainsi encore, qu’en constatant que, les petits cultivateurs étaient sous la dépendance des grandes exploitations, faute d’un petit instrument de labours, qui fit bien, et en rapport avec les faibles forces dont ils disposaient ; je fis constituer une petite charrue légère, toute en fer, dont le mérite fut si apprécié et l’emploi si grand, après quelques années de persévérance, qu’elle eut fait ma fortune si je m’en étais réservé l’exploitation par un brevet
C’est toujours poursuivant le même but d’utilité, qu’en 1854, je publiais dans le Moniteur des connaissances utiles, la définition d’un petit moulin tournant circulairement ; à vents concentrés et accumulés ; à force régularisée et mise en réserve ; qu’à raison de sa marche je dénommais Turbine à vents économiques. Création dont le but était de donner le faîte des petits établissements industriels ou agricoles, heureusement situés ; d’un moteur peu spacieux et peu cher, dont l’excellence du principe n’a peut-être point dit son dernier mot.
Dés lors, il me sembla que si je n’avais point fait d’études spéciales, telles que celles qu’on acquiert à Chalons et dans les écoles d’application ; j’étais néanmoins doué d’assez d’imagination pour attaquer des idées d’un ordre différent, pourvu qu’elles ne fussent point trop complexes.
C’est donc, et dans ces limites, qu’à l’époque de la guerre de Crimée ; en voyant les sacrifices que l’empire imposait à la France, pour une si petite chose qu’une ville à détruire et à prendre sur ses ruines ; et qu’il me vint cette idée étrange de rechercher quels seraient les moyens nouveaux, capables de réduire Sébastopol et de hâter notre triomphe !
Le hasard, qui décide si souvent des carrières et des travaux de l’homme, m’ayant fait lire ces quelques lignes de de Brettes : « Qu’en fait d’engins de guerre, le champ des découvertes était toujours ouvert, et qu’on pouvait glâner après ceux qui étaient passés. »
Mais nous étions sous l’empire et j’étais républicain de vieille date, ainsi que le prouve suffisamment mon arrestation et mon emprisonnement, sous du coup d’état du
2 décembre 1851.
Et comment servir un pouvoir dont je méprisais le parjure et l’origine, sans abdiquer à la fois ma foi et mes espérances ?
C’est d’une part, que si je considérais le coup de force et de surprise du 2 décembre, comme un crime de lezenation, il était impossible de nier, toutes officielles qu’elles aient été, la puissance des élections, dont les votes étaient plus particulièrement sortis de la voix populaire. C’est d’autre part, que bien qu’il n’y ait point de droit qui puisse primer ceux de la souveraineté et de l’indépendance d’une nation ; il n’existait plus d’espoir que dans le temps et l’avenir, qui viennent toujours arracher le bandeau de l’illusion et finissent par ramener l’opinion publique à la bonne cause. C’est enfin ! qu’à défaut d’une France libre, sublime et magnifique, se gouvernant elle même avec sagesse ; il était du moins permis d’espérer ; qu’à raison du nom prestigieux de Napoléon premier, nous aurions dans son successeur une France puissante, grande et honorée.
Qu’en un mot, ce gouvernement personnel et autoritaire, tout temporaire qu’il puisse être, était peut-être appelé a marquer sa place dans nos destins, en fournissant au Pays l’occasion de conquérir ses frontières naturelles, sans lesquelles il n’y aura jamais en Europe, de paix véritablement durable.
Il Y avait d’ailleurs un devoir, à mes yeux bien capable de primer toute répugnance. C’est que, quel que soit le parti auquel le cœur appartienne, tout citoyen se doit à l’honneur ou se déploie le drapeau de la Patrie.
Blavier, Les Fous littéraires, pp. 584 & 585
Malombra, Hétéroclites et fous littéraires, 82
Copyright © by Marc WAYS Tous droits réservés.
LAISSER UN COMMENTAIRE