André Ombredane. La psychoanalyse et le problème de l’inconscient. PARTIE 1. Article paru dans la « Revue Philosophique de la France et de l’étranger », (Paris), 47e année, tome CXIII, janvier à juin 1922, pp. 210-234.
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André Ombredanne (1898-1958). Médecin, et docteur en psychologie. – Directeur du Laboratoire de psychobiologie de l’Ecole des Hautes Etudes de Paris ; Professeur de psychologie expérimentale, Université du Brésil.
Il est surtout connu pour avoir le premier traduit en français en 1962, et augmenté d’une introduction critique l’ouvre fondamental de Hermann Rorschach, Psychodiagnostic. Méthode et résultats d’une expérience diagnostique de perception.
Quelques autres publications parmi plusieurs dizaines :
— Critique de la méthode d’investigation psychologique de Freud. Article paru dans la publication « Le Disque vert », (Paris-Bruxelles), deuxième année, troisième série, numéro spécial « Freud », 1924, pp. 165–177. [en ligne sur notre site]
— Le langage. Revue philosophique de la France et de l’étranger, III, 1931, pp. 217-271 et 424-463.
— Sur le mécanisme des crises d’angoisse vespérales et nocturnes de l’enfant. Bulletin du Groupement français d’études Neuro-Psychopathologiques infantiles, mai 1938, p. 49.
— Délire d’influence de type mystique (histoire de Clotilde). Cultura médica, outubro e novembro 1941, ano n°3, no 4 e n°5, 35 p.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. — Les images ont été rajoutées par nos soins. — Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr
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La psychoanalyse
et le problème de l’inconscient
I
La psychoanalyse, très mal vue en France, a comme premier tort d’y être mal connue. Le livre de MM. Régis et Hesnard, très documenté, présente l’ensemble de la doctrine avec clarté, mais l’étendue du domaine qu’il explore le contraint à être très concis et incomplet. La plupart des articles disséminés dans les revues et la remarquable critique de M. P. Janet dans ses Médications psychologiques (1), envisagent la psychoanalyse surtout du point de vue médical. Deux séries de conférences faites par Freud, l’une à la Clark University en 1909, l’autre à Vienne, au cours des années 1915-1916, 1916-17 ont été récemment traduites, et cela semble indiquer un désir d’étudier la psychoanalyse et de ne plus se contenter de la juger soit avec un enthousiasme révolutionnaire, soit avec une pruderie-outrée. On pourrait presque dire que la psychoanalyse apporte avec elle sa preuve dans la mesure où elle subit les conséquences d’un refoulement collectif surestimation d’un côté, dépréciation exagérée de l’autre, création d’un couple de contraires affectifs ; elle devient une « névrose d’obsession » collective au sens freudien du mot.
Laissant de côté les maladies mentales, nous voudrions exposer ici la théorie du psychisme normal d’après Freud, et montrer la valeur nouvelle qu’elle donne au problème de l’inconscient. Les philosophes ont confondu longtemps pensée et conscience, d’où l’absurdité apparente d’une pensée inconsciente. Hamelin postule l’inséparabilité de la pensée et de la conscience, mais [p. 211] il distingue une conscience claire et une conscience sourde qui s’étend indéfiniment au delà. Il définit ainsi l’inconscient : « C’est ce que la conscience ne veut pas reconnaître en elle, soit pour ménager ses forces, soit parce que son intérêt n’est pas excité, soit pour toute autre raison (2) ».
Quels sont les facteurs de cette opposition entre conscience claire et conscience sourde ?
Pour M. Bergson « si la conscience n’est que la marque caractéristique du présent, c’est-à-dire de l’actuellement vécu, c’est-à-dire enfin de l’agissant, alors ce qui n’agit pas pourra cesser d’appartenir à la conscience sans cesser nécessairement d’exister en quelque manière (3). » Les nécessités de l’action présente expliquent ce fait « que nous jouons d’ordinaire notre reconnaissance avant de la penser (4) ». Mais en quoi consiste le second moment de la conscience penser notre reconnaissance ? Cette réflexion paraît être l’œuvre d’une conceptualisation servie par le langage. La conscience claire au stade de la réflexion est un discours intérieur, bâti sur une charpente de principes logiques et de concepts. En ce sens, la conscience claire apparaît comme un phénomène social. C’est sur ce point de vue qu’a insisté M. Blondel, apportant des démonstrations cliniques.
Dès lors, pour M. Bergson, l’inconscient comprendra tout cet ensemble de souvenirs qui n’importent pas à l’action présente, qui sont absents de la représentation actuelle. — Pour M. Blondel, l’inconscient est constitué par tout « le psychologique pur », individuel, « vidé » de la représentation lorsque celle-ci se conceptualise et devient réflexion.
Dans ces deux théories, la conscience se limite par le refoulement d’éléments psychiques qui demeurent inconscients. « Tout entier, dit M. Bergson, le passé nous suit à chaque instant, ce que nous avons senti, pensé, voulu depuis notre première enfance est là, penché sur le présent qui va s’y joindre, pressant contre la porte de la conscience qui voudrait le laisser dehors. Le mécanisme cérébral est précisément fait pour en refouler la presque totalité [p. 212] dans l’inconscient, et pour n’introduire dans la conscience que ce qui est de nature à éclairer la situation présente (« M. Blondel écrit : »La conscience discursive, fragmentée en mots, distribuée en phrases, abstraction opérée par le langage et les concepts moteurs au sein des masses psychologiques concrètes… n’est nôtre que parce qu’elle élimine et laisse choir dans le subconscient, par le squelette invisible qui constitue la pensée socialisée, le psychique pur que nous vivons sans le concevoir (6) ».
Mais la continuité que M. Bergson admet entre les « plans de conscience » qui vont du plan de l’action à celui de la mémoire pure, sortes de coupes virtuelles faites à divers moments d’une durée homogène, cette continuité est-elle admissible ? Les plans de conscience ont-ils tous la même valeur en tant que souvenirs ? La discipline sociale qui s’impose à la pensée de chaque individu, ne trouble-t-elle pas l’homogénéité de sa durée ? Par ailleurs, M. Bergson ne tient pas assez compte d’un élément dont M. Blondel a vu toute l’importance : l’affectivité.
Toutefois nous reprocherons à M. Blondel d’avoir vraiment trop « vidé » la conscience normale de tout l’individuel, et d’avoir quasiment relégué l’affectivité dans la conscience morbide. Il est excessif de dire que chez le normal l’affectif est déjà du conceptuel. La « décantation » du psychologique pur n’est jamais parfaite, et toute conscience normale est, à ce titre, un peu morbide.
Le refoulement dans la psychoanalyse.
Le refoulement (Verdrängung) est fondé dans l’affectivité. Les principes primitifs du refoulement sont ceux de la recherche du plaisir et de la fuite du déplaisir (Lust und Unlustprinzip). Barat (7) a eu tort d’attribuer la mise en valeur de ce double principe à Bleuler. Le refoulement de Freud n’est aucunement « la conséquence d’un effort exagéré de moralité », comme le définit M. P. Janet. [p. 213] Ses racines sont beaucoup plus primitives, organiques, peut-on presque dire (8).
Supposez une perception qui devienne la source d’une souffrance. L’enfant se livrera à une série de gestes désordonnés jusqu’à ce que l’un de ces gestes écarte ou fasse écarter la perception pénible et la souffrance. Ce geste sera reproduit, sinon immédiatement, du moins assez rapidement, lorsque reparaîtra la perception pénible, jusqu’à ce que cette perception soit de nouveau disparue. Il ne se formera ici aucune tendance à posséder, hallucinatoirement ou de toute autre manière, la perception qui a causé la souffrance. Bien plutôt il se formera une tendance à abandonner cette image pénible aussitôt qu’elle sera éveillée n’importe comment, parce qu’un commencement d’excitation pénible lui est associé. D’autre part, le principe de fonctionnement de l’appareil psychique primitif, dont Freud forge la fiction, est l’effort destiné à empêcher l’accroissement des excitations. L’accroissement d’une excitation organique (Erregung) est ressenti comme un déplaisir. Dès lors, l’enfant gesticule au hasard et parvient à faire cesser l’excitation. Celle-ci se transforme alors en satisfaction (Befriedigung). De cette satisfaction première naît un besoin. L’excitation, qui était tout d’abord simplement désagréable, est recherchée pour la satisfaction qui la suit. Un tel courant partant du déplaisir et visant le plaisir est un désir (Wunsch). « Seul un désir est capable de mettre en mouvement l’appareil psychique, et la décharge des excitations se trouve automatiquement réglée par les perceptions de plaisir et de déplaisir (9).
La première manière de désirer pourrait avoir été un retour hallucinatoire du souvenir de la première perception. Mais cette hallucination est incapable de faire cesser le besoin. La satisfaction ne peut être renouvelée que par une modification extérieure. Pour pouvoir modifier le monde extérieur convenablement par l’action, une grande somme d’expériences est nécessaire. Le hasard doit être éliminé de plus en plus de ces gestes qui provoquent la satisfaction. On peut saisir ici le point de jonction de deux processus l’un où se développent le désir et les représentations hallucinatoires [p. 214] (Primärvorgang), l’autre où l’on voit déjà le sujet plié à une discipline due à la présence de l’objet, ou qui lui est plus commodément fournie par les éducateurs, par la collectivité (Secundârvorgang). Le domaine de ces processus primaires est ce que Freud appelle l’inconscient, celui des processus secondaires, le préconscient.
Cette discipline, que le sujet s’impose dans ses rapports avec l’objet, est, dans le champ de notre observation, d’origine sociale. Nous disons « d’origine », ce qui ne méconnaît-aucunement son caractère rationnel. L’éducation se superpose aux premières expériences personnelles de l’enfant. Elle impose ses formes logiques, ses règles d’expérience, surtout ses règles morales, dont la puissance se fonde sur de multiples et diverses sanctions, et voici une nouvelle source de déplaisir. Parmi les désirs infantiles indestructibles, incoercibles, parce qu’ils plongent dans l’affectivité, il s’en .trouve à présent dont la nature est telle que leur satisfaction s’oppose aux fins de la pensée secondaire, nous ajouterons sociale. « La satisfaction de ces désirs provoquerait, non plus un plaisir, mais un déplaisir. Ce renversement affectif achève de déterminer l’essence du refoulement (10). » Nous développerons l’exemple de la formation du dégoût (Ekel) à propos de la sexualité.
L’activité du premier système (inconscient) est dirigée vers la décharge libre des excitations. Elle est réglée seulement par le principe du déplaisir et du plaisir sous sa forme primaire. L’activité du second système doit être capable d’arrêter le développement d’une excitation primaire. Elle doit envisager les rapports des souvenirs et -des représentations sans se laisser influencer par leur charge affective : le développement de l’expérience n’est possible qu’à ce prix. Si le système secondaire (Denken), si la pensée qui se conceptualise est organisée à partir du principe du plaisir et du déplaisir, elle s’efforce du moins de se libérer de plus en plus d’une régularisation exclusive par ce principe primaire, et de limiter le développement de l’affectivité à propos de telle ou telle représentation, à un minimum qui devient le « signe » émotif, le concept affectivo-moteur de M. Blondel.
Un appareil psychique constitué seulement par le premier [p. 215] système —l’inconscient — est certes une fiction, mais ces processus primaires apparaissent dès le début de la vie psychologique, tandis que les processus secondaires, préconscients, se constituent au cours de la vie, n’atteignent leur puissance maxima qu’à la pleine force de l’âge. Par suite de l’action retardée des processus secondaires, le noyau de notre vie psychologique demeure constitué par des désirs inconscients que ne peut refouler complètement le préconscient. Une grande partie des souvenirs affectivo-moteurs, pour n’avoir pas été refoulés assez tôt, ont eu le temps d’acquérir une grande puissance, et demeurent rebelles à la domination du préconscient. Ainsi se forment les « complexes » affectifs.
La conscience (Bewusstsein) ne se confond pas avec le préconscient. Les définitions que Freud donne de la conscience sont obscures. Elle a deux pôles l’un tourné vers le monde extérieur, l’autre vers l’intérieur de la pensée elle est perception et réflexion. Le principal facteur de la conscience est l’attention conçue comme une certaine charge d’énergie affectivo-motrice limitée et susceptible d’être déplacée. Quand l’attention est tournée vers le monde extérieur, vers l’action, la conscience est perception. Quand l’attention se porte sur la pensée intérieure, la conscience se détermine de deux manières. Premièrement, les processus psychiques « quantitatifs », comprenant les phénomènes de tension, et de décharge motrice et secrétoire, sont ressentis par la conscience comme des séries qualitatives de plaisir et de déplaisir. Deuxièmement, les processus secondaires, préconscients, sont eux-mêmes dénués de qualité leur essence conceptuelle ne comporte ni plaisir ni déplaisir. Même ils s’opposent aux déploiements de l’affectivité ; la réflexion demeure abstraite. Cependant les processus abstraits reçoivent une certaine qualité susceptible d’éveiller les forces de désir, d’aversion, d’activité, par association avec le souvenir des mots auxquels sont attachées des traces qualitatives de plaisir ou de déplaisir suffisantes pour attirer l’attention consciente (11). Ces traces qualitatives sont nulles lorsque l’enfant joue avec les mots sans se soucier de leur sens, ne recherchant que l’effet du rythme et de l’assonance. Elles s’attachent aux mots, au fur et à mesure que la pensée secondaire substitue ses signes, monnaie commode qui affranchit des conditions [p. 216] de lieu et de temps, à la perception infantile, esclave du moment. Au stade de la réflexion la conscience n’est qu’un discours intérieur.
Toutefois la perception ne caractérise pas uniquement la conscience dans la mesure où elle est tournée vers l’extérieur. Par le mécanisme de la régression hallucinatoire (nous l’exposerons à propos du rêve), un souvenir peut prendre la valeur d’une perception. Seulement l’absence à ce moment des pouvoirs réducteurs préconscients rend cette conscience momentanée, incapable de coordonner ses moments et de les déterminer les uns par les autres. En réalité le rêve ne présente jamais de perception parfaitement hallucinatoire, ni d’absence totale du préconscient. La conscience du rêve est entre la perception et la réflexion. Des systèmes secondaires, d’origine collective, jouent un rôle primordial dans la constitution du moi. A l’origine, le moi ne prend conscience de lui-même que comme tendance à la conservation. Mais le moi de l’adulte dont la conscience est devenue conceptuelle et discursive est un moi socialisé ; et ce moi répudie naturellement tous les éléments qui ont été refoulés, qui demeurent inconscients, et qui ‘ne sont pas reconnus-par le moi lorsque la névrose permet leur réapparition.
Le schéma du psychisme d’après Freud.
On connaît le schéma du psychisme que donne Freud. Il n’a pas d’autre prétention que d’être une métaphore spatiale tout comme le cône de M. Bergson. Ce schéma est bâti sur le type du réflexe. « Le processus réflexe demeure comme un schéma de toute l’activité psychique (12) ». L’appareil psychique peut être considéré comme constitué par une série d’instances, de systèmes orientés dans- le sens qui va de la perception à la réaction motrice. Le point de départ est une impression sensible reçue par l’appareil perceptif. Des perceptions il demeure dans l’appareil psychique des traces mnésiques et la fonction de ces traces est la mémoire. Ces traces mnésiques ne sont que des modifications des systèmes-souvenirs. Que faut-il entendre par ces systèmes ? Ce sont, croyons-nous, [p. 217] à la fois des catégories au sens kantien du mot, et des complexes de souvenirs ; plus exactement ce sont des catégories inséparables de leur contenu, déterminées même par leur contenu, ce sont des expériences. La catégorie abstraite, le pur concept, n’a pas de place dans la psychoanalyse, car toujours une forme de pensée est déterminée dans une certaine mesure par son contenu tout en le déterminant à son tour. L’expérience ne s’agence pas selon des règles a priori, elle fixe ses règles en se développant. On peut classer les systèmes-souvenirs en deux groupes les systèmes inconscients correspondraient aux complexes primaires ; les systèmes préconscients seraient les catégories de la pensée secondaire beaucoup plus détachées de leur contenu que les systèmes primaires à cause de leur origine collective. Un complexe primaire est un désir, c’est-à-dire une tendance à rechercher une excitation qui a déjà été suivie de jouissance. Ce désir comporte une représentation de son objet qui tend vers l’hallucination, vers l’identité de perception (Wahrnehmungsidentität) ; et d’autre part un début d’expérience, c’est-à-dire le souvenir des concomitants de l’excitation et des gestes plus ou moins utiles qui ont fini par provoquer la jouissance. Il en va de même lorsqu’il s’agit d’une perception pénible qu’il faut écarter quand elle se présente, qu’il faut arrêter dès ses premiers signes. Cette première façon d’expérience explique que le premier système-souvenir, indiqué par Freud, soit le domaine des associations par contiguité. Cela ne veut pas dire que les associations par contiguité ne se forment que durant la première enfance, car ce schéma possède, en même temps qu’une valeur chronologique, une valeur logique, il est applicable à la constitution de toute expérience. Les systèmes primaires ultérieurs comprendront les premières données de l’expérience individuelle, les ressemblances et les participations, non encore pensées mais senties et « jouées » pour emprunter un mot à M. Bergson.
Lorsque nous arrivons au préconscient, les systèmes s’enrichissent brusquement de tous les fruits de l’expérience collective, de toutes les règles d’action, de tous les procédés d’association nouveaux, incorporés par l’individu dans le souvenir de ses expériences personnelles, et prenant par là même une valeur subjective. D’ailleurs, par suite du refoulement, les systèmes primaires et les systèmes secondaires réagissent les uns sur [p. 218] les autres, jusqu’à un certain équilibre d’adaptation réciproque.
Ainsi donc, on peut comparer toute pensée à un courant psychique qui, partant d’une impression sensible, aboutit à la réaction motrice en passant par tous les systèmes échelonnés sur cette voie, c’est-à-dire s’adapte à toute l’expérience passée en parcourant ses divers stades d’association. Comme les complexes primaires sont surtout affectifs, ce courant éveille tel ou tel désir qui se trouve arrêté ou dérivé par le préconscient, provoque tel ou tel sentiment, jusqu’à ce qu’enfin il s’élabore en action ou en discours intérieur, c’est-à-dire en action retenue.
Naturellement, ce nouveau courant psychique, cette pensée nouvelle aura peut-être modifié les systèmes par lesquels elle aura passé ; elle aura consolidé ou infirmé telle expérience, accru ou diminué le refoulement de tel désir. Mais si les expériences nouvelles peuvent modifier dans une certaine mesure les systèmes préconscients parce qu’ils sont conceptuels, elles ont de moins en moins d’action sur les systèmes primaires, inconscients. Les complexes primaires sont presque uniquement constitués dans l’enfance. Ce sont les souvenirs infantiles qui sont le plus chargés affectivement. On connaît ce vieux soldat cité par Mosso et qui disait : « J’ai vu la mort en face dans bien des batailles ; mais je n’ai jamais tant peur que lorsque je rencontre une chapelle solitaire sur une montagne déserte, parce que, tout enfant, dans les mêmes circonstances j’y ai vu le cadavre d’un homme assassiné, et qu’une servante voulait m’enfermer avec lui pour me punir. » L’adulte n’organise plus guère de complexes affectifs, il se souvient, il pense par signes. Une perception n’est plus que l’activation d’un ou de plusieurs complexes à propos des premiers signes perçus. Le plus souvent d’ailleurs, la perception se borne à quelques opérations logiques et verbales, l’impression affective étant réduite au strict minimum, à quelques sensations dont l’interprétation immédiate élimine rapidement le retentissement affectif. Dans ces conditions, les acquisitions de l’adulte sont l’œuvre de la pensée préconsciente, mais les sources de l’affectivité doivent être cherchées dans la première enfance.
Cela nous conduit à définir la mémoire et l’oubli ; bien que Freud [p. 219] en ait mal déterminé les conditions et les caractères. D’après les données fondamentales de la Psychoanalyse il nous semble que l’on peut distinguer deux formes de la mémoire :
1°Elle est affective et indépendante en grande partie des signes extérieurs, dans la mesure où elle est une manifestation de complexes infantiles ;
2° Elle est peu affective et consiste surtout dans une reconstruction par les signes extérieurs lorsque les souvenirs appartiennent à cette époque où des complexes affectifs cessent de se former, où les modes de pensée préconscients fixent seuls l’expérience.
Freud attribue l’amnésie infantile, l’impossibilité où nous sommes de nous rappeler nos premières impressions d’enfance, à l’action ultérieure de forces de refoulement puissantes. On peut lui reprocher de n’avoir pas remarqué que le refoulement n’est pas la seule cause de cet oubli. Ce que nous entendons surtout par la mémoire, c’est ce processus de reconstruction par les signes extérieurs, le seul qui rende possible une mémoire figurative et une localisation dans le passé. Or si la plupart des souvenirs infantiles sont oubliés, cela tient pour beaucoup à ce que l’absence, dans cette période, de systèmes secondaires, conceptuels et discursifs a empêché la fixation des souvenirs par les signes extérieurs. D’ailleurs cet oubli n’est qu’une impuissance de remémoration, car ces impressions infantiles exercent une action continuelle et puissante du fond de l’inconscient où elles sont fixées.
Les souvenirs, appartenant à la période secondaire, ne sont pas nécessairement dénués de toute affectivité. Mais la plupart du temps, et de plus en plus au fur et à mesure de la vie, ces manifestations ne sont pas originales, elles sont des souvenirs, un réveil de complexes infantiles à propos des événements de l’âge mûr.
La notion de mémoire affective avait été mise en lumière avant Freud par Ribot. Mais le psychologue français désignait par ce mot le rappel conscient d’une émotion passée ; il concevait un « type affectif » de mémoire, au même titre que le type visuel, auditif ou moteur, et constatait que la mémoire affective est nulle chez la plupart des gens (14).
L’originalité de Freud est très nette puisque, d’après lui, les [p. 220] souvenirs affectifs existent chez tous les individus : ils demeurent le plus souvent inconscients, ils se constituent pendant l’enfance et déterminent toute l’affectivité ultérieure.
Avec cette distinction entre les deux mémoires, disparaît l’opposition indiquée par Rauh : « Il semble tout au moins, que, pour quelques individus et pour chacun de nous à certains moments de notre vie, les nuances de sensibilité soient saisies antérieurement aux distinctions de lieu et de temps qui fixent celles-ci. C’est peut-être une erreur de penser — M. Ribot le notait récemment — que l’on se souvient toujours des émotions par l’intermédiaire des signes extérieurs (15) ».
L’ « Affekt ».
Freud considère l’affectivité comme l’élément essentiel de la psycho-dynamique ; elle est la source de toute l’énergie psychique potentielle ou cinétique. Un « affekt » comprend d’abord certaines décharges motrices et sécrétoires, puis certaines sensations de deux ordres perceptions des mouvements effectués, et sensations directes de plaisir et de déplaisir qui donnent à l’« affekt » le ton fondamental mais la clef de cette activité motrice et sécrétoire et de la qualité agréable ou désagréable qui lui est attachée se trouve dans des représentations inconscientes (16). Le centre de l’« affekt » est la reviviscence d’un événement déterminé qui a été le point de départ de l’organisation d’un complexe. L’affectivité se constitue par la fixation de réminiscences très chargées d’émotion. Ces réminiscences appartiennent en presque totalité à la période infantile, elles sont inconscientes, comprises dans les systèmes primaires. On reconnaît dans l’ « affekt » le souvenir traumatique de Charcot et P. Janet, auquel Freud a fait jouer dans l’étiologie des maladies mentales un rôle essentiel (17). Dans ses derniers ouvrages, Freud fait remonter beaucoup plus loin les origines de l’affectivité, dans l’expérience de l’espèce. « Cet événement (origine de l’affekt) pourrait être une impression très ancienne, de nature très générale, [p. 221] qu’il faudrait placer dans la préhistoire, non de l’individu, mais de l’espèce. Pour me faire mieux comprendre, l’état affectif serait construit comme un accès hystérique, par la fixation d’une réminiscence. L’accès hystérique est comparable à un affekt nouvellement constitué, et l’affekt normal à la manifestation d’une hystérie devenue héréditaire (18) ».
L’énergie psychique a donc sa source dans des aversions et des désirs inconscients. Si, par fiction, l’appareil psychique était réduit aux systèmes inconscients, réglé par le seul principe primaire du plaisir et du déplaisir, son rythme serait déterminé par les intervalles de temps nécessaires pour que la tension excitante se reforme après chaque satisfaction. La pensée ne serait certes pas inconsciente, elle serait une conscience perceptive momentanée. Mais en fait, le refoulement qui se constitue de bonne heure empêche le développement de ces désirs inconscients, et accroît ainsi leur énergie potentielle. Le moi apprend qu’il est souvent nécessaire de renoncer à un plaisir immédiat, d’en différer l’acquisition, de supporter certaines peines. Le moi déterminé par les formes collectives, devenu « raisonnable », obéit au « principe de réalité » qui est une organisation secondaire du principe primaire de plaisir et de déplaisir.
Pour Freud l’affekt est doué d’une plus ou moins grande « intensité ». La catégorie de la quantité est donc applicable à l’affekt. Ce qui est quantitatif, c’est l’énergie qui se manifeste par la décharge motrice et secrétoire, et qui demeure potentielle quand cette décharge est empêchée. Cette conception est d’ailleurs très voisine de celle de Spencer, et surtout de Ribot, pour qui l’émotion est faite de mouvements et arrêt de mouvements. Ce qui est propre à Freud, c’est le rôle du refoulement dans ces processus d’inhibition. Toutefois dans le cas du refoulement la totalité de cette énergie ne reste pas potentielle ; il se produit une dérivation de l’affekt à des représentations de détail ou associées ou même opposées sur la voie de développement de cet affekt, et qui prennent une valeur affective pour le sujet. C’est ce processus que nous retrouverons (lorsque nous traiterons de la logique de l’inconscient) à la base du [p. 222] déplacement (Verschiebung), c’est-à-dire du changement de valeur des représentations pour le sujet.
Prenons l’exemple du rire dans la théorie du « Witz und seine Beziehung zum Unbewussten (19) ».
Le rire se produit lorsqu’une certaine quantité d’énergie psychique, destinée à la poursuite de certains processus, devient inutilisable en ce sens et peut se décharger librement. Sur ce point Freud ne fait que reproduire l’opinion de Spencer ; il cite Dugas « le rire est une détente ». Chez le tout jeune enfant, le rire peut correspondre à une dérivation d’attention soutenue, outre l’importance de la grande tension des forces organiques, et de l’imitation du rire des soigneurs. Ces conditions se retrouvent chez l’adulte, mais d’où provient le rire causé par les mots d’esprit et la perception du comique ? Nous verrons que pour Freud les différents mots d’esprit permettent en fin de compte la satisfaction de tendances refoulées. Dans ces conditions :
1° Le rire correspond à la satisfaction brusque de la tendance refoulée, au développement rapide d’un affekt ;
2° Quand nous voyons rire l’auditeur d’un trait d’esprit, nous pouvons penser que chez lui une dépense d’énergie psychique se trouve brusquement supprimée et dérivée. L’énergie psychique employée au refoulement de la tendance se trouve brusquement libérée et prête à la décharge par le rire ;
3° L’auteur du trait d’esprit ne rit pas, non-point parce que le refoulement de la tendance ne serait pas levé, mais parce que la possibilité de la détente est disparue ; l’énergie libérée a été dépensée par à-coups, lors de la fabrication du mot d’esprit. L’auteur du trait d’esprit est porté à le communiquer parce qu’il ne peut et rire tout seul. En le racontant il arrive à en rire « par ricochet » par mimique émotive, en voyant rire l’auditeur.
Le même processus de décharge brusque d’une énergie libérée se retrouve dans le rire provoqué par le commue. Un mouvement est comique, lorsque la dépense de mouvement est exagérée pour le résultat cherché. Le fait que la perception est déjà une mimique explique comment cette disproportion provoque le rire. Le comique vient de la différence quantitative de dépense psycho-motrice [p. 223] éprouvée entre le mouvement perçu et le mouvement mimé. Lorsque le mouvement comique est insuffisant pour le résultat cherché, les termes du rapport sont inversés, mais le processus reste le même.
Une situation est comique lorsque l’attitude d’un ou de plusieurs personnages se montre soudainement, inutile ou maladroite. II y a comique lorsque nous anticipons sur l’avenir et que notre attitude vis-à-vis de lui est tout à coup trompée. Dans tous ces cas, il y a contraste quantitatif et détente d’énergie devenue inutilisable.
Freud transpose la théorie de M. Bergson dans son langage. Instruits par l’expérience que tout ce qui est vivant est original et exige de notre entendement une espèce de dépense, nous nous trouvons déçus lorsque, par l’effet d’une identité parfaite ou d’une imitation trompeuse, nous n’avons pas besoin de faire une nouvelle dépense. Cette déception est un allègement (Erleichterung) et la dépense d’attention devenue superflue est dérivée, déchargée par le rire. La même formule conviendrait à tous les cas remarquables de M. Bergson raideur comique, habitudes professionnelles, idées fixes, expressions stéréotypées (20) ».
On peut dire que les notions d’énergie nerveuse ou psychique et de décharge, qui font le pont entre le monde psychologique et le monde organique, sont bien obscures ; mais cette théorie du rire mérite d’être prise en considération. C’est une théorie du comique et non du rire que M. Bergson nous présente, en dépit du titre de son livre. Toutefois nous reprocherons à Freud de n’avoir pas tenu compte du phénomène indiqué par M. G. Dumas dans son étude sur le sourire. Le processus primitif du rire peut être amplifié par l’imitation de soi-même. On se force à rire. On rit « par ricochet » en se mimant soi-même. La manifestation émotive périphérique s’alimente d’elle-même, d’autant plus qu’elle est cultivée dans un but social.
Les sources de l’affectivité. La « Libido ».
Nous savons que l’inconscient est constitué par des complexes dont la trame est un désir, une tendance à rechercher une excitation dont le développement provoque une jouissance. Pour Freud ces [p. 224] désirs sont de deux ordres : égoïstes et sexuels. Cette distinction apparaît surtout dans les derniers ouvrages de Freud, depuis les travaux de Ferenczi. Les tendances égoïstes sont des spécifications de l’instinct de conservation ; elles constituent la base sur laquelle les processus secondaires édifieront le moi. Ces « Ichtriebe » se rattachent, semble-t-il, au principe de la fuite du déplaisir, et comprennent les tendances à la fuite, à la défense, à l’attaque. L’autre catégorie de désirs inconscients, les désirs sexuels, tout en étant égoïstes, se distinguent des « Ichtriebe » ; ils se rattachent au principe de la recherche du plaisir. Les tendances égoïstes sont celles d’un moi tendu pour l’action dans la lutte pour l’existence ; la tendance sexuelle est la recherche d’une détente dans le plaisir immédiat. Primitivement ces deux séries de tendances sont étroitement associées ; mais au fur et à mesure que l’action se plie aux disciplines collectives, la séparation entre ces deux sortes de tendances s’accentue jusqu’à devenir une opposition.
Définissons tout d’abord le sens que Freud donne au mot sexuel. Il distingue essentiellement le sexuel du génital, c’est-à-dire de ce qui concerne la reproduction. « Nous ne sommes pas actuellement en possession d’un critère universellement admis pour déterminer la nature sexuelle d’un processus, pas même la relation avec la fonction de reproduction, que nous sommes contraints de refuser comme un cadre trop étroit. Les perversions sexuelles, comme leur dénomination universellement admise le montre, sont indubitablement de la sexualité ; qu’on les appelle signes de dégénérescence ou autrement, personne n’a encore eu l’idée de les placer en dehors de la sexualité. Nous sommes donc autorisés à affirmer que sexualité et reproduction ne coïncident pas, car il est manifeste que les perversions renient complètement le but de reproduction (21). »
D’ailleurs nous ne savons pas à quels organes la sexualité est liée. Nous avons toujours surestimé de rôle des glandes génitales. On connaît l’importance de la glande thyroïde (nous mentionnerons dans le même sens le syndrome adiposo-génital provoqué par une lésion hypophysaire, et son traitement opothérapique). L’excitation sexuelle est vraisemblablement liée à des phénomènes de sécrétions internes dont l’étude ne fait guère que commencer. [p. 225] Freud accorde une grande importance au chimisme sexuel qui paraît être un phénomène organique généralisé. Il fait remarquer que « les névroses qui se ramènent à des troubles sexuels offrent la plus grande ressemblance clinique avec les phénomènes de l’intoxication et de l’abstinence secondaires à l’introduction répétée dans l’organisme de poisons excitants (alcaloïdes) (2) ».
Ainsi donc sera dite sexuelle toute satisfaction organique correspondant à une détente nerveuse, et sexuel, tout ce qui pourra la provoquer. Cette excitabilité généralisée de l’organisme, Freud l’a nommée la « Libido ».
L’étude des inversions sexuelles montre que :
1° L’inversion peut être occasionnelle, indifférente au sexe, ou exclusive ;
2° Elle ne paraît liée ni à une dégénérescence ni à l’hermaphroditisme, ni à aucun caractère anatomo-physiologique, mais surtout à des circonstances extérieures ;
3° Les buts sexuels des invertis se retrouvent souvent exactement les mêmes dans le commerce des deux sexes ;
4° On ne peut déterminer où l’inversion commence à prendre un caractère pathologique.
D’où cette conclusion : L’instinct sexuel est indépendant de son objet, et ne doit pas son éveil à des excitations venues de cet objet. II ne vise qu’à sa satisfaction, il est égoïste.
L’étude des perversions nous montre l’agrandissement que reçoit le champ sexuel.
On peut distinguer deux moments dans la perversion :
1° Le fait d’accorder une valeur sexuelle à d’autres parties du corps que l’appareil de reproduction et à des objets (Uberschreitungen)
2° L’arrêt aux buts sexuels intermédiaires.
- — Une valeur sexuelle est attribuée à toutes les parties du corps de l’objet sexuel. Psychologiquement cette surestimation correspond à l’aveuglement de l’amant sur les capacités mentales et les perfections de l’objet de son désir. La bouche, l’anus, le sein, etc., reçoivent une valeur sexuelle. Celui qui a en horreur les pratiques de perversion éprouve un sentiment de dégoût (Ekel), dans lequel [p. 226] on peut voir une des forces de refoulement précoce de l’instinct sexuel. La puissance de cet instinct se manifeste dans la domination du dégoût.
Souvent, les parties du corps qui prennent une valeur sexuelle, sont des « ersatz » peu appropriés à cette destination (pied, cheveux) ou bien c’est un objet qui est en relation avec la personne, surtout avec les parties de son corps, dont le rôle est sexuel (pièces de vêtement).
La perversion du fétichisme est bien connue.
« Schaff mir ein Halstuch von ihrer Brust
« Ein Strumpfband meiner Liebeslust (23). »
dit Faust à Méphisto. — Un certain degré de fétichisme est propre à la vie normale, surtout à ce stade de l’amour où le but ne peut être encore atteint.
- — L’arrêt aux buts sexuels intermédiaires peut être provoqué par l’impotence, le coût de l’objet sexuel, le danger de l’acte sexuel, la timidité, etc. Le toucher et la vue sont les principaux de ces buts préparatoires. L’habitude du vêtement éveille la curiosité sexuelle ; celle-ci peut être sublimée esthétiquement, elle devient perversion lorsqu’elle entrave le but sexuel, et se suffit à elle-même (Voyeurs).
Le sadisme a ses racines dans la vie normale, car la sensualité de la plupart des hommes se montre mêlée d’agressivité. Le masochisme se rattache en partie à la surestimation de l’objet sexuel. On peut conclure, sur les perversions, qu’elles sont rarement absentes de la vie sexuelle normale, et qu’il est difficile d’établir une frontière entre une simple variation dans la marge physiologique et un symptôme morbide. De l’examen des inversions et des perversions sexuelles il appert que l’instinct sexuel est égoïste, et que le domaine de la sexualité dépasse extraordinairement la simple fonction de reproduction. [p. 227]
La Sexualité infantile.
L’opinion populaire ne veut pas admettre la présence de la sexualité dans l’enfance. C’est, dit Freud, une erreur lourde de conséquences, et il note combien il est curieux que des psychologues se préoccupent plus de l’hérédité que de l’enfance, et négligent cette préhistoire individuelle. Etant donnée la distinction faite par Freud entre sexuel et génital, il n’est pas difficile de découvrir une vie sexuelle très active chez l’enfant. On peut considérer une première période qui occupe les deux ou trois premières années où l’instinct sexuel se manifeste librement ; puis une période de latence qui coïncide avec la constitution des forces de refoulement (dégoût, honte, pudeur, règles morales, etc.). Dans cette période de latence qui dure quelques années, des bouffées sexuelles peuvent se faire jour, puis, bien avant la puberté, la sexualité sort de cette période de latence, et enfin la puberté fixe à peu près définitivement la constitution sexuelle.
La première manifestation de la sexualité chez le nourrisson est la succion (tudetn). Il est facile d’imaginer à quelle occasion l’enfant a fait les premières expériences du plaisir qu’il s’efforce de renouveler. Sa première activité consiste à têter le sein de la nourrice. Les lèvres de l’enfant se comportent comme une zone érogène et le contact du lait tiède provoque la sensation agréable. Il y a donc au début confusion entre la satisfaction de la zone érogène et la satisfaction de la faim. L’enfant qui quitte le sein de la nourrice « saoul de lait » éprouve une satisfaction de détente organique généralisée. Plus tard, le sevrage sépare le besoin de nourriture et le besoin de satisfaction sexuelle. L’enfant satisfait alors son besoin sexuel par la succion et la manipulation d’une zone de son propre corps qui devient ainsi une seconde zone érogène. La succion du doigt, de la langue, de l’orteil, est faite avec une grande dépense d’attention et conduit au sommeil, où à une sorte d’orgasme. (On sait qu’une attention prolongée, où la respiration est retenue, provoque une excitation sexuelle par début d’asphyxie.) A ce propos Freud note que lu satisfaction sexuelle est encore la meilleure voie du sommeil. L’instinct sexuel commence donc par l’autoérotisme (Havelock Ellis). [p. 228]
Les zones érogènes sont des régions de la peau ou des muqueuses où certaines excitations entraînent une sensation agréable. Le besoin de rechercher la satisfaction déjà éprouvée se traduit de deux manières par un sentiment de tension particulière qui est surtout désagréable, et par une sensation projetée à la zone érogène. On peut formuler ainsi le but sexuel remplacer la sensation projetée à la zone érogène par l’excitation extérieure qui fera disparaître la tension et provoquera une satisfaction. Parmi les zones érogènes les zones anale et urinaire ont une grande importance. Les enfants entretiennent l’excitabilité de ces zones et « jouent » avec leurs évacuations. La zone proprement génitale est en rapport avec la miction ; l’activité de cette zone érogène est déjà le commencement de la vie sexuelle future. Mictions, lavages, frictions, font que le nourrisson s’aperçoit rapidement des sensations agréables que peut provoquer cet organe ; de là, des débuts d’onanisme par manipulation, contraction des « custodes virginitatis » chez la fille.
Dans la période de latence les forces de refoulement s’organisent, puis l’activité sexuelle reparaît à propos d’occasions extérieures (camaraderies, jeux d’enfants, subornation par des adultes, etc.). C’est l’époque de la perversité polymorphe.
Sous l’influence du refoulement qui s’exerce de plus en plus, l’instinct sexuel se dérive en instincts partiels (Partialtriebe) : exhibitionnisme, curiosité sexuelle, méchanceté. Freud considère la méchanceté comme provenant de sources indépendantes de la sexualité, mais pouvant, par une anastomose précoce, se combiner avec elle. L’effort musculaire dans les luttes avec des camarades peut provoquer une excitation sexuelle, c’est une racine du sadisme. Inversement, les corrections peuvent produire une certaine jouissance, et c’est une des sources du masochisme, bien connue depuis les Confessions de J.-J. Rousseau. Des causes très diverses révèlent bien avant cet âge le plaisir sexuel : la balançoire, l’envol (Fliegenlassen) sont extrêmement aimés des enfants à cause de la sensation viscérale qui les accompagne, il en est de même des moyens de locomotion un peu rapides. La concentration de l’attention sur une tâche intellectuelle entraîne chez beaucoup d’enfants, aussi bien que d’adultes, une excitation sexuelle pouvant aller jusqu’à l’orgasme. « C’est cette excitation sexuelle qui [p. 229] joue le rôle déterminant dans le rapport si problématique des troubles nerveux avec le prétendu surmenage intellectuel (24) » — opinion fort contestable d’ailleurs dans son exclusivité.
Les métamorphoses de la puberté.
A la puberté, la zone génitale prend de plus en plus d’importance parmi les zones érogènes ; l’excitation des autres zones n’est plus qu’une préparation à l’excitation génitale, et la satisfaction génitale est attachée à des conditions qui apparaissent seulement à la puberté.
L’activité autoérotique de la première enfance est la même pour les deux sexes, et la différenciation des sexes absente à cette période. Tout au plus, peut-on dire, que le développement des contraintes (dégoût, pudeur), par l’éducation même qu’elle reçoit, se fait plus tôt et rencontre une résistance plus faible chez la fille que chez le garçon. Par la suite le refoulement demeurera toujours plus grand chez la femme, et cela est dû non seulement à son éducation, mais à la nécessité, pour la femme, plus faible, exposée à la maternité, de se défendre contre l’agression sexuelle. Chez la fille comme chez le garçon la libido commence par être masculine ; les zones érogènes sont homologues, le processus d’excitation et de détente, le même. Si l’on veut comprendre l’évolution de la petite fille, il faut suivre la destinée de cette excitabilité clitoridienne. A la puberté, l’excitabilité clitoridienne se diffuse aux zones voisines mais cela demande un certain temps. L’insensibilité vaginale peut durer si l’excitabilité clitoridienne a été très grande auparavant et précocement entretenue. Ce transfert d’excitabilité qui n’existe pas chez l’homme et le plus grand refoulement expliquent d’après Freud la prédisposition des femmes à la névrose, surtout à l’hystérie. Le primat de la zone génitale, à l’époque de la puberté, provoque presque régulièrement des pratiques d’onanisme qui se prolongeront souvent durant de nombreuses années, dont le refoulement est pénible, et qui joueront plus tard le rôle de traumas affectifs importants.
Le premier objet sexuel de l’enfant est le sein de la nourrice [p. 230] Après le sevrage, l’enfant passe dans la phase d’autoérotisme, mais les rapports entre l’enfant et ses « soigneurs » contribuent à l’évolution de sa sexualité. Ce commerce est une source incessante d’excitation sexuelle, d’autant plus que la femme qui soigne l’enfant, surtout la mère, lui témoigne des sentiments qui proviennent de sa vie sexuelle elle le caresse, l’embrasse, le berce. La mère serait effrayée si on lui disait qu’elle éveille l’instinct sexuel de son marmot. Celui-ci s’éprend naturellement des personnes qui lui procurent des satisfactions diverses. C’est là l’origine du fameux Œdipus-complexe. Avec de telles sources organiques, l’amour de l’enfant pour sa mère n’est pas idéal, et Freud n’hésite pas à lui appliquer l’épithète de sexuel. Œdipus-complexe comprend une tendresse pour le parent préféré, et une aversion pour l’autre parent, le concurrent, le rival. Freud admet que le petit garçon préfère sa mère et la fillette son père. Nous objecterons que s’il est vrai que la libido est toujours masculine, si l’amour infantile va d’abord aux soigneurs, la préférence de l’enfant doit aller à sa mère, quel que soit le sexe de cet enfant. Et de fait, les exemples les plus remarquables de haine parentale que nous ayons observés, étaient une haine de garçon contre père. Il nous semble que les inimitiés de certaines fillettes contre la mère aient une origine plus tardive, et proviennent de rivalités entre frère et sœur, d’une préférence témoignée par la mère à son fils, outre la préférence fréquente du père pour la fille. D’ailleurs l’Œdipus-complexe est profondément modifié par cette rivalité entre enfants et Freud accorde une très grande importance à l’apparition dans la famille, d’un frère ou d’une sœur.
D’après cette théorie, le rôle de la sexualité est donc primordial dans la constitution des complexes, c’est-à-dire de l’affectivité. Freud n’admet pas cependant que l’évolution de la sexualité dépende uniquement des expériences sexuelles infantiles. Il est bien forcé de poser à la base des constitutions sexuelles différentes et d’attribuer un rôle à l’hérédité. II note l’importance des antécédents syphilitiques et des troubles mentaux chez les parents, dans l’apparition des perversions et des névroses. D’ailleurs, dit-il, cette action traumatique de l’hérédité se fait peut-être uniquement sentir par une faiblesse constitutionnelle de la fonction génitale rendant plus difficile, à l’âge de la puberté, la fusion des [p. 231] activités sexuelles, primitives dans la fonction de reproduction. En dehors de l’évolution normale, l’instinct sexuel peut :
1° Demeurer au stade des perversions ;
2° Donner naissance à des névroses par suite d’un refoulement excessif ;
3° Se sublimer.
Etudions le processus de refoulement dans la formation du dégoût (Ekel), en développant l’idée de Freud. Le petit enfant n’a pas de dégoût. Il porte à sa bouche tous les objets même malpropres, comme de la terre. Son dégoût se limite à la saveur désagréable de ces objets. Dans la période de latence, sous l’influence commençante du refoulement, l’enfant éprouve du dégoût pour tout ce qui touche aux personnes étrangères manger dans le même plat, achever une portion entamée, embrasser une personne inconnue, coucher dans le même lit, etc. Une exception remarquable est longtemps faite pour la mère, que l’enfant soit un garçon ou une fille, et cela corrobore l’objection que nous faisions à Freud à propos de la constitution des haines parentales. Le dégoût de ce qui est excrémentiel se constitue de bonne heure le nom de cet objet est d’ailleurs pris par les soigneurs et les enfants, pour désigner tout ce qui est malpropre ou mauvais. C’est ce dégoût qui provoque plus tard certaines répugnances devant les organes et l’acte sexuel, parce que ces organes sont aussi ceux de l’excrétion. Cette répugnance peut prendre la valeur de symptômes hystériques fréquents chez les filles. On peut presque éprouver ce que Freud entend par le symptôme hystérique lors de certains dégoûts persistants et qui provoquent une réaction organique de « haut le cœur » comme on dit. Selon l’importance, plus ou moins grande, prise par ces dégoûts infantiles, s’expliquent chez le normal certaines phobies d’objets ou d’actes persistantes.
Une analyse semblable peut être faite de la honte et de la pudeur. La Sublimation consiste en ce fait que la tendance sexuelle renonce à son but de plaisir partiel ou de procréation, pour prendre un autre but rattaché de plus ou moins loin au premier. Ce but a généralement une valeur sociale. La sublimation n’est qu’un cas particulier de dérivation des tendances sexuelles vers d’autres tendances non sexuelles. La sublimation est une des faces de l’Introversion dont l’autre face est la névrose. Le mot introversion [p. 232] est de Jung. Freud l’emploie en un sens un peu différent. Il entend par là que la libido se détourne des possibilités de satisfaction réelles pour s’attacher à des fantaisies imaginatives qui jusque-là jouaient un rôle accessoire. Ces fantaisies sont les rêveries plus ou moins conscientes de la veille, par lesquelles nous nous dédommageons de l’impossibilité où nous sommes d’atteindre certains plaisirs. Ces rêveries sont des réalisations de désirs. Elles se développent particulièrement au cours de l’enfance, surtout à l’époque de la puberté. Lorsque la libido ne peut se satisfaire dans le réel, elle se rabat sur ces fantaisies, et c’est la porte ouverte soit à des névroses, soit à la sublimation. Étant donné le caractère infantile des fantaisies imaginatives, l’introversion apparaît comme une régression. La principale sublimation est celle de l’Art. L’artiste voudrait bien gagner honneur, puissance, richesse, gloire et l’amour des femmes, mais les moyens lui manquent pour y parvenir. C’est pourquoi, comme tout autre insatisfait, il se détourne de la réalité et porte tout son intérêt sur les constructions de sa fantaisie. Ce chemin est aussi celui de la névrose, et d’ailleurs beaucoup d’artistes sont névropathes. L’artiste travaille ses rêveries de telle sorte qu’elles abandonnent ce qu’elles auraient de trop personnel pour devenir une source de jouissance collective, et ainsi l’artiste gagne un plaisir tel que les refoulements dont il souffrait sont momentanément vaincus (25). Tout cela ne veut pas dire que l’Art soit uniquement une sublimation de la libido, mais la dérivation de la libido vers l’introversion apporte sa contribution à l’imagination de l’artiste, et c’est en ce sens que l’on peut parler de libido sublimée. La fable de Pygmalion reste éternellement vraie et l’étude des poètes de la passion et de la souffrance amoureuses est, à ce point de vue, très suggestive. On voit de ces garçons qui n’ont « connu » la femme que très tard, souvent dans une expérience des plus banales et chez qui la libido s’est sublimée en « littérature ». Leur timidité, une grande émotivité sexuelle due au long refoulement antérieur, leur met toujours, en matière d’amour, une citation littéraire au coin de la lèvre, leur font dissimuler leur passion, affecter l’indifférence, voire même la cruauté, cependant que leur activité de fantaisie et d’introversion est extraordinairement [p. 233] intense. Le romanesque devient souvent une perversion lorsque le but sexuel ne peut être atteint que dans des conditions et des circonstances plus ou moins extravagantes.
Nous avons connu un jeune poète de caractère féminin avec des tendances masochistes, qui aimait une femme qu’il ne pouvait voir très souvent. Il présentait dans les limites du normal des perversions de surestimation, de fétichisme, et d’arrêt aux buts sexuels intermédiaires. Comme conséquence directe de la surestimation, il se créait lui-même des obstacles à la possession de cette femme, de vertu peu sévère d’ailleurs ; il cultivait sa souffrance et c’était la source monotone de son inspiration, servie d’ailleurs par un très grand talent littéraire.
Ces quelques lignes de Freud résument l’importance de l’évolution sexuelle dans la constitution de l’affectivité Ce que nous appelons le caractère d’un homme est, en grande partie, constitué par le matériel des excitations sexuelles ; il a son fondement dans des tendances fixées depuis l’enfance, acquises par sublimation, par des constructions déterminées en quelque sorte par la répression d’excitations perverses reconnues comme inacceptables. Aussi la constitution sexuelle perverse de l’enfant peut être estimée comme la source d’une série de nos vertus (Tugenden) dans la mesure où elle provoque leur formation par « création réactionnelle » (Reaktionsbildung (26)).
« La chair une fois domptée ajoute à notre âme », dit M. Paul Bourget (27).
On a pu reprocher à Freud de faire la part trop grande à la sexualité dans la constitution de l’affectivité, et de ne pas s’arrêter à des émotions tout aussi primitives qui peuvent jouer un rôle important de traumas affectifs. M. P. Janet a cité de nombreux cas d’hystérie se rattachant à un souvenir traumatique de peur ou de grand chagrin. Pour bien comprendre la pensée de Freud, il faut se reporter à la définition qu’il donne de l’affectivité. L’affectivité est avant tout constituée par des phénomènes organiques, par un tumulte du corps, et par là nous rejoignons les processus de détente nerveuse généralisée qui caractérisent la satisfaction sexuelle. Le phénomène affectif par excellence est [p. 234] l’angoisse (Angst). Freud présente une conception très intéressante de l’angoisse comme équivalent psychique. C’est un état affectif diffus provoqué par le refoulement, ou l’incapacité d’aboutir, d’une excitation affective. La notion d’équivalence est classique en nosologie. Lorsque la grande crise épileptique a pu être évitée, il se produit parfois une série de phénomènes vicariants parmi lesquels domine l’angoisse, et qui constituent le « petit mal ». Si l’on empêche un obsédé de céder à toutes ses manies, et s’il renonce à certaines de ses obsessions, il éprouve une angoisse très grande. Dans ces conditions il n’est pas surprenant que l’angoisse provienne le plus souvent, chez le normal, d’une excitation sexuelle qui n’a pas abouti à une satisfaction complète. D’ailleurs nous ajouterons qu’il y a longtemps qu’Hippocrate avait comparé l’acte sexuel à un accès d’épilepsie. Si la satisfaction sexuelle incomplète est la cause la plus fréquente de l’angoisse, elle n’en est pas la seule. La peur comporte de l’angoisse. La première angoisse, dit Freud, est provoquée par la naissance, par l’intoxication momentanée qui précède les premiers efforts de respiration propre du nouveau-né. Il faut reconnaître que l’étude que Freud a faite sur la sexualité est de premier ordre ; elle s’est attaquée résolument à un problème essentiel que tout le monde jusque-là avait passé sous silence, et dont nous n’avons pas à indiquer l’importance. Chacun le ressent en lui-même ou n’a qu’à se souvenir. L’inconvenant ne doit pas imposer de bornes à la psychologie, et ce serait un progrès énorme en pédagogie que les éducateurs ne feignent plus d’ignorer la vie sexuelle infantile, sauf à s’indigner, à crier à la monstruosité lorsqu’ils sont obligés d’en tenir compte. Qu’ils n’oublient pas que l’instinct sexuel est un des plus violents et en même temps le plus refoulé ; et que ce refoulement loin d’éteindre la passion, l’attise le plus souvent et la rend d’autant plus puissante et dangereuse qu’elle devient moins consciente. S’il était moins hypocritement refoulé, peut-être l’instinct sexuel tiendrait-il moins de place dans la vie affective, et y aurait-il moins de détraqués. Là, peut-être, se trouve une des raisons de la sérénité d’une pensée païenne comme celle de la Grèce antique. Socrate ne rougissait point de rendre visite à Théodote.
ANDRÉ OMBREDANE.
(A suivre)
NOTES
(1) P. Janet, Les Médications psychologiques, Alcan, 1920, t. H, p. 214 et suiv.
(2) Hamelin, Essai sur les éléments principaux de la représentation, 1907, p. 408.
(3) Bergson, Matière et mémoire, 16e éd., p. 152.
(4) Id., 16e éd., p. 95.
(5) Bergson, Evolution créatrice, 13° éd., p. 5.
(6) Blondel, La conscience morbide, Alcan, 1914, p. 271.
(7) Barat, La notion de maladie mentale et les méthodes psychoanalytiques, Journal de Psychologie normal et pathologique, 1914.
(8) Sur le refoulement, cf. tout le chapitre : Primar, — und secundar —Vorgang-Die Verdrängung (Traumdeutung, VII, Psychologie der Traumvorgänge).
(9) Traumdeutung, 1900, p. 316.
(10) Traumdeutung, 1900, VII, Die Verdrängung, p. 359.
(11) Traumdeutung, 1900, VII, Die Bewusstein, p. 368.
(12) Traumdeutung, 1900, VII, Die Régression, 1re éd., p. 316.
(13) La Paura, cap. xi, p. 222, cité par Ribot, Psychologie des sentiments.
(14) Ribot, Psychologie des sentiments, La mémoire affective, 2e édit., p. 170.
(15) Rauh, De la méthode dans la psychologie des sentiments, 1899, p. 86.
(16) Traumdeutung, 1900, VII, d) Der Angsttraum, p. 343.
(17) Cf. les critiques de M. P. Janet dans les Médications psychologiques, t. II, p. 215 et suiv.
(18) Vorlesungen zur Einführung in die Psychoanalyse, 1912, 2e édit. XXV,
(19) Der Witz, etc., cap. IV, Der Lustmechanismus, 1re édit., p. 124.
(20) Der Witz, 1905, VII, Der Witz und die Arten des Komischen, p. 181.
(21) Vorlesungen zur Einführung in die Psychoanalyse, 1918, cap. XXI, p. 367.
(22) Drie Abhandllungen zur Sexualtheorie, 1905, p. 61.
(23) « Donne-moi un fichu qui vienne de sa poitrine, une jarretière de ma joie d’amour. »
(24) Drie Abhandllungen zur Sexualtheorie, 1905, p. 53.
(25) Vorlesungen Einführung in die Psychoanalyse, 2e 1918, cap. XXIV, p. 435.
(26) Drie Abhandllungen zur Sexualtheorie, 1905, p. 76.
(27) P. Bourget, Physiologie de l’amour moderne, p. 36.
Comment faut il faire pour devir membre(afiliation.je vie en angola) province de cabinda
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