Alfred Maury. Somnambulisme. Extrait de « Encyclopédie moderne : dictionnaire abrégé des sciences, des lettres, des arts, de l’industrie, de l’agriculture et du commerce. 25. Rongeurs-Sucre / publ. par MM. Firmin Didot frères ; sous la dir. de M. Léon Renier », Paris, tome 25, 1847, colonne 569-571.

Alfred Maury. Somnambulisme. Extrait de « Encyclopédie moderne : dictionnaire abrégé des sciences, des lettres, des arts, de l’industrie, de l’agriculture et du commerce. 25. Rongeurs-Sucre / publ. par MM. Firmin Didot frères ; sous la dir. de M. Léon Renier », Paris, tome 25, 1847, colonne 569-571.

 

Compte tenu le nombre très important des publications d’Alfred Maury, nous renvoyons à notre fiche spéciale bio-bibliographique leconcernant. 

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SOMNAMBULISME. (Psychologie.) Nous désignons par ce mot, non l’état plus ou moins problématique dans lequel est plongé un individu qui a été soumis aux opérations du magnétisme animal : tout ce qui a trait à ce sujet ayant été déjà traité ailleurs (Voy.Magnétisme animal) ; mais cette sorte de rêve dans lequel le rêveur marche, se livre avec énergie, quelquefois avec une violence extrême, à l’exercice de tous les mouvements volontaires de l’état de veille. Il semble que ce soit l’activité et la vivacité même du rêve qui donnent lieu à ces mouvements en provoquant les déterminations d’où il résulte. En même temps que la mémoire, dit M. Lélut (1) retrace au somnambule, dans toute leur force et leur enchaînement, ses préoccupations, ses affections, ses idées, l’imagination lui représente avec une clarté non moins vive les objets avec lesquels il est le plus familier, dans des rapports qui lui sont parfaitement connus et qu’il a pu vérifier avant son sommeil c’est ce qui aide à nous expliquer la précision et le succès des mouvements qu’il exécute pour se mettre en relation avec ces objets, les rechercher, les saisir, souvent aussi les éviter.

Les sens à demi endormis, dit fort justement Walter-Scott (2), conservent assez d’intelligence pour faire sentir au somnambule où il est, mais trop peu pour le mettre en état de bien juger les objets qui sont devant lui.

En effet, ainsi que le fait également observer M. Lélut, lors même que les paupières sont fermées, il se passe encore pour le somnambule des impressions lumineuses auxquelles serait insensible dans l’état de veille. Il y a d’ailleurs un sens qui est évidemment éveillé et des [colonne 570] plus éveillés chez le somnambule, au moins dans ce qui est relatif à ces fausses sensations ; c’est le sens du toucher. C’est lui qui lui vient en aide dans ses promenades périlleuses, sur les toits, au bord des neuves, promenades qu’il ne tente, au reste, que dans les lieux qu’il connait et pour lesquelles il a besoin d’être entièrement abandonné à la direction des fantômes de son imagination ou plutôt de sa mémoire. C’est ce sens surtout dont l’action surexcitée lui donne les moyens d’exécuter d’autres actes, plus merveilleux encore; d’écrire avec une correction extrême de la prose des vers, de la musique, de distinguer et de choisir, parmi les objets les plus ténus, ceux qu’il destine aux ouvrages les plus délicats; actes complexes, difficiles, qui nécessiteraient dans l’état de veille l’exercice le ,plus attentif du sens de la vue. Ordinairement le somnambule oublie au réveil les actes qu’il a accomplis dans son état somnambulique. Maine de Biran, qui avait supposé ce fait beaucoup plus général qu’il ne l’est en réalité s’en était servi pour étayer la théorie psychologique qu’il a donnée sur le sommeil, mais qui, malgré les aperçus ingénieux qu’elle présente, n’est nullement d’accord avec les faits. C’est ce qu’a montré judicieusement M. Lélut (3). Il est difficile d’expliquer, au reste, d’une manière satisfaisante, dans l’état actuel des observations, pourquoi l’oubli existe plus fréquemment pour le sommeil somnambulique que pour le sommeil ordinaire.

Il y a encore ce fait singulier, que dans le somnambulisme il existe une sorte d’attention, une direction régulière et continue imprimée à nos actes, laquelle semble tout à fait trancher avec l’état passif dans lequel se trouve le rêveur. Cet abbé du séminaire de Bordeaux qui se levait chaque nuit, se mettait à son bureau, écrivait des sermons très-suivis dans toutes leurs parties, en se corrigeant, se raturant (4) semble avoir fait autre chose que de contempler les images qui apparaissaient automatiquement dans son esprit. Toutefois, en y regardant de près, on est conduit à reconnaitre que dans le rêve somnambulique, pas plus que dans le rêve, la volonté n’est pas en jeu, et partant pas l’attention, puisque le somnambule répète souvent ses actes les yeux fermés. Il n’y a là qu’un phénomène de mémoire et d’habitude, comme l’a vu très-bien Maine de Biran. L’esprit est tellement habitué à enchaîner certaines pensées d’où résultent certains actes, que dans le sommeil le même enchaînement de pensées se reproduit spontanément. Je me souviens avoir dernièrement adressé en songe à une personne qui m’était chère, et [colonne 571] qui s’est donné la mort, une longue allocution ;  or, en me la rappelant à mon réveil, je retrouvai toutes les pensées qui depuis sa mort avaient constamment occupé mon esprit. De même la plupart des somnambules dont on a rapporté les exemples ne faisaient que répéter en songe des actes qu’ils avaient l’habitude d’accomplir éveillés. Or, c’est un phénomène constaté que l’homme a acquis et souvent répété les actes les plus compliqués, il peut ensuite les reproduire comme instinctivement, spontanément, sans la moindre attention ; c’est ce qui arrive pour le joueur de billard, le musicien, etc. Eh bien, dans l’état somnambulique il se passe, à notre avis, un phénomène semblable (5).

Maine de Biran avait déjà remarqué avec raison que les actes que le somnambule fait en rêvant étaient toujours ceux qui se trouvaient compris dans ses habitudes journalières. Chez le somnambule il existe une relation si étroite entre la pensée et l’acte, le genre de locomotion que cette pensée peut déterminer, que la formation spontanée de l’une entraîne nécessairement l’autre. En cela les somnambules rappellent ces personnes affectées de certaines névroses, et qui ne peuvent s’empêcher d’accomplir une action dont la pensée prend naissance dans leur intellect. Je connais une femme attaquée d’hystérie qui présente un curieux phénomène de ce genre. Parfois elle est ainsi entraînée à commettre les actes qu’elle redoute le plus, qui lui sont le moins agréables et dont la pensée, précisément pour cette raison s’offre plus souvent à elle. Tout devient alors dans nos actes, comme chez celui qui est attaqué de chorée. Il est d’ailleurs à remarquer que les personnes sujettes au somnambulisme offrent presque toujours une certaine excitation, une certaine perturbation dans les fonctions nerveuses.

Voy. Outre les ouvrages cités, l’article SOMNAMBULE dans le Dictionnaire des Merveilles de la Nature.

Formey, Essai sur les songes, dans les Mémoires de l’Académie de Berlin : 1746. [en ligne sur notre site]

Sandras, Traité pratique des Maladies Nerveuses, tom. 1er.

Alfred Maury.

Notes

(1) L’amulette de Pascal, ,lntrod. p. 69 et suiv.

(2) L. c.

(3) Ouvrage cité.

(4) Voy. Maine de Biran, Du Somnambulisme. dans ses Œuvres philosophiques, t. II p. 280.

(5) Voy. Le complément de la démonstration de Maine de Biran.

 

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