A propos de la note de Tito Vignoli, Sulla paramnesia, o falsa memoria. Par Jules Soury. 1894.

SOURYPARAMNESIE0001Jules Soury. A propos de la note de Tito Vignoli, Sulla paramnesia, o falsa memoria. Article parut dans la « Revue de philosophie de la France et de l’étranger », (Paris), dix-neuvième année, tome XXXVIII, juillet-décembre 1894, pp. 50-51.

Jules-Auguste Soury (1842-1915) est un théoricien et historien de la neuropsychologie très connu pour l’éclectisme de ses publications, contemporain de Jules Déjerine avec lequel il entretenait des contacts habituels. Nous renvoyons à ses conséquentes biographies. Nous avons retenu deses travaux :
— Histoire des doctrines de psychologie physiologique contemporaines. Les fonctions du cerveau. Doctrines de l’école de Strasbourg. Doctrines de l’école italienne. Deuxième édition, revue et corrigée. Paris, Bureaux du Progrès médical et Veuve Babé, 1892. 1 vol.
— Le système nerveux central. Structures et fonctions. Histoire critique des théories et des doctrines. Paris, Georges Carré et C. Naud, 1899. 2 vol.
— Philosophie naturelle. Paris, G. Charpentier, 1882. 1 vol

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’ouvrage. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original. – Par commodité nous avons renvoyé en fin d’article la note originale de bas de page. – Les images ainsi que les notes bibliographiques ont été ajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

[p. 50]

SULLA PARAMNESIA, O FALSA MEMORIA.
Nota del prof. Tito Vignoli.
Rendiconti dei R. Instituto Lombardo, 1894.)

Il est peu de phénomènes psychologiques qui aient autant dévoyé les esprits depuis quelques mois que la paramnésie, ou fausse mémoire. On sait en quoi consiste ce phénomène. A l’aspect d’un paysage, d’un monument. d’un tableau, d’un objet quelconque que l’on voit pour la première fois, on se rappelle tout à coup l’avoir déjà vu, et dans des conditions tout à fait identiques, comme si l’on revivait un instant d’une existence évanouie. D’autres fois, on a la conviction d’avoir déjà entendu, dans les mêmes termes, des mêmes personnes, ce qu’on entend ; d’avance on devine ce qui va dit, et dans certains cas le prévision est justifiée. Ce qui constitue l’illusion de la paramnésie, c’est qu’on n’a point conscience d’une analogie plus ou moins éloignée entre un événement passé et le moment présent : on croit à une identité absolue.

Au lieu d’appliquer à ce processus les méthodes ordinaires de la science, on a comme à plaisir épaissi les ombres qui le couvraient, afin qu’il eût tout l’attrait d’un mystère. Car ce mot mystique a reparu dans les écrits de quelques jeunes psychologues qui croient ce vocable synonyme d’obscur ou d’inconnu. À tout prix il leur faut du mystère, de l’occulte, de l’au-delà.

On a donc prononcé sérieusement les grands mots d’intuition télépathique, de dédoublement de la personnalité, de don prophétique de l’imagination. « Ces trois hypothèses ont le tort d’expliquer un fait obscur par un fait plus obscur », dit très bien M. Paul Lapie, auteur de la dernière Note parue, à ma connaissance, sur la paramnésie (1) et qui définit ces illusions des « hallucinations vraies », ou plutôt des « illusions qui deviennent vraies », quand certaines constructions latentes de l’imagination, comme dans le rêve, se rencontrent avec la réalité et coïncident avec elle.

M. Tito Vignoli, qui a si bien mérité de la psychologie expérimentale par ses grands travaux originaux, bien connus en Europe, a repris l’étude de la paramnésie avec l’esprit scientifique qu’y aurait apporté un psychologue de l’école de Cabanis, de Claude Bernard ou de Littré. Il se trouvait dans des conditions d’observation particulièrement favorables, ayant connu souvent lui-même, par des expériences répétées, chez lui et chez des membres de sa famille, le phénomène de la paramnésie. Ce phénomène est d’ailleurs loin d’être rare ; il s’observe même très communément, sans distinction de sexe, en santé comme en maladie, quoique plus fréquemment dans la jeunesse.

Il en sera certainement, à mon humble avis, de ces phénomènes, comme de celui de l’audition colorée, ou mieux des synesthésies, qui passa d’abord pour aussi rare qu’extraordinaire, et qui, après enquête, s’est trouvé des plus répandus. [p. 51]
M. Tito Vignoli, qui a étudié antérieurement la question des synesthésies, aurait pu faire ce rapprochement, qui s’impose en quelque sorte. Or les phénomènes de l’audition, de l’olfaction, etc. colorée, sont bien des phénomènes normaux, tout à fait physiologiques, selon moi, et dont l’explication n’a besoin d’aucune hypothèse métabiologique, d’aucune loi d’exception forgée tout exprès pour le plaisir des occultistes, des spirites et autres assembleurs de nuages.

On peut lire dans le mémoire de M. T. Vignoli des exemples personnels de paramnésie fort bien choisis et qui semblent frappés au coin de l’esprit critique, Il suffit ici d’indiquer que, loin d’invoquer des hypothèses transcendantes ou des forces cachées, l’auteur ramène l’explication de la paramnésie aux lois connues de tous les processus psychiques. Il assigne comme causes efficaces du phénomène, sous toutes ses formes : 1° le réveil d’images mentales, d’idées, de sentiments, par association ; 2° la rapidité des processus psychiques ; 3° la faculté ou puissance de construction de l’imagination (automatique et semi-volontaire). Frappé de la ressemblance de ce qu’il voit et entend avec ce qu’il a vu et entendu, et ne distinguant pas, comme d’habitude, l’idée évoquée de celle qui l’évoque, l’esprit se trouve dans une condition insolite, mais non anormale, et s’écarte du jugement ordinaire. L’image présente, transportée par une association inconsciente à une époque indéterminée et lointaine, apparaît comme la reproduction de perceptions passées. De là notre conviction d’avoir déjà vu ou déjà entendu ce que nous voyons et entendons.

‘l’elles sont, selon M. Tito Vignoli, les conditions de la paramnésie visuelle et auditive,

JULES SOURY.

NOTE

(1) Revue philosophique, mars 1894. [Note sur la parmanésie. Revue Philosophique de la France et de l’Etranger), (Pars), 1894-1 pp. 331-352. [en ligne sur notre site]

 

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