René Allendy. La psychanalyse et les sciences anciennes. Les doctrines philosophiques. Article paru dans « l’évolution psychiatrique », (Paris), 1925, pp. 258-276.
René-Félix Allendy (1882-1942.). Médecin et homéopathe, il s’intéressa à la psychanalyse dès 1920 et devint psychanalyste après avoir fait son analyse avec René Laforgue. Un des douze fondateurs, à l’initiative René Laforgue et Marie Bonaparte, de la Société psychanalytique de Paris en 1926. Il aura comme patient, entre autres, Antonin Artaud et Anaïs Nin.
Sa thèse de médecine, L’alchimie et la médecine, dénote son intérêt précoce et jamais démenti pour l’occultisme. Nous retiendrons son rapprochement des théories surréaliste et l’ouvrage qu’il écrivit Capitalisme et sexualité, qui semble aujourd’hui de toute actualité. – Quelques autres articles de cet auteur :
— La libido. Article parut dans la publication « Le Disque vert », (Paris-Bruxelles), deuxième année, troisième série, numéro spécial « Freud », 1924, pp. 38-43. [en ligne sur notre site].
: Les présages du point de vue psychanalytique.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original, mais avons corrigé les fautes de frappe. – Par commodité nous avons renvoyé la note originale de bas de page en fin d’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr
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LA PSYCHANALYSE ET LES SCIENCES ANCIENNES
LES DOCTRINES PHILOSOPHIQUES
par LE Dr. R. ALLENDY
Il peut sembler étrange, au premier abord, de rechercher dans un passé plus ou moins lointain de correspondances avec une méthode aussi nouvelle que la psychanalyse et avec les doctrines que cette méthode a fait naître : Cependant, sans rien vouloir enlever à cette nouveauté de son caractère d’invention générale, il convient de reconnaître qu’elle consiste en un assemblage pratique et scientifique d’éléments divers déjà soupçonnés ou connus par des moyens divers. Sans doute, de cette synthèse une fois réalisée sont sorties des possibilités tout à fait inattendues mais nous voudrions précisément considérer, dans ses grandes lignes, la genèse des éléments constituants. Ce qui fait, à notre avis, la grandeur des doctrines psychanalytiques, c’est que, loin d’être la création, ex nihilo, d’un esprit ingénieux et original, elles ne sont que la mise-au-point féconde et constructrice des plus vieilles acquisitions de l’humanité. En ceci précisément la psychanalyse représente quelque chose de profondément humain, elle se situe dans la chaîne d’une grande tradition et prend sa force du fait que convergent en elle une foule de connaissances humaines, respectables par leurs titres de noblesse antique et par leur généralité. Cette constatation ne saurait diminuer en rien le mérite de celui qui, avec des matériaux épars et inutilisés, a su forger un instrument [p. 259] nouveau pour une besogne nouvelle, mais au contraire étend, la portée et la valeur de son œuvre, répondant aux objections superficielles de ceux qui voudraient traiter la psychanalyse comme une bizarrerie ou un snobisme.
Il importe, avant tout, de bien préciser la question et les termes du problème. La psychanalyse peut se définir comme l’exploration méthodique de l’inconscient au moyen des associations d’idées, que ce soit au cours de l’activité psychique ordinaire (pensée, travail, création) ou au cours du sommeil (rêve). Elle implique donc : 1° la notion d’un domaine inconscient dans le psychisme ; 2° la connaissance de ses caractères essentiels ; et 3° une méthode d’exploration telle que l’interprétation symbolique ou l’analyse des rêves. Il est assez surprenant de voir combien ces questions ont préoccupé les savants des temps anciens et combien les solutions qu’ils qu’ils leur ont données instinctivement sont proches de ce que la psychanalyse nous montre scientifiquement.
La connaissance du psychisme inconscient nous parait une acquisition toute récente ; elle nous semble le fruit des études de ces temps derniers sur l’hypnose et les dédoublements de personnalité : nous en attribuons la paternité aux Charcot, Bernheim, Janet, etc. C’est qu’en réalité nous sortons d’une période de quelques siècles pendant lesquels on n’avait voulu apporter aucune division dans l’unité supposée de l’âme humaine et cela sans doute sous l’influence plus ou moins consciemment subie des enseignements religieux. L’Eglise, en effet, ne voulait pas admettre d’intermédiaire entre l’âme considérée comme l’immortel et suprême principe, intelligence souveraine et responsable ; agent indéterminé et libre – et d’autre part le corps avec ses sens et leurs données immédiates. Ce n’était d’ailleurs qu’une opinion discutable, en matière théologique jusqu’au jour où Pie IX en fit un article de foi, mais c’était une opinion fortement enracinée et que la philosophie, au mois depuis Descartes, s’efforçait de soutenir. Cependant, quand on considère de loin et de haut l’évolution des idées à ce sujet, la méconnaissance, l’oubli du côté inconscient ou instinctif du psychisme n’apparaît que comme un court épisode dans l’histoire du savoir humain. Cet [p. 260] inconscient était connu de toutes les sciences ou philosophies anciennes. Une des plus vénérables et des plus anciennes théories est assurément celle des sept principes que, chez les Chinois, le Taoïsme mystique, le Yi-King et les croyances bouddhiques plus récentes s’accordent à reconnaître dans l’homme. Ces principes sont : 1° Xuong, le corps physique ; 2° Man, le sang, véhicule de la force vitale ; 3° Than-thug-hua, le mouvement qui préside à la circulation sanguine ; 4° Khi, le souffle de vie, principe psychique intermédiaire et central qui semble bien correspondre à la vie instinctive et aux éléments inconscients ; 5° Thânn, la lumière, ou principe d’instinct supérieur ; 6° Tinh, l’entendement, la faculté d’associer logiquement les idées, qui paraît pouvoir être rapportée au mécanisme de la censure ; enfin 7° Wun, la volonté céleste, principe spirituel supérieur qui tient le corps humain dans son intégrité et qui représente l’étincelle divine des conceptions religieuses diverses. D’après les Chinois, les trois premiers principes sont mortels et dissolubles tandis que les trois derniers sont immortels. Le principe intermédiaire meurt mais ne se dissout pas et se réunit par une immédiate résurrection aux trois immortels pour constituer un nouveau mode d’existence. Il est le pivot de la vie de l’homme sur la terre ; se portant vers thanet le mau, il constitue le nodus sanguin (vie végétative) ; se portant vers le thânn, il constitue le nodus psychique qui a pour centre de condensation le cœur : enfin, affectant Le tinh, il produit le nodus intellectuel qui se localise d’une manière passagère dans le cerveau. De cette manière, les sept principes constituent en réalité trois centres de vie qu’on pourrait appeler vie physique, vie psychique inférieure ou inconsciente et vie mentale supérieure.
Les conceptions déduites par les philosophes chinois concernant la médecine sont des plus curieuses et méritent qu’on s’y intéresse. Le corps matériel ne peut-être affecté qu’extérieurement ; le principe suprême Wun est absolument inaltérable ; dès lors, tous les désordres pathologiques pénètrent par le principe psychique central du Khi ou par des voisins [p. 261] immédiats : than et thânn (1). Au moment où des psychanalystes comme Mœder insistent sur l’importance extrême de l’élément psychique inconscient dans l’évolution des maladies organiques (dyspepsie, tuberculose, etc) il est intéressant de retrouver cette vieille théorie millénaire des Chinois qui attribue à la plupart des maladies diathésiques, non-traumatiques, une origine nettement psychique. Non moins antiques sont les conceptions indiennes sur la nature de l’âme humaine. Dès l’origine, le sens profondément métaphysique des Indiens devait s’appliquer à discerner les différents états de conscience et à en systématiser l’étude. Là encore nous retrouvons la théorie des sept principes : Le Kathopanishad, qui appartient à la plus ancienne collection du Yajur-Véda, appelée Krishna, la noire, l’exprime en ces termes:
« Au delà des sens physiques sont les rudiments subtils ; au delà des rudiments, le mental impulsif : au delà du mental, la raison : au delà de la raison, le Grand Soi.
« Au delà du grand Soi, l’Incréé ; au delà de l’Incréé l’Homme ; au delà de l’Homme il n’est rien. Cela est le but, Cela la fin dernière » (2)
Le même Upanishad répète un peu plus loin, en des termes un peu différents, cette distinction fondamentale (VI-7). Elle sert d’ailleurs à tout l’entraînement psychique de Yoga qui consiste à passer d’un état de conscience à l’autre jusqu’à atteindre l’extase suprême (III, 13).
Après la période védique, la distinction des sept véhicules de conscience n’a fait que se préciser, notamment sous les termes de Rûpa, Prana, Kama, Kama-manas, Manns, Buddhi et Atma. – Diverses classifications s’y sont surajoutées, telle que celles des cinq étuis (Koshas) de l’école Védantine qui sont : Annamaya Kosha, le corps matériel ; Pranamaya Kosha, le corps fluidique ; Manomaya Kosha, le mental inférieur (l’instinct) ; Vignanamaya Kosha, le mental supérieur (la raison) ; et Anandamaya Kosha, le principe spirituel pur.
Ces subtiles distinctions comportent naturellement la [p. 262] différenciation très nette du conscient et de l’inconscient. A ce point de vue, il faut citer le Mundaka upanishad (de l’Atharva-Véda) (III-I-1).
« Deux compagnons aux ailes splendides, ensemble éternellement, perchent sur le même arbre. L’un se nourrit du fruit délectable. L’autre, sans manger, le regarde (3).
« Bien que posé sur le même arbre que l’Atman, l’homme, plongé dans l’impuissance, se lamente plein d’illusions.
« Mais dès qu’il a contemplé son compagnon adorable et rempli de puissance, sa douleur s’évanouit ».
Il s’agit ici de l’union mystique entre la raison et le principe spirituel supérieur, mais les relations en sont tout à fait analogues et superposables, selon ce système philosophique, à celles du conscient et de l’inconscient dont la divergence produit l’angoisse et dont la coopération rétablit l’équilibre.
A ce point de vue, la distinction des trois Qualités (gunas) qu’on trouve à une époque plus récente, dans le Mahabharata (4) peut nous montrer à quel point les conceptions des vieux philosophes de l’Inde peuvent s’accorder avec les nôtres.
Les trois Qualités dont le jeu réciproque conditionne le fonctionnement du monde comme la vie de chaque homme, sont Rajas, principe d’activité, d’expansion, de mouvement, de nouveauté, Tamas, principe d’inertie, de masse, d’automatisme, de conservation, et Sattva, principe d’équilibre, de rythme, d’évolution progressive. – Tamas signifie proprement l’obscurité, mais en ce qui concerne la correspondance avec le psychisme humain, les traducteurs ne sont pas d’accord. Burnouf appelle Rajas la passion et Tamas l’ignorance, mais en examinant le caractère propre de ces trois Qualités, il n’est pas difficile de reconnaître que l’automatisme aveugle de Tamas correspond nettement à l’instinct et à l’inconscient, Rajas à la volonté consciente et Sattva à l’harmonie de deux éléments.
La distinction des sept principes de l’homme est une théorie plus ou moins universelle. D’après Anquetil-Duperron (5), [p. 263] nous la retrouvons dans les antiquités de la Perse. On admet là, à côté du corps matériel une sorte de double, le Feoüer ou fravashi qui joue un rôle si important dans la vieille littérature persane, puis une sorte de principe vital, le djan ;ensuite l’âme animale instinctive, akka ;enfin l’âme spirituelle de nature triple. C’est ainsi qu’on lit dans l’Avesta : « Nous honorons la conscience, la force vitale, l’intelligence, l’âme et le fravashi des hommes et des femmes justes (6) ».
Chez les anciens Egyptiens, il est vraisemblable que la même distinction des principes psychologiques a joué un rôle important. La notion du double correspond déjà au fravashi persan ou au prâna indien et les idées des égyptiens sur la survie devaient les conduire à des notions analogues à celles que nous avons rencontrées ailleurs. Frantz Lambert, dans un article déjà ancien du Sphinx (de Munich) a examiné la question des Sept principes chez les Egyptiens et donné leurs noms : Chat, Anch, Ka, Ab Hati, Baï, Chey bi, Chu.
En tout cas, la distinction du conscient et de l’inconscient apparaît d’une manière fort claire chez les Hébreux. Ceux-ci parlent d’une âme animale, nêfés, qui réside dans le sang (7), peut mourir (8), et se trouve chez les animaux. Ils reconnaissent, à côté, une âme spirituelle, rûah, qui n’est attribuée qu’aux hommes ou à Dieu (Sauf un chapitre de l’Ecclésiaste, III. 21). Certains passages mentionnent ces deux âmes côte à côte, pour mieux en marquer la distinction, tel ce passage de Daniel (III. 86) : « Les esprits et les âmes des justes sont invités à bénir le Seigneur ».
C’est dans la philosophie grecque que nous trouvons, avec la distinction platonicienne des trois âmes, une compréhension du psychique humain très approchée des conceptions psychanalytiques.
Dans le corps de l’homme, dit le Timée, les dieux placèrent encore une autre espèce d’âme, celle qui est mortelle, siège des passions violentes et fatales : d’abord le plaisir, le plus grand appât au mal, puis la douleur qui nous éloigne du [p. 264] bien, l’audace et la crainte, imprudents conseillers, l’espérance qui se laisse séduire à la sensation irraisonnable et à l’amour effréné. De toutes ces choses, mêlées selon les lois de la nécessité, ils composèrent l’espèce mortelle. C’est pourquoi, de peur de souiller le principe divin plus qu’il n’était nécessaire, ils assignèrent à l’âme mortelle une demeure distincte dans une autre partie du corps… C’est donc dans la poitrine qu’ils enchaînèrent le genre mortel de l’âme.
« …Pour la partie de l’âme qui désire les aliments, les breuvages, toutes les choses dont la nature du corps nous fait une nécessité, les Dieux la logèrent dans la partie qui s’étend du diaphragme au nombril… Ils virent qu’il n’était pas de sa nature de comprendre jamais la raison, que, s’il lui arrivait d’éprouver quelque sensation, elle ne s’inquiéterait pas d’en rechercher les causes, que jour et nuit, elle se laisserait séduire aux images et aux fantômes et alors, pour lui venir en aide, ils firent le foie…
« La pensée peut effrayer cette troisième âme et l’épouvanter de ses menaces… elle nous cause de la douleur et du dégoût. Mais lorsqu’une inspiration sereine, partie de l’intelligence, rend joyeuse l’âme qui habite près du foie, elle lui donne pendant la nuit le calme et la tranquillité et, pendant le sommeil, la divination qui lui tient lieu de la raison et de la sagesse auxquelles elle ne participe point.
« …Il est assez évident que la divination n’est qu’un supplément à l’imperfection intellectuelle de l’homme. Jamais personne, en effet, dans le plein exercice de sa raison, n’atteint à une divination inspirée et véritable : il faut que la pensée soit empêchée par le Sommeil, égarée par la maladie ou par l’enthousiasme. Mais c’est à l’homme sain qu’il appartient d’examiner les paroles prononcées dans le sommeil et la veille, quand l’esprit est transporté par la divination ou l’enthousiasme, de discuter et de mettre à l’épreuve du foisonnement les visions, les apparences et de rechercher comment et à qui elles annoncent un bien ou un mal présent, passé ou futur. Celui qui a été dans le délire et dont le délire dure encore n’est pas en état de juger ses propres visions, et ses propres paroles. [p. 265]
« Sur la nature de l’âme, sur la distinction d’une partie mortelle et d’une partie divine, sur leur séparation et leur localisation, sur les raisons qui ont déterminé ce partage, pour pouvoir dire : voilà la vérité, il faudrait l’avoir apprise de Dieu même. Mais, du moins, que toutes ces considérations soient vraisemblables, c’est cc qu’on peut d’autant plus affirmer qu’on yréfléchit davantage… »
Ce passage de Platon se rapporte non seulement à la distinction des divers psychismes de l’homme, mais à une théorie générale du sommeil et des rêves sur laquelle nous reviendrons plus loin. Cette distinction des divers mécanismes psychiques prend ici une forme très perfectionnée se retrouvera dans toute l’antiquité. Elle passera à Aristote et par là à la philosophie scholastique. Chez les Romains, la distinction apparaît dans l’emploi des mots : anima, mens, spiritus.
Chez les auteurs chrétiens, ψυχή est l’équivalent du nefes hébraïque et πνευμαα celui de ruah. Divers passages de Saint Paul sont typiques à ce point de vue (9) Le terme Nους correspond au principe pensant (intellectus). En beaucoup d’endroits, Saint Paul affirme la distinction de l’âme et de l’esprit, qu’il oppose (10). Cette dualité fait l’objet de controverses retentissantes. Elle est soutenue par les Pythagoriciens, les Platoniciens, l’historien Josèphe, Philon, Saint Justin, les Gnostiques montanistes, les Manichéens, les Apolinaristes, combattue par Irénée, Tertullien, Saint Grégoire de Naziance, Saint Augustin.
Parmi les Gnostiques, Valentin en particulier avait établi une distinction entre les hommes basée sur leur développement de conscience : l’homme hylique, purement matériel, soumis à ses besoins corporels, l’homme psychique, dominé par ses passions et entraîné par son désir, enfin l’homme pneumatique soustrait aux emportements passionnels, Ceci correspond très exactement aux trois âmes de Platon.
La philosophie subtile des Grecs devait, après les perturbations [p. 266] profondes qui marquèrent la fin du monde antique, s’éclipser pour quelques siècles. Cependant, il est probable que l’idée des différents psychismes humains, si remarquable par sa constance et son universalité, ne se perdit pas complétement. D’une part le sentiment religieux, d’autre part la pratique de la magie et de toutes les branches de l’occultisme qui mettent en jeu ces mécanismes obscurs de nous mêmes, durent contribuer à maintenir la distinction entre l’esprit et l’âme animale. Aux yeux mêmes des prêtres, la position prise par certains auteurs chrétiens sur cette question devait constituer un motif de conservation du problème. Nous le voyons revenir au grand jour avec l’Hermétisme et la Kabbale.
Les Hermétistes cherchaient à établir un système de correspondances universelles et d’analogies entre toutes choses et une de leurs grandes clefs, sinon la principale, était fournie par les trois principes appelés Soufre, Mercure et Sel et rapportés souvent, par eux-mêmes, aux trois personnes de la trinité divine dans l’enseignement chrétien. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant qu’ils aient cherché trois catégories dans l’homme (corps, âme, esprit) à la manière des anciens, ou encore trois catégories dans le psychisme humain. Or il suffit d’admettre une pluralité dans ce domaine pour qu’apparaisse l’opposition entre la raison et le sentiment, la volonté et la passion, c’est à-dire en, somme le conscient et l’inconscient. L’influence d’Aristote et de ses théories sur l’âme triple, devait inspirer tous les auteurs, Albert-le-Grand y souscrit tout à fait, par exemple, mais, pour les Hermétistes proprement dits la tradition secrète venue des sanctuaires antiques ou les spéculations juives continuant les données anciennes et préparant le mouvement Kabbalistique, ajoutèrent leur concordance à celle d’Aristote pour faire admettre l’ancien système.
Il y aurait beaucoup à dire sur les doctrines alchimiques cachées sous les allégories du Grand Œuvre et nous nous proposons de revenir un jour en détail sur cette importante question. A ce point de vue, un des traités alchimiques les plus précieux est le Traité de Lambsprinck, dans le Museum [p. 267] Hermeticum, car il déclare expressément que ses symboles se rapportent à l’esprit et à l’âme et c’est dans ce sens qu’il faut comprendre, d’après ses propres indications, la première figure où l’on voit deux poissons nager dans la même eau mais dans des directions contraires, l’un à moitié éclairé et l’autre en pleine obscurité… Si tous les soi-disant traités de la pierre philosophale cachent un sens psychologique et une méthode de développement psychique, il en est cependant peu d’aussi transparents que celui de Lambsprinck et une étude approfondie de ce dernier, en montrant par quels moyens les Alchimistes prétendaient rétablir l’harmonie entre l’esprit et l’âme, feraient voir à quel point les doctrines psychanalytiques ont pu être pressenties dès cette époque.
Le mouvement Kabbalistique ne nous apporte pas d’aperçus bien nouveaux sur les distinctions à établir dans le psychisme humain. Car il reprend à son compte la vieille division septénaire de l’homme que nous avons suivie jusque chez les Egyptiens et qui, en réalité, a dû passer sans changement dans la tradition qu’on pourrait appeler pré-Kabbaliste, si l’on ne veut pas faire remonter la Kabbale proprement dite au-delà du XIIIe au XIVe siècle.
Quoi qu’il en soit la Kabbale nous donne le nom de ces sept principes : Guf, le corps ; Kuchha-guf, le double ; Nefes, l’âme animale ; Ruah, l’esprit ; avec, en outre, un principe supérieur triple : Neshamah, Chayah et Yechida. Les deμx premiers constituent l’enveloppe matérielle de l’homme; Nefes, Ruah et Neshamah forment l’âme humaine proprement dite. Il est dit que Ruah fait défaut chez les enfants de moins de treize ans (puberté) ou même chez les adultes d’un développement psychique rudimentaire comme les sauvages. En somme, Ruah est la censure, le pouvoir d’arrêt, de refoulement ; il confère, selon la Kabbale, les facultés rationnelles et morales. Le principe suivant, Neshamah, donnerait l’intuition des vérités spirituelles mais n’existerait que chez une élite et jamais avant l’âge de vingt ans. La Kabbale ajoute que les deux derniers principes ne sont pas alliés au corps : Chayah confère l’extase mystique et Yechida permet l’union suprême avec Dieu, le Yoga hindou. [p. 268]
Il serait intéressant de suivre l’influence réciproque de la Kabbale et de l’Hermétisme et de rechercher à quel point les mystiques allemands comme Jacob Boehme ont pu en subir l’empreinte. La doctrine de ce dernier sur le Soufre, le Mercure et le Sel chez l’homme et sur l’Eclair qui peut traverser ces principes pour assurer leur union ou leur harmonie mériterait d’être examinée à ce point de vue spécial. En tous cas, Boehme et les autres mystiques de son temps ont dû laisser une trace profonde de leurs conceptions dans la compréhension religieuse de leur pays car, dans les temps modernes, la triple division de l’âme humaine a été soutenue par des théologiens allemands (Klee, Schwam) jusqu’à ce que Pie IX termine la discussion chez les croyants en faisant de l’unité de l’âme un article de foi et en s’opposant, au nom de son infaillibilité, à toute distinction dans le psychisme humain. C’est pourquoi, sans doute, il faudra attendre de ce côté une forte opposition aux doctrines psychanalytiques.
Il n’est pas niable que la philosophie hermétique et la Kabbale aient exercé un attrait marqué sur les esprits de nombreuses générations et on pourrait étudier la continuité de leur enseignement sous une forme de plus en plus mystérieuse, occulte, symbolique notamment dans le rituel des sociétés secrètes, Rose-Croix et maçonnerie. Le psychanalyste, familiarisé avec l’interprétation des symboles comprendra par exemple ce qu’il faut penser de cette initiation au cours de laquelle l’apprenti, les yeux bandés, voyage dans le monde au fracas des voix inconnues, au cliquetis des armes invincibles traversant l’orage des passions sans savoir où il est porté ni par quoi il est guidé, jusqu’à ce que le bandeau tombe et qu’il comprenne à quelles réalités il doit faire face. N’est-ce pas ce qui arrive au cours d’une psychanalyse. Nous reviendrons plus lard également sur le sens psychologique de ces initiations qui tendent à faire connaître à l’individu ce qu’il est réellement, les puissances mystérieuses qui jouent dans son être, mais c’est un sujet qu’il est préférable de traiter au point de vue historique, en réservant pour le point de vue philosophique les doctrines mieux connues de tout le monde et déjà classées dans l’histoire de la philosophie. [p. 269]
Après avoir recherché dans les sciences anciennes et dans les traditions qui s’en inspirent la notion plus au moins nette d’un domaine inconscient dans le psychisme, nous pouvons maintenant examiner rapidement comment ont pu être compris les caractères essentiels de cet inconscient. Nous savons qu’il constitue un véritable tropisme et qu’il opère selon un jeu de deux possibilités : attirance ou répulsion, amour ou haine.
Dans l’Inde, nous trouvons exprimée cette puissance du désir. « Ce que l’homme pense, il le devient » disent les Vedas, et dans le Brihadarangaka upanishad on lit ceci : « L’essence de l’homme est faite de désir. Tel est son désir tel est son vouloir. Tel est son vouloir, telle est ‘œuvre qu’il accomplit. Et, quelle que soit son œuvre, il en recueille les fruits ».
Dans les enseignements plus récents, le principe instinctif de l’homme est appelé Kama : ce mot signifie proprement désir et en particulier désir sexuel, amour. Les Indiens ont donc très bien compris le mécanisme de l’inconscient, qui est fait uniquement de désir, et l’analogie étroite, la correspondance qui existe entre les formes les plus diverses du désir ou de l’intérêt et l’appétit sexuel. Ceci coïncide très exactement avec la théorie de la Libido, que quelques-uns ont jugée si inouïe.
Chez les Grecs, nous retrouvons un équivalent très exact de cette notion dans la théorie platonicienne de l’Eros.
Eros est en général, pour les anciens, la volonté de vivre inconsciente (le tanha des Indiens) déterminée par le désir de la génération, spirituelle ou corporelle. Eros est à la fois le dieu de l’amour et de la contemplation philosophique. Il faut se reporter à la belle traduction du Phèdre par Mario Meunier (11) où l’on trouve exprimée pour la première fois d’une façon tout à fait claire et compréhensive, l’idée de Platon sur l’universel tropisme Eros. On voit comment ce tropisme est lié au sentiment esthétique. Le même enseignement se retrouve chez Proclus, qui dit que la beauté est la puissance par laquelle Dieu rappelle en son sein les êtres qui en sont sortis. La beauté est en effet le caractère divin qui attire le plus puissamment vers leur auteur tous les êtes crées. C’est par l’intermédiaire d’Eros ou l’amour – premier-né de [p. 270] l’Intelligence divine – que la beauté réunit tous les être à leur cause.
La force d’Eros est le désir. « Le nom du désir, ιμερος, dit le Cratyle, provient du courant qui entraîne l’âme avec le plus de violence. C’est parce qu’il coule en se précipitant à la poursuite des choses, c’est parce qu’il ravit l’âme dans l’impétuosité de son cours, c’est à cause de toute cette énergie que le désir a été appelé ιμερος.
Eros est le grand moteur psychique. « Les âmes, dit le Phédon, vont où les portent leurs ressemblances et leurs goûts ». De là pour elles la nécessité de n’aimer que le beau si elles veulent parvenir à la béatitude.
Dans Platon, on trouve encore la correspondance intime du tropisme psychologique avec la sexualité et celle-ci se trouve élargie de la simple passion génitale à une aspiration véritablement métaphysique. Le Phèdre explique clairement cette notion. « Il est mieux, en amour, de ne rien accorder au plaisir sensuel car si la sagesse l’emporte, si les amants vivent pour la seule vertu, ils meurent en déployant toutes leurs ailes et sont récompensés par un bonheur qui dépasse tout ce qu’ils ont éprouvé. Mais si pourtant les amants en viennent, dans un moment d’oubli et de faiblesse, à réaliser jusqu’au bout leurs désirs, s’ils s’unissent par amour véritable, leur délire amoureux leur vaudra cependant… une grande récompense ! ».
Nous trouvons là tous les éléments de la théorie freudienne de la sublimation.
« Les puissances des passions humaines, dit Jamblique (12), quand elles sont entièrement comprimées en nous, deviennent plus violentes : mais si elles passent à l’acte, elles se satisfont et, ainsi purifiées, elles se calment : voilà pourquoi dans la tragédie et dans la comédie, en contemplant les manifestations d’autrui, nous apaisons et purifions les nôtres (13) ». [p. 271]
La même idée est exprimée dans le Banquet par la distinction des deux espèces d’amour, symbolisées par la Vénus Uranie et la Vénus populaire.
Les Grecs avaient ainsi, avec beaucoup de subtilité, pénétré fort avant dans la connaissance dos mécanismes psychologiques. Si maintenant, à la lumière de ce que le philosophie nous apprend de positif, nous examinons leurs mythes et leurs légendes, nous avons la surprise d’y voir analysés (on pourrait presque dire psychanalysés) nos grands complexes humains, en particulier la rivalité du fils contre le père que Freud place, avec l’institution du Tabou, à l’origine des civilisations primitives, et qui joue un rôle si important dans nos réactions.
On voit, chez eux, Saturne détrôner son père Uranus, puis Jupiter détrôner son père Saturne après l’avoir privé de la virilité ; on voit les Titans en révolte contre Jupiter. Il faudrait faire une étude approfondie de cette mythologie, mais les rapprochements que beaucoup dans ce domaine pourraient attribuer au hasard ou à l’exagération de l’interprète apparaissent d’une manière bien plus frappante dans les œuvres littéraires et ce n’est pas sans raison que nous appelons Complexe d’Œdipe le mécanisme en question, tant Sophocle l’a précisé d’une façon magistrale. On ne saurait prétendre que la tragédie voulait exprimer autre chose. Là encore l’apparente nouveauté des révélations freudiennes tient surtout au refoulement collectif de plusieurs siècles sur ces sujets que des nombreuses générations n’ont pas osé regarder en face.
Pour étudier les procédés dont les sciences anciennes ont pu disposer pour découvrir les mouvements cachés dans le psychisme des hommes – c’est à dire non seulement ce qu’ils dissimulent aux autres mais à eux-mêmes – il faudrait passer en revue tous les procédés de divination dont chaque civilisation a usé et abusé. On trouve là, accumulée, l’expérience collective de générations innombrables, mais en un mélange confus et inextricable d’observations exactes et de superstitions ridicules et le tri en serait long à faire. Il est bien certain que [p. 272] la science des présages devait conduire dans beaucoup de cas, à l’interprétation exacte d’actions symptomatiques. Parmi les menus faits de cette psychopathologie de la vie quotidienne, l’intuition populaire, souvent très clairvoyante, a senti ou deviné de nombreuses relations. On ne voit pas sans déplaisir son nom oublié par quelqu’un ou confondu avec un autre, jugé peu enviable ; on sent que le fait d’égarer un objet donné en cadeau ou en souvenir est souvent d’un mauvais augure pour l’avenir des relations amicales ; on n’aime pas recevoir certains cadeaux qui s’associent trop directement à des représentations désagréables : couteaux, associés à l’idée de blessure, objets associés à l’idée d’une infériorité quelconque ; certains lapsus, dont on rit, laissent quelquefois une impression d’épouvante. Ce sont là autant de présages ayant, ou pouvant avoir, une réelle valeur psychanalytique et dont l’expérience populaire a perçu la signification. Sans doute, les rapprochements notés n’ont guère été interprétés d’une manière vraiment scientifique avant Freud, et sont restés pour cela dans le domaine de la superstition, mais il n’est pas moins évident qu’ils sont basés sur des associations d’idées. Il s’agit seulement d’associations collectives, générales, que tout le monde est porté à faire, sans tenir compte des associations personnelles que recherche la psychanalyse. La différence est capitale au point de vue technique et rationnel ; elle est minime au point de vue des idées générales et l’on peut affirmer que la psychanalyse, toute nouvelle par sa méthode, sa précision, la clarté qu’elle apporte, n’a cependant rien de bien neuf en ce qui concerne les faits eux-mêmes.
L’examen des rêves a préoccupé tous les peuples et tous ont essayé de les interpréter par des associations d’idées, mais ils ont eu le tort d’y chercher toujours quelque chose de prophétique. Bien souvent, le rêve apporte une révélation en ce sens qu’il fait passer à la conscience du dormeur des désirs, des intentions, des résolutions, voire des constatations qu’il ne voulait pas voir à l’état de veille et qu’il refoulait pour une raison quelconque. En y cherchant une révélation exogène, les interprètes ont souvent fait fausse route [p. 273]
De l’interprétation des songes chez les peuples de l’antiquité, nous savons seulement qu’elle était fort en honneur mais peu nous ont laissé des traces d’une méthode cohérente. C’est seulement chez les Grecs que nous trouvons une compréhension du rêve assez proche de la nôtre.
Dès l’origine, les Grecs ont noté le caractère individuel du rêve : « Ceux qui veillent ont un monde commun, dit Héraclite (14), mais ceux qui dorment se détournent chacun dans son monde particulier ». Et Empédocle écrit : « Dans la mesure où les hommes deviennent différents, des pensées différentes se présentent toujours en songe à leurs esprits (15) ».
Beaucoup de philosophes ont indiqué le rêve comme un moyen d’information précieux : Epiménide racontait que nos maîtres étaient le sommeil profond et le rêve. Plutarque dans son traité d’Isis et d’Osiris, expose que les Pythagoriciens voyaient dans le sommeil un moyen de connaître les décisions des dieux et qu’ils prenaient toutes sortes de précautions pour avoir de beaux rêves, cherchant plutôt à écarter les songes prémonitoires. Ils reconnaissaient dans le rêve l’influence des préoccupations de l’esprit. Homère dit qu’il faut attacher plus importance aux songes du matin (16). Apulée indique l’influence de la digestion (17).
Hippocrate indique ce qu’on peut tirer du rêve au point de vue diagnostic en interprétant ses éléments selon des sensations coenesthésiques. Aristote dit de même que les maladies sont précédées de mouvements insolites dans notre organisme, lesquels sont imperceptibles à l’état de veille, masqués par des impressions plus vives, mais sont sentis énergiquement pendant le sommeil, le moindre craquement dans l’oreille pouvant devenir un coup de tonnerre, la plus petite cuisson pouvant se changer en un brasier ardent (18).
Aristote n’admet pas le caractère divinatoire du rêve. Il dit que la pensée de l’état de veille agit sur le cours du rêve et [p. 274] qu’inversement les sentiments qui nous ont vivement agités pendant le sommeil peuvent orienter notre volonté consciente dans telle ou telle direction (c’est le rêve de résolution).
Dans la fameuse Onirocritique d’Artémidore, on trouve à ce propos des passages fort intéressants sur lesquels nous nous proposons de revenir ailleurs. Il y est dit nettement que le songe est l’œuvre du dormeur lui-même et ne vient pas du dehors ; il est produit par les désirs et les craintes qui agitent l’âme du dormeur (19). Sans doute, Artémidore cherche au rêve un sens prophétique, mais dans la plupart des exemples qu’il donne, on remarque que le rêve se rapporte directement à la préoccupation du rêveur.
Artémidore n’avait pas imaginé, comme Freud, de demander au sujet lui-même ses associations d’idées mais il insistait sur la nécessité de se mettre entièrement à son point de vue pour interpréter les éléments d’un rêve, en tenant compte de sa profession, de son nom, de ses coutumes, du temps, et des circonstances présentes de sa vie. Il disait que le sentiment affectif éprouvé au cours d’un rêve est plus important pour l’interprétation que l’événement lui-même. Il n’existe pas de toute l’antiquité jusqu’à la période contemporaine et jusqu’à la découverte de la psychanalyse d’ouvrage plus rationnel que celui d’Artémidore concernant l’interprétation des songes. Le traité de Ciceron sur la divination contient d’intéressants exemples de rêves soi-disant prophétiques mais sans aucune méthode générale d’interprétation.
C’est encore chez Platon qu’il faut rechercher une théorie du sommeil en accord avec nos conceptions. Dans le dialogue de la République, il fait dire à Socrate : « Tandis que, pendant le sommeil, cette partie de l’âme qui est le siège de l’intelligence et de la raison, languit, assoupie, l’autre partie, composée d’éléments plus matériels et plus grossiers, abrutie par des excès de nourriture et de boisson, se trouve dans un état d’excitation et de délire. En cette absence de la raison et de l’intelligence, elle est assiégée de visions nombreuses. Ainsi on croit avoir un commerce honteux avec sa mère, ou bien [p. 275] avec un homme ou bien avec un dieu ou même avec une bête ; on s’imagine assassiner quelqu’un, se baigner dans le sang innocent, sans que la crainte ou le remords nous arrêtent dans cette carrière d’infamie ».
On peut dire que, depuis l’antiquité classique jusqu’à nos jours, rien de mieux n’a été dit au sujet du rêve et du sommeil. A notre avis, ce sont surtout les considérations religieuses qui en refusant de dédoubler le psychisme humain en plusieurs mécanismes distincts, et en attribuant trop facilement les faits mystérieux au diable ou au miracle, ont empêché d’apporter sur ce sujet quelque lumière nouvelle et même ont fait perdre ce que l’antiquité nous avait légué.
Nous pensons qu’une telle incursion dans les croyances et les enseignements du passé, si elle n’apporte directement aucun perfectionnement nouveau aux méthodes psychanalytiques, présente néanmoins l’avantage de rattacher celles-ci à une filière connue. Si la science consiste à connaître les rapports des choses, elle doit aussi tendre à connaître les rapports des idées car par une telle connaissance la compréhension des doctrines s’élargit ; une trame apparaît dans l’histoire de nos connaissances, montrant ce qu’on pourrait appeler les constantes de l’esprit humain et apportant ainsi une espèce de sécurité, surtout précieuse pour ceux qui n’ont pas la possibilité d’expérimenter par eux-mêmes. En remontant ainsi le fil du passé nous rencontrons à chaque instant des connexions avec d’autres faits, d’autres idées qui sont pour un esprit clairvoyant et dénué de préjugés autant de suggestions de recherches nouvelles, à la lumière de nos connaissances actuelles et à la rigueur de nos méthodes scientifiques. Ces constantes intellectuelles font qu’en réalité rien n’est absolument nouveau dans tout ce que nous pouvons inventer : nos possibilités de création sont enfermées dans un cercle où les chercheurs ont plusieurs fois tourné. Nous ne pouvons prétendre, au nom du progrès, qu’à des adaptations plus parfaites et des synthèses plus compréhensives, comme c’est le cas pour la psychanalyse. L’idée de nouveauté trop grande est ce qui raidit la plus violemment les esprits contre [p. 276] les acquisitions neuves, mais c’est là une impression d’ordre affectif qui, bien souvent, peut être très atténuée par une culture et une clairvoyance suffisantes.
NOTES
(1) Mat gioi. Les sept éléments de l’homme et la Pathogénie chinoise. Paris, 1895.
(2) Kathopanishad, III, 10-11.
(3) Comparer Rig-Veda I. 164-20. et la comparaison du char dans Platon.
(4) Bhagavad gita. chap. XI V.
(5) Mém. de l’Acad. des Inscriptions, T. XXXVIII.
(6) Yaçna, XXVI, 11-20, et Yesht. XIII-149.
(7) Genèse, IX. L-S ; Lévitique, XVII. II. Deutétronome, XII-23.
(8) Jud. XVI-30.
(9) Rom. I-11 ; VII-14 ; XV-27 ; I Cor. II-15 ; III-1 ; IX-11 ; X-3-4 ; XIV-37 ; Gal. VI-1 ; Eph. V-19 ; Col. I-9 ; III-6.
(10) I. Thess. V-23 ; I. Cor. II-14 ; Hebr. IV-2.
(11) Mario Meunier. Trad. Fr Phêdre. Paris, (Payot), 1922, p. 131.
(12) Jamblique, apud Lobeck I. 689.
(13) L. Carreau Elude historique sur les preuves du Phédon. Paris, 1887, p, 57·58.
(14) Héraclite, fragment 95.
(15) Empédocle, fragment 108, Edit. Dills.
(16) Odyssée IV. 84. Cf. encore Théocrite. Idylle XIV. 1.•
(17) Apulis. Met. I. i8.
(18) Aristote, Traité de la divination dans le sommeil.
(19) Cf. Macrobe, Commentaire du songe de Scipion, I. 3. 4.
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