Georges Soulié de Morant. Les Rêves étudiés par les Chinois. Article paru dans la « Revue Française de Psychanalyse », (Paris), 4, 1927, pp. 733-749.
Georges Soulié, dit Georges Soulié de Morant (1878-1955). Sinologue et diplomate en Chine, principal promoteur de l’acupuncture en France. Il publia plus de trente essais, romans ou traduction du chinois. Quelques unes de celles-ci :
— Florilège de la poésie des Song. Paris, Librairie Plon, 1923. 1 vol.
— Essai sur la littérature chinoise. Paris, Mercure de France, 1924. 1 vol.
— Acupuncture et médecine chinoise vérifiées au Japon. (1934).
— Précis de la vraie acupuncture chinoise : doctrine, diagnostic, thérapeutique. Mercure de France, 1934. [Plusieurs rééditions]
— L’Acupuncture chinoise. Tome I. L’énergie (Points, Méridiens, Circulation). Avec 100 illustrations dont 44 en 2 couleurs. – Tome II. Le maniement de l’énergie. Avec 17 illustrations. Paris, Mercure de France, 1939-1941, 2 vol. in-8°.
— L’Acupuncture chinoise. Tome I à V. Editions Jacques Lafitte, 1957.
Nous remercions vivement Nicole Humbrecht pour sa transcription des caractères chinois et la célérité avec laquelle elle nous a transmis le document.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. — Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original. — Par commodité, nous avons renvoyé les notes de bas de page en fin d’article. — Les images ont été rajoutées par nos soins. — Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr
[p. 733]
Les Rêves étudiés par les Chinois
Par G. SOULIÉ DE MORANT.
G. Soulié de Morant, l’écrivain et sinologue bien connu, nous a donné pour la Revue française de psychanalyse cet intéressant article contenant des extraits des livres chinois anciens sur les rêves. On y pourra voir le reflet de ces antiques civilisations, où le désir du pouvoir et celui de la descendance primaient. Les rêves de puissance chez les hommes (castration du père, poussée du propre phallus), et les rêves de fécondation, chez, les femmes, y sont en effet prédominants. Ce sont ceux, qu’ont retenu les vieux auteurs. Nous avons fait suivre le texte de certains rêves, traduit par M. G. Soulié de Morant, de notes personnelles, qui sont en italique et entre parenthèses. Nous n’avons noté que ce qui nous semblait s’imposer à l’évidence.
M. B. [Marie Bonaparte].
La plupart des anciens ouvrages chinois sur les sciences, la médecine ou la philosophie contiennent des passages ou des chapitres entiers sur les rêves, leurs causes et leurs interprétations.
J’ai choisi le Yu-sia-tsi « Mémoires du Coffret de Jade » d’abord parce qu’il est connu de tous les Chinois, puis parce qu’il reproduit les opinions des écrivains les plus autorisés, depuis Roang ti « L’Empereur Jaune » qui régna de 2697 à 2598 avant J.-C. et en qui on a voulu voir un magicien de Chaldée.
Le Yu sia tsi a été commencé par Siu Tchenn qui naquit en [p. 734] 239 après J.-C. Il a été augmenté à différentes reprises depuis cette date.
Le chapitre sur les rêves est divisé en quatre sections : dissertation générale, exemples de rêves divinatoires expliqués, exemples de « rêves étranges », et modèles de fou « charmes, grimoires » pour obtenir de bons rêves. Je l’ai traduit en entier, sans toutefois donner la reproduction des charmes.
J’ai ajouté un rêve de Krong tse (Confucius) expliqué par lui-même ; et le charmant quatrain d’un illustre poète moderne, Fann Tseng-siang.
G. S. de M.
I. — DISSERTATION GÉNÉRALE.
1° Le ynn et le yang (1) occasionnent les rêves.
La « Règle intérieure » Neï tsing (2) de Roang ti expose : Quand le ynn est abondant, alors on traverse de grandes eaux avec crainte et angoisse. Quand le yang est abondant, alors on rêve d’un grand feu qui rôtit et havit. Quand, en même temps, ynn et yang sont abondants, on s’entretue en rêve.
Quand l’abondance augmente et monte, alors on s’envole. Quand elle diminue et baisse, on tombe. Quand il y a plénitude, on rêve de donner. Quand il y a manque, on rêve de prendre.
Quand les humeurs du foie sont abondantes, alors en rêve on est mécontent. Quand les humeurs des poumons abondent, alors en rêve on sanglote.
2° Tchoang tse (3) dit :
L’homme arrivé [parfait] n’a pas de rêves. L’homme arrivé n’a pas de désirs : c’est pourquoi il n’a pas de rêves.
L’homme du siècle, en secret, a des désirs sans limites : c’est pourquoi il est agité et forme des rêves. Des centaines d’étrangetés, des milliers de formes qui n’existent pas dans l’univers, en des rêves sans retenue il les voit. Comment, dans [p. 735] ces conditions, ces [visions] seraient-elles de celles que pinceaux et tablettes peuvent décrire complètement, notant ainsi les matériaux des rêves en attendant des savants [qui les expliquent] ?
Quant à ce qu’on dit de cultiver sa vertu afin d’écarter des rêves le malheur ; et, sur une parole, de baser des présages de joie, ou de malheur, cela a été conservé par la tradition.
3° Le bon et le mauvais, ils l’annoncent d’avance.
La « Nouvelle préface » Sinn siu (4), expose :
Quand des rois rêvent de malheurs, s’ils améliorent leur vertu ; quand des ministres rêvent de malheurs, s’ils améliorent les fonctionnaires ; quand des fonctionnaires rêvent de malheurs, s’ils améliorent leurs personnes, alors malheurs et désastres se dispersent d’eux-mêmes.
4° Le vide et le plein [le vrai et le faux] forment les rêves.
Les « Dires variés du Tong laé » Tong laé lei chouo (5) exposent :
Les formes se joignent pour former les choses. L’esprit se manifeste pour former le rêve. Quand il nage sur le vide [le faux, le ynn, l’impudeur] on rêve de s’élever. Quand il plonge dans le plein, alors en rêve on est noyé.
Si l’on repose avec une ceinture, on rêve de serpents. Si l’on repose avec un bonnet, on rêve d’oiseaux. Quand on a ses cheveux dans la bouche, on rêve de s’envoler.
Quand on est imbu de ynn [principe d’impudeur] alors on rêve d’eau. Quand on est sur le point de se quereller, on rêve de feu. Quand on est sur le point d’être malade, on rêve de nourriture. Quand on est sur le point d’avoir un chagrin, on rêve de chants et de danses.
5° Les réflexions creuses produisent les rêves.
La « dissertation sur l’harmonisation de l’esprit » Tiao chenn loun (6) par le Sage Soun Tchenn-jenn, expose::
Tous les rêves ont pour origine que le roun [esprit personnel] [p. 736] et le po [esprit physique] (7) logés dans le corps ne peuvent écouler leur agitation. Alors, pendant la nuit, roun et po forment des réflexions creuses. Le chenn [la raison élevée] avertit en se tournant vers le bonheur ou le malheur à venir, et le rêve naît.
Avant le milieu de la nuit, on rêve des choses qui doivent se produire dans le lointain. Après le milieu de la nuit, on rêve des choses qui doivent se produire dans le rapproché.
6° Quand le roun (I) est paisible, il n’y a pas de rêves.
« Les Mémoires des Monts Occidentaux » Si chann tsi, par Soun Tchenn-jenn (8) exposent :
Pour ceux qui rêvent, si leurs désirs n’ont rien de mauvais ; s’ils ne mangent pas, parmi les viandes qu’il est dans leur destinée d’obtenir, du poisson, de la tortue, du bœuf ou du chien ; s’ils ne songent pas à des affaires néfastes, impudiques, ou étranges, au point d’en être bouleversés : s’ils ne tuent pas les six espèces d’animaux domestiques ; si, pour dormir, ils mettent sûrement leur tête vers l’est, afin de recevoir les effluves naissantes [du soleil] ; alors, ils ont à l’intérieur et à l’extérieur la paix du roun [esprit personnel] (7) et, d’eux-mêmes, ils n’ont pas de rêves.
7° En améliorant sa vertu, on écarte le malheur des rêves.
Le Che tiènn (9) expose :
Il y a quatre moyens de qualifier les rêves : 1° ils sont pesants et sans clarté ; 2° ils reproduisent confusément ce que l’on connaît depuis longtemps ; 3° ils sont un mélange confus [p. 737] des « quatre grands » (10). 4° ils annoncent d’avance le bon et le mauvais.
8° Les « Paroles de Mao T’ing-kro » (11) exposent :
Les gens chez qui le ynn abonde en grande quantité ont des rêves en grand nombre. Quand le yang est en grande quantité, les rêves sont rares ; et même s’il y en a, on ne se les rappelle pas.
Les aveugles (12) n’ont pas de rêves. Les sots ont peu de rêves.
9° La « Dissertation sur la culture » Yang sinn loun, expose :
Quand on a des rêves, il ne faut pas parler. Il faut seulement prendre de l’eau pure et, se tournant vers l’est, l’éparpiller [avec la bouche] en disant : « Les mauvais rêves obtiennent de l’herbe et du bois. Les bons rêves forment des perles et du jade ». Alors il n’y a plus de faute.
II. — RÊVES-PRÉSAGES ANTIQUES.
1 ° Don d’un ministre de grande valeur.
Kao-tsong Wou-ing (13) des Ynn gardait le deuil de son père. Pendant trois ans, il n’avait pas parlé. Une nuit, il rêva que l’Empereur Supérieur Chang ti (14) lui faisait don d’un ministre de grande valeur. Wou-ting, se réveillant, dessina aussitôt le portrait [de ce ministre] et donna l’ordre d’aller le chercher de tous côtés dans l’univers. On trouva Fou Chouo (15) qui vivait entre des murs d’argile : il fut élevé au rang [p. 738] de premier ministre. Ce fut pour l’univers un grand gouvernement. Le pouvoir des Ynn prospéra grandement.
2° Don d’une fleur, d’orchidée.
Wènn-wang de Tcheng (16) avait une favorite, Yènn-tsi. Celle-ci rêva qu’un Envoyé Céleste lui remettait une fleur d’orchidée dont le parfum, assez-puissant-pour-remplir-un-Etat, lui pénétrait la poitrine. Elle donna naissance au souverain Mou-kong qu’elle appela Orchidée-offerte-à-l’Etat. Pendant quarante ans et plus, l’état de Tcheng eut un grand gouvernement.
Rêve de fécondation par le parfum de l’Orchidée, fleur phallique; à rapprocher des symboles de fécondation par le vent. M. B.
3° Un ours entre en volant.
Traé kong Lu wang (17) de Tcheou vivait de sa pêche sur les bords de la Wé. Wènn wang (18) rêva d’un ours volant. Les historiographes expliquèrent : notre maître trouvera un prince pour l’instruire. Wènn wang partit pour la chasse, rencontra Traé kong, causa avec lui et s’en réjouit. Il le ramena sur son char et le salua comme conseiller. Traé kong conseilla plus tard Wou wang (19) qui combattit Tcheou sinn et conquit l’univers.
4° Une lutte pour le soleil.
L’empereur Che roang de Tsrinn (20) pendant un festin dans les jardins impériaux, se sentit soudain fatigué et s’endormit. Dans ce [sommeil], il rêva qu’un petit garçon venait de l’ouest, vêtu d’une robe bleue (21), le visage comme de fer [p. 739] noir. S’avançant, il prit le soleil et le serra dans ses bras. Un autre garçonnet vint de l’est, vêtu d’une robe rouge (22), le visage comme couvert de fard, et cria : « Tu ne peux t’emparer de mon soleil. J’ai reçu de l’Empereur Supérieur l’ordre de m’en occuper de mes propres mains ». La robe bleue ne se soumit pas et, aussitôt, piétina 72 fois (23) la robe rouge. Celui-ci se releva d’un bond et, d’un seul coup de poing, frappa à mort la robe bleue, le renversant et disant : « Malgré sa bravoure, il n’a pas ma chance ». Et serrant le soleil dans ses bras, il s’en alla. Che roang l’appela, disant : « Quel est ton nom de famille et ton prénom ? » La robe rouge répondit : « Je suis le fils de l’Empereur Ecarlate (24) ». Tsrinn eut ce présage d’avance, et plus tard fut écrasé par Rann (25).
Rêve de la castration du père (s’emparer du soleil). M. B.
5° Arracher les cornes d’un bélier.
Au moment où le duc de Prei (26) était encore gardien des rues, il rêva qu’il poursuivait un bélier et lui arrachait cornes et queue.
Tann-lo expliqua : « Un bélier yang 羊 dont on enlève les cornes et la queue, cela fait 王 wang, roi. » Et en effet, plus tard, il devint roi de Rann pour accomplir ce présage.
Rêve de castration du père. M. B.
6° Chute de l’Etoile des Chants militaires (27).
Quand Rann Sinn (28) n’avait pas encore suivi les Rann et pêchait sur le bord du fleuve, il s’endormit un jour sous un sapin. Il rêva soudain que l’Etoile des Chants militaires lui tombait sur le corps. Plus tard, en effet, il devint Grand Maréchal et roi des Trois Tsri.
Rêve de puissance, à rapprocher des deux précédents. M. B. [p. 740]
7° Cueillir et perdre un épi de blé.
Tsraé Mao (29) des Rann Postérieurs rêva qu’il cueillait un épi de blé puis qu’il le perdait. Kouo Tsiao-tsing lui dit : « Un épi 禾 perdu 失, cela fait ensemble 禾先 un poste officiel. Cueillir un épi et le perdre, c’est cueillir un poste officiel. Vous aurez certainement une charge importante. » En effet, dans les dix jours qui suivirent, l’état de Wé le nomma premier ministre.
Rêve de puissance, prendre et perdre le phallus. M. B.
8° Un pinceau fait un point au front.
Wenn-siuann des Tsri du nord (30) était sur le point de recevoir le pouvoir. Il rêva qu’un homme, d’un pinceau, lui faisait un point au front. Wang Trann-tche (31) dit : « Sur un roi 王 si l’on ajoute un point, cela fait 主 le maître. Vous aurez certainement le pouvoir. »
9° Des vers se réunissent sur un cadavre.
L’empereur Kao-tsou de Trang (32) réunissait sa grande armée. Il rêva une nuit que son corps tombait à bas de son lit, et qu’il était mangé par une multitude de vers. Il en informa Ro Tsou-choaé qui répondit : « Notre duc, vous allez soumettre l’univers. La multitude des vers qui vous dévoraient, c’était les millions d’hommes qui vont se soumettre bientôt à vous. »
10° Un perroquet aux ailes brisées.
L’impératrice Wou Reou (33) approchait de la fin de son règne. Elle rêva d’un perroquet dont les deux ailes étaient [p. 741] brisées. Ti Jenn-tsié (34) lui dit ; « Les deux ailes, ce sont les descendants de Votre Majesté. Les ailes brisées indiquent que la maison de l’Impératrice n’aura pas de suite. »
Rêve de castration personnelle. Phallus = enfant. M. B.
11° Un pinceau qui produit des fleurs.
Li Po (35) rêva d’un pinceau qui produisait des fleurs. A partir de ce jour, son talent et ses pensées prospérèrent.
Rêve de puissance. M. B.
12° Une tête de tigre.
Li Cheng-mei, sous les Trang, avait été nommé gouverneur de district, traé cheou. Il rêva que sa propre tête devenait une tête de tigre. Le jour suivant, comme il était assis, troublé, ne disant mot, son épouse lui demanda : « Le seigneur aurait-il rêvé d’une tête de tigre ? » Cheng-meï, surpris, demanda : « Comment mon épouse le sait-elle ? » Elle répondit : « Hier, j’ai rêvé que je me peignais devant mon miroir, et l’image de ma tête était celle d’un tigre. Je me suis réjouie. Les Anciens ne disent-ils pas : le prince est un dragon, ses ministres sont des tigres ? A coup sûr, vous allez recevoir un poste important. » Dix jours n’étaient pas écoulés que la Cour le choisissait pour Ministre de la Droite et accordait un titre à l’épouse.
Rêve de puissance. M. B.
13° Avaler le soleil.
L’épouse de Tchao Rong-ngenn, la dame Tou, rêva qu’elle avalait soudain le soleil. A la suite de cela, elle fut enceinte et eut un fils extraordinairement intelligent qui s’éleva aux plus hautes fonctions.
Rêve de fécondation sur le mode infantile oral. M. B
14° Avaler la lune.
La mère de l’Impératrice Chenn rêva qu’elle était-dans un jardin, jouissant du paysage quand, levant la tête pour contempler le ciel, elle avala la lune. A la suite de cela, elle conçut [p. 742] et donna naissance à l’Impératrice. Celle-ci avait une intelligence plus qu’humaine.
Rêve de fécondation sur le mode infantile oral. M. B.
15° L’eau du fleuve se dessèche.
Un empereur de Song avait une maladie. Il rêva une nuit que l’eau du Fleuve se desséchait. Attristé, il considéra que le prince est l’image du dragon [qui habite le Fleuve]. Si maintenant le Fleuve, se desséchait, le dragon n’aurait plus d’endroit où se loger. Alors il questionna ses ministres qui lui dirent : « Le Fleuve 河sans eau氵c’est le caractère 可 pouvoir, guérir. La maladie de Votre Majesté va se guérir. » L’empereur se réjouit : sa maladie fut bientôt guérie.
16 ° Courir sur deux montagnes.
Yang Wèn-koang, dans une expédition militaire, fut investi pendant trois mois par l’ennemi dans Liou-tcheou. Il rêva une nuit qu’il courait sur deux montagnes. Ses généraux expliquèrent : « Deux montagnes 山 c’est le caractère 出 sortir. » Le jour suivant, en effet, ils sortirent de la ville.
17° L’étoile Tchrang Keng (36) entre dans le giron.
Quand Li Po (35), de qui le prénom était Traé-po, commença d’être conçu, sa mère rêva que l’étoile Tchrang-keng pénétrait dans son giron. Aussi, quand son fils fut né, reçut-il le nom de Traé-po.
Rêve de fécondation sur le mode phallique. Etoile = phallus. M. B.
18° Soutenir le ciel.
Rann Wé-kong rêva que, de la main, il soutenait le ciel. Plus tard, il devint premier ministre des Empereurs Yng tsong [1064-1068] et Chenn tsong [1068-1086].
Rêve de puissance. M. B.
19° Sur la tête, il pousse une corne.
Tcheng Tsié, des Song (Xe au XIIIe siècle), rêva qu’il se baignait [p. 743] dans un étang. Sur ses épaules, il se voyait des écailles blanches. Son image, reflétée par l’eau, portait sur la tête une corne (37). Il devint en effet tchoang yuann, premier aux examens littéraires.
Rêve phallique. M. B.
20° Planter une barbe.
Lu Mong-tcheng (38) avait des parents très opulents et puissants. Ils employèrent les gens de leur fief à faire des expéditions contre leurs voisins, épuisèrent leurs ressources et devinrent très pauvres. Lu Mong-tcheng vivait dans une chaumière en ruines. Un jour, en allant implorer les esprits dans le temple, il trouva un lingot d’or de cent onces. Il le rendit à celui qui l’avait perdu, sans en rien retenir. Le soir, il rêva qu’un esprit lui plantait trois touffes de barbe. Il devint Conseiller (39).
Rêve phallique. La triple barbe = phallus. M. B.
21° Un aigle vole.
La dame Tchou, épouse de Yo Ro, étant sur le point d’accoucher, rêva qu’un aigle (40) volait dans sa chambre et se posait sur sa tête. Elle mit au monde Yo Fei (41) qui fut Grand Maréchal et reçut le titre de roi.
Rêve de puissance. M. B.
22° Une sonnette pénètre dans le giron.
La mère de Léang Jenn-fang, dormant dans la journée, rêva qu’une bannière aux cinq couleurs ayant des sonnettes au quatre coins tombait du ciel. Une sonnette se détachait et pénétrait dans sa poitrine. Elle conçut. Les présages firent que l’enfant aurait un grand talent. Jenn-fang en effet, eut une carrière glorieuse.
Rêve de fécondation. M. B. [p. 744]
23° Don d’un morceau de viande de chien.
Léang Yng, dix. jours avant son examen, rêva qu’un homme lui donnait une tranche de viande de chien. Le lendemain, comme il était attristé et mécontent, on lui explique son rêve ainsi : « un chien 犬 c’est la moitié droite du mot tchoang ; premier aux examens littéraires 爿犬 et le mot tranche爿en est la moitié gauche. Vous serez sûrement premier à l’examen. » Il le fut en effet.
24° Un sapin pousse sur la poitrine.
Ting Kouo (42) rêva qu’un sapin poussait sur sa poitrine. Il discerna que le mot sapin 松 est formé de trois parties : à gauche 松 et 十八 ce qui fait dix-huit ; à droite 公 grand ministre. En effet, dix-huit ans plus tard, il devint grand ministre.
Rêve de phallus. M. B.
25° Un pinceau de cinq couleurs.
Tsiang Yènn (43) rêva qu’un homme lui donnait un pinceau [à écrire] de cinq couleurs. Dès lors son style fit de grands progrès. Plus tard, il rêva que Kouo Pro (44) lui disait : « Ne pourriez-vous me rendre mon pinceau ? ». Il prit le pinceau et le rendit. Dès lors, il ne trouva plus d’expressions admirables.
Rêve de phallus et de puissance. M. B.
26° Partager une poire.
Yang Tsinn-siènn, gouverneur de Nann-yang, voyageait avec sa famille sur plusieurs bateaux. Une tempête dispersa les bateaux : il ne revit plus celui de son fils. Le soir même, il rêva qu’avec son frère il partageait une poire (45). Quelqu’un expliqua : « Diviser le fruit joyeux, c’est cesser d’échanger entre époux des pensées d’estime. » Il demanda une [p. 745] explication à quelqu’un d’autre qui dit : « Quand la poire est ouverte, on en voit les pépins [Tse, pépins, veut dire aussi fils].. Vous verrez donc bientôt votre fils. » En effet, il le vit.
27° Une hirondelle volant pénètre dans la poitrine.
La mère de Tchang Chouo avait rêvé qu’une hirondelle de jade entrait en volant dans sa poitrine. Elle conçut et donna naissance à Tchang Chouo qui devint premier ministre. C’est de là que vient le souhait : « Puisse une Hirondelle volante se jeter dans votre poitrine ! »
Rêve de fécondation. Oiseau = phallus. M. B.
28° Pousser à la perche un bateau de fer.
Dans les années Tcheng-ro (1111-1118), un certain Yang, de Tsi choé, allait vers le sud pour faire des offrandes à ses ancêtres. Il rêva que l’Esprit-des-Rêves lui disait : « Cherche à obtenir un grade littéraire. Si tu as l’immortel Tchang Kouo-lao poussant à la perche un bateau de fer, tu seras ling-tsiènn [quatrième à l’examen]. » Il sentit alors qu’il songeait : « Cela est impossible. Comment puis-je avoir Tchang Kouo-lao. poussant un bateau de fer ? » Plus tard, il se présenta pour l’examen. Or, les salles d’examen ayant été brûlées, l’examen eut lieu dans un temple taoïste. Il s’assit : en face de lui, sur le mur, une fresque représentait Tchang Kouo-lao poussant à la perche un bateau de fer. Il fut en effet ling-tsiènn.
29° Un esprit ajoute un nez.
Siu Lang-tchong rêva qu’un esprit tenait une corbeille de bambou dans laquelle il y avait des nez humains. L’esprit dit : « Siu Lang-tchong, ton apparence est insuffisante. Ton nez est tordu et petit. » Il lui coupa le nez, en prît un autre dans la corbeille et le lui posa, disant : « Comme cela, vous avez un nez de tcheng lang [ministre]. » Siu, surpris, s’éveilla et se regarda dans un miroir : son nez était droit et grand. Plus tard, il devint ministre.
Rêve inspiré par le désir infantile du phallus du père ; à rapprocher du fantasme du plombier du Petit Hans dans l’Analyse de la Phobie d’un garçon de cinq ans. (Freud, Ges. Schriften. Vol. VIII). M. B. [p. 746]
III. — RÊVES ÉTRANGES.
1° Rêver de Tcheou Kong.
Krong tse (Confucius), étant jeune, avait décidé de suivre la doctrine de Tcheou Kong : il le voyait souvent en rêve. Dans sa vieillesse, il soupira : « Ma décadence est grande : depuis longtemps je ne vois plus Tcheou Kong. »
2° Tchoang tse rêve.
Tchoang tse (3) rêvait souvent que son corps se transformait en papillon. Sans jamais se fixer, en effet, il resta sans fonction officielle. C’est ainsi, de plus, qu’il écrivit le « Lien des rieurs méridionales » Nann roa tsing pour instruire l’humanité.
3° Le rêve de Kao trang.
Siang, roi de Tchrou, et Song Yu (46) se promenaient sur une terrasse des monts Yunn mong « les rêves dans les nuages ». Ils admiraient l’observatoire du Kao trang. Au-dessus de celui-ci, ils virent une vapeur. Le roi demanda ce que c’était. Song Yu répondit : « Autrefois, un roi venait souvent au Kao trang. Un jour, il s’y endormit et rêva qu’une jeune fille lui disait : Votre suivante est la fille du Mont-des-Enchanteresses, Wou chann. Elle est maintenant l’esprit du Kao trang. Ayant appris votre venue, elle désire vous offrir les joies des nattes et de l’oreiller. A la suite de ces mots, le roi fut heureux. En partant, elle dit : Sur les pentes sud du Mont des Enchanteresses, au nord du Kao trang, votre suivante apparaît chaque matin comme un nuage. Le soir, elle tombe en pluie. » Ainsi en est-il chaque matin et chaque soir devant cette terrasse : les nuages et la pluie désignent les joies de l’amour.
4° Le Rêve du Rann tann.
Pendant la période Kraé-yuann [713-741], l’étudiant Lou, ayant échoué dans son examen pour le grade de tsinn che « lettré admis », retournait dans sa famille. Arrivé à la ville [p. 747] de Rann-tann, il s’arrêta dans une auberge et prépara son dîner, mettant sur le feu du millet jaune. Mais il était fatigué : sans attendre, il s’endormit.
Or, dans la même auberge était arrivé un religieux taoïste qui, voyant Lou sur le point de s’endormir, lui avait prêté un appui-tête de porcelaine.
Lou, cependant, aperçut un portique de cinabre et, s’avançant avec confiance, y pénétra. A l’intérieur, était une beauté à laquelle il s’unit aussitôt. Après quoi, il partit, se présenta pour l’examen, fut reçu premier, et choisi comme membre des Rann-linn. A la suite d’un désaccord avec le ministre Li Linn-fou, il fut nommé gouverneur de Chenn tcheou. Il reçut l’ordre de régler le cours du Fleuve Jaune, réussit, fut nommé Censeur et chargé de commander une expédition vers l’ouest. Victorieux, il reçut le titre de Marquis Fixateur de l’occident, et fut Président du Ministère des Fonctionnaires. Dénoncé par Li Linn-fou, il dut s’enfuir dans le Sud. Mais Li Linnfou ayant été assassiné, il revint en faveur, fut nommé ministre et Duc Régulateur de l’Etat. Agé de 80 ans et plus, il tomba malade et mourut.
A ce moment Lou, épouvanté, s’agita ; s’éveilla et reconnut que tout n’était qu’un songe. Alors il soupira, disant : « Cinquantes années de noblesse et de richesse fleuries de gloire ont passé en un instant… Mon millet jaune ne bout pas encore. »
5° Le rêve du Nann ko « La branche méridionale ».
Dans les années Tcheng-yuann (785-804), Choun Yu-fenn ayant bu, insulta son supérieur, se vit privé de son grade et erra comme une châtaigne d’eau à la dérive. Il se trouva ainsi à Yang tcheou, s’y arrêta et vécut à la Porte de l’Est. Près de sa maison poussait un antique acacia (roaé), à l’ombre duquel il réunissait souvent ses amis pour boire
Un jour, étant gris, il s’endormit là. Il rêva.
Deux officiers le conduisaient devant le roi de Roaé ngann (47). Celui-ci lui accorda sa fille en mariage, disant : « Tu seras mon gendre ». Le mariage eut lieu aussitôt. Il fut nommé [p. 748] gouverneur du Nann ko « la branche méridionale ». Il resta en charge plus de vingt ans, eut une fille et cinq garçons qui s’unirent à des familles importantes. Il était au sommet de la faveur et de la prospérité. Mais le ministre de la droite, qui le jalousait, persuada au roi que les pouvoirs de Choun étaient trop grands ; il le fit destituer.
A ce moment, Choun s’éveilla : toute cette existence n’avait été qu’un songe. Or, dans les racines du vieil acacia, il y avait un trou qui était un nid de fourmis. Le roi de Roaé ngann c’était la fourmi-reine ; et le pays de Nann ko « la Branche méridionale », c’était une petite branche s’étendant vers le sud.
IV.— RÊVE DE CONFUCIUS (KRONG-TSE)
(Extrait du Li tsi « Mémorial des Rites, ch. II).
Krong tse, dans ses derniers jours, fit appeler son disciple favori Tse-kong et lui dit :
— Les gens de la dynastie Sia exposaient les morts sur les degrés orientaux de leur maison : c’est pourquoi l’on a des escaliers orientaux [et occidentaux]. Les gens de la dynastie Ynn exposaient les morts entre deux colonnes : c’est pourquoi on a doublé le chef de la famille en deuil. Les gens de la dynastie Tcheou exposent les morts sur les degrés occidentaux : ainsi font les plus pauvres. Mais moi, je suis descendant des Ynn. Or, cette nuit, j’ai rêvé que je m’asseyais et recevais des offrandes entre deux piliers. Cela veut dire que je vais mourir : aucun roi éclaire n’existe d’ailleurs qui puisse exercer ma doctrine.
En effet, sept jours plus tard, il était mort.
V.— PROMENADE EN RÊVE.
Poésie par Fann Tseng-siang, auteur moderne.
Quand je rêve, à chaque fois, il me semble qu’un oriole commence à chanter. [p. 749]
Les parfums sont abondants ; et, toujours, des papillons voltigent autour de nous.
Languissamment, nous approchons des eaux paisibles d’un étang. La brise amoureuse alors nous caresse.
Et pendant qu’à pas lents nous descendons des degrés fleuris, la lune de la passion exalte ta beauté.
NOTES
(1) Ynn et yang. Deux principes s’unissant pour former l’univers. Ynn, principe femelle, lune, eau, impudeur, ombre, froid, etc. Yang, principe mâle, énergie, soleil, côté sud, etc.
(2) Neï tsing, ouvrage attribué à Roang ti ( s. av J.-C.) ; recueil de préceptes, observations, recettes, etc.
(3) Tchoang tse, célèbre philosophe des 4e et 3e siècles avant J.-C.
(4) Sinn siu, écrite par Liou Siang (80-9 av. J.-C.) pour rectifier les erreurs courantes.
(5) Tong laê lei chouo, recueil antique sans nom d’auteur, datant du début de l’ère chrétienne.
(6) Tiao chenn loun par Soun Tchenn-jenn. Début de l’ère chrétienne.
(7) Roun, po, chenn. Les termes européens ne répondent pas exactement à ces mots. Le po [esprit physique] peut animer le corps après la mort, c’est-à-dire après le départ du roun et du chenn. Il veille aux fonctions des organes ; apparaît avec la forme du corps et disparaît avec la décomposition : c’est la vitalité. Le roun [esprit personnel] enregistre et subit les sentiments, fait agir souvent contre l’avis du chenn. C’est la personnalité profonde, inconsciente ; le trait d’union entre po et chenn. Il quitte le corps à la mort, mais non pendant le sommeil. Le chenn est notre activité la plus haute. Les héros sont tout entiers chenn. Il peut quitter le corps pendant le sommeil ou la méditation. Il a la raison et contrôle le roun chez les gens cultivés. C’est une sorte d’esprit universel, de pensée qui s’oppose au Moi obscur et personnel du roun.
(8) Soun Tchenn-jenn, auteur du Si chann tsi et du Tiao chenn loun, début de l’ère chrétienne.
(9) Che tiènn, ouvrage des premiers siècles de notre ère. Auteur inconnu.
(10) Quatre grands, se ta. Ces mots désignent : 1° pour les bouddhistes, la terre, l’eau, le feu et le vent. 2° Pour les taoïstes, la doctrine, le Ciel, la terre et le souverain.
(11) « Paroles de Mao T’ing-Kro » ouvrage des premiers siècles de notre ère.
(12) Les aveugles-nés ; sans doute parce qu’ils n’ont pas d’images dans le cerveau et ne peuvent ainsi former de rêves. Les sots, sans imagination, seraient un peu dans ce cas, d’après l’auteur chinois.
(13) Kao-tsong Wou-ting, de la dy. Ynn, régna de 1325 à 1265 av. J.-C.
(14) Empereur Supérieur, Chang ti, était un nom donné dans l’antiquité au Génie du Ciel, maître de l’univers; et au Ciel lui-même.
(15) Fou Chouo, célèbre ministre de Kao-tsong. Il aidait à bâtir des murs d’argile dans le pays Fou-yènn, d’où son nom de Fou. On montre aujourd’hui dans le Chann-si, à l’est de Ping-lou, une retraite d’ermite où Fou Chouo aurait vécu.
(16) Wénn-wang, roi de Tcheng (Sinn-tcheng actuel du Ro-nann) 10e siècle avant J.-C.
(17) Traé kong (1190-1100 av. J.-C.) ministre de l’Empire des Chang. Exilé, il fut trouvé au bord de la Wé par Wènn wang et l’aida à renverser les Cliang.
(18) Wènn-wang de Tcheou (1231-1135) av. J.-C. fondateur de la dyn. Tcheou.
(19)Wou wang (1169-1116 av. J.-C). Premier emp. de Tcheou. Il écrasa Tcheor sinn, dernier souverain des Chang, en 1122 et gouverna la Chine.
(20) Che roang, premier empereur de la dynastie Tsrinn ; régna de 259 à 210 avant Jésus-Christ.
(21) Le bleu était la couleur nationale des Tsrinn, qui venaient de l’ouest de la Chine.
(22) Le rouge était la couleur nationale des Rann qui, venant de l’est, devaient renverser les Tsrinn.
(23) Nombre des victoires de Tsrinn sur Rann.
(24) Empereur Ecarlate, gardien des régions célestes de l’Orient.
(25) Rann, dynastie du IIIe siècle après J.-C.
(26) Duc de Prei Liou Pang, fondateur des Rann. Débuta comme garde de la ville de Preï, qu’il défendit : il devint chef, duc de Preï et empereur en 202.
(27) L’étoile des Chants Militaires, wou tsiou sing, est l’ du Dragon.
(28) Rann Sinn, mort en 196 av. J.-C. Un des grands généraux de Rann.
(29) Tsraé Mao. Ministre des Rann Postérieurs au 2° siècle après J.-C.
(30) Wenn-Siuann, mort en 550 après J.-C, d’abord prince et roi de Tsri puis empereur de la dynastie Tsri du Nord.
(31) Wang Trann-tche, ministre de l’empire Tsri du nord, au milieu du VIe siècle.
(32) Kao Tsou, 565-635 ap. J.-C. Fondateur de la dynastie Trang. Duc de Trang pendant les troubles de la fin des Soé, il leva une grande armée et conquit rapidement le pouvoir.
(33) Wou Reou, 623-705. La seule femme qui se soit déclarée « empereur » et fondateur de dynastie. De condition modeste, elle fut l’épouse de deux empereurs, les fit mourir et changea le titre dynastique, offrant le sacrifice au Ciel, etc.
(34) Ti Jenn-tsié, 629-700. Ministre de l’impératrice Wou.
(35) Li Po, 705-760, un des plus illustres poètes de Chine.
(36) L’étoile Tchrang Keng ou Traé po « la suprême blancheur », la planète Vénus. Elle est un symbole d’intelligence.
(37) Ecailles blanches et corne unique : la licorne, animal rare et favorable.
(38) Lu Mong-tcheng, ministre et conseiller d’Empire des Song, de 990 à 1015.
(39) Le mot Conseiller, en chinois tsrann, porte trois poils en bas.
(40) Aigle, en chinois, yng, mot de même son que yng, brave.
(41) Yo Fei, 1103-1141. Connétable des Song.
(42) Ting Kouo, un des trois régents de Wou, en 240-270 ap. J.-C.
(43) Tsiang Yènn, 443-504, écrivain célèbre, auteur du Tsri-che Che-tche et de recueils divers.
(44) Kouo Pro, 276-324, célèbre auteur et magicien ; auteur du Traité des sépultures Tsang chou, etc.
(45) Li, la poire, est appelée aussi le fruit joyeux.
(46) Siang régna au IVe siècle av. J.-C. Song Yu était son ministre.
(47) Roaé-ngann. Ces deux signes écrits signifiaient « La paix de la Rivière Roaé » ; mais le son veut dire aussi « la tranquillité de l’acacia ».
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