Charles Féré. Note sur un cas de paralysie hystérique consécutive à un rêve. Article parut dans la revue « Comptes rendus hebdomadaires des Séances et Mémoires de la Société de Biologie », (Paris), tome troisième, huitième série, année 1886, trente-huitième de la collection, pp. 541-542.
Charles-Samson Féré (1852-1907). Sera le secrétaire et le chef de laboratoire de Jean-Martin Charcot à La Salpêtrière, puis médecin aliéniste à l’hôpital de Bicêtre. Il sera un défenseur, presque outrancier, des théories du petit et du grand hypnotisme. Il écrira de très nombreux ouvrages et articles dans les domaines de la psychologie, la médecine, la sexualité, la criminologie, etc. Quelques une de ses publications :
— A propos d’un lapsus calami. Article parut dans la « revue Philosophique de la Frace et de l’Etranger », (Paris), 1886, 1, pp. 546-548. [en ligne sur notre site]
— Le Magnétisme Animal. Deuxième édition avec figures dans le texte. Paris, Félix Alcan, 1887. En collaboration avec Alfred Binet.
— Dégénérescence et criminalité. Essai physiologique. Avec 21 graphique dans le texte. Paris, Félix Alcan, 1888.
— Du traitement des aliénés dans les familles. Deuxième édition revue et augmentée. Paris, Félix Alcan, 1893.
— La pathologie des émotions. Etudes physiologiques et cliniques. Paris, Félix Alcan, 1892.
— Sensation et mouvement. Etude expérimentale et psycho-physiologique. Avec 44 graphiques dans le texte. Paris, Félix Alcan, 1887.
— Avec Henri Lamy. La dermographie. Article paru dans la revue la « Nouvelle Iconographie Photographique de La Salpêtrière », (Paris), tome deuxième, 1889, pp. 283-289, 1 pl. ht.[en ligne sur notre site]
— Les épilepsies et les épileptiques. Avec 12 planches hors texte et 67 figures dans le texte. Paris, Félix Alcan, 1890.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original. – Par commodité nous avons renvoyé la note originale de bas de page en fin d’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr
[p. 541]
Note sur un cas de paralysie hystérique consécutive à un rêve,
par Ch. Féré.
Une jeune fille de quatorze ans s’est présentée à la consultation de La Salpêtrière dans les circonstances suivantes :
Depuis quelque temps elle avait beaucoup grandi et ses règles étaient supprimées. Une nuit, elle rêva que des hommes la poursuivaient pour la tuer, sur la place de l’Odéon. Elle fit de grands efforts pour leur échapper et réussit; lais à son réveil elle était extrêmement fatiguée, et dans la journée qui suivit, ses jambes fléchissaient sous elle. Le rêve se répéta plusieurs nuits de suite, persista même pendant la veille. Chaque matin, la faiblesse des jambes augmentait. Quelques jours plus tard, après fait un effort pour monter un escalier, elle s’affaissa et fut tout à fait incapable de se relever: elle était paraplégique.
Je n’insisterai pas ici sur les détails de l’observation qui sera publiée ailleurs (voir Brain, 1887). Je me contenterai de faire remarquer le rôle important qu’a joué la rêve dans la production de cette paralysie. Ce rôle du rêve dans le développement de certains troubles psychiques temporaires ou permanents s’est révélé dans des états très nombreux;mais ce fait de paralysie consécutive à un rêve me parait dige de fixer particulièrement l’attention. Il permet, en effet, il me semble, de donner pour certains cas au moins, une interprétation pathogénique des paralysies dites psychiques différentes de celle qui est généralement acceptée depuis les travaux de MM. Russell, Reynolds et Charcot. On admet, en effet, que ces paralysies par idée ou par suggestion, c’est-à-dire que le trouble moteur ne survient que consécutivement à une représentation mentale de ce trouble. Cette théorie a même été appliquée aux paralysies par choc traumatique.
Les circonstances qui ont précédé l’apparition de la paralysie chez ma malade me paraissent favorables à la théorie de la paralysie par épuisement que j’ai déjà soutenue pour les paralysies traumatiques (1). [p. 542]
En réalité l’affaiblissement des membres se produisait graduellement sous l’influence de la fatigue, par l’épuisement des centres moteurs résultant d’une succession rapide de décharges de volitions non suivies de mouvements effedifs. Tous les rêveurs connaissent la fatigue musculaire qui succède aux rêves de mouvement. Cette même malade nous a d’ailleurs offert un autre exemple de paralysie par fatigue lorsqu’elle est devenue incapable d’exécuter les mouvements adaptés de la phonation, à la suite d’une décharge d’un autre genre.
J’ajouterai qu’en provoquant chez des hypnotisables des rêves de course dans le sommeil naturel, j’ai pu déterminer des parésies analogues, soit dit en passant, s’accompagnent de dicrotisme du pas semblable à celui de la malade, et déterminé par la prédominance d’action des gastrocnémiens qui produisaient un choc de la pointe du pied précédant le choc du talon.
Dans un certain nombre de cas, les paralysies dites psychiques sont déterminées par un épuisement consécutif à un travail cérébral prolongé et non par la représentation subjective de la fatigue ou de la paralysie.
Je signalerai encore chez cette malade un autre accident qui n’est pas sans intérêt dans l’espèce. Dans un accès d’excitation déterminé par le repos forcé, elle se livra à un flux de paroles avec une violence extrême, qui ne dura pas moins de deux heures et après lequel elle s’endormit. Quand elle se réveilla, elle avait une aphonie complète qu’on peut ainsi, il me semble, rapporter à la fatigue. Je noterai en passant que cette aphonie s’est accompagnée de troubles de l’écriture, ce qui n’a guère été observé dans l’hystérie.
La guérison a été obtenue par les mouvements passifs, sur la valeur desquels j’ai déjà eu occasion d’insister devant la Société (2).
Je rappellerai à propos du rôle des excitations périphériques sur le rétablissement de la sensibilité et du mouvement chez cette catégorie de sujets, que deux des malades achromatepsiques sur lesquelles je suis parvenu à rétablir la vision des couleurs (3) par les excitations colorées à l’aide de verres rouges, ont conservé les résultats acquis depuis la fin de juillet dernier, c’est-à-dire depuis près de quatre mois.
NOTES
(1) Bull. Soc. Biol., 1886, p. 178, 195, 220.
(2) Bull. Soc. Biol., 1885, p.223, etc.
(3) Bull. Soc. Biol., 1886, p. 389.
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