Philippe Chaslin. Du rôle du rêve dans l’évolution du délire. Thèse de médecine de la faculté de médecine de Paris. Paris, A. Davy, 1887. 1 vol. in-8°, 1 fnch., 61 p. — Autres éditions identiques : Paris, A. Parent, 1887. Et édition de librairie : Paris, Asselin et Houzeau, éditeur, 1887. 1 vol. in-8°, 1 fnch., 61 p. Avec un complément bibliographique par Michel Collée.
Cité par Freud dans son ouvrage : La Science des rêves.
Philippe Chaslin (1857-1923). Aliéniste, grand spécialiste de la nosographie française et allemande, il fait une description fort pertinente de la confusion mentale et de la folie discordante, synonyme de schizophrénie [La confusion mentale primitive. Stupidité, démence aiguë, stupeur primitive. Paris, Asselin et Houzeau, 1895. 1 vol. in-8°, IX p., 264 p.]. Il fut chef à la Salpêtrière, après avoir exercé à Bicêtre. Il est le premier à s’opposer avec vigueur à la théorie de la dégénérescence alors dominante. On lui doit un ouvrage resté sans égal : Eléments de sémiologie et clinique mentales. Paris, Asselin et Houzeau, 1912. 1 vol. in-8°, XXIV p., 956 p. Mais aussi :
— (Avec T. Alajouanine). Un cas de délire d’influence obsédante. Article parut dans le « Journal de Psychologie normale et pathologique », (Paris), XVIIIe année, n°10, 15 mars – 15 décembre 1920, pp. 945-955; [en ligne sur notre site]
— La psychanalyse. Freud et le freudisme. Article parut dans « La Revue de France », (Paris), 2e année, n°24, 15 décembre 1922, pp. 737-760. [en ligne sur notre site]
— Le Freudisme. Revue critique extraite du « Journal de Psychologie normale et pathologique », (Paris) ; XXe année, 1923, pp. 655-668. [en ligne sur notre site]
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original.– Les images ont été rajoutées par nos soins. . – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr
[p. 5]
DU
RÔLE DU RÊVE
DANS
L’ÉVOLUTION DU DÉLIRE
Les anciens se préoccupaient constamment de leurs songes et leur attribuaient une grande importance. C’étaient pour eux des avertissements des dieux, des présages. Les sauvages, eux aussi, sont frappés des apparitions qui viennent troubler leur sommeil ; souvent ils ne font pas de distinction entre ce que la vie de la journée leur révèle et la vie du songe. C’est même là qu’est probablement l’origine, comme le dit Herbert Spencer (Essais sur le Progrès, trad. française 1877, p. 86) de la croyance à une âme distincte du corps, à l’intervention des ancêtres dans la vie de tous les jours. De là est même née la croyance en des fétiches que l’on craint et que l’on vénère. C’est donc dans le rêve qu’il faut chercher l’origine des religions.
Pendant le moyen âge les apparitions nocturnes ont [p. 6] elles aussi acquis une grande importance ; ce sont elles qui constituaient le délire des Sorciers comme le dit Moreau de Tours, et qui menaient ces malheureux au bûcher. On voit donc le rôle immense que le rêve a joué dans le monde. À l’heure actuelle son étude est un peu négligée du côté scientifique. De nombreux ouvrages ont été publiés sur ce sujet, mais au point de vue purement physiologique. Au point de vue médical les anciens, qui croyaient aux songes, avaient attaché une valeur séméiologique à certains d’entre eux. Mais depuis longtemps, sauf les comparaisons en quelque sorte nécessaires entre le rêve et l’aliénation, la séméiologie du rêve a été mise de côté presque complètement. Maudsley, dans sa Pathologie de l’esprit, constate également ce fait : « On a négligé l’étude des rêves ; cependant c’est une étude qui promet des fruits abondants, quand elle sera entreprise d’une manière méthodique et laborieuse par des observateurs compétents. C’est probablement aux médecins que les rêves fourniront le plus d’enseignements. »
Nous n’avons pas la prétention d’indiquer même incomplètement quel pourrait être ce travail. Un fait récent dont nous avons été témoin nous montre bien tout ce que le rêve peut faire : il s’agit d’une jeune fille hystérique qui est devenue paraplégique à la suite du songe où elle se voyait poursuivie par des hommes (Féré. Soc. de biologie. Séance du 20 nov. 1886. Bulletin n° 41, et Brain 1887). Le mécanisme ne serait pas celui qui a été indiqué par le Dr Charcot pour les paralysies hystéro-traumatiques ordinaires. Ici ce serait un effet de l’épuisement [p. 7] par suite de la fatigue causée par la fuite prolongée. La représentation mentale d’un effort cause autant de fatigue cérébrale que l’effort lui-même (Féré).
Nous ne voulons pas parcourir un terrain trop étendu pour nos forces. Nous nous contenterons dans cette étude d’appeler l’attention sur le rôle que joue le rêve dans l’évolution du délire de la folie ; nous ne voulons même pas épuiser le sujet : c’est un simple tableau d’ensemble que nous voulons présenter ici, en réunissant ce que l’on trouve épars dans une foule d’auteurs. [p. 8]
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I
Nous commencerons cette étude par un aperçu rapide de la physiologie psychologique du rêve à l’état normal. Tout le monde sait ce que c’est que le rêve. Les définitions qu’on en donne ne sont que des définitions descriptives ; elles ne vont pas au fond de la cause du rêve. Cela n’est pas étonnant, car l’on discute encore sur la pathogénie du sommeil. Y a-t-il congestion du cerveau pendant que l’on dort, ou au contraire est-ce de l’anémie ? La distribution du sang dans les différentes régions du cerveau est-elle la même partout, ou y a-t-il des territoires privés de sang les uns plus que les autres ? Nous n’entrerons pas dans cette question si difficile et en dehors de notre sujet ; quoiqu’il paraisse décidément démontré (Mosso) que le sommeil s’accompagne d’anémie cérébrale. Nous dirons simplement : le rêve est la pensée de l’homme endormi. Nous emploierons, comme l’indique Dechambre dans l’article « Songe » du Dictionnaire encyclopédique indifféremment le mot de rêve ou de songe, quoique ce dernier soit ordinairement réserve au cas où l’association des idées, des sentiments, forme une sorte de tout, d’ensemble, une espèce de petit drame complet.
L’homme qui rêve voit se dérouler devant ses yeux [p. 9] les tableaux les plus bizarres, les plus absurdes. Il éprouve des sentiments rattachés à ces images et aux actes qu’il commet et ces sentiments sont tout à fait contraires souvent à ceux qu’il éprouverait étant éveillé. Il prend part à mille choses déraisonnables ou terribles, ou ridicules et il les juge très naturelles ; il les admet entièrement. Il veut par exemple s’envoler dans les airs, et il se voit et se sent volant avec des ailes dans le dos. Ou bien il se voit double avec la persuasion que l’un des deux corps est dans une bière à côté de son lit, tandis que l’autre est encore entre les draps. Il accepte tout cela comme une vérité irréfutable, il n’émet pas l’ombre d’un doute sur la légitimité des tableaux qui se déroulent devant ses yeux. Cependant quelquefois il sent confusément qu’il rêve, et aussi souvent sa volonté est impuissante et il en a conscience. Il veut fuir devant des ennemis qui le poursuivent, il sent qu’il est cloué sur place, qu’il ne peut faire un mouvement. Enfin dans certains cas, il y a, comme nous l’indiquerons tout à l’heure, un dédoublement de la personnalité accompagné d’idées et de sensations les plus étranges. Le rêve se compose surtout de tableaux où le dormeur agit et se voit agir. L’ouïe joue un rôle très amoindri, même nul pour Lasègue. De plus, si le rêve est dénué de bon sens le plus souvent, on a cité des cas nombreux où au contraire des savants en songe ont résolu des problèmes importants : il est banal de citer à ce point de vue l’histoire de la sonate de Tartini.
L’activité déployée dans l’état de songe par l’esprit est extrême ; le rêve se transforme et les tableaux se succèdent [p. 10] les uns aux autres avec une très grande rapidité. Si bien que l’on peut assister à des scènes très longues et très compliquées dans l’espace de temps très court assurément qui s’écoule entre le moment où une impression extérieure agit sur vous et celui où elle vous éveille (Maury, p. 160).
Il est possible que l’on rêve pendant toute la durée du sommeil quoique cela ne soit pas démontré ; car le souvenir d’un rêve peut complètement s’effacer dans l’esprit d’une personne, quand bien même cette personne aurait dûment été convaincue d’avoir rêvé, en donnant à un témoin de son sommeil le spectacle d’une agitation interne traduite par des mouvements et des paroles. Peut-être, comme le remarque Maudsley, ces rêves dans lesquels le dormeur exécute des mouvements réels sont-ils plus fugaces que les autres, ce seraient simplement des mouvements réflexes qui ne réussiraient point à susciter des images ou encore les images suscitant des actes n’auraient plus le pouvoir de susciter d’autres images qui pourraient persister dans la mémoire.
Au début du sommeil, quelques personnes commencent par avoir des hallucinations, hallucinations hypnagogiques de Maury dont nous parlerons plus loin.
L’esprit non encore engourdi n’en est souvent pas dupe ; il se réveille même de temps en temps tout à fait et constate qu’il a été le jouet d’une apparence. Pour Maury la cause de ces hallucinations hypnagogiques est peut- être pathologique ; nous examinerons ce point ultérieurement.
Une fois endormi, l’homme passe d’abord dans une [p. 11] première période de sommeil : le sommeil commençant, le sommeil dans son plein, le sommeil diminuant sont les trois phases à traverser pour arriver au réveil. (Lasègue. Le Sommeil, Études médicales. Paris, 1884.) Dans toutes ces périodes, le sommeil est caractérisé par la suspension des relations conscientes avec le monde extérieur ; ou plutôt, les quelques sensations qui arrivent jusqu’à la conscience ne sont perçues que faussement. Si l’on perçoit correctement ces impressions extérieures, c’est que l’on se réveille, ou que l’on est à moitié endormi. Ces perceptions ne font pas alors partie du rêve ; ne constituent le rêve que les images et les conceptions qui s’offrent à l’esprit pendant que nous dormons et en tant que nous dormons. C’est une première distinction que nous devons faire avec Aristote et Delbœuf (Le Sommeil et les Rêves. Paris, 1885 ; p. 66). Et c’est une distinction très importante, car elle donne la clef qui explique certaines particularités psychologiques du rêve. Au fond, le rêve ne se compose que d’images fournies par la mémoire, qui quelquefois révèle des faits parfaitement oubliés à l’état de veille, d’images appelées par des sensations encore reçues, mais qui constituent alors des illusions, des sentiments, suscités par le sens vital ou organique, ou par les images, enfin, des volitions qui ne vont pas jusqu’à l’acte le plus souvent. La constitution du rêve, ses éléments, sont, au fond, ceux de la conscience à l’état de veille, mais ils n’obéissent plus aux lois de l’association habituelle, l’attention, qui existe toujours jusqu’à un certain point, est une attention forcée en quelque sorte ; le rêveur subit [p. 12] son rêve et ne le dirige pas ; il actualise toutes les données qui lui sont fournies par la mémoire et les sens et la sensibilité, il croit à la réalité des faits, les projetant au-dehors et assistant aux scènes les plus fantasmagoriques avec la persuasion que tout cela est vrai. Comme le dit très bien le philosophe Garnier, dans les rêves, la conception devient perception. Quelle est l’explication psychologique de ce fait ? À l’état de veille, notre esprit est incessamment traversé par des images très fugitives qui pâlissent et s’évanouissent rapidement et qui apparaissent en vertu des lois d’association ; mais nous les mettons à leur véritable place, nous les reconnaissons comme venant d’anciennes impressions, ce sont les états faibles (Taine) que nous projetons dans le passé, auxquels nous n’accordons pas une réalité objective actuelle. Pourquoi donc ? C’est par la comparaison que nous faisons de ces états avec les états forts actuels, qui font contraste et qui écrasent ces pâles images de tout l’éclat de leur présence. Le combat pour la vie, le struggle for life est vrai aussi pour les images. « Sensations, jugements et souvenirs par la fixité de leur ordre et par la cohérence de leur groupe, opèrent une réduction nécessaire, et vainquent la tendance naturelle par laquelle l’image nous fait illusion. » (Taine, de l’Intelligence, 1883. T. Ier, p. 116.) Si nous voulons attirer fortement notre attention par la réflexion sur les images fournies par notre fond psychologique, c’est-à-dire si nous voulons les rendre plus intenses, tout le monde sait que nous cherchons à nous isoler du monde extérieur. Alors les images prennent une intensité remarquable, [p. 13] elles sont près de s’imposer comme actuellement correspondant à une réalité objective, quelquefois même sans être dupe complètement, il y a des moments très courts où l’on perd la notion vraie de la situation. On rêve tout éveillé (voir le Nabab de Daudet). On est parvenu à suspendre momentanément ses perceptions vraies. Par le sommeil on se trouve naturellement dans cette situation d’esprit. « Il est donc naturel que dans le rêve je réobjective mes propres idées, qui ont été objectivées à l’origine, puisque la vie réelle elle-même n’est qu’une suite d’objectivations. Car, ne l’oublions pas, nous ne voyons pas effectivement les choses ; nous ne sentons que les impressions qu’elles nous envoient ; et nous concluons qu’elles existent comme cause de ces impressions. Le rêve ne crée donc pas d’illusion. L’illusion provient uniquement de ce que nous ne ressentons plus qu’avec une énergie considérablement amoindrie les impressions que nous recevons des choses du dehors. À côté d’une scène fictive, mettez une scène réelle avec son éclat et sa couleur, la fiction s’évanouit. Si l’on a pu croire que nos souvenirs se dessinent avec plus de vivacité pendant nos songes que dans l’état de veille, c’est qu’on a confondu la vivacité relative et la vivacité absolue (Delbœuf, p. 70) ».
Au réveil, le dormeur se rappelle qu’il a fait un rêve, ou l’oublie totalement. Pourquoi cet oubli fréquent ? Il nous semble qu’il a plusieurs causes. L’intensité du processus psychique est peut-être insuffisante pour laisser une trace profonde dans la mémoire. Le rêve n’obéissant pas aux lois d’association qui dirigent la pensée [p. 14] à l’état de veille, celles-ci ne peuvent le faire réapparaître, à moins, ce qui arrive quelquefois, qu’une circonstance fortuite ne mette l’esprit éveillé en possession d’un bout de la chaîne d’images qu’il a déroulée en rêve, et qu’il peut alors contempler de nouveau. On se souvient aussi surtout des rêves qui ont eu lieu au moment du réveil parce qu’ils s’entremêlent davantage avec les impressions que l’on conservera dans la journée, et qui servent de point de repère. « On s’explique aussi de la même façon pourquoi on se souvient parfois du seul caractère du rêve, gai, effrayant, érotique. C’est qu’au réveil quelque chose de la gaieté, de l’effroi, de la disposition amoureuse dure encore. »
Nous venons de dire qu’au réveil le dormeur peut se rappeler le rêve tout en jugeant parfaitement que ce n’est qu’une fantasmagorie. Il peut aussi arriver qu’il croie à la réalité de ce qui s’est passé et qu’il n’en fasse pas un rêve : c’est particulièrement si le rêve a été très vraisemblable, très raisonnable et rattaché à la réalité par des liens nombreux. Cela se rencontre surtout chez les enfants ou les vieillards qui n’ont pas encore ou qui perdent le sentiment bien exact des réalités et des possibilités véritables.
Il y a encore un point sur lequel il faut insister, et qu’ont mis en relief Maury et Delbœuf, qu’on doit toujours citer quand il s’agit de cette question du rêve : « La pensée, dit Maury (note A, p. 430, le Sommeil et les Rêves, 4e édit., 1878), devient le miroir fidèle de l’organisme qui s’y réfléchit tout entier » ; et plus loin : « En rêve l’homme se révèle tout entier à lui-même dans sa [p. 15] nudité et sa misère natives. » Pendant la veille l’état psychique est, si l’on peut s’exprimer ainsi, la traduction de l’état physique de l’homme à un moment donné, cet état résultant de l’action du monde extérieur sur l’organisme ; il en est de même pendant le sommeil, avec cette différence que le monde extérieur n’en agit pas moins, mais sous une autre forme. « Dans les tableaux du rêve, il n’y a rien de nouveau, rien d’actuel, dit Delbœuf (p. 221), ils n’offrent à notre attention que des vieilleries rajeunies par des combinaisons et des contrastes inattendus. C’est le passé qui fait tous les frais de la représentation. Quant au présent, il se dérobe derrière la scène, et c’est lui, néanmoins qui à l’insu de l’âme, en compose le programme, et qui, à son gré, choisit et change les décors, et introduit ou rappelle les personnages. »
Il arrive souvent que le passé complètement oublié à l’état de veille se représente pendant le rêve. Le songe sert de révélateur. C’est comme si les processus psychiques incohérents du rêve avaient été cherchés, dans quelque coin obscur du cerveau, une image enfouie dans les ténèbres de l’inconscience et l’avaient ramenée au grand jour de la conscience éveillée.
On peut comparer ce phénomène avec celui-ci que le sommeil, dans certains cas, favorise l’acquisition de nouvelles idées. Témoin les enfants qui, apprenant leurs leçons le soir, les savent beaucoup mieux le lendemain matin. C’est une sorte de rumination intellectuelle. Il y a de même des cas, où le rêve doit probablement être suscité par une impression qui n’a jamais été perçue ou [p. 16] qui a été oubliée. Il y a des exemples de ce fait dans le délire épileptique (Féré, Revue de Médecine, 1885, p. 131, Note pour servir à l’histoire des actes impulsifs des épileptiques) où l’acte délirant semble avoir été dirigé par une idée depuis longtemps oubliée.
L’impuissance de la volonté que nous avons notée plus haut n’est pas toujours absolue. Non seulement très souvent le dormeur croit exécuter tel ou tel acte, mais quelquefois il l’exécute effectivement. Cela tient, il semble, à ce qu’il est moins endormi ; et l’on sait que le plus ordinairement on se réveille au milieu de l’action, en proie à une émotion violente. Cette émotion est le plus souvent la cause ou le point de départ du rêve ; elle provient du fonds de notre sensibilité organique que le repos de toute la sensibilité périphérique favorise dans ses manifestations, même exagérées. C’est là l’explication, comme nous le verrons plus bas, que l’on peut donner du début fréquent du délire dans ou par un rêve.
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I I
Passons maintenant à une variété de rêve sur laquelle Maury a beaucoup insisté, et qui est occasionnée le plus souvent par un malaise cérébral, suite de travail trop prolongé, ou par le séjour dans une atmosphère surchauffée. Pour Maury la congestion cérébrale légère est la cause de ces phénomènes. Ces hallucinations se produisent au moment où l’on va s’endormir, ou quand on n’est encore qu’imparfaitement éveillé ; dans le cas du réveil, il arrive souvent qu’on a plutôt des illusions, les yeux étant ouverts et fixés sur un objet quelconque de la chambre ; l’esprit encore à moitié somnolent attribue à cet objet une valeur et une forme qu’il n’a pas. (Voyez sur l’illusion : James Sully, Illusions des sens et de l’esprit, et Binet, la Psychologie du Raisonnement, 1886.) On peut pendant quelques instants faire durer volontairement l’illusion en gardant une immobilité absolue ou l’attention fixée sur le fantôme imaginaire. Au moment de s’endormir l’esprit cesse d’être attentif par fatigue de l’attention ou par fatigue momentanée des sens émoussés ; en même temps, il y a un certain degré de surexcitation mentale et nerveuse. À peine a-t-on fermé les yeux, par exemple en lisant un livre le soir, que l’on est sous le coup de l’hallucination hypnagogique. Une image visuelle quelconque ou une phrase qui semble prononcée [p. 18] à haute voix, se présente tout à coup à l’esprit qui, rappelé alors à la réalité par l’impression vive que lui cause cette espèce de rêve, se remet et se réveille. On a perdu un temps très court la conscience de son état présent, et on a cru à l’apparition. Quelquefois même en ouvrant les yeux on peut encore apercevoir quelques secondes l’image fantastique s’évanouissant dans les airs comme un brouillard qui se dissipe.
Très souvent, comme le remarque Maury, ces hallucinations sont les précurseurs du rêve qui viendra plus tard troubler le sommeil, ce sont les éléments du songe futur. Et ces éléments sont souvent eux-mêmes amenés dans la conscience par des sensations internes, ou par des objets réellement perçus avant le sommeil ; tous les sens peuvent fournir leur contingent à la production de ces hallucinations. Des images plus ou moins bizarres, des sons, des paroles, des odeurs, des saveurs ou des sensations de contact peuvent venir assaillir l’esprit au moment où l’on va s’endormir, et ils peuvent de même se représenter plus tard pendant le sommeil pour former par leur réunion, leurs entrelacements et leurs modifications relatives, le tableau complet et mouvant du songe ordinaire. Mais ce sont surtout les hallucinations de la vue, et après elles, celles de l’ouïe, qui sont de beaucoup les plus fréquentes, comme dans le rêve nocturne. Ajoutons que dans cet état spécial de surexcitation, qui fait prévoir que l’on aura ces hallucinations, on peut les faire naître en fixant fortement son attention, avant de se laisser aller au sommeil, sur une idée spéciale qui ne tardera pas à apparaître comme extériorisée sous forme [p. 19] d’image, au moment où l’on perdra la notion du monde extérieur.
L’état un peu maladif du cerveau a une très grande influence sur la production de ces hallucinations hypnagogiques et sur les rêves. Ceux-ci peuvent même être modifiés dans leur forme et leur allure par les changements de température et de pression barométrique brusques, comme l’indique Maury. Les songes prenaient alors un caractère particulièrement pénible et bizarre pour cet auteur qui les observait sur lui- même (p. 73). Mais ces circonstances extérieures n’agissent que sur des cerveaux prédisposés. Il y a des gens qui, en s’endormant, voient toujours des images qui leur font peur. Lasègue indique bien que c’est dans la phase du sommeil croissant que se produisent les terreurs nocturnes des enfants et des adultes. « Une personne se couche et s’endort vers onze heures du soir ; à peine a-t-elle les yeux fermés, qu’elle se réveille en sursaut sous le coup d’une hallucination visuelle ; cette hallucination est réduite, elle est représentée par un point clair ou un point sombre : le point clair devient facilement un incendie, le point sombre représente un précipice ». Ces hallucinations sont toujours les mêmes pour un même individu. Les enfants peuvent aussi avoir un pareil réveil dans la première partie de la nuit. Ce sont des cérébraux (Lasègue, loco citato, p. 440). Nous sommes déjà insensiblement amenés en pleine pathologie du rêve : le rêve devient alors un signe pronostique.
Ces hallucinations et terreurs nocturnes chez les [p. 20] enfants et les adolescents ont été bien étudiées par Debacker (Thèse de Paris, 1881) ; il s’efforce de classer ces phénomènes suivant qu’ils sont d’origine purement cérébrale ou d’origine non cérébrale, ce qui a une très grande importance au point de vue du pronostic. La forme de ce songe n’a pas une grande valeur, d’autant plus que chez l’enfant, en particulier, il est difficile pour ne pas dire impossible de connaître complètement le tableau qui s’est déroulé sous ses yeux effrayés, car celui-ci, au réveil, ne garde, en général, aucun souvenir du rêve. Debacker ne nous paraît pas faire une distinction importante que fait Lasègue au point de vue du moment où se produit la terreur. Ce dernier attribue aux terreurs ou rêves effrayants du premier tiers de la nuit une origine cérébrale, tandis que les autres terreurs, auxquelles on donne ordinairement le nom de cauchemar, arrivent dans le milieu du sommeil et leur cause habituelle est une mauvaise digestion.
Rousset, dans sa thèse, Contribution à l’étude du cauchemar (Paris, 1876), après avoir déclaré qu’il ne s’occupe que du cauchemar idiopathique, c’est-à-dire du cauchemar d’origine cérébrale, donne une observation d’un étudiant nerveux dont le père était également sujet aux songes effrayants, qui, après une époque de surmenage, avait le soir, en se couchant, un rêve à forme éminemment pénible. Ce cauchemar se rapprochait par des sensations d’angoisse et d’impuissance de ceux que l’on observe dans les indigestions, et après comparaison de son cas avec la description que M. Motet donne du cauchemar, le Dr Rousset conclut que [p. 21] c’est bien de cette espèce de rêve qu’il s’agit, mais avec cette particularité qu’il avait lieu au commencement du sommeil contrairement à la règle générale qui le fait survenir pendant le repos complet vers le milieu de la nuit. De plus, en s’appuyant sur les théories cérébrales de M. Luys, l’auteur conclut d’une façon analogue à Maury à propos des hallucinations hypnagogiques et attribue à la congestion cérébrale la production de ce genre de terreur nocturne.
Le cauchemar ou éphialte des anciens, particulièrement d’origine gastrique, peut être brièvement défini : une sensation d’oppression avec angoisse, avec impuissance de se mouvoir, amenant une image fantastique qui est censée la cause de ce malaise ; au maximum de l’anxiété le réveil arrive ; mais le malaise persiste un instant et quelquefois même l’apparition monstrueuse. Avicenne avait déjà donné au Xe siècle une bonne description qui nous suffira et que nous empruntons à l’article cauchemar du dictionnaire de Jaccoud, par M. Motet : « Dans l’éphialte, le malade sent un fantôme lourd se reposer sur lui et le comprimer de manière qu’il respire à peine, que sa voix est étouffée ainsi que son mouvement ; il se croit étouffé à cause de l’obstruction des pores ; lorsque le fantôme le quitte, il se réveille subitement. C’est l’avant-coureur de l’apoplexie ou de l’épilepsie ou de la manie, attendu qu’il a lieu par des matières qui compriment et non par des causes non matérielles. » — L’affirmation renfermée dans la dernière phrase, quoique un peu trop générale, est [p. 22] juste et mérite d’être relevée. Nous examinerons plus loin ce qu’il en est à ce sujet.
L’état troublé de la digestion peut aussi se manifester comme chacun sait par de « mauvais rêves » sans ou avec cauchemar. Mais il peut aussi y avoir des cauchemars produits par des maladies de cœur, particulièrement par les lésions mitrales. Le sommeil permet aux troubles de la circulation cérébrale de se manifester avec plus de force qu’à l’état de veille ; le rêve prend alors une tournure spéciale. Le sommeil, toujours dans sa période d’état, « est troublé par de la peur, de l’anxiété, de l’angoisse non respiratoire et des hallucinations visuelles. Ces dernières n’ont pas d’analogie avec celles des alcooliques : l’alcoolique voit toujours l’objet en mouvement et lui donne immédiatement une signification ; le cardiaque ne précise pas, il reste dans le vague, et, malgré ses efforts, n’arrive pas à donner un corps à son hallucination ; il devient alors fort anxieux. » (Lasègue, p. 442 loco citato).
On sait bien que chez les cardiaques, surtout à la période d’asystolie, il peut y avoir du délire, mais nous ne sachons pas que l’on ait remarqué le début de ce délire par le rêve, et cependant, il est bien probable que cela se fait ainsi. — En passant, faisons remarquer que des rêves effrayants peuvent précéder l’établissement dûment apparent d’une maladie mitrale. Une observation empruntée à Artigues (Th. P. 1884, n° 99. Essai sur la valeur séméiologique du rêve), montre bien cette particularité. [p. 23]
Observation (très résumée).
Jeanne C…, 43 ans, journalière, entrée le 11 décembre 1882 à l’hôpital Cochin. À l’âge de 30 ans, rhumatisme articulaire aigu. A 40 ans, prise de rêves effrayants, à fond [sic] toujours le même ; elle appelait constamment sa mère à son secours, se voyait entourée de sang et de flammes ; elle se réveillait en sursaut, en proie à la terreur. Un médecin ne sachant à quoi attribuer ces rêves, l’examine des pieds à la tête et découvre une maladie mitrale qui n’était pas apparente le moins du monde. Continuation des rêves effrayants avec le développement de la maladie qui évolue et aboutit à l’asystolie, etc.
L’observation s’arrête là et on ne dit pas s’il s’est installé un délire ou non.
Les rêves effrayants des enfants ont des causes extrêmement diverses et en dehors d’une prédisposition nerveuse héréditaire chez les enfants nés de parents alcooliques, ces rêves revêtent le caractère un peu spécial que nous indiquons plus loin. Gomme nous ne faisons pas une étude du rêve pathologique en général, nous nous contentons de renvoyer aux thèses déjà citées de Debacker et d’Artigues. Ce dernier auteur distingue des rêves pronostiques et des rêves diagnostiques. Les premiers sont produits par une sensation exagérée qui amène un rêve qui précède une maladie ; tel est le cas si souvent cité d’Arnaud de Villeneuve rêvant qu’un chien enragé le mord à la jambe et quelques jours après voyant se développer un ulcère variqueux au point supposé mordu. Les seconds sont des rêves assimilés au délire comme origine ; ils sont plutôt symptomatiques [p. 24] d’une affection déjà établie. Pour cet auteur, le cauchemar rentre dans l’une ou l’autre de ces deux catégories. Il faut évidemment placer également sur la limite qui sépare le rêve physiologique du rêve ayant une importance pathologique, ces rêves à répétition qui sont tantôt terribles, tantôt indifférents ou agréables et qui se montrent chez les enfants, les adultes, chez les gens peut-être un peu nerveux, aussi bien que chez les personnes qui sont franchement entrées sur le terrain morbide, comme nous en avons une observation personnelle plus loin. Chez un médecin de notre connaissance même, il s’est produit ce fait assez curieux de la reproduction d’un rêve qu’il avait fait plusieurs fois dans son enfance et qui l’avait fortement frappé, pendant ou plutôt au début de l’anesthésie au moyen du protoxyde d’azote, et ce à deux reprises différentes.
Cela montre combien toutes les impressions qui sont venues une fois frapper notre cerveau sont indélébiles. La mémoire de conservation, comme on l’a dit déjà, a une étendue bien plus considérable que la mémoire de reproduction. Toute modification une fois apportée à notre état psychique ou même purement physiologique par le conflit de notre être avec les forces extérieures persiste indéfiniment et fait partie des caractères qui nous distinguent des autres. Rien ne saurait plus l’effacer, le présent est tout entier contenu dans le passé et le passé est irréparable.
Mentionnons enfin une variété de rêve franchement pathologique et qui n’arrive que chez les nerveux : le somnambulisme spontané ; c’est un rêve dans lequel le [p. 25] dormeur peut accomplir des actes nombreux et variés avec une intelligence et une adresse surprenantes et qui pourtant ne sont dirigés que par l’automatisme cérébral le plus parfait. C’est un état semblable que l’on peut créer par l’hypnotisme.
Ne peut-on dire aussi que l’hallucination précédant la crise d’épilepsie arrivant pendant le sommeil et dont le malade n’a aucun souvenir constitue un rêve ? Nous nous contentons d’indiquer ce point en passant sans nous y arrêter.
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Jusqu’à présent, le rêve, tel que nous l’avons rapidement décrit, s’efface sans laisser de traces. Cependant, chez les gens très impressionnables, pour peu qu’il ait été vif, il peut encore, dans la journée qui suit le réveil, laisser une marque dans l’esprit, comme l’ont éprouvé entre tant d’autres Baillarger, Balzac, Gérard de Nerval, Edgar Poë et Maury. C’est l’exagération de cette action qui fait franchir au rêve le seuil du délire ; autrement dit, le délire n’est que la continuation du rêve ou sa conséquence, dans les cas extrêmes qui aboutissent à la folie.
Depuis longtemps on s’est occupé des rapports de l’aliénation mentale et du rêve. Les anciens considéraient les songes comme des présages et le passage que nous avons cité d’Avicenne montre que cet auteur regardait le cauchemar comme l’avant-coureur de la folie.
Depuis sa création, la Société de psychologie physiologique s’occupe des songes révélateurs et le rêve de Cloquet est trop connu pour que nous y insistions. Un ouvrage récent The phantasms of the living semble apporter des preuves à l’appui de ces faits étranges. Nous n’avons pas à nous appesantir sur ce côté mystérieux des rêves. (E. Gurnay, F. Myers, F. Podmore, phantasms of the living, London, 1886.) [p. 27]
Dans l’historique de la question qui va suivre nous ne citerons que les ouvrages que nous avons consultés. Calmeil, dans son livre sur la Folie (1845, t. I, p. 7), dit : « les hallucinations peuvent… ne survenir que pendant la veille, que pendant les heures employées au sommeil, se déclarer indifféremment et lorsqu’on dort et lorsqu’on veille. » Plus loin, à la page 13 : « On ne saurait accorder trop d’attention aux hallucinations visuelles qui assiègent certains hommes pendant leur sommeil. Beaucoup de visionnaires sont demeurés convaincus et sont parvenus à persuader aux autres que les apparitions qu’ils avaient éprouvées en dormant avaient eu hors de leur cerveau une cause réelle et incontestable. » Plus loin encore (page 65) : « Quelquefois le délire continue même pendant que les aliénés sont livrés au sommeil ; des hallucinations, des idées pénibles, des fausses sensations fatigantes les poursuivent alors sous forme de rêves, etc. »
Brierre de Boismont dit que le sommeil chez les monomaniaques a toujours été un sujet d’indications précieuses, et Esquirol passait souvent des nuits à les écouter.
Levret a remarqué que certains aliénés ne déraisonnent que sur des idées spéciales qui leur sont venues en rêve. Enfin, les désordres de l’aliénation peuvent se reproduire en rêve seulement après la guérison. (Brierre de Boismont, Des Hallucinations, Paris, 1845, p. 232 et suivantes). Moreau de Tours {le Hachisch, Paris, 1845) est tout aussi explicite, p. 248 : « Les hallucinations survenant dans l’état intermédiaire à la veille et au [p. 28] sommeil, pour peu qu’elles persistent, deviennent le plus souvent continues et entraînent le délire, » et il fait allusion à un ami de Ch. Nodier qui ajoutait foi à moitié à des rêves de sa jeunesse dans lesquels il avait la merveilleuse propriété de se soutenir dans l’air. Enfin, à la page 266, il cite un cas bien curieux de délire intermittent qui ne commençait jamais que pendant le sommeil par l’état de rêve., dans les Annales médico-psychologiques (mars 1844), rapporte une observation d’un malade dont le délire à forme variable change avec ses rêves. Baillarger, dans les Annales médico-psychologiques de l’année 1845 montre que le délire peut être consécutif à des hallucinations hypnagogiques longtemps prolongées : et dans un mémoire lu à l’Académie de médecine il parle aussi du rêve sous ce rapport. Macario (Annales médico-psychologiques, 1846 et 1847) dans un mémoire sur les rêves en général, attire aussi l’attention des médecins aliénistes sur ce point. Mais tout l’article est conçu dans un esprit mystique, et il rapporte, outre des observations de rêves, des cas curieux de pressentiments et de prédictions (entre autres celui de Cazotte), que l’on nous permettra peut-être de trouver insuffisamment contrôlés.
Falret père {Leçons cliniques de médecine mentale, Paris, 1854) cite (p. 120), plusieurs cas où le rêve a précédé l’aliénation ou l’a reproduite une fois guérie. Moreau de Tours publie en 1855 un article très important où il conclut à l’identité psychologique de l’état de rêve et de la folie.
Forbes Winslow, dans son livre Obscure Diseases of [p. 29] the Brain and Mind (London, 3e édition, 1863), cite Hamilton et Dugald Stewart à propos du rêve et de l’aliénation et de leurs relations et donne, surtout d’après les auteurs français, des observations qui se rapportent à notre sujet. Marcé fait de même, ainsi que Morel, quoique ce dernier trouve qu’on a trop exagéré l’importance de la comparaison entre le rêve et la folie.
Ainsi donc, dans tous ces auteurs, le fait que notre travail est destiné à mettre en relief est nettement indiqué, et cependant il ne paraît pas avoir attiré l’attention du public médical. En effet, Faure, en 1876, publie dans les Archives de médecine, un Mémoire très intéressant fournissant de nombreuses observations prises par lui au dépôt de la préfecture, dans lequel il dit précisément que, si le fait a été mentionné, il n’a été l’objet d’aucun travail particulier.
Les livres classiques ne font mention que d’une manière incidente du début possible de l’aliénation par le rêve (Ball, Tuke and Bucknill, Schüle, Krafft-Ebing, Sankey, etc.).
Lasègue en 1881, publie un important mémoire : « le délire alcoolique n’est pas un délire, mais un rêve », qui fait suite à ses travaux sur l’alcoolisme subaigu publiés antérieurement. Richter (aus Pankow) publie un cas de rêve prolongé qui est l’objet d’une discussion à la Société de Berlin, Berliner Gesellschaft fur Psychiatrie und Nervenkrankheiten. (Sitzung vom 12 décember 1881),
(Arch. f. Psychiatrie und Nervenkr. Bd. XIII, 1882. S. 292.) M. le Pr Ball a attiré l’attention sur les rêves prolongés, dans des leçons publiées récemment. Enfin le Dr Féré [p. 30] dans Médecine d’imagination (Progrès médical, 1884 et 1886) et dans une communication à la Société de Biologie (Comptes rendus de la Soc. de Bio, 26 nov. 1886 n° 41) a de nouveau touché ce sujet.
Que résulte-t-il, en somme, de tous ces travaux ? Tous les auteurs que nous venons de citer immédiatement et à propos du rêve physiologique et bien d’autres encore, tous ceux, en un mot, qui se sont occupés du rêve, ont toujours établi un parallèle entre cet état qu’on peut appeler physiologique et l’état anormal qui constitue l’aliénation. Il y a plusieurs questions à résoudre à ce propos, qui n’ont pas été distinguées les unes des autres. Comparer le rêve et la folie, c’est comparer les éléments de l’un et de l’autre, le groupement et l’évolution successive de ces éléments, enfin chercher à reconnaître si l’un peut être la suite de l’autre et pourquoi. Or, la folie se compose, d’une manière très générale, au point de vue purement fonctionnel et psychologique, de manifestations dites intellectuelles anormales, les conceptions délirantes, les hallucinations, les illusions, de manifestations délirantes des sentiments et des affections, des instincts, des actes et de la volonté.
L’analyse que nous avons faite plus haut des éléments du rêve montre que ceux-ci sont identiques ou à peu près.
Ainsi donc, on peut admettre d’une façon très générale que les parties constitutives sont les mêmes. Mais c’est dans le groupement de ces unités, dans la prédominance de telle ou telle d’entre elles et enfin dans l’ordre de leur succession que gît une différence qui peut devenir très grande. Le rêve dit physiologique [p. 31] peut ne ressembler qu’à une sorte de folie, le délire alcoolique par exemple, si bien que Lasègue a pu dire que le délire alcoolique était un rêve, s’appuyant sur la prédominance des hallucinations visuelles muettes, se succédant avec une mobilité de tableaux de lanterne magique. Mais y a-t-il vraiment ressemblance entre le songe et le délire des persécutés, où les hallucinations de l’ouïe prédominent ? Évidemment non, et cependant il peut y avoir des songes accompagnés de cette sorte d’hallucination, quoique Lasègue affirme que le songe naturel soit toujours muet ; et en tout cas quand il ne l’est réellement pas, il est très court. Les hallucinations visuelles ont dans le rêve une intensité qui n’arrive que rarement à ce degré dans la folie, disent les auteurs ; enfin, les hallucinations des autres sens, si fréquentes chez le fou, ne se montrent qu’exceptionnellement en rêve (Lasègue), sinon dans les hallucinations hypnagogiques qui sont déjà un phénomène pathologique. Nous serions donc tentés de conclure différemment de Moreau de Tours, et de dire qu’il y a seulement une ressemblance entre la folie et le rêve. Le délire intellectuel, avec son cortège d’hallucinations, de troubles de la sensibilité et de la volonté, est la traduction psychique de l’état de l’aliéné ; le rêve est la traduction psychique de l’état de l’homme endormi. L’étude peut-être un peu trop longue sur le côté pathologique du rêve, que nous avons faite au commencement de ce travail, nous montre que c’est le fond même de notre être qui retentit sur nos manifestations psychiques. Dans la folie, ce fond est altéré d’une façon durable et sérieuse, dans le rêve c’est [p. 32] une modification passagère. Aussi ces deux états peuvent se ressembler autant qu’on veut ; ils ne sont pas identiques, tant qu’on prend pour terme de comparaison un homme aliéné qui délire et un homme sain qui rêve.
Il n’en est pas de même si le rêveur est un fou : Il se peut que son rêve soit identique à son délire. La cause de l’un est la cause de l’autre. Dans ce cas, l’un est la continuation de l’autre, et le délire peut débuter en rêve. Il est possible que cela n’ait lieu que dans certaines formes et chez certaines personnes.
Le délire fébrile ne commence-t-il pas aussi de même ? On peut d’ailleurs se rendre compte que le sommeil puisse faciliter l’éclosion de l’idée folle, car dans le sommeil comme dans le délire, l’esprit se trouve physiologiquement ou pathologiquement soustrait au contrôle qu’il exerce sur lui-même à l’état de veille ou de santé. On comprend que l’hallucination s’impose plus facilement au dormeur ; mais pour qu’elle persiste et qu’elle évolue, il faut que ce dormeur soit fou ou sur le point de le devenir.
Krafft-Ebing ajoute que ce mode de production du délire a lieu surtout dans les cas d’affaiblissement psychique, tel que la démence sénile par exemple. On le rencontre aussi dans d’autres circonstances comme nous le verrons plus loin.
Ce n’est pas à dire pour cela que l’aliéné ne puisse pas rêver en dehors de son délire, et Lasègue affirme très positivement que le sommeil est suspensif du délire dune façon générale, car il y a des exceptions [p. 33] nombreuses, croyons-nous. Un rêve qui serait indépendant du délire, se produisant avant ou après l’éclosion de celui-ci, pourrait-il jouer le rôle de cause et produire le développement de ce délire ou enfin avoir une action sur lui ? La question ainsi posée nous semble extrêmement difficile à résoudre, car il faudrait bien prouver d’abord que le rêve n’est pas de la même nature que le délire : que ce rêve n’est pas fou, est normal pour ainsi dire, de même qu’en dehors du délire des pensées justes et saines peuvent se produire et enfin qu’il y a action de l’un sur l’autre. Cela revient au fond à cette question plus générale : quel rapport y a-t-il entre les phénomènes délirants et les phénomènes normaux qui peuvent coexister dans l’esprit de l’aliéné ? Nous laissons de côté ce problème de psychologie pathologique auquel on est loin d’avoir répondu et que les recherches au moyen de l’hypnotisme éclaireront peut-être un jour (voir Binet et Féré).
Pour le moment, nous devons nous borner à dire : 1° il y a des délires qui ressemblent à des rêves ordinaires ; 2° le rêve peut précéder le délire ou en être le point de départ ou le début ; il peut le continuer une fois établi, ou le reproduire après sa fin ou être le signe d’un changement dans la forme des manifestations maladives ; il peut être le présage de la guérison ou n’avoir aucun rapport avec le délire (Lasègue, Études Médicales, p. 208, t. II).
Les délires qui ressemblent à des rêves et que l’on peut appeler des rêves prolongés ont aussi ce caractère de débuter pendant le sommeil ; mais cela ne paraît pas [p. 34] constant ; car le Pr Ball, dans une de ses leçons, cite un cas de ce genre sans mentionner le début pendant le sommeil. (En outre, le délire épileptique qui ressemble quelquefois à un rêve, n’est pas signalé par les auteurs comme ayant cette origine.) Ils se rencontrent ordinairement dans les intoxications et surtout dans l’alcoolisme. Nous n’avons pas l’intention de refaire ici l’étude si célèbre du Pr Lasègue, n’étudiant pas le délire pour lui-même, mais seulement la participation du rêve à son évolution. Indiquer d’une façon précise les formes du délire qui peuvent débuter par un rêve est impossible actuellement, car il faudrait d’abord qu’une bonne classification de la folie fût établie et ensuite que les observateurs eussent leur attention tournée sur ce point spécial afin de pouvoir examiner et comparer des cas nombreux. Il est même possible que ce début soit constant et passe inaperçu et du malade et du médecin ; quoi qu’il en soit, pour fixer les idées, nous reproduisons plus loin un certain nombre d’observations prises dans les auteurs ou personnelles qui éclaireront mieux qu’une description le rôle que joue le rêve chez les différents malades. Ajoutons enfin que, dans bien des cas, ce rêve ne ressemble pas forcément à un rêve ordinaire ; il peut ne consister que, dans une hallucination quelconque isolée ou se présenter avec une forme aussi éloignée que possible de celle du songe (qui habituellement, comme nous l’avons dit et redit d’après Maudsley et Lasègue, figure une sorte de petit drame à changements à vue brusques et inopinés. Il est vrai qu’on peut se demander si cette hallucination isolée n’est pas un fragment d’un songe [p. 35] plus étendu, et qui n’a pas laisse d’impression. Cette hallucination peut aussi arriver au commencement du repos nocturne et être hypnagogique. Enfin, il y a des cas de rêves morbides à répétition fréquente qui peut- être constituent tout le délire, de même que quelquefois le délire alcoolique peut se borner à apparaître pendant le sommeil.
Observation I.
Répétition d’un rêve à forme spéciale.
Moreau, de Tours, Du Haschich et de l’aliénation, Paris, 1845,
- 254, empruntée à Ch. Nodier. (Abrégée.)
« Il y a vingt-quatre ans, dit Nodier, que je voyageais en Bavière avec un jeune peintre italien dont j’avais fait la rencontre à Munich. Sa société convenait à mon caractère… »
Il avait perdu quelque temps auparavant une femme qu’il aimait, dans des circonstances terribles : « Le pain leur manquait depuis deux jours quand ils découvrirent un trou de roche où se cacher et il lui sembla qu’elle lui disait : « mange-moi si tu as faim », mais il avait perdu connaissance et quand il revint à lui, il la trouva morte. À partir de ce moment, il rêvait toutes les nuits qu’il déterrait son cadavre pour le manger et il en éprouvait une impression terrible. »
On ne dit pas si ce jeune peintre devint aliéné ou non plus tard.
On sait depuis longtemps que la manie et la mélancolie peuvent être précédées par des rêves qui revêtent le caractère d’expansion ou de dépression caractéristique de chacune de ces formes d’aliénation. Mais, phénomène plus curieux, l’accès de mélancolie peut être annoncé [p. 36] d’avance par un rêve où le malade se voit lui-même mélancolique. Dans le fait que nous citons plus loin, la fin de l’accès était également annoncée par un rêve de guérison. L’explication qu’en tire Maudsley est ingénieuse :
Observation II.
Maudsley, Pathologie de l’esprit, trad. française, 1883, p, 46).
Mélancolie par accès.
« Je fus un jour consulté par une dame qui avait eu plusieurs accès de mélancolie dont chacun avait duré environ quatre mois. Ils avaient été séparés par de longs intervalles de santé et de gaieté durant lesquels elle différait complètement de ce qu’elle était pendant sa maladie. Le fait remarquable de son cas, c’est qu’invariablement avant chaque accès elle rêvait qu’elle était malade de cet accès et que lorsque l’accès était sur le point de finir, elle rêvait qu’elle revenait à la santé, qu’elle était gaie et bien portante. Ces présages étaient si certains qu’ils n’ont jamais manqué de se produire et ne l’ont jamais trompée. Et cependant elle ne se sentait pas plus gaie immédiatement après sa guérison (?) et elle n’avait pas plus de forces ; au contraire, pendant les deux ou trois jours qui précédaient la lin de l’attaque, elle se sentait plus malheureuse que jamais, elle était plus irritable, de sorte qu’elle avait une tendance à tout briser ; et immédiatement après elle était épuisée, faible et incapable de tout exercice. Avant l’accès, elle présentait toujours les mêmes symptômes de troubles digestifs, et aucun traitement, malgré de nombreuses tentatives, n’avait pu les soulager ; la langue était rouge ; la malade prenait peu ou point de nourriture et avait une diarrhée incoercible. Ces symptômes, sans aucun doute, dépendaient d’une affection primitive du grand sympathique, [p. 37] que suivaient rapidement des troubles cérébraux ; et il parait certain que pendant le sommeil le cerveau sentait les troubles sympathiques, si bien que les rêves permettaient de prévoir le malheur imminent avant que la malade en eût conscience à l’état de veille, de même qu’ils faisaient prévoir la guérison.
Il serait intéressant de savoir, et Maudsley ne le dit pas, si la première attaque de mélancolie a été elle aussi annoncée par ce rêve préliminaire ; il est supposable que s’il y en a eu un, il a été différent des autres par une nuance, la malade rêvant mélancoliquement la première fois et les autres fois qu’elle est mélancolique. Mais n’insistons pas sur une distinction qui n’est pas d’une grande importance.
Le Dr Ritti dans son livre sur la Folie à double forme (Paris, 1883), signale après M. Falret et Krafft-Ebing ce fait que, dans certains cas assez fréquents, la transition entre l’accès maniaque et la mélancolie est brusque. « Elle se produit d’ordinaire pendant le sommeil ; dans l’espace d’une nuit un changement complet s’opère. Ainsi, le malade qui s’est couché mélancolique ou maniaque, se réveille maniaque ou mélancolique. Cela s’observe surtout lorsque les accès sont courts, qu’ils n’ont qu’une durée de quelques jours, quinze jours, trois semaines, un mois au plus. » (p. 179). Mais du rêve, pas un mot.
Voici un exemple qui nous est fourni par notre excellent collègue et ami Sollier, dans lequel les accès débutent en rêve ; ce qui arrive probablement chaque fois que [p. 38] le changement a lieu pendant la nuit ; de plus ces accès sont ici de longue durée.
Observation III.
(Prise par M. Sollier dans le service du Dr Falret,
à la Salpêtrière.)
Folie circulaire.
B…, âgée actuellement de 22 ans, entrée en 1880 dans le service du Dr Legrand du Saulle. — Les certificats qui la concernent portent : débilité mentale, arrêt de développement physique et intellectuel, incapacité de se conduire, jamais d’attaque. Depuis cette époque elle s’est cependant développée physiquement et a pu acquérir une certaine éducation intellectuelle.
Par moments, elle était prise d’accès de dépression ou d’excitation, se succédant à intervalles assez rapprochés, et qui la firent transférer, en 1882, dans le service du Dr Falret.
Là elle s’est montrée comme atteinte manifestement de folie circulaire. Les accès soit de dépression, soit d’excitation, sont maintenant de très longue durée, de cinq à six mois. La période de dépression ne présente rien de bien remarquable, et se signale plutôt par le contraste frappant quelle offre avec la période d’excitation qui se caractérise par des chants continuels, un grand besoin d’aller et de venir et du désordre dans la tenue.
On constate une diminution de la sensibilité dans toute la moitié gauche du corps, jointe au stigmate irien de Féré. On n’a pu rechercher les autres stigmates hystériques qu’elle pourrait présenter, et elle n’a d’ailleurs jamais eu d’attaques. [p. 39]
Les accès surviennent brusquement la nuit vers une ou deux heures, comme d’ailleurs chez un grand nombre de circulaires. La première manifestation du nouvel état dans lequel elle entre est en général un rêve. D’après ce qu’elle raconte elle même, dans le cas où elle passe de l’excitation à la dépression, c’est ordinairement de la mort de son père qu’elle rêve. Elle se réveille alors au milieu de son cauchemar, sous l’influence de cette idée attristante et tombe dans l’abattement à partir de ce moment.
Si au contraire elle passe de la dépression à l’excitation, c’est encore un rêve qui en marque le début. Mais cette fois-ci le rêve est gai et l’objet en est variable. Il paraît en rapport avec les circonstances momentanées et ne présente pas le caractère d’uniformité qu’il offre dans le premier cas.
Le rêve peut faire une telle impression que le malade agisse sous l’empire de cette préoccupation, quoiqu’il ait pleine conscience que ce n’est qu’un rêve : cela doit arriver principalement chez les fous avec conscience, les dégénérés de Morel, et alors il peut arriver tous les degrés depuis la conscience absolue du rêve jusqu’à l’inconscience, c’est-à-dire la croyance à la réalité objective des faits présentés ainsi à l’esprit. [p. 40]
Observation IV (personnelle, abrégée).
Madame B…, 51 ans. Consultation externe de la Salpêtrière de M. le Dr J. Voisin, notre excellent maître.
Père ni nerveux ni alcoolique. Rien du côté de ses parents. Mère morte à 69 ans. Rhumatisante et très nerveuse. Grand- père maternel alcoolique et coureur ; grand’mère apoplectique ; un frère (pas de renseignements).
Pas de convulsions dans l’enfance. Terreurs nocturnes. Peu d’instruction. Réglée à 15 ans. Craintive et triste. Mariée à 18 ans. Un enfant mort de la méningite à 4 ans ; cinq ans après, une fille nerveuse qui a quatre enfants tous nerveux et rageurs.
Son mari alcoolique, querelleur, la bat quelquefois. Toujours triste et le lendemain de ses querelles idées de suicide sans jamais avoir été suivies d’exécution. Depuis quatre ans environ, craintes de faire mal aux autres et à elle-même, à son petit-fils. Craintes de se jeter par la fenêtre. Malaise et angoisse dans les grandes foules ; pas d’agoraphobie. Crainte de devenir folle. Palpitations. Tremblements. Alternatives de bouffées de chaleur avec sueur, et de frissonnements avec sensation de froid intense. Les récits d’accidents et de crimes dans les petits journaux l’impressionnent vivement. Sommeil agité. Hallucinations hypnagogiques désagréables (fantômes) dont elle a conscience. Quand elle rêve de brigands ou de voleurs, le lendemain elle s’assure bien si toutes les portes sont fermées et se barricade, et n’est pas tranquille de la journée.
Douleurs de tête en casque ; douleurs variées et mobiles par tout le corps ; fourmillements ; fatigue rapide des yeux et de la tête après un travail un peu long. Pas de craquements dans le cou.
Ni anesthésie ni ovarie. Un peu d’asymétrie faciale. L’iris gauche un peu plus foncé que le droit. Pas d’autre stigmate hystérique, ni boule, ni convulsions. [p. 41]
Cette femme n’ajoutait pas foi à son rêve ; c’est un commencement ; Carpenter rapporte l’observation d’une dame chez qui les souvenirs du rêve avaient une telle vivacité et se mêlaient si bien aux choses réelles, qu’elle n’osait affirmer un fait quelconque craignant de l’avoir rêvé.
Voici maintenant un degré plus avancé :
Observation V.
(Faure, Rêves morbides, p. 555).
X…, 15 ans, garçon de magasin, fortement constitué, d’une vie régulière.
Le 11 juillet, à son réveil, agitation extrême, fièvre, sueur abondante, anxiété, malaise très prononcé.
Il profite d’une absence de sa femme pour me dire qu’il lui est arrivé un grand malheur : toutes leurs économies sont perdues, ils vont être ruinés.
La veille, en conduisant un baquet chargé de marchandises, il s’est pris de querelle dans la rue Saint-Louis avec un cocher. Dans la bagarre, son haquet a brisé la devanture d’un miroitier et tout ce qu’il y avait dans la boutique. On a pris son numéro, on fera payer les dégâts à son patron, celui-ci aura recours contre lui, il y en aura bien pour six ou sept mille francs, c’est tout ce qu’il possède. Sa femme ne sait rien encore, il n’ose pas le dire, il est horriblement tourmenté.
Il racontait d’ailleurs l’événement avec une grande ponctualité et se voyait encore serré au cou par son adversaire qui l’avait frappé si violemment qu’il en avait perdu connaissance et qu’on avait dû le porter chez un marchand de vin voisin pour lui donner des soins. Il dépeignait la localité dans les moindres détails : on voyait le marchand de vins, le [p. 42] miroitier, le haquet s’agitant au milieu des glaces dont les morceaux s’effondraient les uns sur les autres, etc., etc.
Sa femme, de son côté, m’affirma qu’il était dans son état ordinaire en rentrant la veille, qu’il avait fait ses affaires, passé la soirée à la maison, s’était mis au lit sans aucune apparence d’une préoccupation douloureuse.
Trois jours entiers, il vécut dans cet état, tremblant de voir entrer son patron furieux, revenant sans cesse sur cet accident dont les détails s’étaient fixés dans son esprit de manière à ne jamais se contredire, tourmenté, n’ayant pas un seul instant de repos.
On le conduisit sur le lieu présumé du désastre, il reconnut tout, le marchand de vin, le miroitier, tels qu’il les avait dépeints ; on lui prouva que rien de ce qu’il disait n’était vrai, qu’il n’y avait eu aucun dégât, on fit tout pour le rassurer. Il parut ébranlé un moment, mais le soir sa conviction délirante avait repris le dessus.
Ce n’est que quelques jours après qu’il se rendit vraiment compte qu’il avait fait un rêve, et il en rapporta alors tous les détails tels qu’il les avaient donnés dans le premier moment.
Toutefois, pendant un mois on le vit presque chaque jour revenir à son idée fausse. II s’asseyait alors en proie au plus grand découragement, pleurant, et malgré tout ce que sa femme et ses amis pouvaient faire, répétait : Nous sommes perdus, nous sommes perdus.
Faure ajoute qu’en 1870 le rêve persistait encore de temps à autre.
Observation VI (Faure).
W… vient un matin à six heures, prier un de ses amis de l’assister dans un duel. La veille dans un bal, il a, dit-il, donné un soufflet à un homme à propos d’une femme. Le rendez-vous est pris pour 8 heures du matin du côté d’Issy. [p. 43] Cet événement, absolument contraire au caractère de W…, cause un certain étonnement ; on prend des renseignements, tout était imaginaire. Quelques jours après, il avouait qu’au lieu d’aller ce soir-là au bal, il était rentré chez lui et s’était mis au lit. Il se souvenait parfaitement d’avoir eu en rêve une querelle qui lui avait causé une profonde terreur.
Or, pendant plusieurs années, le souvenir de cette prétendue querelle s’emparait de nouveau de lui par instant, les circonstances lui revenaient précises et identiques, il se voyait menacé par celui à qui il avait donné un soufflet, lequel était un de ses amis avec qui il n’avait jamais eu la moindre difficulté, et il voulait aller sur le terrain, disant les mêmes choses, se servant des mêmes mots qu’au premier jour.
Quand il reconnaissait son erreur, il était le premier à en rire, mais dans d’autres moments il s’irritait et devenait furieux devant le moindre doute.
Observation VII (Faure), abrégée.
Pendant la guerre Mme X…, se rencontre avec un corps de l’armée ennemie, musique en tête. Elle rentre dîner comme d’habitude et se couche assez tard. Le matin, à son réveil, elle dit à son mari : « As-tu entendu, ont-ils fait un bruit toute la nuit avec leurs trompettes et leurs cors de chasse ? »
On lui affirme qu’il n’y a rien de pareil.
Elle finit par se rendre à l’évidence.
Aujourd’hui elle sait parfaitement qu’elle a été le jouet d’un rêve, mais la sensation fictive éveillée dans le sommeil ne l’a pas quittée depuis et elle a perpétuellement dans les oreilles un bruit d’instruments et de chants. Elle accompagne le morceau avec sa voix, comme s’il était absolument extérieur et réel. C’est du reste la seule anomalie qu’elle présente.
Le rêve peut aussi être le point de départ de manifestations délirantes qui dépassent le cercle des idées manifestées [p. 44] par le songe. Le rêve peut se répéter plusieurs fois, puis le délire s’établir complètement.
Dans le cas qui suit, nous avons un exemple où l’idée nocturne a eu une grande influence sur une femme atteinte de délire émotif, mais à un degré plus avancé que celle que nous avons citée plus haut.
Observation VIII (personnelle).
Hystérie. — Délire émotif (voyez Morel, Délire émotif. Arch.
gen. de méd. 1866) [En ligne sur notre site]. — Délire du toucher.
Mme B…, 34 ans, consultation externe de la Salpêtrière.
Père très nerveux, colères, cauchemars, convulsions dans le jeune âge. Mère, rien. Une tante (sœur du père) hystérique. Un cousin (le fils de cette tante), idiot à Ville-Evrard. Le grand- père maternel buvait.
La malade a eu des convulsions à quatre ans au moment d’une variole. Terreurs le soir dans l’obscurité ; cauchemars ; accès de somnambulisme spontané (?). Peu forte à l’école. Douleurs de tête qui l’abrutissaient une fois réglée (douze ans) ; à chaque époque, migraines avec vomissements. Symptômes nerveux bizarres et variés (défaillances, battements de cœur, etc., etc.), a toujours été impressionnable et craintive.
Mariée à vingt ans et demi ; 3 enfants, un mort à deux mois de diarrhée. Le dernier mort-né. Une fille de douze ans délicate, un peu craintive ; maux de tête fréquents ; de plus, stigmate iridien de Féré. La malade a déliré au premier accouchement.
Il y a quatre ans, elle commençait à être plus émotive et plus craintive, lorsqu’une nuit, elle rêve qu’elle tue son mari et sa fille avec un grand couteau. Le matin elle s’assure que ce n’est pas vrai et elle dit : « Ah ! mon Dieu ! si je les avait tués ! » À partir de ce moment elle ne peut plus voir un couteau [p. 45] sans avoir une peur atroce, angoisses, presque des défaillances si on la force à prendre l’instrument tranchant : elle a peur de faire du mal à quelqu’un, surtout à son mari et à sa fille qu’elle aime beaucoup. Jamais d’impulsion à prendre les couteaux. Dans la rue, quand elle sort avec sa fille, a peur que les militaires, bouchers, rémouleurs, etc., etc. ne fassent du mal à son enfant. Elle rêve fréquemment de couteaux ; elle s’attache la nuit les poignets de peur de se relever et de chercher un couteau.
Ses craintes se sont étendues ; n’embrasse personne de peur de mordre ; a peur de se noyer dans un bain, a peur de regarder par la fenêtre.
Elle n’aime pas toucher les plumeaux, souris, chats, etc.
Elle éprouve de l’angoisse quand elle parle à une personne antipathique : a peur de tout au total.
Hémiatrophie droite légère : iris droit plus étroit et plus foncé que l’autre.
Légère hémianesthésie droite au tact, douleur, température. Pas d’achromatopsie. Léger rétrécissement du champ visuel (?) Point hystérogène au sein droit et au sommet du crâne : a une main droite « de beurre ». Pendant qu’elle était enceinte, sorte de vertiges et pseudo-attaques.
Dans ce cas, il s’agit d’une folie avec conscience ; l’idée que le rêve a présentée à l’esprit de la malade persiste et elle ne s’accompagne pas d’impulsion, mais seulement de crainte et d’angoisse. Ces sentiments morbides se sont étendus peu à peu à d’autres objets ; le délire émotif est tout à fait constitué.
Dans les observations qui suivent, après quelques jours, le rêve donne naissance à un délire intellectuel. [p. 46]
Observation IX
Hystérie. — Rêves. — Conceptions délirantes
consécutives.
(Due à l’obligeance de M. le Dr Séglas, médecin-adjoint
de la Salpêtrière.)
Mme A…, 25 ans. Hérédité convergente, cependant pas de stigmates physiques propres aux dégénérés. Intelligence vive.
Phénomènes hystériques depuis plusieurs années. Diminution de la sensibilité du côté droit.
Souvent la malade a des périodes d’abattement, de craintes vagues, qu’elle-même reconnaît sans motif. Dans une de ces périodes, elle passe en se promenant devant une église tendue de drap de deuil avec la lettre A… Cette coïncidence d’initiales la frappe beaucoup. Dans la nuit suivante, elle entend des cloches sonner le glas funèbre et voit des corbeaux voler dans la chambre. Au réveil, elle a toute sa raison, dit que ce n’est qu’un cauchemar, un mauvais rêve. Cependant, elle reste un peu inquiète. La deuxième nuit, le même rêve se représente et comme la veille la malade au réveil reste convaincue qu’elle a été le jouet d’un rêve. Cependant elle avoue que son esprit n’a pas la tranquillité habituelle : par moments, elle paraît absorbée, mais ne délire pas. La troisième nuit, elle voit une apparition qui lui montre une bière entourée d’étoiles et lui dit : « La mort ». Le lendemain elle croit à son hallucination, dit qu’elle va mourir, qu’on va la tuer ou qu’alors il faudra qu’elle se suicide pour obéir à l’apparition : le drap de deuil de l’Eglise était bien pour elle.
Les troubles intellectuels, rapidement traités, disparurent en quelques jours. [p. 47]
Dans le cas suivant, c’est une hallucination hypnagogique qui est la cause première.
Observation X (Dr Séglas).
Dégénérescence mentale. — Émotivité. — Peurs. — Rêves. — Délire
mélancolique.
Mme B…, 32 ans environ.
Aucun renseignement sur les antécédents héréditaires ; mais l’examen physique de la malade nous montre l’existence d’une asymétrie faciale très évidente, du prognatisme supérieur, un vice de prononciation très accentué. Aucun stigmate hystérique.
Au point de vue intellectuel, la malade a toujours été très émotive, impressionnable. Sentiments religieux très développés. Bien que cette dame ait reçu une certaine instruction, le niveau mental n’est pas très élevé.
Il y a trois ans, elle fut prise de peur sans motif aucun, elle en vint à ne plus pouvoir sortir, tant le sentiment d’anxiété qu’elle éprouvait à ce moment était violent ; il n’y avait cependant ni vertiges, ni agoraphobie, mais simplement la peur, si elle sortait, de ne pouvoir rentrer chez elle. Cet état a toujours duré depuis sans s’accompagner d’aucune idée délirante ; les fonctions physiques étaient restées bonnes.
Il y a six mois, le sommeil devint moins régulier et les rêves commencèrent à apparaître ; ils reflétaient les préoccupations de la malade (peur sans motif, sentiments de dévotion), et une nuit, à cette époque, elle eut en s’endormant la vision très nette de l’enfer avec tous ses supplices. Ce rêve, dont le souvenir persista au réveil, la frappa beaucoup et fut l’origine du délire. Mais jamais, même à la période délirante, la malade n’a cru à la réalité de cette hallucination hypnagogique. Ces visions se renouvelèrent plusieurs nuits de suite [p. 48] et le délire ne tarda pas à suivre. Cherchant à interpréter ces rêves, tout en en reconnaissant l’inanité, la malade, imbue de principes religieux, en vint à les regarder comme un avertissement du ciel, comme une preuve de ce qui l’attendait, sans doute dans l’autre monde, en raison des fautes qu’elle a pu commettre dans celui-ci. De là examen méticuleux de sa vie, et quoiqu’elle fût des plus honorables, elle finit par y trouver des crimes horribles, dignes de l’enfer ; le délire était établi, revêtant une forme de mélancolie anxieuse, avec hallucinations, terreurs sans motif, idées de culpabilité, de persécution, de damnation, de suicide, erreurs de personnalité, la malade ayant fini par se croire une incarnation du diable. Refus d’aliments. Amaigrissement. Aménorrhée.
Au bout de six mois d’un traitement approprié, ce délire s’effaça graduellement.
Observation XI.
(Féré, Médecine d’imagination. Paris, 1886, p. 27.)
Mme C… appartient à une famille d’aliénés, elle a toujours eu des irrégularités de caractère. Elle a reçu une instruction littéraire et artistique assez soignée ; mais elle s’exagère considérablement sa valeur. Elle a depuis longtemps traité avec un certain mépris son mari qui se contente de fort bien mener ses affaires commerciales ; peu à peu elle s’est éloignée de lui tout en vivant sous le même toit, en union apparente. Une nuit elle réveille la maison par ses cris, elle avait eu un cauchemar dans lequel elle avait vu son mari, absent de la maison, se précipiter sur elle avec violence ; le cauchemar se répète pendant plusieurs nuits. Au retour du mari, elle ne peut plus tolérer sa présence, et au bout de peu de temps, cette répulsion s’étend successivement à son père et à tous les hommes, etc. [p. 49]
Observation XII (Féré, loco citato).
Mlle M… a 18 ans ; c’est une dégénérée bien caractérisée tant au point de vue somatique, qu’au point de vue psychique ; elle a eu des tics convulsifs, des exclamations spasmodiques, des phénomènes impulsifs divers, des accès d’excitation maniaque. À la suite d’une période de calme, elle commençait à s’attrister depuis plusieurs jours, lorsqu’une nuit elle se réveille en sursaut, elle appelle sa mère prétendant qu’on venait d’enfoncer la porte et qu’elle avait entendu marcher dans l’appartement. Toute vérification faite, on ne trouva rien d’inquiétant dans la maison ; mais Mlle M… ne peut se rendormir qu’au jour. Le lendemain, l’hallucination de l’ouïe persistait, elle avait sans cesse l’oreille tendue et regardai les portes avec défiance ; la nuit suivante le cauchemar se reproduit avec plus d’intensité ; la malade se lève affolée et se précipite à la fenêtre, A partir de ce moment, on voit se développer une forme de délire de persécution qui persiste plusieurs mois.
Observation XIII (Féré).
Mlle A… a 18 ans, elle appartient à une famille de névropathes sans caractères accentués. Elle ne présente pas d’accidents hystériques ; mais elle est très exaltée et se fait une idée tout à fait hyperbolique de sa valeur intellectuelle. Ces particularités de son caractère lui ont déjà fait commettre un certain nombre d’actes au moins déplacés. Ses fonctions organiques s’accomplissaient d’ordinaire régulièrement, son appétit était excellent. Un matin elle refuse de la viande qu’on lui présente à déjeuner et raconte que la nuit elle a rêvé qu’elle vomissait à la suite d’un repas trop copieux. Tel a été le début [p. 50] d’un accès de sitiophobie qui a duré quatre mois et a laissé après lui une anorexie nerveuse permanente. Les bizarreries de caractère se sont du reste accentuées chez cette jeune fille qui ne paraît pas avoir terminé sa carrière vésanique.
Observation XIV (Taine, de l’Intelligence, 1883. T. I, p. 119 ;
empruntée au Dr Lhomme), abrégée.
Au mois de mars 1862, le gendarme S… est de service pour une exécution capitale, il assiste à la toilette et à l’exécution : émotion très grande, tremblement nerveux. Quelques jours après, il cause avec son maréchal des logis, n’est pas d’accord avec lui, et il vint à sa pensée que son chef pourrait bien faire un rapport contre lui au ministre de la guerre. Quelques jours après il rêve qu’il est condamné à mort par ordre du ministre de la guerre, sans avoir passé en jugement. « Dans mon rêve, je me voyais tout garrotté, et l’on me poussait vers la guillotine en me roulant comme un tonneau. Je fus très vivement impressionné par ce rêve. Je le racontai à un de mes camarades qui se moqua de moi ; mais il me revenait très souvent à l’esprit. »
Le 1er, il s’enivre, arrive trop tard, est menacé d’une punition. Un peu triste. Le 3, il se sent drôle et pense à son rêve et il croit entendre dire à ses camarades qu’il va être guillotiné. Il se couche, ne dort pas et entend une voix qui lui prédit la guillotine. Le lendemain, dans la nuit, même hallucination. Le matin, il se sauve; tentative de suicide, de meurtre. Il est pris, il entend des hallucinations auditives qui menacent de le faire guillotiner. Puis le 7, il dort un peu, et recouvre la raison avec le souvenir de ce qu’il a fait. À partir de ce moment, guérison.
Voici maintenant une observation que nous empruntons au mémoire de Lasègue auquel nous renvoyons. [p. 51]
Nous donnons seulement le cas pour montrer la nature spéciale du rêve alcoolique dégénère en délire. Nous n’avons pas besoin de rappeler longuement les rêves professionnels, les cauchemars avec précipices, rats, souris, vipères, animaux silencieux glissant rapidement, accompagnés de terreurs et d’idées vagues de persécution qui indiquent l’imbibition alcoolique. Le cas suivant est un type dans son genre.
Observation XV.
(Lasègue, loco citato : p. 222, t. II.)
D…, 40 ans, arrêté dans la rue menaçant les passants, armé d’un couteau et d’un revolver. Antécédents inconnus. « Je n’ai jamais rien vu de pareil : le rat était infiltré dans l’édredon, j’ai déchiré le machin, alors je l’ai tenu. Je vais chez le voisin et je lui dis : Coupe-le. On le coupe en cinq morceaux.
« Je rentre et je trouve le pareil ; il avait mangé du jambon, il était plein.
« Je tâte dans ma poche, je le retrouve, je l’avais cogné à la porte de l’armoire, je l’ai écrasé ; je le tenais bien, j’avais deux pigeons, j’ai fait tout ce que j’ai pu, il était comme mort, je l’ai fait revenir avec ce que le médecin avait ordonné. Il avait le cou plein ; je lui ai fourré une grande épingle, il avait l’air content.
« La charbonnière en a lâché un, je tenais l’autre et le rat par la queue. Alors les deux sergents de ville vinrent ; j’ai jeté à mes poules les restes de l’autre. Il voulait y aller voir, je dis : « Voyez, j’ai chargé mon revolver ». Il dit : « Faites voir » et le met dans sa poche. Je lui dis : « Rendez-le-moi », il dit : « Vous avez rêvé » (le mot est du sergent de ville), il s’agissait du voleur et il l’a donné. » [p. 52]
Dans cette observation, Lasègue ne mentionne pas le rêve ; mais la forme du délire suffît pour l’affirmer et reconnaître un alcoolique, comme il le fait remarquer.
Le fait suivant est emprunte à Moreau de Tours (le Haschisch, etc., p. 266).
Observation XVI.
En 183… j’ai fait le voyage d’Italie avec un malade que m’avait confié mon vénéré maître M. Esquirol. Pendant toute une année qu’a duré ce voyage, je n’ai pas perdu de vue mon malade un seul jour, je dirai presque l’espace de quelques heures.
M… était atteint depuis plusieurs années d’un délire intermittent dont une excitation maniaque, parfois assez vive, des idées fixes avec caractère religieux, pensées de damnation, crainte de l’enfer, formaient les principaux symptômes. Les accès revenaient irrégulièrement tous les jours, tous les deux ou trois jours, et duraient depuis cinq ou six heures jusqu’à vingt-quatre ou trente-six heures.
C’était toujours et invariablement au moment du réveil qu’ils éclataient. Et ils étaient d’autant plus violents que le sommeil avait été plus prolongé.
Dans les jours d’intermittence, il arrivait fréquemment que M…, subissant l’influence d’une haute température et fatigué par la route, s’assoupissait à côté de moi, dans la voiture où nous voyagions. Après s’être endormi dans un parfait état de raison, M… se réveillait délirant, mais alors il était moins malade qu’aux époques marquées par l’intermittence.
Bien évidemment le délire débutait pondant le sommeil. Du sommeil le plus profond, M… passait à ou état de somnolence auquel succédait, plus ou moins rapidement, une sorte de rêvasserie. Il lui arrivait souvent alors de proférer quelques [p. 53] paroles à voix basse et presque inintelligibles, toujours dans sa langue naturelle (M. était Irlandais), jamais en français. C’étaient les préludes du réveil. Bientôt une foule de paroles incohérentes se succédaient avec rapidité, parmi elles celles-ci se faisaient souvent entendre : « My God ! My God ! thé devil here ! »
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
« Il continuait, disait-il, de rêver tant que durait l’accès. » Si je lui objectais qu’il me répondait quand je lui adressais la parole, que lui-même, de son propre mouvement, faisait des remarques sur ce qu’il voyait et qu’en conséquence je devais le croire parfaitement éveillé, etc. « C’est possible, me répondait-il, mais il me semble néanmoins que je rêve, excepté peut-être au moment même où je réponds à vos questions et où je vous adresse moi-même la parole. Ne me croyez-vous pas somnambule ? Mon frère aîné l’est bien. »
Quand Moreau de Tours retardait le sommeil, le délire était retardé d’autant. Si le malade avait pu ne pas dormir il n’aurait pas déliré.
Mais le délire qui a ainsi débuté, peut aussi être le début d’une paralysie générale.
Observation XVII (Faure, p. 558), due au Pr Potain.
M. A…, banquier espagnol, très intelligent et très sensé, dit un jour à son frère, M. B…, que depuis quelque temps il a toutes les nuits des rêves fort agréables dans lesquels il se voit faisant de grandes affaires et gagnant beaucoup d’argent. Il se réjouit de cette disposition qui lui donne dans son sommeil les joies qu’il recherche dans la vie éveillée, mais dans une proportion à laquelle il n’avait jamais pensé. Ces rêves continuent, chaque fois, avec une augmentation merveilleuse [p. 54] dans les bénéfices, qui provoque de véritables acclamations chez les deux banquiers. A…, jusque-là, était resté l’homme prudent et expérimenté par excellence ; bientôt des idées nouvelles surgissent, on lui voit une hardiesse inusitée. Il se lance avec témérité dans les entreprises, B. veut le modérer, il n’écoute rien. Bientôt il est manifeste qu’il apporte dans ses affaires ses conceptions grandioses de la nuit. On s’inquiète, on consulte, il devient indispensable de l’enfermer dans une maison de santé, et en très peu de temps il arriva au degré le plus avancé de la paralysie générale des aliénés.
Voici maintenant des cas où le rêve accompagne le délire, le répète ou change suivant les variations des idées bizarres ou hallucinatoires de la veille.
L’observation qui suit montre que le rêve peut reproduire une hallucination : c’est la simplification extrême du fait où le rêve reproduit tout ou partie des idées délirantes. C’est au fond le délire qui apparaît pendant le sommeil, comme l’avait déjà noté Esquirol.
Observation XVIII (personnelle).
D…, 23 ans. Service de M. le Dr Voisin (Jules), à la Salpêtrière. Hystéro-épilepsie et épilepsie. Stigmates. Hérédité.
Première attaque à 12 ans, à la suite d’une frayeur (vue d’un blessé à la suite d’un déraillement) ; attaques suivantes n’ont jamais été précédées de la vue de ce blessé.
Actuellement, les attaques d’épilepsie ne sont annoncées par rien. Les attaques d’hystérie sont précédées d’une hallucination : un homme se précipite sur la malade avec un couteau. Grande frayeur. Rêves fréquents de l’homme au couteau n’amenant jamais d’attaques, mais quelquefois le réveil en sursaut. Rêves voluptueux dans lesquels elle voit [p. 55] un homme imaginaire, mais toujours le même. Jamais d’autres rêves pénibles.
Cette observation, pour le dire en passant, offre une confirmation de l’assertion de Lasègue : « Le sommeil est le plus puissant des modificateurs du système nerveux, puisqu’il préserve de l’hystérie, arrête la chorée et provoque l’épilepsie. » Ajoutons cependant qu’il y a des exceptions : certaines hystériques ont des attaques la nuit.
Observation XIX (résumée).
(Moreau, loc. cit., p. 273.)
Un aliéné raconte lui-même qu’il se supposait guidé par les manifestations d’un génie.
« Toutes ces manifestations se divisaient en plusieurs classes :
« 1° Les petits songes ;
« 2° Les grands songes ;
« 3° Les petites visions ;
« 4° Les grandes visions;
« 5° Les signes de bon et de mauvais augure.
« 1° Les petits songes se manifestaient par la vue, en plein sommeil, d’un objet ou deux qui signifiaient ce que je croyais avoir à faire dans la journée qui allait suivre…
2° Les grands songes m’obsédaient dans un profond et calme sommeil. C’étaient des histoires extraordinaires, des comédies compliquées dont je cherchais, sitôt éveillé, à me rappeler toutes les parties ; et alors je croyais avoir à faire sept ou huit choses différentes, d’après les significations de tout ce que j’avais vu… », etc., etc.
Ces mêmes rêves se reproduisaient aussi dans la veille ou [p. 56] le demi-sommeil. « Ainsi donc, dit Moreau de Tours, le phénomène hallucinatoire était le même, soit que B… fût complètement endormi, soit qu’il fût en état de demi-sommeil, soit enfin qu’il fût éveillé. »
Observation XX.
Sauvet, élève de Moreau de Tours, rapporte, dans les Annales médico-psychologiques de l’année 1841 (t. III, p. 305), une observation analogue où il s’agit d’un peintre évidemment dégénéré qui est assailli par des rêves continuels qui suscitent chez lui les tendances les plus diverses. Il commet sous leur influence les actes les plus opposés et les plus absurdes. Tour à tour en proie à des impulsions érotiques ou humanitaires, il abandonnait son travail, sa femme, pour suivre les vocations qu’il se découvrait pendant la nuit, et il exécutait ponctuellement ce qu’il croyait être ainsi la vérité. D’ailleurs, en dehors de ces idées, parfaitement maître de lui, sans conceptions délirantes autres.
Faure rapporte un autre exemple d’un homme qui volait tantôt avec conscience, tantôt pas, poussé par des idées irrésistibles. Toutes les nuits des rêves se présentaient à son esprit dans lesquels il commettait les vols les plus incroyables.
Nous trouvons un cas dans Charcot et Magnan (Inversion du sens génital, Archives de Neurologie, 1882), où l’idée délirante, obsédante, dont le malade a conscience, se reproduit en rêve : nous rapportons seulement le titre de l’observation. [p. 57]
Observation XXI.
Hérédité morbide convergente. Intelligence mal équilibrée ; conformation vicieuse du crâne ; à 15 ans, obsession impulsive le portant à voler des tabliers blancs pour se masturber ; rêves de tabliers blancs ; quelquefois, couche avec le tablier blanc ; trois condamnations pour vol de tabliers blancs ; ordonnance de non-lieu pour le dernier vol. Dépression mélancolique ; tendance au suicide.
Faure rapporte une observation où l’idée fixe d’un fait imaginaire persiste au milieu des troubles les plus variés d’une maniaque en démence. Il attribue hypothétiquement la provenance de cette idée à un rêve. Cela nous semble peu prouvé dans le cas particulier, mais cela n’aurait rien d’impossible.
Nous avons montré un cas de rêve précédant et annonçant la guérison d’un accès de mélancolie. Il y a des exemples où le rêve reproduit après la guérison le délire. Dans certains cas, le délire alcoolique guérit en ne réapparaissant que dans la nuit, puis il disparaît tout à fait. Brierre de Boismont dit (p. 233) : « Un maniaque, auquel le Dr Grégory avait donné ses soins, et qui était parfaitement guéri, eut une semaine après son rétablissement, des rêves dans lesquels il fut assailli par les mêmes pensées rapides et par les mêmes passions violentes qui l’avaient agité pendant sa folie ».
Nous avons cité plus haut un fait de Séglas où le point de départ du délire est une hallucination hypnagogique ; ce point a été établi depuis longtemps déjà par [p. 58] Baillarger (Ann. méd. psychol., 1845) qui rapporte de nombreuses observations. Celle que nous avons donnée suffira, car nous n’avons pris parmi les nombreuses observations que l’on trouve dans les auteurs ou que nous pouvions recueillir nous-même, que celles qui présentent un type de chaque mode d’intervention du rêve dans l’évolution du délire. [p. 59]
IV
Y a-t-il une conclusion pratique à tirer de tous ces faits ? Nous croyons qu’il y en a une. Puisque le sommeil est une condition favorable à l’éclosion du délire, le sommeil ne pourrait-il pas aussi offrir une condition favorable à l’action thérapeutique ? On sait que dans le sommeil normal on peut suggérer un rêve et même arriver à faire exécuter certains ordres, surtout chez les névropathes. Ne pourrait-on pas provoquer ainsi une action inhibitoire sur les manifestations délirantes, action qui resterait sans effet pendant la veille ? Cela est encore plus facile dans les sommeils artificiels. Dans le sommeil dû au chloroforme, au haschich, à la morphine, on peut suggérer des rêves persistants au réveil et Moreau de Tours avait déjà eu l’idée d’employer le haschich à la guérison de la folie, en s’appuyant sur la similitude, l’identité pour lui des phénomènes de l’empoisonnement du haschich et de ceux du délire. Lasègue remarque que l’on peut agir sur l’alcoolique délirant et le soustraire à ses idées absurdes pendant un instant. On peut même lui donner des hallucinations différentes de [p. 60] celles qu’il subit spontanément; mais c’est dans le sommeil nerveux que la possibilité de recevoir des mains d’autrui un rêve fabriqué de toutes pièces est portée à son maximum. C’est donc la condition la plus favorable pour tâcher d’intervenir, soit en provoquant un rêve de sens contraire pour ainsi dire du délire, soit en procédant par des ordres donnés tendant à supprimer ce même délire. Dans l’un et l’autre cas, l’action de la représentation mentale, rêve provoqué ou ordre donné, est mystérieuse : elle agit par inhibition (V. Binet et Féré, Le Magnéiisme animal, 1887) sur les images qui constituent le délire. La possibilité de cette intervention bienfaisante est démontrée par les expériences de MM. Auguste Voisin, Séglas, Lombroso, etc. Mais le sommeil artificiel peut-il être provoqué chez tout le monde ; ne faut-il pas être hystérique pour pouvoir présenter le grand hypnotisme qui est l’état le plus favorable ? M. Bernheim, de Nancy, a particulièrement étudié les degrés les plus faibles du sommeil nerveux et les applications thérapeutiques qu’on peut faire dans cet état. La question est à l’ordre du jour et, en tous cas, certaines recherches récentes semblent faire tendre à croire que le cercle du grand hypnotisme pourrait s’étendre un jour bien au delà de ses limites actuelles. Si tout délire ne débute pas par un rêve ou n’est pas influencé par nu songe, nous croyons cependant que les cas où cela arrive sont encore plus nombreux qu’on ne le pense actuellement, car on n’est pas habitué à chercher ce point spécial. Il n’était peut-être pas sans intérêt, comme le fait remarquer le Dr Féré (Médecine de l’imagination), de rechercher le rôle [p. 61] du rêve spontané dans l’évolution du délire, quand tant de médecins s’efforcent, à l’heure présente, d’entraver cette évolution par un rêve artificiel suggéré. Dans ce cas ne pourrait-on pas dire, avec quelque raison Similia similibus curantur ?
Paris.— A. Parent, imp. de la Fac. de médec, A Davy, successeur,
52, rue Madame et rue M.-le-Prince, 14.
Quelques précisions bibliographiques par Michel Collée
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Féré Charles-Samson (1852-1907). Note sur un cas de paralysie hystérique consécutive à un rêve. In « Comptes rendus hebdomadaires des séances et mémoires de la Société de Biologie », tome troisième, huitième série, n°41, 26 novembre 1886, pp. 541-542.
Dr Féré [p. 30] dans Médecine d’imagination (Progrès médical, 1884 et 1886)
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Moreau (de Tours) Jacques-Joseph (1804-1884). Du hachisch et de l’aliénation mentale. Études psychologiques. Paris, Fortin, Masson et Cie, 1845. 1 vol. in-8°.
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Baillarger Jules-Gabriel-François (1809-1890). Fragments pour servir à l’histoire des hallucinations. Mémoire lu à la Société de médecine de Paris. Extrait de la Revue médicale, 1842, cahier de janvier. S. l. n. d. [Paris, 1843]. 1 vol. in-8°, 16 p.
Gurney Edmund (1847-1888), Myers Frederic William Henry (1843-1901) & Podmore F. ( -1910). Phantasms of the Living. London, Rooms of The Society for Psychical Research, Teubner and Co, 1886. 2 vol.
Gurney Edmund (1847-1888), Myers Frederic William Henry (1843-1901) & Podmore F. ( -1910). Phantasms of the Living. Abridge edition prepared by Mrs Henry Sidgwick. London, Kegan Paul, Trench, Tubner & Co, 1918. 1 vol.
Gurney Edmund (1847-1888), Myers Frederic William Henry (1843-1901) & Podmore F. ( -1910). Les hallucinations télépathiques, traduit et abrégé des Phantasms of the Living par L. Marillier. Avec une préface de M. Charles Richet. Quatrième édition revue. Paris, Félix Alcan, 1905. 1 vol. 15/21.5 [in-8°], XVI p., 395 p., 1 fnch., II p. Dans la « Bibliothèque de Philosophie Contemporaine ». E.O. française. Bel exemplaire.
Calmeil Louis-Florentin (1798-1895). De la folie considérée sous le point de vue pathologique, philosophique, historique et judiciaire. Depuis la renaissance des sciences en Europe jusqu’au dix-neuvième siècle ; description des grandes épidémies de délire, simple ou compliqué, qui ont attein-Paris, J.-B. Baillière-1845. 2 vol. in-8°, (VIII + 534 p.). + ( 522 p.) — Réédition : Avec un avant-propos de Michel Collée. Marseille, Jeanne Laffitte, 1982. 2 vol. 15.5/22. Dans la collection « Psychiatrie clinique ».
Brierre de Boismont Alexandre-Jacques-François (1797-1881). Des hallucinations ou Histoire raisonnée des apparitions, des visions, des songes, de l’extase, du magnétisme et du somnambulisme. Paris, Germer Baillière, 1845. 1 vol. in-8°, 2 ffnch., VIII p., 615 p.
Brierre de Boismont Alexandre-Jacques-François (1797-1881). Des hallucinations ou Histoire raisonnée des apparitions, des visions, des songes, de l’extase, du magnétisme et du somnambulisme. Seconde édition entièrement refondue, Paris, Germer Baillière, 1852. 1 vol. in-8°, 2 ffnch., XVI p., 720 p.
Brierre de Boismont Alexandre-Jacques-François (1797-1881). Des hallucinations ou histoire raisonnée des apparitions, des visions, des songes, de l’extase, des rêves, du magnétisme et du somnambulisme. Troisième édition, entièrement refondue. Paris, Germer Baillière, 1862. 1 vol. in-8°, XIV p., 719 p.
Sauvet. Annales médico-psychologiques, mars 1844
Macario, Annales médico-psychologiques, 1846 – 1847.
Baillarger, Annales médico-psychologiques, mars 1845
Falret père {Leçons cliniques de médecine mentale, Paris, 1854)
Moreau de Tours publie en 1855 un article très important où il conclut à l’identité psychologique de l’état de rêve et de la folie.
Forbes Winslow, dans son livre Obscure Diseases of [p. 29] the Brain and Mind (London, 3e édition, 1863),
En effet, Faure, en 1876, publie dans les Archives de médecine, un Mémoire
Binet Alfred (1857-1911) & Féré Charles-Samson (1852-1907). Le Magnétisme Animal, avec figures dans le texte. Paris, Félix Alcan, 1887. 1 vol. 15.5/22, 4 ffnch., 283 p., 2 ffnch. Dans la « Bibliothèque Scientifique Internationale ».
Sully James (1842-1923). Les illusions des sens et de l’esprit. Deuxième édition. Paris, Félix Alcan, 1889. 1 vol. in-8°, IV p., 2 ffnch., 264 p.
Binet Alfred (1857-1911). La psychologie du raisonnement. Recherches expérimentales sur l’hypnotisme. Cinquième édition. Paris, Félix Alcan, 1911. 1 vol. in-16, 171 p. Dans la « Bibliothèque de Philosophie Contemporaine ».
Ball Benjamin (1833-1893). Leçons sur les maladies mentales. Deuxième édition. Paris, Asselin et Houzeau, 1890. 1 vol. in-8°, XXXII + 1042 p.
Morel Bénédict-Augustin (1809-1873). Du délire émotif. Névrose du système nerveux ganglionnaire viscéral. Archives générales de médecine, (Paris), In « Archives générales de médecine, (Paris), (VIe série, tome 7), 1866, volume I, pp. 385-707. [En ligne sur notre site].
Faure Auguste. Étude sur les rêves morbides, rêves persistants. In « Archives générales de médecine », (Paris), 1876. P. 483.et tiré-à-part. in-8°, 13 p.
I found myself nodding my noggin all the way thogruh.