Les diables de Margnolles. — une maison d’hallucinés. Par J.-J. Sauvet. 1848.

SAUVETDIABLE0002J.-J. Sauvet. Les diables de Margnolles. — une maison d’hallucinés. Article parut dans les « Annales médico-psychologiques », (paris), Tome XL, 1848, pp. 265-267.

J.-J. Sauvet fut médecin des maison d’arrêt de Marseille. Nous avons retenu de ses publications:
–  Considérations sur le délire. Thèse de médecine de la faculté de Médecine de Paris; Paris, 1849. 1 vol. i-4°,
–  De l’inhalation de l’éther et de ses effets psychologiques. Expérimentation personnelles. In « Annales médico-psychologiques », 1847.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original.
 – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

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LES DIABLES DE MARGNOLLES — UNE MAISON D’HALLUCINÉES.

Il est fort heureux, en vérité, qu’on ne brûle plus les sorciers et les possédés, et que, de nos jours, on se contente de les isoler dans des maisons d’aliénés. Il y a quelques siècles, la crédulité publique aurait fait justice des accusés de Lyon, et Jeanne-Marie Auberger, la nouvelle convulsionnaire, aurait bien pu se voir brûIer vivante pour les piquantes révélations qu’elle a faites devant le tribunal de police correctionnelle de cette ville. La Gasette des Tribunaux du 8 décembre donne tous les détails de ce curieux [p. 266] procès dont nous relatons les principaux incidents. Dans le quartier de la Croix-Rousse, à Lyon, existe une maison d’éducation tenue par M. et Mlle Denis. Il y a quelque temps, des scènes étranges se sont passées dans cet établissement. On parlait, d’apparitions surnaturelles, de jeunes filles possédées du démon, et sur lesquelles on aurait constaté des marques de tortures qui leur auraient été faites par des êtres fantastiques, par les diables de Margnolles, comme disait la rumeur populaire ; mais l’instruction à laquelle la justice s’est livrée a réduit ces faits à leurs véritables proportions, et les sieurs Denis et Jeanne-Marie Auberger comparaissaient devant le tribunal sous l’inculpation d’excitation à la débauche, d’outrages aux mœurs et d’exploitation d’une maison d’éducation sans autorisation. Le tribunal entend successivement une vingtaine de témoins. La plupart sont des jeunes filles qui racontent qu’elles ont été effrayées par des bruits nocturnes, des cris, des voix qui se produisaient dans l’établissement, et, ce qu’il y a d’étonnant, c’est qu’on ait entendu des femmes et des filles douées de sens et de raison croire sérieusement à I’intervention, à la présence du malin esprit, et se figurer avoir causé avec lui. Dans une visite faite par des commissaires de police, qui ont constaté sur le corps de la fille Auberger des traces de torture, il a été prouvé que c’était cette dernière qui poussait les cris que l’on attribuait au diable. Quand un délégué des prud’hommes de la ville se présenta à mademoiselle Denis pour visiter sa maison, cette demoiselle lui répondit «  que les affaires du diable ne regardaient pas les prud’hommes, mais les prêtres. » M. le docteur Pictet, médecin de la maison Denis, fait devant te tribunal une déposition trop curieuse, au point de vue des connaissances que certains médecins possèdent en aliénation mentale, pour que nous ne la transcrivions pas telle que la publié la Gazette des Tribunaux : « Dans les premiers jours de juin, je fus appelé pour voir la fille Auberger. On me parla de choses extraordinaires ; Denis me les répéta en me disant que cela l’avait déterminé à rentrer dans la foi catholique. Je causais avec lui quand la fille Auberger arriva. Un cordon de soie lui comprimait le cou. Je coupai ce cordon et remarquai qu’il n’avait pas de nœud. C’était ensuite un morceau de fil de fer qui avait percé la prunelle dans le coin des yeux… Voyant ces faits merveilleux, et croyant à une puissance occulte, je conseillai à la demoiselle Denis de s’adresser à l’autorité ecclésiastique. Elle me répondit que l’autorité supérieure avait refusé de s’en occuper. Alors je résolus de m’adresser à la science médicale… Je ne vais pas chercher les choses extraordinaires, mais quand elles se présentent, je [p. 267] les reconnais. Ma conviction est qu’il y a là, une cause occulte et surnaturelle. » Telle est la déposition de cet estimable praticien. Quelques-uns de ses collègues, assignés devant le tribunal, trouvent les choses beaucoup plus naturelles que ne les avait vues M. le docteur Pictet, et reconnaissent que la fille Aubcrger a dû, elle seule, se faire les nombreuses blessures que diverses personnes ont trouvées sur son corps.

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De l’ensemble des débats il résulte que, dans la maison Denis, la croyance au diable était admise par tout le monde ; c’est à lui que les jeunes filles qui habitaient l’établissement attribuaient les cris qu’elles entendaient la nuit et quelquefois les attouchements qu’elles éprouvaient : que la demoiselle Denis, par ses actions et ses paroles, encourageait cette croyance, et enfin que la fille Jeanne­Marie Auberger avait habituellement des hallucinations pendant lesquelles elle poussait les cris, les hurlements qu’on attribuait aux diables de Margnolles, et qu’en proie à de véritables convulsions, elle se torturait le corps et s’implantait dans les chairs des épingles sans tète ou d’autres corps étrangers, que son médecin admettait comme ayant été introduits par une puissance surnaturelle. Voilà les faits que l’on est tout étonné de lire dans un journal en 1848 ; on croit a voir lu la description d’une scène au sabbat. Ils parlent assez d’eux-mêmes, et nous n’avons aucune réflexion à y ajouter, sinon qu’ils viennent corroborer ce que nous disions plus haut, que le jour où la police pourra pénétrer partout, les établissements d’aliénés recevront plus d’un pensionnaire nouveau. La maison de mademoiselle Denis ne peut-elle pas, je le demande, être considérée comme une maison de véritables folles, dont il serait prudent toutefois de donner la direction médicale à un autre qu’à son médecin ordinaire ?

Ce procès s’est terminé par une condamnation à 5 fr. d’amende prononcée contre Denis et sa sœur, pour tenue illégale d’un établissement d’instruction primaire. Les trois accusés sont renvoyés des autres fins de la plainte dirigée contre eux.

J.-J. SAUVET

 SAUVETDIABLE0003Haute-Savoie. – Maison hantée.

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