Dr. Ferrez. Cauchemar intermittent, congestion cérébrale. Article parut dans le « Journal de médecine et de chirurgie pratique, à l’usage des m »decins praticiens », (Paris), tome vingt-septième, deuxième série, 1856, pp. 270-272.
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ART. 5197. CAUCHEMAR INTERMITTENT ; CONGESTION CÉRÉBRALE. — M. le docteur Ferrez a publié dans la Gazette médicale de [Lyon] la curieuse observation d’un officier espagnol, qui vit se renouveler pour son propre compte le terrible épisode de la Nonne sanqlante, dans lequel un malheureux halluciné voit chaque nuit un fantôme s’approcher de son lit, sent son haleine glacée et en reçoit les embrassements. Ce qu’un écrivain célèbre a imaginé dans un roman, jadis. fameux, a réellement eu lieu chez cet officier, dont les veilles trop prolongées et les peines morales avaient surexcité la sensibilité nerveuse.
Cet homme, d’une constitution athlétique, mais d’un tempérament nerveux très-prononcé, avait vu sa fille, pour laquelle il éprouvait la plus vive tendresse, sur le point de mourir à la suite d’une hémorrhagie utérine qui se renouvela plusieurs fois et mit pendant longtemps ses jours en danger. Il passa près de quarante nuits sans sommeil. Chaque soir, à minuit, il arrivait au pied de son lit, s’y établissait, et aucune fatigue ne pouvait le distraire des soins affectueux qu’il prodiguait à sa chère malade. Enfin son dévouement fut récompensé ; les accidents se calmèrent, et sa fille fut rendue à la santé. Exténué, pâle, amaigri autant par les tortures morales que par les fatigues corporelles, il voulut alors jouir d’un repos dont il avait tant besoin, mais il lui fut impossible de se livrer au sommeil, ou s’il s’endormait, chose bien singulière, à l’heure de minuit, il était pris d’un horrible cauchemar qui le mettait dans un tel état d’agitation et de souffrance que, s’il ne fût survenu plusieurs fois une hémorrhagie nasale, il serait très-probablement mort d’apoplexie.
Ce fut en vain qu’il usa de mille moyens pour rappeler le sommeil, ou pour dissiper ces rêves qui l’obsédaient ; loin de s’affaiblir, le cauchemar qui le poursuivait semblait au contraire prendre plus d’intensité, et il survenait du reste avec constance et précision à l’heure de minuit.
Ces accidents furent encore fort aggravés par une circonstance fortuite qui donna à son cauchemar habituel un caractère plus fâcheux. La convalescence de sa fille était déclarée, et depuis longtemps déjà on n’avait plus d’inquiétude sur sa santé, mais cette jeune femme perdait ses cheveux, et son père résolut d’en arrêter la chute en lui rasant la tête, ce qu’il fit lui-même sans prévoir les tristes conséquences que cette opération aurait pour lui. En effet , la nuit suivante, à l’heure ordinaire er pendant qu’il était plongé dans un profond sommeil, un point lumineux lui apparut au fond de sa chambre, tourna rapidement cn l’entourant d’un cercle immense qui peu à peu se rétrécit, et bientôt il reconnut avec horreur que cet objet était la tête de sa fille fraîchement coupée et laissant échapper des flots de sang par la plaie du col. Il veut courir pour étancher ce sang, mais une force invincible le retient cloué sur son lit ; il veut crier, et la parole [p 271] expire sur ses lèvres ; enfin il s’éveille dans un tel état d’agitation et de douleur que, si une forte hémorrhagie nasale ne fût survenue, une attaque d’apoplexie semblait imminente.
De si vives souffrances eurent bientôt épuisé sa constitution ; le malade s’amaigrit rapidement, et son état semblait assez alarmant, lorsqu’il vint consulter M. le docteur Ferrez. Il avait, du reste, caché avec soin à sa famille les illusions dont il était victime. M. Ferrez lui conseilla au contraire d’en informer les siens, afin de trouver dans leurs soins et leur affection un remède à ses maux. Il prescrivit ensuite différents moyens propres à calmer l’agitation à laquelle il était en proie, mais la tendresse filiale devait trouver un remède plus efficace que les prescriptions du médecin. Dès que la jeune femme fut instruite des accidents qu’éprouvait son père, elle le fit surveiller attentivement pendant son sommeil, et prit soin de l’éveiller avant minuit, heure fatale à laquelle commençaient les rêves pénibles. Par cette simple précaution, on prévint le retour du-cauchemar, et peu à peu l’agitation, les maux de tête, les crampes se dissipèrent, ct le malade se trouva entièrement débarrassé de l’insomnie et des rêves qui l’avaient si cruellement obsédé.
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