Léon Daudet. La mort de Freud. Article parut dans le quotidien Action Française, 6 octobre 1939.
Léon Daudet nait à Paris le 16 novembre 1867 et meurt à Saint-Rémy-de-Provence en 1942. Ecrivain et journaliste, nationaliste clérical, il se signale notamment par ses positions anti-dreyfusardes. Il se fait remarquer dès 1894 par un roman-pamphlet contre les milieux médicaux de son époque, qu’il connaît bien pour avoir entamer des études de médecine, en particulier les milieux de la Salpêtrière autour de Jean-Martin Charcot qu’il intitule : Les morticoles. La nécrologie que nous proposons ici est largement teintée de haine et d’un manque de distance, mais surtout dépourvu de l’humour, qu’il sait dénoncer, justement chez Freud.
LA MORT DE FREUD
Le père de la psychanalyse, le docteur Freud, exilé en Angleterre ; depuis l’ Anschluss, vient de mourir à quatre-vingt deux ans. Il avait été l’élève de Charcot à la Salpêtrière, vers la même époque que le cardinal Mercier, alors externe des hôpitaux, et la rencontre du rénovateur du thomisme et fondateur de l’école de Louvain avec l’apôtre du pansexualisme «était quelque chose d’assez cocasse. Il y avait autour de la vogue de Freud, datant d’une quinzaine d’années, une grande part de battage. Paul Sollier en fit la preuve dans es fameuses leçons à l’Institut de Bruxelles, qui eurent un grand retentissement. Je m’attaquai moi-même aux « complexes » de Freud dans mon ouvrage, le rêve éveillé(1), où je soutins que l’idée de la mort, et non l’instinct génésique, commandait le personnalité humaine. Mais Freud avait formé, en Allemagne, comme en France et en Angleterre des disciples impétueux et qui ne supportaient pas la contradiction.
Il était, comme son maître Charcot, un anticatholique fanatique et un matérialiste convaincu. Il faisait ses études au moment de la doctrine des localisations cérébrales, dites Broca-Charcot, aujourd’hui écroulée à la suite des lésions cérébrales de la guerre et des travaux de Pierre Marie. C’était un homme entier et qui n’admettait pas la discussion. Il avait étendu sa thèse aux rêves, et son ouvrage sur ce point ne vaut pas celui d’Havelock Ellis où il y a au moins quelques observations curieuses. Depuis de longues années la question du rêve est au même point.
Il y avait chez Freud de fortes parties de primaire, jointes à une imagination assez vive. Par ne de ces rencontres comme il s’en produit entre la littérature et la médecine, il fut contemporain de Marcel Proust, maître de l’introspection et qui est allé aussi loin dans la synthèse des bribes éparses du subconscient. Mais il y a chez Proust un sens de l’ironie, totalement absent de Freud.
Quand à la théorie du refoulement qui, il est vrai, elle a existé de tout temps, et Montaigne l’a résumée en quelques lignes célèbres. Les sentiments que nous n’exprimons pas exercent parfois chez nous des ravages et donnent lieu, au bout d’un certain temps, à des phénomènes inattendus. Sollier attribuait les convulsions à de brusques réveils de parties du cerveau jusque là endormies et retrouvant, après une période de sommeil, leur activité. De même, dans la psychanalyse, il y a un centre d’observation juste entouré d’un tas de fariboles et d’hypothèse branlantes. Je mets bien au-dessus des travaux de Freud le livre du docteur Prinzhorn Autour de la Personnalité qui n’a malheureusement pas été traduit en français. Prinzhorn fut un esprit plus élevé et plus pénétrant que Freud.
On a fait beaucoup de bruit autour du complexe d’Œdipe – amour du jeune enfant pour sa mère – qui est la déformation malsaine du plus innocent des sentiments. J’ai, pour ma part, l’impression que dans vingt ans il ne restera presque rien de l’œuvre de Freud qu’une série de rêveries exprimées en langage pédant. Mais que reste-t-il de l’hystérie dont on n’observe aucun cas à l’heure actuelle, dans les hôpitaux ?
Léon Daudet
(1) Grasset éditeur, un volume.
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