D’Alembert et Diderot. LYCANTHROPIE. Extrait de « l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers… par Diderot et D’Alembert », (Paris), Tome neuvième, 1755, p. 771-772.
Voir aussi des mêmes auteurs l’article : incube, succube, obsession, possession démoniaque [en ligne sur notre site]
Jean le Rond D’Alembert (1717-1783). Mathématicien, physicien, philosophe et encyclopédiste. usqu’en 1759. Il collaborera comme est co-éditeur avec Denis Diderot à l’Encyclopédie qui porte leurs noms.
Quelques publications :
— Mémoire sur le calcul intégral (1739).
— Mémoire sur la réfraction des corps solides (1740).
— Traité de dynamique (1743 puis 1758).
Denis Diderot (1713-1784). Philosophe, écrivain et encyclopédiste.
Quelques publications :
— (Anonyme) De l’interprétation de la nature (1753) puis sous son nom : Pensées sur l’interprétation de la nature. 175.
— Jacques le Fataliste et son maître, paru d’abord en feuilleton dans la « Correspondance littéraire » de Melchior Grimm entre 1778 et 1780. Puis posthume en France en un volume en 1796.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les notes de bas de page ont été renvoyées en fin d’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr
[p. 771, colonne 2]
LYCANTHROPE, ou LOUP-GAROU, (Divin.) homme transformé en loup par un pouvoir magique, ou qui par maladie a les inclinations & le caractère féroce d’un loup.
Nous donnons cette définition conformément aux idées des Démonographes, qui admettent de deux sortes de lycanthropes ou de loups-garoux. Ceux de la première espèce sont, disent-ils, ceux que le diable couvre d’une peau de loup, & qu’il fait errer par les villes & les campagnes en poussant des hurlemens affreux & commettant des ravages. Ils ne les transforment pas proprement en loups, ajoutent-ils, mais ils leur en donnent seulement une forme fantastique, ou il transporte leurs corps quelque part, & substitue dans les endroits qu’ils ont coutume d’habiter & de fréquenter, une figure de loup. L’existence de ces sortes d’êtres n’est prouvée que par des histoires qui ne sont rien moins qu’avérées.
Les loups-garoux de la seconde espèce sont des hommes atrabilaires, qui s’imaginent être devenus loups par une maladie que les Mèdecins nomment en grec λυκαωνια, & λυκανθροπια, mot composé de λυκος, loup, & αντροπος, homme, Delrio, lib. II.
Voici comme le père Malebranche explique comment un homme s’imagine qu’il est loup-garou : « un homme, dit-il, par un effort déréglé de son imagination, tombe dans cette folie qu’il se croit devenir loup toutes les nuits. Ce dérèglement de son esprit ne manque pas à le disposer à faire toutes les actions que font les loups, ou qu’il a oui dire qu’ils faisoient. Il sort donc à minuit de sa maison, il court les rues, il se jette sur quelque enfant s’il en rencontre, il le mord & le maltraite, & le peuple stupide & superstitieux s’imagine qu’en effet ce fanatique devient loup, parce que ce malheureux le croit lui-même, & qu’il l’a dit en secret à quelques personnes qui n’ont pû s’en taire. [p. 772, colonne 1]
« S’il étoit facile, ajoute le même auteur, de former dans le cerveau les traces qui persuadent aux hommes qu’ils sont devenus loups, & si l’on pouvoit courir les rues, & faire tous les ravages que font ces misérables loups-garoux, sans avoir le cerveau entierement bouleversé, comme il est facile d’aller au sabbat dans son lit & sans se réveiller, ces belles histoires de transformations d’hommes en loups, ne manqueroient pas de produire leur effet comme celles qu’on fait du sabbat, & nous aurions autant de loups-garoux, que nous avons de sorciers. Voyez Sabbat.
« Mais la persuasion qu’on est transformé en loup, suppose un bouleversement de cerveau bien plus difficile à produire que celui d’un homme qui croit seulement aller au sabbat… Car afin qu’un homme s’imagine qu’il est loup, bœuf, &c. il faut tant de choses, que cela ne peut être ordinaire ; quoique ces renversemens d’esprit arrivent quelquefois, ou par une punition divine, comme l’Écriture le rapporte de Nabuchodonosor, ou par un transport naturel de mélancholie au cerveau, comme on en trouve des exemples dans les auteurs de Médecin ». Recherches de la vérité, tome premier, livre XI. chapitre VI.
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