Eugène-Emile Gley. Appréciation du temps pendant le sommeil. Extrait de la revue« L’Intermédiaire des Biologistes », (Paris),n° 10, 20 mars 1898, p. 228-229. [F.I.r.]
Cité par Freud dans l’ouvrage : La Science des rêves. 1900.
Cet article a été écrit dans le cadre d’un échange sur le temps du sommeil, avec Émile YUNG : article : Appréciation du temps pendant le sommeil. Extrait de la revue « L’Intermédiaire des biologistes », (Paris), Première année, n°4, 20 décembre 1897, p. 74. et Nicolas VASCHIDE : L’évaluation du temps pendant le sommeil et le réveil à volonté. Extrait de la revue « L’Intermédiaire des Biologistes », (Paris), première année, novembre 1897 – octobre 1898, pp. 419-420. [ces deux articles en ligne sur notre site]
Marcel Eugène Emile Gley (1857-1930). Physiologiste et endocrinologue, professeur au collège de France. Élève de Henri Beaunis à Nancy, il fur un très proche collègue de Charles Richet et avec lui a publié le Journal de physiologie et de pathologie générale.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les images, ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr
[p. 228]
Appréciation du temps pendant le sommeil.
A la question posée par le professeur Em. Yung (de Genève) je puis répondre en citant mon propre cas. Dans toutes les circonstances de ma vie, — et il m’est arrivé fréquemment de me servir de cette faculté, — j’ai pu jusqu’à présent me réveiller à l’heure que je m’étais fixée au moment de m’endormir. Je me réveille toujours au moins une demi-heure, souvent plus, avant l’heure fixée. Il en est [p. 229] ainsi, quelle qu’ait été la durée du sommeil (de 4 ou 5 à 8 heures). Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs d’adolescent, il me semble* que j’ai toujours eu cette faculté.
Il importe cependant, je crois, de remarquer que celle-ci n’a jamais été mise en jeu dans un but purement expérimental, mais seulement dans un but pratique, par nécessité, pourrait-on dire ; je me donnais l’ordre de me réveiller à une heure déterminée parce que j’y avais intérêt. L’expérience réussirait-elle, faite pour elle-même ? et réussirait-elle constamment ? ou quel serait le nombre des succès ? En d’autres termes, ne faut-il pas dans cette faculté de l’appréciation du temps pendant le sommeil distinguer deux formes : l’une dans laquelle ce phénomène est en rapport avec un désir ou une émotion, et l’autre qui serait pure de tout élément affectif et se révélerait comme étant véritablement la propriété de mesurer inconsciemment le temps ?
Quelque singulière d’ailleurs que paraisse celle-ci, elle est peut-être, quoique inégalement développée, très générale, tenant à un rythme naturel des processus psychiques élémentaires. Beaucoup d’Animaux même, qui n’ont certainement pas la notion du temps, possèdent quelque chose d’analogue. Ce disant, je ne songe pas aux observations innombrables d’Animaux très divers réclamant ou venant demander leur nourriture toujours à peu près à la même heure. Ces faits sont susceptibles d’une autre interprétation, parfaitement explicables par la périodicité des phénomènes physiologiques, tels que la faim ou simplement l’appétit. Mais il est d’autres faits qui ne peuvent guère s’expliquer que par une sorte de mesure du temps, comme l’habitude que prennent des Animaux d’espèces diverses d’attendre ou d’aller chercher leur maître à une certaine heure, toujours à peu près la même.
Sur ce « sens du temps » (ceci pour répondre, en partie seulement, il est vrai, au seul point de vue delà théorie, à la question 75 posée dans le n° 3, p. 52) on trouvera des données fort intéressantes dans deux articles de H. Nichols : (La psychologie du temps) American Journ. Of Psychology, 111, février 1891 et IV, avril 1891); Voy. aussi F. Masci: Sut senso di tempo, in-8, 53 p., Naples, 1892.
E. Gley.
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