Nicolas Vashide. L’évaluation du temps pendant le sommeil et le réveil à volonté. Extrait de la revue « L’Intermédiaire des Biologistes », (Paris), première année, novembre 1897 – octobre 1898, pp. 419-420.
Cet article a été écrit dans le cadre d’un échange avec Émile YUNG : article : Appréciation du temps pendant le sommeil. Extrait de la revue « L’Intermédiaire des biologistes », (Paris), Première année, n°4, 20 décembre 1897, p. 74. et Eugène Émile GLEY. Appréciation du temps pendant le sommeil. Extrait de la revue« L’Intermédiaire des Biologistes », (Paris),n° 10, 20 mars 1898, p. 228-229. [ces deux articles en ligne sur notre site]
Nous renvoyons pour ce qui est de la biobibliographie des auteurs à notre note en ligne :Nicolas Vaschide & Henri Piéron. Références bio-bibliographiques sur le sommeil, les songes et les rêves. Par Michel Collée. 2018.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr
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95. L’évaluation du temps pendant le sommeil et
le réveil à volonté.
Je me suis occupé de près de cette question dans un récent travail, que je viens de publier dans la « Rivista di Freniatria », vol. XXIV, fasc. I, I.898, p. 20- 43, intitulé « Influenza dell’ attenzione durante il sonno »· Dans ce travail, j’ai exposé une grande partie de mes observations et recherches que j’avais faites à ce sujet pendant assez longtemps. Mes observations et recherches ont porté sur un assez grand nombre de sujets et se composent de deux parties : la première consiste dans une très minutieuse enquête, que j’ai faite, en contrôlant un nombre considérable de fois les réponses des sujets, sur 33 personnes (23 Hommes el 10 Femmes) ; la seconde partie consiste dans des recherches purement expérimentales que j’ai faites sur moi-même et sur 15 autres personnes. Sur moi-même, j’ai poursuivi ces recherches pendant environ quatre ans —et je les poursuis encore —et j’ai obtenu 257 déterminations.
Voici les conclusions principales auxquelles je suis arrivé :
1° L’influence de l’attention et de l’évaluation du temps pendant le sommeil est un fait incontestable, de même que le réveil à volonté.
2° Les différences, par rapport à l’heure fixée d’avance, ont eu lieu, dans l’extrême majorité des cas, en avance. Un auteur russe, M. Tschilch, a remarqué aussi ce fait dans des déterminations faites sur lui-même.
3° Le réveil dépend des habitudes du sujet, de l’heure habituelle du réveil, du nombre des heures du sommeil et de beaucoup d’autres conditions concernant le milieu et le temps (saison, température, etc.) pendant lesquelles les déterminations ont lieu.
4° Les différences sont d’autant plus grandes, par rapport à l’heure fixée d’avance, que cette heure est plus tardive qu’habituellement.
5° Le sommeil pendant les nuits où l’on doit se réveiller à une heure déterminée d’avance —le sommeil attentif, comme je J’appelle —est tout à fait différent du sommeil habituel.
6° Les erreurs sont relativement plus grandes quand les déterminations se font pendant la journée.
7° Comme caractères physiques du sommeil attentif, j’ai observé chez quelques sujets une accélération sensible du cœur ; une accélération bien nette se fait remarquer une vingtaine de minutes, environ, avant le moment du réveil.
8° Les différences individuelles, quoique assez grandes, permettent de distinguer parmi les sujets trois catégories bien distinctes, d’après le moment du réveil ; les uns sentaient au moment du réveil une commotion violente, les autres se réveillaient tranquillement, ne sentant plus le besoin de dormir, et enfin d’antres, avant de se réveiller, tenaient une sorte de conversation avec eux-mêmes, s’il fallait ou non se réveiller, tout en étant à moitié endormis.
9° Il y a trois catégories de personnes : celles qui peuvent se réveiller à une [p. 420] heure fixée d’avance avec une grande facilité, celles qui s’éveillent avec beaucoup de difftculté et celles qui sont dans l’Impossibilité presque complète de se réveiller.
Comme écart en avance, je pourrais citer mon cas personnel ; en moyenne sur un très grand nombre des chiffres, il est de 6’ 21’’; j’en ai cité dans mon article plusieurs autres, pour lesquels je renvoie au numéro de la « Rivista ». cité au commencement.
En ce qui concerne l’évaluation du temps pendant la veille, question agitée par M. le professeur Yung, je possède un très grand nombre d’observations, que je pense publier prochainement. D’après mes observations, je suis porté à croire que cette évaluation est en rapport direct avec l’éducation el l’occupation des personnes. Les enfants, et j’ai rail des remarques à ce sujet sur un assez grand nombre, sont presque incapables d’apprécier et d’évaluer un laps de temps écoulé ; il faut qu’on leur apprenne à connaitre l’heure el que, petit à petit, inconsciemment, les divisions du temps s’imposent à leur vie. J’ai remarqué souvent que, parmi les enfants du même âge, ceux qui étaient plus capables d’évaluer le temps étaient précisément ceux qui allaient à l’école. Comme notre vie est presque étroitement liée aux indications de l’aiguille d’une montre, très facilement nous arrivons, bien entendu avec le temps, à lier des étals psychiques spontanément aux subdivisions de l’espace d’une Journée. Il arrive de la sorte que ceux qui étant forcés de regarder le plus la montre ou prendre garde à d’autres signes conventionnels ou climatériques, comme à la campagne, seront plus capables de s’apercevoir du temps et de l’évaluer, que d’autres, comme ceux qui sont plongés dans des recherches ou études de tout genre. La température et les changements atmosphériques interviennent aussi pour une bonne partie. Mais j’espère revenir bientôt sur ce sujet.
N. VASCHIDE.
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